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jeudi 26 février 2015

BlutchGrand-père Emile, le rab

Andiamo l'ha richiesto a corpi ed a grida.**

Il y a donc une suite consécutive aux échanges de souvenirs avec mon frangin. Le début se trouve du côté de par là...


Une petite note de service à l'intention de France

Ce billet n'est pas du cru d'Andiamo, mais si c'est pour lui lancer des fleurs, j'accepte la méprise. Bisous


Une mise en garde importante

Malgré le côté « musclé » des colères du patriarche, n’allez surtout pas imaginer qu’il était violent, tout au contraire.
Il savait parler le langage de ses interlocuteurs, et c'est peut-être ce qui manque le plus dans la société actuelle.
Les flics voulaient du pognon, il leur avait donné des pains.
Les « protecteurs » de ces dames ne connaissaient que les baffes pour se faire entendre, en toute logique, il leur offrait une fantasia de phalanges.
Pour ses petits enfants, c’était un grand-père tout doux et tolérant qui apprenait à son premier "vrai" petit-fils de 5-6 ans (mon frangin était le premier à porter le patronyme) des chansons en italien qu'il chantait au bistrot, juché sur la béquille à Émile. Il alimentait ainsi sa crousille (tire-lire pour les étrangers au Pays de Vaud) avec la générosité des potes ritals du Grand-père.

Autrement, les annales familiales ne font mention que d’une colère noire contre sa femme.
Deux ans après la mort de mon père, sa jeune veuve avait fait la connaissance d’un compagnon, qui fut pour nous un bon père de substitution.
Un jour Émile s’étonne devant une de ses filles de ne plus voir sa belle-fille et ses petits fils au magasin (alors que nous y allions chaque semaine). Ma tante, qui était aussi la meilleure amie de ma mère, lui avait dit :
- « Si ta femme ne taillait pas des vestes à ta bru parce qu’elle a retrouvé un compagnon, tu les verrais toujours. »
Ce fut LA grosse colère d’Émile contre sa femme et ma tante fut chargée de dire à ma mère qu’Émile l’attendait pour lui présenter son compagnon.
Le jour dit, Émile va au bistrot pour discuter avec lui, et lorsqu’ils en ressortent, ils sont à tu et à toi, se soutenant l’un et l’autre pour avoir abusé de la dive bouteille. Mimile venait d’agrandir sa famille… Et Louise n’eut que la solution de se la coincer.


L’épisode de la fiancée

Fier comme d’Artagnan… comme Artaban, mon père se baladait dans le quartier du commerce familial (qui je le rappelle jouxtait celui des tapineuses) avec ma mère pendue à son bras.
Bon, il faut que je précise que si la famille Blutch entretenait de bonnes relations avec « ces dames qui montent », par contre, les relations ont toujours été tendues avec leurs « protecteurs ».
Et comme ces messieurs n’ont jamais compris qu’il valait mieux faire profil bas en face des Blutch (et même dans leur dos), il y avait quelques clash mémorables (l’épisode de la béquille, narrée dans la première partie, n’était pas un facteur d'amélioration de la communication non-violente dans le quartier).
Donc, mes parents se baladaient bras dessus bras dessous quand un mac va faire le malin chez le grand-père en lui disant :
- « Elle est bien roulée la poule à ton fils. »
Eh bien, croyez-moi si vous voulez, mais il n’aurait pas dû.
Mimile toujours prodigue de leçons de morale lui avait envoyé un quintet digital en aller simple et en direct au creux du menton en lui disant que c’est lui qui a des poules, mais que son fils a une fiancée…


