Blogborygmes

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

jeudi 21 juillet 2005

Saoul-FifreAllez hop, tout le monde à la campagne !

C'est les vacances, je sais, pas pour tout le monde et ceux qui restent doivent travailler deux fois plus, même si ya des remplaçants, vu qu'ils n'y connaissent rien, et puis ceux qui bossent dans le tourisme, faut pas non plus leur parler de congés, vu qu'ils sont en pleine bourre dans les vapeurs de frites, mais bon, il est de tradition qu'en Juillet et en Aout, CERTAINS ne foutent rien tout en étant payés...

ALORS, pourquoi ne pas lire ? Et pourquoi ne pas lire des trucs qu'on ne lit jamais, des trucs qui vont vous parler d'autres mondes, de la façon de vivre "à l'ancienne", d'une époque ou l'on vivait en contact étroit avec les bêtes, ou l'on s'en occupait bien car elles et nous avions mutuellement besoin de l'autre, mais pas pour compenser artificiellement une solitude, comme un bichon ou un siamois peut faire, mais bien pour une question de SURVIE, relation autrement plus forte...

Vers quels auteurs aller grapiller, fouiner ?

Bon, comme écrivain rural, celui qui me revient de suite, c'est Maurice Genevoix. Je ne crois pas qu'il ait écrit sur un autre sujet. Ce n'est pas un auteur dont je fais mes choux gras, il a assez mal vieilli, mais on ne peut lui refuser une langue belle, pure, et un coup d'œil de vrai connaisseur sur le monde animal sauvage.
Un seul ? "Le roman de Renard".

Maupassant est aussi un rural. Evidemment, il s'intéresse surtout à l'homme, mais on y trouve quelques traits qui montrent que son sens de l'observation allait aussi vers la Nature.
Un seul ? "Contes de la bécasse".

Marcel Aymé, rural également. Un de mes auteurs préférés. Un grand créatif plein de malice, fourmillant d'idées et de vie, toujours sur le fil entre le respect du réel et le surréalisme.
Un seul ? "La vouivre".

Giono. Un bloc de chair, de sang, de nerfs. Un cœur. Tous les sens hypertrophiés. Et une tronche qui essayait de remettre toutes ces sensations, tous ces sentiments en phrases, avec bien du mal : on ne tire pas un feu d'artifice dans un coffre fort, on ne canalise pas un tsunami... Giono tire des symboles éternels de nos profondeurs et leur donne corps, Vie et larmes. Pagnol, qui devait détester épidermiquement Giono, a quand même saisi la force de "regain" ou de "la femme du boulanger"...
Tout est bon mais allez, deux au hasard ? "Que ma joie demeure" et "Le grand troupeau".

On reste dans la région avec Henri Bosco, un poids lourd de la littérature. Quand je pense qu'on le confine dans la littérature enfantine (l'âne Culotte, le renard dans l'île...) dans des versions raccourcies ? Le meilleur traducteur de l'âme provençale (la vraie, pas les pagnolades, vous m'avez compris). Le plus bon pour vous mettre en place une ambiance délétère bien glauque que vous n'allez pas pouvoir quitter. Un style dur, tranchant et suggestif à la fois, magique, hypnotique, et pourtant laissant une impression de liberté d'interprétation extraordinaire. Unique.
Tout, là aussi, mais relire "Le mas Théotime" et découvrir "Malicroix", pour son approche de la Camargue.

Toujours sur la Camargue, mais bon, il ne joue pas du tout dans la même cour que Bosco, mais c'est prenant quand même, ya Joseph d'Arbaud. L'intérêt de d'Arbaud, c'est qu'il était vraiment manadier et qu'il sait de quoi il parle.
Un seul ? "La bête du Vaccarès".

Avec Jules Renard et ses "Histoires naturelles", on arrive à la crème, au dessus du panier de tout ce qui a été écrit sur les animaux. L'œil du Grand Maître s'est posé avec une infinie tendresse sur nos frères subalternes. Une poésie épastrouillante se dégage de ce petit opus. Là, nous touchons à l'incontournable : si vous ne l'avez pas encore lu, vous voilà un but tout trouvé pour les minutes qui suivent, vous démerder de le trouver toutes affaires cessantes !
Ici Radio-Londres, je répète : "Histoires naturelles".

