En Juin, ils étaient en fleurs et aujourd'hui, la récolte s'annonce prometteuse. En Juin, je plaisantais à demi, mais aujourd'hui, je me demande si il ne faut pas que je songe sérieusement à une reconversion dans les figuiers de Barbarie.

Nous avons eu une sécheresse de printemps incroyable, du jamais vu, et les céréales n'ont rien donné. Certains de mes voisins ont même estimé que la récolte ne payerait pas la moissonneuse, et ils n'ont pas appelé l'entrepreneur. La récolte moyenne dans mon quartier a été de 1 Tonne à l'hectare. Le prix de la semence traitée, certifiée, étant plus de 3 fois supérieur à celui de sa sœur destinée à la consommation humaine, cela revient, en valeur, à semer 650 kg pour en récolter 1000... Même au Moyen-Age, les serfs avec leur araire en bois faisaient plus efficace. Bon, y avait les périodes de famine. Disons que nous sortons d'une année de disette, comme en 1788, et n'en parlons plus. Sans aller jusqu'à prendre l'opéra Bastille, on va juste tous voter José Bové et nous torcher avec les rideaux de la république jusqu'à ce qu'on s'occupe un peu sérieusement de cette histoire de réchauffement de la planète qui commence à nous chauffer les oreilles.

Mais putain, ceux qui ne pensent qu'au fric et à leurs petits intérêts minables peuvent comprendre qu'il y a un paquet d'investissements les pieds dans l'eau, et que si le niveau des mers monte, va falloir de sacrément grandes bottes pour aller encaisser les bénéfices ?

L'eau, y aura toujours la même quantité d'eau sur la planète, c'est pas ça le problème. Elle va pas s'envoler dans l'espace comme les bulles de whisky du capitaine Haddock. Mais si elle est en majorité sous forme salée, l'addition aussi va être salée, quand on va vouloir la boire ? Nous autres, on boira du pinard, on se fera une tendre violence, mais les anciens alcoolos encore fragiles et les musulmans, les pauvres ?

En attendant, ici, la pluviométrie s'installe dans un statut virtuel. Oui, les vieux s'en souviennent, il existait "dans les temps" un phénomène météo appelé "pluie", une espèce d'eau humide qui mouillait en tombant du ciel, d'accord, ça me dit vaguement quelque chose, mais là, niet, kaputt, fini, a plus du tout la ... "pluie", comme vous dites, vous les gros malins.

Ici, les arbres et les plantes sont courageux, ils creusent profond pour trouver l'humidité, et ils ont la patience d'attendre le jour où la pluie viendra . Ouais, mais il faut que la pluie vienne, ya un minimum, quand même. Aujourd'hui, j'ai attaqué la récolte des amandes. Au printemps, j'avais une quantité d'amandons que je qualifiais de moyenne. La moitié n'ont pas réussi à se nourrir. Ils sont restés secs, tout plats à l'intérieur de la coquille... Deux arbres supplémentaires n'ont pas passé l'été, définitivement morts. Cinq ou six ont les feuilles rouges, n'allez pas me dire que c'est signe d'une santé de fer ? Des arbres que Margotte et moi avons planté de nos propres et douces mains, positivement mis au monde, si c'est pas un crêve-cœur, de voir ça ? Ils sont costauds, ils en veulent, nos arbres, je connais un amandier qui a poussé tout seul en haut d'un gros rocher. Patiemment, sa racine a foré la pierre jusqu'à trouver un peu de sol. Un jour en labourant, j'ai soulevé une grosse dalle de calcaire de 40 cm d'épaisseur. Un plant de luzerne avait fait son trou à travers ! Sa racine n'a pas calé, pas cherché à faire le tour, elle s'est mise à sécréter des acides de son invention et a choisi la voie la plus courte : la ligne droite jusqu'au centre de la terre.

Ils sont durs à la tâche, sobres, mais il leur faut un peu d'eau. Pas beaucoup, mais un peu, un petit peu d'H2O pour s'amuser avec leur boite de Petit Chimiste Organique. C'est trop demander, ça, merde ?

Là, je crois vraiment qu'il faut aller chercher du côté des plantes-chameaux. Celles qui stockent le peu d'eau qui tombe encore dans un réservoir vraiment fait pour, thermo-isolé, imperméable, genre cactus, plantes succulentes, figuiers de Barbarie... S'adapter ou crever. Je sens un gros con de maillon sur la grande chaîne de l'évolution qui est comme qui dirait en train de salement se fragiliser.

Et le désert avance, sans prêter l'oreille à la dure-amère chanson d'Azima