Antoine

Sans ordre chronologique quelconque, mais dans le genre tout de même :
Après la mort de mon père, son frère Antoine avait repris le flambeau auprès du grand-père.
Il faut imaginer une camionnette déjà vieille dans les années 50 et un raidillon pas possible pour aller derrière la boutique. Un genre de truc comme les escaliers du sacré-cœur, mais sans les marches ni les barrières et à peine plus large que la camionnette.
Antoine monte le raidillon avec la pousse-poussive, et dans ce cas, mieux vaut ne pas s’arrêter pour éviter de devoir reculer jusqu’au bas de la côte pour reprendre l’élan nécessaire.
Un marlou marche dans cette ruelle et voyant la camionnette à Antoine, il ralenti son pas, juste histoire d’emmerder un Blutch.
Antoine avance jusqu’à pousser le type avec son pare-choc, pour qu’il se remue les miches. Il obtempère en se tirant sur le côté, mais il grimpe sur le marche-pied du bahut, il arrache la pipe à Antoine de sa bouche et la lui jette au visage.
André Morax** serait passé par là en ce jour, il aurait pu titrer sa pièce "les quatre doigts et le pouce (ou la main vengeresse)".
Un hématome oculaire périphérique plus tard, Émile reçoit les plaintes et menaces du mec à ses dames et il admet bien volontiers que l’asymétrie du visage n’est pas très heureuse. Il rectifie le déséquilibre en lui décorant le deuxième œil de la même façon en précisant que son fils avait eu ses raisons de le faire et qu’il ne voyait pas pourquoi il le désavouerait.
Encore un exemple qui démontre que si les proxénètes ont un certain don de persuasion avec les femmes, ils ne sont, en revanche, pas doués pour la communication verbale avec la gente masculine.


** Auteur dramatique vaudois, qui avait écrit "Les quatre doigts et le pouce (ou la main criminelle)" (satyre de pièces dramatiques et de l’esprit « vaudois »)

(Ça n’a rien à voir avec Grand-père, mais c’était la minute culturelle de Blogbo.)


Les lunettes

Grand-père Émile restaurait les objets achetés avant de les mettre en vente. Pour cela, il avait à l’étage un atelier avec quelques machines, dont une polisseuse à disques de feutre.
C’est comme une meule d’établi, mais la pierre abrasive est remplacée par un empilage de disques de feutre qui sont enduits d’une gomme.
Cette machine permet de rendre leur éclat neuf et brillant aux cuivres, laitons et bronzes ternis par l’oxydation et les salissures du temps.
Aujourd’hui, cette machine ferait hurler l’inspection du travail, mais nous sommes dans les années 50-60 et la mesure de protection la plus efficace restait d’être attentif à son travail. Je me rappelle l'avoir utilisée, et c'est ma fois pas plus dangereux que de faire de la haute voltige sans parachute.
Emilio et son fils ne pouvait pas tout faire à eux deux et les fracassés de la vie, les moitié infirmes, les chômeurs cherchaient des petits boulots pour arrondir les fins de mois. Grand-père était une aubaine pour eux (et ils en étaient aussi une pour Mimile.)
Ce n’était pas toujours des gens très assidus, ni très compétents. Dans une période de plein emploi, il y avait aussi quelques raisons pour qu’ils ne soient pas de la fête…
Un jour, il avait réuni sa polisseuse et un ouvrier journalier quelque peu distrait et dissipé. Émile travaillait tout à côté et l’ouvrier se tournait sans cesse vers lui pour causer malgré les mises en garde.
L’ouvrier eut une maladresse et la pièce qu’il polissait lui échappa des mains. Il se la prit dans la tronche et ses lunettes ne supportèrent pas le choc.