Et puis le meilleur, pour la fin, comme de bien entendu : Louis Pergaud. Vous connaissez son nom, c'est l'auteur de "La guerre des boutons", mais ce qu'il a écrit sur les animaux sauvages est proprement impressionnant, pour la connaissance du milieu que cela suppose, et pour sa langue magnifique, et pour les sentiments exprimés qui savent si bien vous serrer le cœur. Si vous avez un certain âge, et un âge certain, vous ne serez pas en terrain inconnu : ses nouvelles ont été pillées pour alimenter les extraits de textes que l'on nous proposait dans les livres de lecture du primaire. Elles le méritent. Chez Pergaud, tout est génial, mais bon, un peu dur à trouver au kiosque de la plage ? Une occasion d'aller à l'ombre dans la bibliothèque climatisée du coin et de se le déguster ?
"De Goupil à Margôt", avec une fantastique histoire de 2 petits paysans suivis de loin par un grand chien, par temps de neige... d;-|
"Le roman de miraut"
"Les rustiques"
"La revanche du corbeau"

@+

jeudi 14 juillet 2005

Saoul-FifrePeyrat II, le retour.

Le Canard parle de l'affaire et donne la conclusion : le procureur Eric de Montgolfier a classé le dossier sans suite. Motif : "Les rats ne sont pas protégés par la loi" !!!

Excusez moi, ça me tue ! La loi n'a pas prévu le cas du rat et c'est la seule raison pour laquelle on classe le dossier ! Et ben moi, je ne suis pas d'accord. Les tortureurs (oui, je sais, on dit tortionnaires, mais moi je me contente de tortionner la langue) de rats de laboratoires, ceux à qui on injecte du cancer pour voir si ça les fait rigoler ou se mordre la tumeur, j'aimerais bien qu'on les poursuive en justice car là, on est en présence du cynisme le plus total : ces rats sont totalement innocents ! Ils sont élevés depuis de nombreuses générations dans l'unique but de servir de cobayes dans des expériences soi disant scientifiques : tout le monde sait que les conclusions trouvées ne sont absolument pas transposables à l'homme, les métabolismes étant complètement différents, mais on continue quand même et la loi exige d'ailleurs que les médicaments soient testés sur animaux.

Autant dire que la SPA n'est pas prête d'attaquer en justice les gros trusts pharmaceutiques. Elle fait comme les rats : elle préfère attaquer un individu isolé, en état de relative faiblesse car il a osé tuer un animal du bon dieu devant témoins, et c'est vrai que les juges apprécient le bon crime bien caractérisé, l'assassinat revendiqué et bardé de témoignages. Encore faut-il qu'il soit illégal, et là, en l'état actuel de l'arsenal législatif, ya comme une lacune : tout un chacun peut se trucider son ou ses rats.

M'engouffrant derechef dans cette fente juridique largement ouverte, je m'en vais faire mon "méat coule pas" (merci Tant-Bourrin, c'est juste un emprunt) public. Je suis producteur de blé et le rat est le ravageur que je surveille avec le plus d'acuité. Je le connais bien et je l'admire, il est très fort, c'est le plus grand des voleurs, mais ce n'est pas du tout un gentleman... Et si je vais porter plainte à la gendarmerie pour vol, là aussi, vide juridique, ils ne peuvent rien pour moi, donc il faut bien que je me défende tout seul. Et c'est pas évident. Les pièges, ça les fait rigoler. Toute nouvelle nourriture, ils l'offrent en cadeau à l'idiot de la famille, celui que personne n'aime et dont la disparition réjouira tout le monde. Ils l'observent, et si le débile meurt, tu penses bien qu'ils touchent pas au restant du tas ? Good idea, isn't it ?

C'est sûr, un rat, c'est pas con, mais j'ai trouvé une parade qui marche pas trop mal, ma foi : je prends un bidon de 200 litres avec une planche appuyée contre, par exemple, pour les aider à monter et je mets un tas de grains au fond. Le rat sent le blé et saute dans le bidon mais n'arrivera pas à remonter (sauf s'il est ceinture noire de varappe). Le lendemain, je les tue à la fourche. Oui, LES, vu que quand les autres voient le premier se gaver de blé (du blé au fond d'un bidon, ils connaissent, ils éprouvent pas le besoin de tester), ils lui disent : ho, et nous autres, on a trop mangé à midi ? Ça t'arracherait la gueule de nous appeler ?

Le rat est vraiment un rat pour le rat !

samedi 9 juillet 2005

Saoul-FifreArthur

Ces chèvres commençaient à me brouter sérieusement les poils et à me gonfler au compresseur d’air. Surtout Arthur. De longue à faire des cagades, casser les clôtures, partir dans la colline, ronger les oliviers… Arthur surtout, ce fumier pourri : debout sur ses pattes arrière, c’est qu’il atteint ses 2m50, ce grand encorné de mes nouilles ! Je vous dis pas l’état des oliviers, si on le rattrape pas tout de suite. Ou plutôt si, je vous le dis : plus d’écorce, plus de feuilles, les branches cassées à concurrence de 2m50… Le typhon Arthur. Merci beaucoup, mon Dieu ! Avec un zig pareil, plus aucun avantage à vivre en région tempérée.

