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dimanche 29 mai 2005

Tant-BourrinIggy Popaul

L'ami Saoul-Fifre, vous l'aurez finaudement deviné au travers de sa prose, est un bouseux noble représentant de la gent agreste et, si vous restez bien sagement à l'écoute de ce blog, vous saurez bientôt tout des moeurs ovines, caprines, porcines, bovines, équines, sans oublier les moeurs bibine (histoire de justifier son pseudo).

Mais tout ça, c'est crâneries et compagnie : ne croyez pas pour autant que l'urbain fin et distingué que je suis n'y entend goutte en chroniques animalières, et je vais vous le prouver sur l'heure en vous entretenant d'un sujet particulièrement grave, qui peut tous nous concerner un jour : la pilosité auriculaire chez les iguanes mutants. Ce sujet me tient particulièrement à coeur car je possède un iguane mutant domestique (il s'appelle Popaul) et suis hélas confronté à ce problème.

Mon Popaul et moi, c'est une longue histoire...

C'était il y a plus de cinq ans. Il pleuvait. Je me promenais dans les tristes allées d'un refuge S.P.A. crasseux d'une banlieue miteuse de la lugubre région parisienne, quand, tout à coup, je suis tombé en arrêt devant une cage. De l'autre côté, un doux regard mélancolique et globuleux était posé sur moi. Nous sommes restés longtemps ainsi, les yeux dans les yeux, totalement fascinés l'un par l'autre. Qui n'a jamais vu le regard plein d'amour d'un jeune iguane n'a rien vu.

Puis j'ai étendu la main au travers des barreaux et ai caressé longuement sa délicate peau verdâtre et grumeleuse. Lui fermait les yeux pour mieux goûter par chacun de ses pores le contact voluptueux de mes doigts sensuels. La pluie cessa soudain de tomber, une trouée se fit dans les nuages et le soleil vint réchauffer des mille feux de l'amour notre passion naissante. Quand je voulus retirer ma main, il essaya de la retenir de sa papatte griffue et sa petite langue fourchue s'agita désespérément, comme pour me crier : reste !... C'en était trop, les digues de mon coeur se rompirent : je fondis en larmes. Le soir même, je ramenais Popaul à la maison.

Mais venons-en à notre sujet... Popaul est un iguane ukrainien. En effet - beaucoup de gens l'ignorent - une population non-négligeable de ces charmants sauriens vivait en paix aux abords du lac Onik, près de Tchernobyl. Je dis "vivait en paix", car le terrible accident nucléaire de 1986 a énormément troublé cette quiétude : les iguanes ont subi des mutations génétiques. Celles-ci se sont traduites essentiellement par deux effets :

  • par quelque modification hormonale encore assez mal connue, les iguanes ukrainiens, animaux quelque peu farouches par essence, sont devenus particulièrement sociables, affectueux même. Ainsi, mon Popaul n'est qu'amour et tendresse, alors que les iguanes des Galapagos, qui eux n'ont pas subi de mutation génétique, sont vraiment mal embouchés. Voilà pourquoi la majorité des iguanes domestiques sont originaires des rives du lac Onik.

  • cette modification du dosage hormonal s'est également manifestée par l'apparition d'une pilosité auriculaire abondante. Popaul, comme tous les iguanes mutants, a des poils de 80 cm dans les oreilles.

Cette pseudo-chevelure, fort seyante au demeurant, devient vite le cauchemar de nos amis sauriens. En effet, très fréquemment, ils posent, en se déplaçant, leur papatte dessus, ce qui s'avère dramatique à la fois pour eux et pour leurs maîtres.

Pour nos compagnons favoris, on le conçoit aisément : ils sont surpris, déséquilibrés, et leur menton heurte le plancher. C'est d'ailleurs pourquoi la plupart des iguanes domestiques finissent par avoir un menton en galoche. Le problème est tout aussi tragique pour le possesseur de l'iguane : la tension sur les poils auriculaires est si brutale qu'elle provoque souvent un jet de cérumen ô combien dommageable pour les moquettes de nos appartements modernes.

