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samedi 2 juillet 2005

Saoul-FifreSociété Protectrice des Rats-nimaux

Petite brève parue dans "La Provence" du 30 Juin 2005.

La Société Protectrice des Zanimaux a porté plainte contre le maire UMP de Nice, Jacques Peyrat, pour cruauté envers les animaux, après que celui-ci a déclaré avoir "écrabouillé un rat gros presque comme un chat", à l'aide d'une pelle, lors d'une visite dans un local à poubelles du vieux Nice. "Je ne supporte pas cet animal", a déclaré le maire, estimant "qu'il y a trois fois plus de rats que d'hommes à Nice". La SPR a déposé plainte pour cruauté envers les animaux avec incitation, assortie d'une constitution de partie civile, dans une lettre au procureur de Nice. "Une grosse opération de dératisation est nécessaire, mais rien ne justifie de partir ainsi en expédition punitive", note-t-elle.

Jacques Peyrat ! Sénateur-maire-crapule-UMP de Nice, bon, sa présence dans un local à poubelles était on ne peut plus logique, mais la question n'est pas là.

De qui se moque la SPR ? Elle reconnaît qu'une grosse opération de dératisation est nécessaire mais elle dénie au maire le droit de couper le ruban rouge de l'inauguration, de sceller, non la première pierre du plan d'attaque, mais le destin d'une de ces pourritures de rats qui grouillaient par là ? Quel est le problème ? Peyrat n'a pas son CAP de dératiseur ? On a le droit de le faire mais pas de le dire ? Pourquoi la SPA n'attaque-t-elle pas tous les vendeurs de pièges, de blé empoisonné, d'articles de chasse ?

GGRRrr... c'est typiquement le type d'évolution de la société qui me met en colère : ce rat (presque gros comme un chat) a eu une vie magnifique, libre, les poubelles des niçois sont abondamment garnies de tas de bonnes choses, le paradis a duré ainsi plusieurs années jusqu'à ce que sa route croise celle de Jack Peyrat au nom prédestiné. Et faut pas emmerder à Jack, c'est un conseil d'ami. Le rat a joué, il a perdu mais il a eu une belle vie et il meurt sans avoir connu les affres de la sénescence et en combattant. Il ira au Walhalla.

La SPR trouve ça pas glop : le sang a giclé et Jack n'a pas respecté le process officiel d'éradication du rongeur. Le vétérinaire désigné par la SPR tire chaque rat au fusil hypodermique, signe le permis d'inhumer et doit leur assurer une sépulture chrétienne qui respecte leur dignité de rat.

Mais ces sans-cœur, ces sans viscères, ces sans aucune sensibilité de membres de la SPR ne bronchent jamais si il s'agit d'attaquer des élevages concentrationnaires !

Là, ils ont en face d'eux des lobbies qui savent se défendre et qui sont en règle avec les lois puisque ce sont les lobbyistes eux-mêmes qui ont tenu la main des députés ou des membres du gouvernement qui rédigeaient les lois et les normes leur permettant de faire du profit...

Là, il ne s'agit plus d'un animal sauvage libre, à la sexualité épanouie et efficace, dont la mise à mort par l'homme, son seul prédateur, quand le rat se reproduit un peu trop, est un acte d'auto-défense naturel...

Là, il s'agit de bêtes qui souffrent depuis leur naissance, entassées, confinées, avec le "confort" minimum calculé scientifiquement pour ne pas qu'elles crèvent (catastrophe économique), nourris avec des aliments médicamenteux (antibiotiques, calmants) en préventif. Les marges sont calculées tellement "juste" pour que le panier de la ménagère ne "s'envole" pas, que si la bande (de poulets, de lapins, de porcs, etc...) n'est pas prête au jour dit, l'éleveur perd son bénéfice...

Contre cette véritable Shoah des animaux, ces conditions dégradantes de vie qu'on leur inflige dans le seul but de les manger à bas prix, La SPR ne s'élève JAMAIS. Là, on touche au sacro-saint intérêt économique. Pan sur les doigts. Votre subvention risquerait de vous être enlevée. Ce serait dommage.

Ils ne lèvent pas le petit doigt pour améliorer le sort de millions d'animaux se relayant dans les chaînes de la mort industrielle, et ils vont se payer un avocat pour redorer la mémoire d'un vieux rat d'égout ! Ça me dégoûte...

samedi 11 juin 2005

Saoul-FifreJulie, la grosse cochonne

Ça fait bien 6 ans qu'elle crapahute en liberté partout dans la ferme, qu'elle renverse les seaux d'eau, qu'elle éventre les bottes de foin, qu'elle démolit des trucs à grands coups de tête, qu'elle creuse des trous là où on aimerait que ça soit bien plat, mais bon, pas touche : c'est Julie, c'est la mascotte, c'est la petite chérie et si on faisait un référendum familial "papa ou Julie", je ne suis pas certain que...

Elle est tabou.