En plus, toujours à chercher la bagarre. C’est un violent, ce mec, je vous jure ! Il s’avance vers moi, faussement calme, sûr de lui, avec des tressautements nerveux dans les muscles des épaules, et puis il fait un truc marrant, enfin, marrant, mouais, pas vraiment : il baisse la tête comme pour me faire admirer ses grandes cornes bien implantées, mais alors pas du tout de l’air de dire :

« T’as vu comme tu m’as encore fait cocu ? »
mais bien, et sans l’ombre d’un doute, je décrypte à livre ouvert la mauvaise détermination qui brille dans ses yeux :
« Si t’aimes les gros machins vrillés, tu vas jouir, p’tite tête »
tout ça, en soufflant et en grattant furieusement du sabot. Je le soupçonne de potasser des traités tauromachiques, le soir à la clarté lunaire. Belzébuth seul sait comment il se les est procurés et qui lui a appris à lire. Peu importe, mais ça n’arrange pas sa mégalomanie !

Bon, en principe, quand ce genre de moment un peu difficile à passer se coltine à mon destin, je me mets à hurler en essayant d’avoir l’air d’y croire (ça ressemble à s’y méprendre à un glapissement d’australopithèque) les rares insanités que ma mère m’a apprises ça fait déjà un bail… Et, miracle, si par hasard je lui sers une obscénité bien gluante à laquelle il n’a pas encore eu l’honneur d’être présenté, eh bien il lui arrive d’avoir un mouvement de recul, l’air pincé, moitié choqué, moitié dégoûté de voir tant de vulgarité dans un si frêle jeune homme… Mais aujourd’hui : macache ! Mes injures doivent être de vieux poncifs rassis, peu convaincants et leur charge émotionnelle tellement élimée que l’accoutumance joue et qu’il fonce.

L’instinct de conservation me fait creuser le ventre en une véronique de toute beauté qui m’évite ainsi une opération de l’appendicite sans anesthésie par le chirurgien-fou Arthur, que, soit dit entre nous, et il n’est pas dans mes habitudes de débiner quelqu’un dans son dos sans de sérieuses raisons, je ne recommande pas même à mon pire ennemi. Ce judicieux influx nerveux zigzaguant à la vitesse de l’électricité directement des yeux aux muscles sans passer par le cerveau me fait gagner la seconde indispensable pour me planquer derrière un arbre. L’autre brute prend son virage en épingle à cheveux sur ses deux pattes intérieures, comme un vrai pro, et commence à me mimer « mon manège à moi, c’est toi… » autour de l’arbre. Tout en crachant les dernières cellules pulmonaires que m’ont laissées vingt ans de tabagie active, je beugle :

« Déconne pas Arthur, je disais ça pour rire ! Pas un mot, j’en pense pas un mot ! Je t’èèèèèèèème !! »

Son besoin affectif est comblé. Ou alors il commençait à trouver que la force centrifuge ne lui faisait travailler que le cerveau gauche et il n’attendait qu’un prétexte pour entamer la négociation d’une paix honorable. Toujours est-il qu’il pile net, en une sorte d’ultime galop sur place, d’une élégance olympienne. Complètement calmé, il pousse ensuite la bonté d’âme jusqu’à faire les derniers pas vers moi. Je sais qu’il veut que je le gratte derrière les cornes, là où il a du mal à se débrouiller tout seul. Le silence s’installe entre nous. Mes doigts courent dans ce crin court dont pas un négociant en laine ne voudra.

Vraiment, qu’est-ce qui me prend de gaspiller de longues plages de mon emploi du temps avec cette trique à pattes ? Et à quoi ça sert que l’autre il se décarcasse à inventer l’insémination artificielle ?

Je jette un regard par-dessus l’épaule. Toutes les chèvres sont là, l’œil humide, béant d’admiration devant leur Grand Homme, avec des brindilles d’olivier dépassant encore au coin de la lippe, en une ironie délibérément appuyée. Le premier Commandement de l’Eleveur, en lettres de feu, explose soudain et m’incendie la rétine :

« Avoir l’ascendant sur toi, jamais la bête ne laisseras ! »

Aussitôt, un courant de faible intensité me parcourt, me réveille et me remet sur les rails de la rigueur pragmatique. Je m’ébroue et ordonne d’un ton sec :

« Bon, c’est pas tout ça ! Ils sont goûteux, mes oliviers ? C’est de la qualité extra, hein ? Un bon équilibre énergie / azote, ça madame ! Et ben, pas un gramme de foin ce soir ! C’est l’heure de la traite, vous allez me rentrer direct à la maison et…, au petit trot, je veux dire ! »

Et, Arthur en tête, le troupeau obtempère, bon enfant. Ils ont prononcé tous les autres, ils peuvent bien me laisser le dernier mot …

samedi 2 juillet 2005

Saoul-FifreSociété Protectrice des Rats-nimaux

Petite brève parue dans "La Provence" du 30 Juin 2005.