De plus, vous imaginez bien qu'à chaque fois qu'ils marchent sur leurs poils, cela n'est pas sans douleur pour eux : ça tire sec au niveau des oreilles. La souffrance est telle qu'elle finit en général par traumatiser le pauvre animal, qui n'ose plus faire un pas et reste alors dans un état de prostration complet, ce qui peut être particulièrement gênant si votre iguane se trouve à ce moment-là aux W-C.

Les plus grands experts se sont donc penchés sur cet épineux problème, et des propositions de solution ont rapidement vu le jour. Mais l'efficacité, comme nous allons le voir, n'était pas toujours au rendez-vous.

La première idée qui vient à l'esprit est de raser ces poils si gênants. L'efficacité à court terme de cette méthode est indéniable : l'iguane recouvre toute sa liberté de mouvement et, par la même occasion, le goût à la vie. Mais tout cela n'est qu'un court répit. Je n'apprendrai rien à mes lectrices en rappelant qu'un poil coupé repousse encore plus dru. Imaginez ce que cela peut donner avec des poils particulièrement vigoureux d'iguanes mutants ! Au bout de six mois de ce régime, leur longueur peut facilement doubler, et ils finissent même par atteindre les papattes arrières, multipliant ainsi par deux les risques de chute.

Une autre approche du problème serait d'amidonner les poils, qui, ainsi rigidifiés, ne traîneraient plus par terre. Hélas, si la théorie est séduisante, le passage à la pratique s'avère redoutable. Si l'on amidonne les poils à l'horizontale se pose rapidement avec acuité la question du passage des portes : votre cher animal ne pourra plus circuler dans votre logis (ça ne l'aidera pas à sortir des W-C si c'est là qu'il était prostré). Qu'à cela ne tienne, me direz-vous, il suffit de raidir les poils à la verticale ou en oblique ! Certes cela semble la panacée et votre iguane y gagnera un look "punk" assez sympathique, mais avez-vous pensé à vos précieux bibelots que les poils du saurien, tels autant de lances, ne manqueront pas de mettre à bas des étagères ? N'oubliez pas non plus que maints enfants ont été éborgnés par des iguanes ainsi amidonnés !...

Une autre façon d'appréhender le problème est d'apprendre à votre compagnon à marcher à reculons, les poils ne venant plus ainsi traîner dans ses papattes. Malheureusement, outre le fait que cela nécessite un très long dressage, cette solution est à proscrire si vous habitez une maison à étage : on a vu plus d'un iguane se casser lamentablement la gueule dans les escaliers, avec parfois une issue hélas tragique (quoique dans ce cas vous pouvez toujours vous faire tailler un portefeuille, un sac, et une paire de chaussures en peau d'iguane, vous n'avez pas tout perdu). Bien sûr, on peut équiper l'animal d'une paire de rétroviseurs, mais c'est oublier que l'iguane est un animal foncièrement narcissique... Celui-ci ne résistera pas à l'envie d'admirer son joli teint verdâtre en oubliant de surveiller ce qui se passe derrière lui.

En fait, la seule solution réellement satisfaisante est de faire des couettes ou des nattes à votre compagnon, et d'utiliser une pince à linge pour les attacher sur le sommet de son crâne. J'ai moi-même testé cette méthode sur mon Popaul. Il a complètement repris goût à la vie, et c'est un vrai plaisir de le voir se gambader et faire de pirouettes au milieu du salon !

Laissez-moi pour finir vous donner un conseil d'ami... Si après avoir fait des couettes à votre iguane, vous lui apprenez à chanter "l'école est finie" en dodelinant de la tête, je vous certifie que vous aurez beaucoup de succès dans vos soirées entre amis. De plus, cela flattera l'ego de votre compagnon, qui, soyez en sûr, saura vous récompenser de tout son amour de saurien !

mardi 24 mai 2005

Saoul-FifreCons de bêtes

J'aime bien manger du canard (sinon je n'en élèverais pas) mais je ne les aime pas EUX. Je les aime au four, avec des rutabagas. Ça fait péter, les rutabagas, mais c'est très bon, très fin. Il nous faudrait une bonne Occupation pour réhabiliter les rutabagas. Et ceux qui les aimeraient pas, les rutabagas, on leur mettrait un bonnet d'âne marron pour les reconnaître dans la rue...

