Qui ne s'est jamais exclamé, face à un spot publicitaire particulièrement lourd (pléonasme !) : "non, là, vraiment, ils nous prennent pour des cons" ? Qui n'a jamais maudit cette engeance que sont les publicitaires, ces gras manipulateurs de clichés aussi éculés que leurs pensées moisies et qui ont le culot de vouloir de se faire passer pour les créatifs d'aujourd'hui, pour ne pas dire des artistes ? Qui ne rêverait pas de tirer la chasse d'eau pour envoyer cette fiente commerciale fétide dans les égouts de la sous-pensée ? Bref, qui n'a pas légèrement les nerfs face à ce fléau moderne qu'est la publicité ?

Moderne ? Vraiment ? J'ai voulu m'en assurer et je suis aller ressortir du tiroir quelques vieux magazines de l'entre-deux-guerres... Le résultat est édifiant : les margoulins étaient déjà là. Les moyens mis en oeuvre étaient certes mille fois plus réduits qu'aujourd'hui, les techniques publicitaires étaient plus naïves et balbutiantes, mais tout était déjà là en germe !

Voyez plutôt le petit échantillon que je vous propose, tout chaud sorti de mon scanner...




Ouah ! Du thé "rationnel" ! Impressionnant !... Excusez-moi, je consulte mon dictionnaire. "Rationnel : fondé sur la raison, sur le raisonnement - qui peut être expliqué par la raison". Mmmm, un thé qui peut être expliqué par la raison : on touche d'entrée au sublime. Les publicitaires qui disent n'importe quoi et utilisent n'importe quel mot dans n'importe quel sens n'ont finalement rien inventé : les auteurs de réclames l'avaient fait bien avant eux.




Tiens, encore nos amis d'Yxa, avec un produit pour vous, Mesdames. Allez, encore une cuillerée de placenta pour raffermir vos seins ! Non ? Ce que vous êtes chochottes !...




Le sirop de Deschiens ? Hem, évidemment, les références culturelles ont un peu évolué depuis l'époque, parce que je ne suis pas convaincu qu'un tel nom serait très vendeur aujourd'hui !... Et puis un sirop à l'hémoglobine, à part chez les jeunes gothiques lookés vampires, je doute que cela puisse avoir encore un franc succès. Le seul qui apprécierait ce sirop, c'est Sarkozy : "formation de la jeunesse", ça laisse songeur !




La vieille technique de la peur de l'exclusion : "si t'as pas le bidule Machin, alors t'es ringard". Et l'esprit grégaire de l'homme étant ce qu'il est, le client se rue sur le bidule Machin. Eh bien, voilà l'ancêtre de la technique : l'intérieur n'est pas complet sans une bonne vieille machine à coudre ! Autres temps, autres moeurs : il n'y a sûrement plus beaucoup d'intérieurs complets de nos jours...




L'argument santé, voilà ce qui fait vendre ! Le yaourt qui fait du bien à l'intérieur, le plein de vitalité, les croquettes bonnes pour le poil, c'est top ! Là aussi, rien de nouveau sous le soleil : la réclame ci-dessus prouve que l'on savait déjà vendre des produits sous le sceau de la santé il y a quatre-vingts ans ! Ça fait rêver, non ? Ou cauchemarder, plutôt !




Autre argument commercial qui fait vendre : l'argument minceur. Là non plus, rien de neuf : nos grands-parents disposaient déjà de produits miracles. Une tâche de graisse sur la belle robe ? Hop, une pilule Chatelguyon-Mathivat dans la machine à laver et le tour est joué !




Pour ce qui est de l'idée de mettre en scène d'enfants dans les publicités, désolé de faire de la peine aux gros beaufs des agences de pub, mais les vrais créatifs, c'étaient leurs ancêtres de l'époque de la réclame. Voyez plutôt...




Le message du type "payez, on s'occupe de tout le reste" n'est pas plus neuf que les autres. Regardez donc cette réclame septuagénaire et dites-moi si vous n'enverriez pas rapidement une lettre pour le bien-être de votre fifille adorée, hein ?




En résumé, la publicité est la digne fille de la réclame : ça fait plus d'un siècle qu'on cherche à nous refourguer n'importe quelle sorte de merde en la faisant passer pour de l'or. Et quand je dis "merde", il s'agit d'un mot bien senti. Matez donc plutôt la pub suivante. Oui, c'est bien une publicité : à l'époque, il n'y avait apparemment aucune obligation d'apposer le terme "publi-reportage" en préambule de ce qui ressemblait à un article comme les autres !... C'est en tout cas que l'on pourrait appeler une subtile recherche de débouchés !