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mardi 6 décembre 2005

Saoul-FifreScout toujours...

... loin !

Comme ma menace de préavis de 46 jours de grève, si on me titillait sur le scoutisme, n'a pas impressionné pour un sou Matthieu , je me décide à crever l'abcès. D'autant qu'il en remet une couche le lendemain en nous révélant qu'enfiler un uniforme vide automatiquement le cerveau. Si Procrastin voulait bien nous apporter ses lumières sur ce problème de robinets mâtiné de vases communicants, il serait le bienvenu qB^)

Je considère la jeunesse comme un âge à part, rempli d'incomplétude. Qu'on adopte les opinions de ses parents ou qu'on prenne l'exact contre-pied de leurs idées, le processus est le même : on se positionne par rapport à d'autres, et on n'exprime pas quelque chose qui vient de soi. L'indépendance d'esprit, l'humour, le maniement d'idées abstraites ou d'opinions politiques demande "de l'âge" et s'apprend même avec assez de difficultés. Certains adultes n'y arriveront jamais. Alors des enfants...?

Quand j'ai débarqué à Bordeaux de mon Périguo, où notre plus proche voisin habitait à 1 km 5, j'étais un petit sauvage, solitaire, qui lisait beaucoup et qui crapahutait dans les bois le reste du temps. Nous étions une famille de catholiques pratiquants, nous connaissions nos "répons" par cœur, j'ai été enfant de chœur et j'ai fréquenté le milieu des aumôneries jusqu'à environ 17 ans. Tout ça était un peu brumeux dans ma tête, je ne me rappelle pas avoir jamais eu une vraie foi, il s'agissait plutôt de liens sociaux... Mais à 14 ans, quand je me suis retrouvé dans une grande ville sans connaître personne, aller aux scouts m'a semblé la continuité logique de ce que j'étais. C'était une activité "Nature" qui me permettait de sortir de la ville, j'y ai appris à camper, ce qui m'a beaucoup servi par la suite, on construisait des ponts, des tables, on faisait des jeux de pistes nocturnes (j'adore la nuit et j'ai un bon sens de l'orientation). On faisait la cuisine, on raccommodait nos vêtements, on menait une vie saine et active, c'était sûrement mieux pour nous que de rester "tenir les murs" dans la cité...

La "chemise rouge" des pionniers ne me plaisait pas beaucoup c'est vrai, mais on ne la mettait que pour les réunions et les cérémonies. Pendant les week-ends ou les camps, où nous nous salissions beaucoup, nous ne la mettions pas. Déjà à l'époque, le mouvement des scouts de France en avait un vieux coup dans l'aile au niveau orthodoxie Badenpowellienne. On ne parlait plus de BA et les chefs ne la ramenaient pas avec la morale et les grands principes. Il nous restait les feux de camps et les chansons d'Hugues Aufray. Très sincèrement, je n'ai jamais eu l'impression d'être dans un mouvement militarisé. On disait que les scouts d'Europe étaient plus fascistes, mais je n'en sais rien. Il y avait quelques rites de renforcement d'appartenance, comme le lever du drapeau scout, mais j'ai plus tard porté des banderoles rouges ou noires, ça relève du même désir de ne pas être seul. Ceux qui pensent que l'Anarchie, c'est de faire ce qu'on veut sans tenir compte des autres, n'ont pas tout compris. Il y faut le sens de l'auto discipline, de l'intérêt commun, de la rigueur et du respect. Tout celà s'apprend.

Avec l'âge, je me suis complètement débarrassé de ce besoin d'appartenir à un groupe, mais je suppose qu'à l'adolescence, on est moins sûr de soi (je venais de perdre mon père), et que ce passage est presque obligé ? À la même époque, j'ai fait du bénévolat avec Frères des hommes, qui est une petite association d'aide au Tiers-monde très honnête, très efficace en profondeur car basée sur le principe "je t'apprends à pêcher plutôt que te donner du poisson...".