Vous pouvez leur filer à boire de l'eau propre tous les matins, aux canards, la première chose qu'ils vont faire, c'est de se ranger autour et de chier dedans. Du bucolique le plus pur. Ils la trouvent fade, l'eau. Les poules, elles arrivent après et elle tordent le bec en caquetant leur désapprobation. La poule n'est pas perverse : elle aime l'eau claire. Le canard boit tout ce qu'il mange. Sa cuisine est innommable, mais il fait la cuisine : vous lui donnez une queue d'artichaut, par exemple. Il va la tremper dans sa gamelle pleine d'eau et il reviendra la chercher quand elle sera bien pourrie, bien ramollie. Vous lui donnez du grain, ben il va venir le dégueuler dans son eau pour le réingurgiter après. Les escargots passent au mixer de leur bec, avec la coquille et tout, et puis pareil : on trempe, on mouille, et tout ce qu'on mange, on boit beaucoup d'eau pour faire passer. On ne s'étonne surtout pas d'avoir la chiasse en permanence : foie de canard, il n'y aura jamais de place sur cette terre pour un palmipède constipé ! Tout ça finissant bien sûr... dans la bassine. Et bonjour les regards vindicatifs et les égosillements furax si je veux nettoyer leur chaudron de sorcière puant comme 100 000 diables ! Ce sont des choses qui ne se font pas si l'on connaît et respecte la déontologie canard.

D'une façon périodique rapprochée, il y a embrouille chez les canards. Je n'ai jamais compris pourquoi, alors que la colère ou le désaveu de la poule sont transparents. Les canards se placent en rond et commencent à débattre en faisant de grands gestes du cou, d'avant en arrière et d'arrière en avant, en étendant les ailes, en se dandinant d'une patte sur l'autre, sur place... Il n'y a aucune agressivité précise, ce n'est pas dirigé vers quelqu'un ou quelque chose. Ils font un petit tour sur eux-mêmes, aléatoirement. On dirait une sorte de rituel gestuel, qui leur permet peut-être d'évacuer le stress de la difficulté à vivre en groupe, à supporter la hiérarchie naturelle ? En tout cas, ça couine tant que ça peut. Contre qui ? Contre quoi ? Contre la carence généralisée des postures oppositionnelles, sans doute ? Quand un couple se tourne autour, cherche à fonder quelque chose d'un peu profond, ou quand une cane s'isole pour faire son nid, une ligue se forme pour aller leur expliquer qu'ils menacent la belle homogénéité du groupe. Coups de bec, arrachage de duvet, alors que chez les poules, ces penchants naturels sont respectés même par "les jeunes cons", ces petits voyous de coqs qui débarquent la bitte sous l'aile, prête à dégainer.

J'aime pas les canards. Mais qu'est-ce qu'ils sont bons (avec des rutabagas) !

Par contre, j'aime bien aller chez les poules. La poule est comme le sac d'Hermès : triste mais juste, elle se lève et se couche avec le soleil. Le monde appartient aux poules. Inlassablement, elle gratte : sa journée n'est qu'un long repas, et pourtant elle n'a pas un gramme de cellulite. Suivez le coach ! Son secret ? Mangez par terre, le simple exercice de vous pencher brûlera vos calories excédentaires. Elle en parle à son aise, elle qui est bricolée la tête en bas et les fesses en l'air !? La poule a l'œil sélectif : vous ne lui ferez pas prendre une fourchette pour un couteau. Elle sait très bien que seul le couteau est comestible et qu'il suffit de toc-toquer pour qu'il entrouvre sa coquille. La poule a le bec incisif : elle pique les trop gros grains en leur centre pour obtenir des petits bouts pour ses poussins. Et, régulièrement, en aiguise le fil sur une pierre. Et les autres, là, pfff, avec leur cuillère à purée ?

