L'envie de foutre le bordel, voilà tout ce que Simon Dubouillon avait chevillé à l'âme.

Après quinze ans passés dans les services comptables d'une grande multinationale dont il n'était qu'un infime rouage, il avait en effet développé une formidable aigreur envers sa hiérarchie, ses collègues, la terre entière, qu'il dissimulait sous une dégoulinante obséquiosité de façade.

Poli, servile, souriant, nul n'aurait jamais, parmi ses relations de travail, deviné les sombres profondeurs de ses pensées, mélange détonnant d'amertume, de hargne rentrée et de quasi-paranoïa, convaincu qu'il était que l'on avait sciemment barré son déroulement de carrière ("on" étant en l'occurrence un être protéiforme, dont les contours épousait peu ou prou l'ensemble du personnel de l'entreprise).

Et puis, un jour de rage fulminante, il avait laissé sa bile déborder et était passé à l'acte. Oh, n'imaginez pas quelque coup d'éclat cinglant ou quelque engueulade homérique avec ses collègues. Non, Simon Dubouillon, en bon introverti qu'il était, agit plus sournoisement que cela : constatant qu'un collègue envers qui il avait quelques griefs s'était absenté de son bureau et qu'il n'y avait personne alentours, il débrancha son ordinateur avant de rétablir le courant.

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