La Société Protectrice des Zanimaux a porté plainte contre le maire UMP de Nice, Jacques Peyrat, pour cruauté envers les animaux, après que celui-ci a déclaré avoir "écrabouillé un rat gros presque comme un chat", à l'aide d'une pelle, lors d'une visite dans un local à poubelles du vieux Nice. "Je ne supporte pas cet animal", a déclaré le maire, estimant "qu'il y a trois fois plus de rats que d'hommes à Nice". La SPR a déposé plainte pour cruauté envers les animaux avec incitation, assortie d'une constitution de partie civile, dans une lettre au procureur de Nice. "Une grosse opération de dératisation est nécessaire, mais rien ne justifie de partir ainsi en expédition punitive", note-t-elle.

Jacques Peyrat ! Sénateur-maire-crapule-UMP de Nice, bon, sa présence dans un local à poubelles était on ne peut plus logique, mais la question n'est pas là.

De qui se moque la SPR ? Elle reconnaît qu'une grosse opération de dératisation est nécessaire mais elle dénie au maire le droit de couper le ruban rouge de l'inauguration, de sceller, non la première pierre du plan d'attaque, mais le destin d'une de ces pourritures de rats qui grouillaient par là ? Quel est le problème ? Peyrat n'a pas son CAP de dératiseur ? On a le droit de le faire mais pas de le dire ? Pourquoi la SPA n'attaque-t-elle pas tous les vendeurs de pièges, de blé empoisonné, d'articles de chasse ?

GGRRrr... c'est typiquement le type d'évolution de la société qui me met en colère : ce rat (presque gros comme un chat) a eu une vie magnifique, libre, les poubelles des niçois sont abondamment garnies de tas de bonnes choses, le paradis a duré ainsi plusieurs années jusqu'à ce que sa route croise celle de Jack Peyrat au nom prédestiné. Et faut pas emmerder à Jack, c'est un conseil d'ami. Le rat a joué, il a perdu mais il a eu une belle vie et il meurt sans avoir connu les affres de la sénescence et en combattant. Il ira au Walhalla.

La SPR trouve ça pas glop : le sang a giclé et Jack n'a pas respecté le process officiel d'éradication du rongeur. Le vétérinaire désigné par la SPR tire chaque rat au fusil hypodermique, signe le permis d'inhumer et doit leur assurer une sépulture chrétienne qui respecte leur dignité de rat.

Mais ces sans-cœur, ces sans viscères, ces sans aucune sensibilité de membres de la SPR ne bronchent jamais si il s'agit d'attaquer des élevages concentrationnaires !

Là, ils ont en face d'eux des lobbies qui savent se défendre et qui sont en règle avec les lois puisque ce sont les lobbyistes eux-mêmes qui ont tenu la main des députés ou des membres du gouvernement qui rédigeaient les lois et les normes leur permettant de faire du profit...

Là, il ne s'agit plus d'un animal sauvage libre, à la sexualité épanouie et efficace, dont la mise à mort par l'homme, son seul prédateur, quand le rat se reproduit un peu trop, est un acte d'auto-défense naturel...

Là, il s'agit de bêtes qui souffrent depuis leur naissance, entassées, confinées, avec le "confort" minimum calculé scientifiquement pour ne pas qu'elles crèvent (catastrophe économique), nourris avec des aliments médicamenteux (antibiotiques, calmants) en préventif. Les marges sont calculées tellement "juste" pour que le panier de la ménagère ne "s'envole" pas, que si la bande (de poulets, de lapins, de porcs, etc...) n'est pas prête au jour dit, l'éleveur perd son bénéfice...

Contre cette véritable Shoah des animaux, ces conditions dégradantes de vie qu'on leur inflige dans le seul but de les manger à bas prix, La SPR ne s'élève JAMAIS. Là, on touche au sacro-saint intérêt économique. Pan sur les doigts. Votre subvention risquerait de vous être enlevée. Ce serait dommage.

Ils ne lèvent pas le petit doigt pour améliorer le sort de millions d'animaux se relayant dans les chaînes de la mort industrielle, et ils vont se payer un avocat pour redorer la mémoire d'un vieux rat d'égout ! Ça me dégoûte...