Quand à cette chemise rouge scoute, ce fut mon dernier contact corporel avec ce qui était indubitablement un uniforme. N'ayant pas été réformé, mais successivement objecteur de conscience, insoumis et militant non-violent, je n'ai plus eu à me coltiner sur le dos ce genre de signe extérieur de forteresse... De mon âge, nous ne sommes pas si nombreux que ça.

vendredi 2 décembre 2005

Saoul-FifreRegarder pousser les arbres

Matthieu nous a évoqué les humiliations de l'enfance qu'avait soi-disant subi Sarkozy et ça m'a fait gamberger sur l'ambition. Je me souviens de la nouvelle "l'enfance d'un chef", de Jean-Paul Sartre, qui aborde le sujet, du "Rouge et le noir", aussi, bien sûr... Mais qu'est-ce qu'on a bien pu faire endurer à tous ces mecs qui ont les dents qui rayent le parquet, pour qu'ils aient en eux cette haine, cette hargne, ce plaisir jouissif d'enfoncer les autres, de les sentir à sa botte, à sa queue, s'il le fallait ...?

Perso je pense que l'éducation, les expériences vécues, les traumatismes, la génétique, ne suffisent pas à expliquer toute la personnalité d'un individu. Le petit Nico avait à la naissance un caractère qui ne supportait pas la contradiction, il réagissait sans doute fortement à tout challenge, et il était sans doute hyper actif. Tout le monde ne développe pas une paranoïa sociabilisée après avoir eu un grand frère grand et fort... Mais je ne veux pas discuter ici de l'innéité du caractère ou de son émergence circum-natale, de peur de me faire tambouriner sur la tête par mon associé q8^ )

Je voulais juste dire que j'étais fasciné par ces comportements de malades.

À qui veulent-ils prouver qu'ils valent quelque chose ? Quelle flamme de chalumeau ont-ils au cul pour qu'ils s'enfuient en écrasant tout devant eux, sans regarder ni à droite, ni à gauche ? Après quoi courent-ils ? Après rien puisque leur soif est insatiable. Ils sont "La Soif", ils sont "La Faim", ils en veulent toujours plus. Il ne peuvent pas dire "une fois président, je m'arrêterai", non, il leur faut un mandat, deux, trois, dix... C'est l'adrénaline, le goût du Pouvoir qui les mène par le bout du nez. Ça ne correspond plus à rien, ça ne veut plus rien dire, ce n'est plus que leur propre usine chimique organique qui leur prépare leurs petites giclées d'adrénaline ou d'autres drogues spécifiques à leur cas.

C'est quelque chose qui m'est complètement étranger. Je veux dire cette frénésie d'arriver socialement, financièrement. Cette manie de ne fréquenter que des gens susceptibles de servir tes intérêts, et, dès que tu montes en grade, couper les ponts avec ceux qui sont restés en dessous, les minables. Toujours regarder vers le haut, vers les futurs "égaux", considérer la vie comme un ascenseur qui t'es réservé personnellement de toute éternité. Pour obtenir cette mentalité, il a fallu concentrer son énergie sur les valeurs matérielles et le fric. Le reste devient le décor de cette obsession. La culture, oui, il faut qu'elle reflète la classe sociale souhaitée : à un certain niveau, il n'y a pas de salut sans de l'opéra, de la peinture cotée, des bronzes monumentaux, à la hauteur de sa mégalomanie. Les grandes idées, les valeurs éternelles, oui, elles permettent d'enjoliver un discours, de lui donner de la profondeur. L'humanité, très important, ça, la solidarité, l'attention à l'autre, les envolées lyriques pour le petit personnel doivent être chargées d'affect, ça marche depuis des siècles et la ficelle ne s'amenuise pas. Nous avons tous besoin d'amour.

Eux aussi. Eux, les ambitieux, les obsédés de l'épate, les accros au fric, à la réussite, et c'est là que le bât les blesse. Ils sont jaloux de ceux du dessus, ils sont prêts à les tuer pour avoir leur place, ils ont peur de ceux du dessous, ils entendent leurs grincements de dents de convoitise, ils vivent dans un monde de rapports de forces, où voulez-vous que l'amour trouve une place, même riquiqui, dans cette sorte de vie ? Ils sont en manque d'amour, alors ils compensent en se contentant de respect, d'admiration, de bravos, mais le manque est toujours là, prégnant, envahissant, et ils sont désespérément seuls.

Et loin de toutes ces grimaces, car les gens qui souffrent font aussi souffrir les autres, mes pôtes et moi, on écoute mûrir le vin et on regarde pousser les arbres.