Explication assez orageuse entre deux versions de l’incident.
Version patronale : « Ça t’est arrivé parce que tu n’étais pas attentif à ce que tu faisais, c’est donc de ta faute. »
Version ouvrière : « Ça m’est arrivé parce que ta machine n’est pas aux normes (et oui, déjà à l’époque on nous faisait chier avec des normes…).
Chacun rejetant sur l’autre la charge financière du remplacement des lunettes.
Passé la colère, les esprits s’apaisent et Émile accepte de payer une nouvelle paire de lunettes à son ouvrier, admettant qu’il est en meilleure position financière pour en assumer les frais. Mais quand même, il ne faudrait pas que l’autre puisse croire qu’il a cédé.
De l’autre côté de la rue, il y a la boutique de l’opticien, celui où l’on va tout naturellement, sans imaginer qu’il puisse y en avoir une autre trois rues plus loin. La solidarité des commerçants de quartier était alors sacrée. Émile fait donc un petit mot pour le dit opticien :
« Bon pour une paire de lunettes EN FER. » dernière mention soulignée.
Ben oui quoi, faudrait pas croire que ce soit la faute à sa machine. Si les lunettes ont été cassées, c’est que c’était une merde pas solide et puis c'est tout.
Ou l’art de conjuguer le verbe : Tu as peut-être raison, mais je n’ai pas tort.


Le porte-monnaie

J’étais intrigué par le porte-monnaie du grand père. Un truc gigantesque avec le compartiment de la monnaie qui se déplie en l’ouvrant, comme les serveuses en ont dans les bistrots. Ce qui m’intriguait alors, c’était la chaîne qui le reliait au pantalon de son propriétaire.
Faut dire que tout se payait comptant et en espèces. Le porte-monnaie était donc parfois bien garni et attirait la faune qui gravitait autour de Grand-père. Une faune qui, dans la tradition ritale, partageait la vie familiale durant la relation de travail. Autant dire que parfois les tablées de midi étaient grandes.
Un jour, un des journaliers se lève de table pour aller, avait-il dit, pisser.
Mais un bruit insolite tire l’attention du patriarche qui surprend le gars avec, dans la main, la bourse qu’il avait laissée dans sa veste, au corridor. Ça non plus, il ne fallait pas le lui faire…
Connaissant l’abomination des Blutch à se faire rouler, il y a fort à parier qu’il y eut un bémol sur l’intégrité corporelle du type. Il eut, dès lors à éviter le périmètre d’influence d'Émile et c’est à dater de ce jour qu’un lien solide fut créé entre un porte-monnaie et son propriétaire. Lien qu’il garda jusqu’à la fin de sa vie.


Mais le plus beau reste pour la fin (provisoire) des souvenirs familiaux sur le patriarche.


La rixe

Ou l’histoire d’une inimitié qui dura plus de 50 ans.

Il faut tout d’abord planter le décor de base :
Nous sommes en fin 19ème siècle ou à l’aube du 20ème.
Ça se passe dans un canton catho et arrié…. Heu traditionaliste. La pédagogie à l’école attendra encore pas mal de lustres avant de pouvoir faire sa première et timide apparition.
Dans le collège fréquenté par Émile, il y a deux classes de mêmes niveaux scolaires.
A l’époque, une classe, c’est un clan et à chaque clan il faut un chef. Dans sa classe, c’est Mimile parce que c’est le plus fort et le plus courageux.
Dans l’autre classe, c’est Marcel.
A ce stade, il faut expliquer que le chef de la classe s’occupe des petits différends et problèmes que peuvent avoir les autres.
A l’époque, il n’y a qu’une façon de régler un problème : la castagne.
Cette tradition était partagée simultanément par les deux classes et fut pérenne durant tout le cursus scolaire. Émile et Marcel en venaient donc souvent aux mains et n’avaient guère d’autres moyens de communication.
Passé le temps de l’école, Émile va bosser sur des chantiers et y perd sa guibole.
De son côté, Marcel va bosser dans une menuiserie et il y perd un bras dans un accident.
Vingt ans plus tard et pendant qu’Émile turbine à son compte, Marcel trouve un emploi au journal la Tribune, où il s’occupe des commerçants qui assurent la vente au numéro.
Dans son magasin, Émile se dit que si les petits ruisseaux ne font pas forcément les grandes rivières, il ne sont pas à dédaigner en période de soif et il postule pour être dépositaire de la Tribune.
C’est Marcel qui arrive pour discuter…
Bon, disons que discuter n’est pas le terme le plus approprié, puisqu’il entre en matière en se foutant de la gueule à Émile, rapport au fait qu’il a besoin de vendre le journal pour boucler ses fins de mois.
Le béquillard et le manchot en viennent donc tout naturellement aux mains et très rapidement roulent à terre, bousculant les étagères de la boutique du Grand-père.
Une presse en bois s’évade du tablard qui lui était dévolu et tente, selon la loi de Newton, de rejoindre le plancher de vaches par le plus court chemin. Cet incident mineur arrive juste dans la phase où Marcel se trouve dessus Émile. Il a le bon goût d’offrir sa tête en amortisseur pour préserver l’intégrité de la presse qui se trouve ainsi stoppée net dans son parcours suicidaire.
Fin de l’explication à deux. Marcel pisse le sang et il est groggy. Ambulance, rapport de police et gros titre à la une : « Deux infirmes en viennent aux mains, un blessé ».
Cette dernière avoinée aurait pu être le point (ou poing ?) d’orgue d’une vie d’inimitié accidentelle, parce que due à leur fonction initiale de chef de classe. Mais le destin fut plus farceur.