Au départ, un ami me les avait donnés, elle et son frère, pour les faire se reproduire entre eux. Je sais, c'est de l'inceste, mais dans ses mémoires, Brigitte Bardot dit que c'est naturel, alors j'ai ma caution morale. On aurait engraissé les petits, bien sûr, et on aurait fait comme quand j'étais petit moi-même, dans la ferme périgourdine de mon père : on aurait "TUÉ LE COCHON". On aurait fait une grande fête avec les voisins, on aurait suspendu le bestiau par une patte, égorgé avec un grand couteau, assommé à coups de masse (ou l'inverse, je me rappelle plus) on aurait soigneusement recueilli le sang vite vite mélangé avec du vinaigre pour pas qu'il caille, on aurait dépecé, découpé, haché, mélangé, lavé des boyaux, rempli des bocaux, glissé de la barbaque dans des orifices, tripoté des saucisses, tout ça dans une atmosphère de hammam, dans une vapeur épaisse, car tout doit être très propre, bouilli, stérilisé, et de gaieté, d'excitation indescriptible. Le clou de la journée étant "la soupe au boudin" du soir, dont je garde encore le fumet incomparable dans les narines et n'y voyez aucune allusion graveleuse aux formes plantureuses de la cuisinière. Cette soupe, seul l'ami Jean-Luc serait capable de nous en refaire une, approchante, pour peu qu'il force un peu sur le poivre et qu'on lui fournisse l'ingrédient indispensable : du boudin frais du jour, encore palpitant. Je crois que je vais arrêter de rentrer dans les détails car j'en connais qui vont gerber. Matthieu dit plein de contre-vérités avec un air dégoûté sur l'abattage rituel musulman, mais il oublie l'abattage catholique ! J'ai beau fouiller dans ma mémoire, à gratter la couenne au goret, il n'y avait que de bons et vrais chrétiens français à casquette, baguette sous le bras, fourche à fumier dans l'autre, et calendos derrière l'oreille. Pas un beur et pas un feuj !

En fait, en grandissant, le frère a sailli sa soeur (jusque là : normal) mais quand la Julie a commencé à lui dire "non, je suis pleine, j'ai peur que tu fasses du mal aux petits", la queue du mâle n'a fait qu'un tour (alors qu'en principe, elle en fait trois) et il s'est mis à donner des coups de tête partout, et surtout sur Julie, qui a avorté. Bon, c'est encore des espèces où il faut des écoles de filles et des écoles de garçons, bien séparées... Mais, ça m'avait pas trop plu, le coup qu'il avait tapé Julie et qu'il avait même cassé sa cabane, alors on a invité plein de pôtes et je suis allé chercher mon meilleur ami qui a un fusil et qui sait s'en servir (moi, j'ai qu'un Laguiole et je me coupe tout le temps) et on l'a tué, vidé et on l'a mangé en méchoui. Ça lui aura appris. Et on a joué à la pétanque pour digérer.

Après, on a pris en pension un cochon vietnamien, c'est tout ce qu'on a trouvé. On se disait : "il va lui faire son affaire, à la Julie, et après, on le rend à son proprio et on évite les problèmes relationnels mâles/femelles". Quand elle nous a vu arriver avec notre nain, là, la tronche qu'elle nous a tiré ! C'est qu'elle en voulait pas ! Mais lui, on voyait bien qu'il demandait pas mieux que de lui mettre le couteau à beurre dans la motte, à la Julie... Mais comme il était riquiqui, il fallait obligatoirement qu'elle y mette du sien. Bon, il a fini par lui déclencher les chaleurs. C'est qu'elle avait jamais été courtisée avec autant d'assiduité, dame ! Alors, y'avait 2 techniques : ou elle s'aplatissait par terre, les pattes complètement écartelées et il arrivait à lui grimper dessus, ou bien il montait sur un muret pour être à la hauteur et elle se laissait secouer sagement, sans trop avancer ni trop reculer. Ils alternaient. Ils se sont donnés du bon temps plein de fois, elle était toute guillerette quand elle le voyait arriver, mais ça n'a jamais rien donné : je crois que les coups fraternels l'ont rendue stérile.

Moi, nourrir une reproductrice qui ne reproduit pas, ça va un moment. Je commençais à lui lancer des regards concupiscents, à estimer son poids : je supputais le prochain méchoui. Mais mon beau-père en tomba amoureux : la veuve, même sans orphelin, quoi de plus émouvant ? Il lui préparait des soupes complexes et appétissantes, l'arrosait au tuyau quand il faisait trop chaud, lui parlait, restait des heures à la contempler... Je me suis toujours demandé ce qu'il lui trouvait, s'il se l'imaginait avec des bas résilles et des portes-jarretelles dans un film cochon ? Et ses deux rangées de nichons, hein ? Qui peut le plus, peut le moins... En tout cas, le jour de sa mort, il s'est occupé de Julie dix minutes avant d'entamer la sieste dont il ne se réveilla pas.