La poule est une employée modèle sérieuse. On peut compter sur elle pour faire son métier de poule, à savoir : pondre, couver et élever ses petits. Et recommencer. Je parle des miennes, les vraies poules, les races anciennes qu'on se refile sous le manteau à l'intérieur d'un réseau d'initiés très fermé appelé "volaille-connekcheun" dont le mot de passe, cette semaine, est "sélection naturelle". Et on peut aussi compter sur mes coqs pour faire leur métier de coqs, à savoir : confesser les poules au fond de mon jardin.

On ne devrait pas dire "patience d'ange" mais "patience de poule". D'abord, même dans mon réseau, personne n'a jamais vu d'anges en vrai, ces vulgaires imitateurs de poules qui ont des ailes mais ne s'accroupissent pas et qui se collent leur œuf derrière la tête... mais surtout, je vois mal un ange rester 21 jours sur son nid en ne se levant qu'une fois par jour pour manger, boire et chier, le tout en 10 minutes ? Et quand les poussins commencent à naître, elle ne quitte PLUS DU TOUT le nid, de peur qu'on les lui pique. Elles peuvent jeûner des jours, si les naissances sont très échelonnées. Et l'ange, pendant ce temps là, il est où, vous pouvez me le dire ?

Dans le poulailler, aucun poulet n'aurait l'idée saugrenue de s'approcher d'une poule entourée de poussins. Les jeunes cons sont cons, mais pas à ce point là, quand même ? Ce sont des couillus, des obsédés sexuels, mais ils sentent confusément qu'il y a du "Basic Instinct" là dessous et ils n'ont guère envie de se faire crever les yeux ou trancher la carotide. Il y a encore tant de poulettes à baiser... Ce serait dommage... Pour elles...

Une poule qui défend ses petits est terrifiante : elle double de volume en ébouriffant ses plumes et en écartant les ailes de son corps. L'adversaire se retrouve face à Hulk la poule et fuit sans demander son reste sinon c'est l'attaque en piqué du Baron Rouge qui prend le relais. Vient l'éducation des petits. Les mille choses qu'ils auront à apprendre pour survivre. Ce qui est comestible, par exemple... Je lance du grain à la volée. La mère poule, comme on dit, fonce dessus comme un V2, glousse de surexcitation et picore frénétiquement comme un marteau-piqueur. Le touriste citadin de base se dit : "Voilà une mère bien égoïste, la voracité lui fait oublier ses petits". Mais s'il avait aiguisé son regard et affiné son ouïe, il aurait vu la poule saisir un morceau de grain au bout de son bec, LE LANCER à un de ses poussins et lui dire : "voilà la taille de grain qu'il te faut, tu ne t'étoufferas pas avec", et chaque poussin d'attendre sagement qu'elle leur distribue CE QUI SE MANGE. A eux de le mémoriser. Il faudra qu'ils apprennent aussi à se poudrer dans de la terre cendreuse, à se percher, à choisir de préférence des itinéraires couverts pour échapper aux prédateurs, avant de devenir de beaux poulets pour que je puisse inviter l'ami Jean-Luc qui sait préparer une poule au pot "d'un autre monde"...

Car j'adore la poule au pot, mais je l'aime aussi vivante, courageuse, dévouée... et surtout : pas prise de tête !

Les autres poules, les RI492, les sélectionnées, les inséminées artificieusement, qu'on élève entassées dans des univers concentrationnaires, à qui on coupe bec, ergots, ongles pour ne pas qu'elles se suicident mutuellement, celles que vous achetez parce qu'elles sont abordables, quoi, je préfère serrer les dents, ne pas trop y penser et ne pas touiller dans la plaie. Vous n'êtes pas gentils, non plus : dans une économie de marché, le consommateur a un pouvoir de nuisance fantastique : le boycott. Déjà, vous pouvez partir du principe que les nuggets et autres chickensandwiches de chez MacMickey ou Couic proviennent immanquablement de ce genre d'élevages. Et dorénavant, qu'un seul cri s'élève de vos poitrines :

boycot cotcotcot COOODDDEEETTTTT !!!