Il y a une tradition en Suisse qui veut que les gens du même âge se retrouvent dans des sociétés de contemporains. Si les réunions hebdomadaires se passent au bistrot du coin à partager une agape, les jubilés sont l’occasion de grandes sorties qui se font parfois avec d’autres groupes pour rentabiliser les transports.
Pour fêter leurs soixante ans, la société de contemporains d’Émile s’était associée à celle où il y avait…. Marcel .
A cette époque-là, Émile est un antiquaire reconnu de la ville et Marcel avait un gros magasin de meubles neufs.
Le but du voyage en car était Florence. L’organisateur avait bien fait les choses, puisque chacun avait sa place définie dans le car. Ai-je besoin de préciser à côté de qui Émile fut installé… ?
Durant tout le trajet, ils se sont fait la gueule, ne décrochant pas un mot. Leur inimitié était si criante que personne dans le car ne pouvait l’ignorer, ce qui avait passablement plombé l’ambiance.
Arrivés à Florence, Émile et Marcel disparaissent du groupe et personne ne les revoit durant le séjour. Lorsque le car quitte Florence, c’est sans eux.
Grosse inquiétude dans le groupe, qui devient contagieuse dès que le car arrive en Suisse.
Il y eut encore deux jours d’angoisse avant que, chacun de son côté, ils regagnent leurs pénates respectives sans un mot d’explication à quiconque.
Leurs épouses n’eurent pas plus de justifications, mais durent tout de même avoir quelques idées puisque, chacune dans son ménage interdirent formellement à leur mari de revoir l’autre, l’accusant d’avoir détourné son cher et tendre époux de la vie sereine et vertueuse qu'elles leur imaginaient.

La somme des non-dits dans la famille laisse entrevoir ce qui s’était alors passé à Florence.
Le voyage eut lieu peu après la guerre. A cette époque, il existait encore à Florence des « Salons où l’on monte ».
Il y a fort à parier que les sexagénaires ont voulu une fois encore se mesurer, mais qu’ils ont changé de discipline sportive.
La boxe n’ayant jamais pu les départager, ils avaient probablement décidé de passer à l’escalade. Celle des monts de Vénus leur semblant mieux adaptée à leurs handicaps respectifs.
Leur disparition ayant duré environ une semaine, ça laisse supposer qu’ils faisaient encore preuve d’une forme... olympique.
Par contre, on ne saura jamais qui avait gagné cette ultime confrontation… L’omerta fut respectée et bilatérale. Mon frère avait eu l’occasion d’en parler avec le petit-fils Marcel , les faits sont confirmés avec le même constat dans chaque famille que tout ce qui est arrivé est la faute de l’autre. Chez les Marcel une même chape de plomb scelle leur ultime confrontation; mais je me plais à penser que le sang rital fut plus vigoureux que le sang helvète...

Blutch


** Andiamo l'a réclamée à corps et à cris.

dimanche 4 janvier 2015

BlutchGrand-père Emile

Je ne dénoncerai personne, mais j’en connais des qui me regardent d’un œil bizarre.

Il paraîtrait que Blutch n’est pas comme tout le monde et que lorsqu’il rouscaille, ce n’est pas seulement à l’apéro au bistrot du Père Tranquille. Ou que s’il joue les Saints-Bernard, c’est avec un tonneau de rhum comako ! Moi, j’sais pas, je me trouve normal.

Tiens, ça me rappelle une réflexion de Mouss Diouf (le flic noir de Julie Lescaut) :
- « Vous vous imaginez que les noirs en ont une grosse, mais ce n’est pas vrai…. Ce sont les blancs qui en ont une petite. »
Tout ça pour dire que la normalitude est toujours du côté de chez Swan… de chez soi.

Dans la Famille Blutch, en commençant par l’ancêtre, il y a le grand-père Emile. Il ne l’a pas fait exprès, mais il n’a pas eu le temps de s’emmerder dans sa vie.

Il débarque sur Terre vers la fin du 19ème avec un passeport qui n’est même pas du coin. Faut dire que son père avait refusé d’être bourgeois d’honneur (en raison des services rendus à la commune) dans le patelin valaisan où il habitait. « Je suis né rital, je mourrai rital. » qu’il avait dit ce loustic avant de laisser tomber la première tranche de sa descendance.
Manque de pot, Emile était dans cette première volée. Du coup il a dû se débrouiller très tôt pour ramener un peu de blé à la casa. Alors pour les diplômes et les certificats, il n’y avait même pas de quoi se rouler une clope avec.

Jeune arpète, il se fait écraser un pied dans un accident du travail. A l’époque, la chirurgie réparatrice consistait alors à greffer un sabot de bois après l’amputation du pied. Pas de chance, la gangrène s’en mêle et il y perd son tibia dans la 2ème opération. Re-gangrène et la coupe se fait à mi-cuisse au 3ème voyage sur le billard.
Emilio chope les foies, se barre de l’hosto, il noie son moignon dans de la graisse mécanique (à l’époque, du suif) et va se terrer comme un animal blessé. Il ré-apparaît guéri et commence sa vie d’indépendant, puisque personne n’engage un infirme et qu’il a eu cet accident 50 ans trop tôt pour bénéficier d’une assurance et d’une rente invalidité.
Dans la foulée de sa réinsertion individuelle, il s’accroche à une Louise fort avenante et lui fait cinq marmots.
Cordonnier dans le très catholique canton du Valais, il réparait, un dimanche, des souliers devant sa boutique lorsqu’une soutane se pointe. Pour ne pas choquer, il glisse le soulier sous son tablier et le curé lui dit : « Ne vous cachez pas Monsieur Emile, le travail est aussi une prière. » En 1920, ce n’était pas la norme dans la tolérance vaticane…
Il a tout fait grand-père au cours de ses pérégrinations : chiffonnier-ferrailleur, vendeur de glace ou de marrons chauds selon la saison (mettant en service sa progéniture pour tenir les étals au coin des rues), brocanteur, puis antiquaire.
C’est mon père qui se retrouve être son bras droit et accessoirement sa jambe manquante pour conduire le camion ou la bagnole lorsque dans les années de guerre, il se fait piquer trois fois dans la même journée pour excès de vitesse (plus de 35 km/heure…). Faut dire qu’avant les radars, la vitesse était calculée au pifochronomètre. Ce qui laisse une large place à la subjectivité du flic.
Trois amendes énormes pour l’époque. Grand-père pique la boule, il va chez le boulanger du coin acheter, au marché noir, trois pains frais de 2 kg (pendant la guerre, le pain devait avoir deux jours pour être mis en vente) . Il va au poste du quartier, pose les pains sur la banque avec les trois PV et dit au flic en poste que si la police crève de faim, il veut bien la nourrir, mais qu’il ne payera pas ces amendes. Les pains et les PV disparurent et mon père ne fut plus dénoncé pour excès de vitesse. Faut dire aussi que les colères du père Emile étaient… remarquables et il fallait d'autant moins lui marcher sur les pieds qu'il n'en avait plus qu'un.
La vie était si simple alors lorsqu'il fallait régler un différent.

Emile avait un problème. Il ne pouvait pas acheter une seule chaussure car personne n’acceptait de dépareiller une paire. Il avait eu connaissance d’un amputé, pauvre de son état qui vivait dans un asile de charité. Lors de chaque achat de godasses, il remettait dans le carton le soulier inutile et l’envoyait à cet asile tenu par des sœurs. Un jour, la mère supérieur lui écrit pour lui dire qu’il ne faut plus envoyer de souliers, car le monsieur est mort. Elle lui fait alors une confidence que le monsieur n’avait jamais osé dire : Il était amputé de la même jambe que grand-père…

Je vous ai parlé des colères d’Emile, en voici une belle.
Il avait son magasin à la limite du quartier des laborieuses du sexe (ce qui lui évitait parfois de grands déplacements).
Dans la brocante, on scelle une affaire devant un verre, enfin à l’époque d'avant les éthylotests. Sur les quatre bistrots qui cernaient son magasin, trois étaient plus ou moins dévolus au commerce de la chair. Ça resserre les liens et ça oblige aussi à des cohabitations pas toujours souhaitées. Pas que ces dames manquaient de savoir vivre, mais le travail à son compte n'était pas la règle dans ce turbin et grand-père avait une saine aversion pour les employeurs de ces dames...
Ainsi il assiste un jour à la correction d’une gagneuse par son mac, en plein bistrot.
Il interpelle le type pour lui dire d’arrêter.
Imprudemment, le mac rétorque :
- Oh toi l’infirme, ferme ta gueule.
Grand-père se lève, empoigne sa béquille comme une cognée, saute sur un pied vers le type et il lui plie sa béquille (en tube métallique SVP) sur la tête. Ben oui, faudrait voir à pas insulter les bons types, non mais des fois. L’enflure connaissait peut-être Raoul, mais pas suffisamment Mimile…
Ambulance, flics et tout le tralala
Au bilan :
- Coté marlou : deux jours de coma, une série de points de suture et des séquelles irréversibles pour son égo.
- Côté Emile : le retour dans sa boutique à cloche-pied et les félicitations du jury flicardier pour avoir donné une bonne leçon à ce salaud. C’était un temps où la poulaille savait vivre…

Emile a vécu ainsi 77 ans rythmés par son commerce six jours sur sept, et le dimanche sur son balcon à regarder sa devanture avec le gigantesque chaudron qui lui servait d’enseigne.
Puis un jour des toubibs l’entreprennent pour lui dire que sa Louise a un cancer du sein et que les pronostiques sont de l’ordre de six mois.
Ça lui a tourné la tête à Emile, il s’est fait un tel sang d’encre qu’il s’est fait péter des vaisseaux cérébraux. Ça ne s’appelait pas encore un AVC, mais c’était du même bois, sauf que les toubibs n’avaient pas encore le mode d’emploi.
C’était la première fois qu’il était malade à ne pas aller bosser. Il n’en avait pas l’habitude alors il en est mort en s’éteignant à petit feu. Perdant peu à peu ses facultés et sa mémoire. Ne reconnaissant plus personne, sauf sa belle-fille (ma mère) qu’il appelait toujours affectueusement « ma grosse toque ».

Mais Emile avait aussi des moments avec de meilleures connexions. Dans le personnel soignant, il y avait une jeune et jolie religieuse qui s’occupait de lui. Il lui faisait du rentre-dedans de première bourre.
- Vous et moi, on ferait de beaux enfants.
Elle n'a pas eu le temps de lui dire oui.
Il a finalement décaroché dix ans avant sa femme, dont le cœur avait juste un peu oublié de battre, puisque le cancer avait oublié de la tuer.
Quels cons ces toubibs, grand-père était bâti pour être centenaire…

Emile, somme toute, c’était un type... normal.

Blutch

samedi 15 décembre 2012

Tant-BourrinBrouillon de culture (13)

Vos neurones s'encrassent de nouveau d'avoir passé trop d'heures devant la télé ? Il est grand temps de vaporiser dessus un petit coup de "Brouillon de culture", la soude caustique de l'intellect !

Pour les grosses tâches nouveaux sur ce blog qui n'en ont jamais entendu parlé (si, si, il paraît que ça existe, ces choses-là !), voici de quoi aller vite vous remettre à niveau (mais vu la profondeur de leur crasse, qu'ils n'oublient pas de respecter les paliers de décompressions !) : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12.

Ce treizième numéro va vous porter chance, puisque vous allez avoir le bonheur de découvrir quatre immenses chefs-d'oeuvre de la Littérature, piochés au hasard dans mon immense bibliothèque. Allez hop, tous chez vos libraires !





Trois zobs dans un Petit Bateau (sans parler d'Lucien)- Jezobe Q. Jezobe

Contrairement à ce que pourrait laisser penser son titre, ce roman comique n'a rien à voir avec un quelconque éloge de la pédophilie. Il narre les aventures cocasses de George-Harris-Jérôme, un jeune homme qui, en raison des radiations d'une centrale nucléaire proche, est né doté de trois pénis. Le héros a d'ailleurs non sans humour baptisé chacun d'eux à partir de son prénom multiple : George, Harris et Jérôme.

Ses pérégrinations pour trouver l'âme sœur donnent lieux a de nombreuses scènes comiques (le plus généralement : une fuite de la donzelle accompagnée de cris horrifiés quand celle-ci voit le loup... ou plutôt la meute de loups).

Un jour, coup de théâtre : lors d'un examen médical, on lui découvre un quatrième pénis, passé inaperçu jusque-là car il est nécrosé. Faute de rallonge à son prénom, il décide de l'appeler Lucien, en hommage à son grand-père Popaul.

Enfin, dans un ultime rebondissement, l'histoire se termine sur un happy end : George-Harris-Jérôme finit par découvrir la plénitude sexuelle avec une boule de bowling.





L'avis devant soi - Emile Acharge

Ce roman a marqué l'histoire de la littérature française, puisque son auteur, Emile Acharge, a été récompensé du prix Con gourd, alors qu'il l'avait déjà reçu vingt ans plus tôt sous son vrai nom de Romain Tarif.

Madame Imposa, une vieille perceptrice à la retraite, a ouvert une pension pour ses jeunes confrères qui se sont mis "à penser de travers", autrement dit des agents de recouvrement des impôts victimes de nervous breakdown à force de devoir ingurgiter des palanquées de réformes fiscales (généralement, la mise en place de nouvelles niches). Totaux, un jeune percepteur ébranlé par l'avis d'imposition modèle C141-6578b revu de fond en comble par rapport au modèle C141-6578a, raconte sa vie chez Madame Imposa, qui devient pour lui une vraie mère qu'il aime de tout son cœur. Il accompagnera celle-ci jusqu'à la fin de sa vie, sans oublier toutefois de prélever 40% sur la tranche supérieure de ses économies après sa mort.





Les porte-ukulélés m'enterrent - Michel Houellechèque

Ce roman raconte les destinées croisées de deux demi-frères, issus d'une mère permissive en matière musicale, puisqu'elle fait régulièrement des bœufs impromptus proches de la cacophonie avec des musiciens de passage.

L'un des demi-frères, Michel, a une vie musicale quasi-inexistante et n'a soufflé dans une flute à bec pour la première fois qu'à l'âge de trente ans. De fait, la chose le laisse froid. La seule émotion musicale profonde qu'il est jamais eue remonte à l'époque où sa défunte grand-mère adoptive jouait pour lui de son ukulélé.

L'autre demi-frère, Bruno, est au contraire un obsédé musical qui souffle et gratte sur tout ce qui fait de la musique. Apogée de cette vie musicale minable et sans relief, Bruno fait un séjour dans un camp new solfège et y rencontre Christiane. Ils font des duos à répétition, de façon mécanique et dépourvue d'émotion. Ils se lance ensuite dans une quête musicale effrénée en participant à des bœufs forcenés avec des musiciens allemands. Mais la maladie rattrape Christiane qui perd l'usage de ses doigts. Incapable de se servir d'un manche de guitare, elle préfère se donner la mort.

La frustration de Bruno le conduit aux confins de la folie et du suicide. Pendant ce temps, son demi-frère Michel, après avoir longuement réfléchi sur l'inanité de la musique, se lance dans des travaux scientifiques qui vont révolutionner à jamais le monde de la musique : il parvient à fabriquer des clones d'ukulélés à très bas coût. Le prix des instruments sur le marché devient si bas que les musiciens en viennent à les considérer comme des instruments jetables. Les porte-ukulélés, roadies qui accompagnent les musiciens dans leur déplacements en transportant leurs instruments, se retrouvent pour le coup au chômage. Un groupe d'entre eux se vengent en fracassant le crâne de Michel avec un hélicon, puis inhument discrètement son corps dans une fosse d'orchestre.





Les femmes, ça fiente - Molle-hier

Cette pièce en cinq actes et en alexandrins est l’œuvre de Jean-Baptiste Pot-Collant, mieux connu sous le surnom de Molle-Hier (surnom qui lui avait été donné de par son habitude de consigner par le détail l'état de ses déjections chaque fois qu'il allait à la selle).

La pièce narre les fortes dissensions au sein d'une famille apparues après que la mère (Philamotte), sa belle-sœur (Brènegrise) et sa fille aînée (Arimmonde) se soient entichées d'un faux savant ambitieux (Pticrottin).

Celui-ci a été introduit dans la famille sur un malentendu (un erreur dans la rédaction d'une petite annonce) : les femmes recherchaient un guide spirituel spécialisé en eschatologie, alors que Pticrottin est Docteur honoris causa es-scatologie. Malgré cela, Pticrottin a très vite subjugué les trois femmes par ses talents hors du commun : outre sa capacité à interpréter l'air d'au clair de la lune avec ses flatulences, il est surtout capable, par un contrôle millimétrique de ses sphincters de déféquer des étrons en forme de vierge Marie.

Le reste de la famille - à savoir Chissale (le mari de Philamotte), Arpic (le frère de ce dernier) et Henptipette (la cadette des filles) - est plus circonspect et le soupçonne surtout d'en vouloir à l'argent.

Henptipette est courtisée par Chitendre, après que le jeune homme se soit détournée de sa sœur Arimmonde, lassé par sa névrose obsessionnelle pour les matières fécales. Les deux amoureux souhaiteraient se marier. Chissale et Arpic sont favorables à ce mariage, mais les trois femmes de la famille, Philamotte en tête, s'y opposent : elles veulent d'Henptipette épouse Pticrottin, pour asseoir l'alliance avec le spécialiste de l'anneau.

Heureusement, Arpic parvient à démasquer la malhonnêteté de Pticrottin : celui-ci se promenait en permanence avec des crottes de chiens fraiches dans une poche et un moule de la vierge Marie dans l'autre ; ses sphincters n'étaient donc pour rien dans l'accomplissement du prétendu miracle.

Henptipette peut donc enfin se marier avec Chitendre et devenir son ébouse. On leur jette du riz à la sortie de l'église en raison de ses vertus constipantes.