Quelques jours plus tard, ma belle-mère m'appelle : "Hé bien, maintenant que Emile n'est plus là, vous allez pouvoir tuer la Julie, depuis le temps que vous en rêvez ?". Je la regarde étonné, et secrètement ravi de ce nouveau partenariat, mais c'était compter sans Margotte, dont les oreilles traînaient dans le coin. "Qu'est ce que vous complotez ? Il n'est pas question de toucher à un poil de Julie ! Tu m'entends, toi ? C'est Julie ou moi !"

Alors, voilà : Julie rentre partout, elle m'éventre les sacs de grains, elle fait exploser les baignoires de mes canards en se vautrant dedans, elle mange les fleurs, elle est devenue énorme et, à chaque fois qu'elle me croise, elle grogne. Et je lui répond sur le même ton.

Si elle est tabou, moi aussi, je suis z'à bout !!

dimanche 29 mai 2005

Tant-BourrinIggy Popaul

L'ami Saoul-Fifre, vous l'aurez finaudement deviné au travers de sa prose, est un bouseux noble représentant de la gent agreste et, si vous restez bien sagement à l'écoute de ce blog, vous saurez bientôt tout des moeurs ovines, caprines, porcines, bovines, équines, sans oublier les moeurs bibine (histoire de justifier son pseudo).

Mais tout ça, c'est crâneries et compagnie : ne croyez pas pour autant que l'urbain fin et distingué que je suis n'y entend goutte en chroniques animalières, et je vais vous le prouver sur l'heure en vous entretenant d'un sujet particulièrement grave, qui peut tous nous concerner un jour : la pilosité auriculaire chez les iguanes mutants. Ce sujet me tient particulièrement à coeur car je possède un iguane mutant domestique (il s'appelle Popaul) et suis hélas confronté à ce problème.

Mon Popaul et moi, c'est une longue histoire...

C'était il y a plus de cinq ans. Il pleuvait. Je me promenais dans les tristes allées d'un refuge S.P.A. crasseux d'une banlieue miteuse de la lugubre région parisienne, quand, tout à coup, je suis tombé en arrêt devant une cage. De l'autre côté, un doux regard mélancolique et globuleux était posé sur moi. Nous sommes restés longtemps ainsi, les yeux dans les yeux, totalement fascinés l'un par l'autre. Qui n'a jamais vu le regard plein d'amour d'un jeune iguane n'a rien vu.

Puis j'ai étendu la main au travers des barreaux et ai caressé longuement sa délicate peau verdâtre et grumeleuse. Lui fermait les yeux pour mieux goûter par chacun de ses pores le contact voluptueux de mes doigts sensuels. La pluie cessa soudain de tomber, une trouée se fit dans les nuages et le soleil vint réchauffer des mille feux de l'amour notre passion naissante. Quand je voulus retirer ma main, il essaya de la retenir de sa papatte griffue et sa petite langue fourchue s'agita désespérément, comme pour me crier : reste !... C'en était trop, les digues de mon coeur se rompirent : je fondis en larmes. Le soir même, je ramenais Popaul à la maison.

Mais venons-en à notre sujet... Popaul est un iguane ukrainien. En effet - beaucoup de gens l'ignorent - une population non-négligeable de ces charmants sauriens vivait en paix aux abords du lac Onik, près de Tchernobyl. Je dis "vivait en paix", car le terrible accident nucléaire de 1986 a énormément troublé cette quiétude : les iguanes ont subi des mutations génétiques. Celles-ci se sont traduites essentiellement par deux effets :

  • par quelque modification hormonale encore assez mal connue, les iguanes ukrainiens, animaux quelque peu farouches par essence, sont devenus particulièrement sociables, affectueux même. Ainsi, mon Popaul n'est qu'amour et tendresse, alors que les iguanes des Galapagos, qui eux n'ont pas subi de mutation génétique, sont vraiment mal embouchés. Voilà pourquoi la majorité des iguanes domestiques sont originaires des rives du lac Onik.

  • cette modification du dosage hormonal s'est également manifestée par l'apparition d'une pilosité auriculaire abondante. Popaul, comme tous les iguanes mutants, a des poils de 80 cm dans les oreilles.

Cette pseudo-chevelure, fort seyante au demeurant, devient vite le cauchemar de nos amis sauriens. En effet, très fréquemment, ils posent, en se déplaçant, leur papatte dessus, ce qui s'avère dramatique à la fois pour eux et pour leurs maîtres.

Pour nos compagnons favoris, on le conçoit aisément : ils sont surpris, déséquilibrés, et leur menton heurte le plancher. C'est d'ailleurs pourquoi la plupart des iguanes domestiques finissent par avoir un menton en galoche. Le problème est tout aussi tragique pour le possesseur de l'iguane : la tension sur les poils auriculaires est si brutale qu'elle provoque souvent un jet de cérumen ô combien dommageable pour les moquettes de nos appartements modernes.

De plus, vous imaginez bien qu'à chaque fois qu'ils marchent sur leurs poils, cela n'est pas sans douleur pour eux : ça tire sec au niveau des oreilles. La souffrance est telle qu'elle finit en général par traumatiser le pauvre animal, qui n'ose plus faire un pas et reste alors dans un état de prostration complet, ce qui peut être particulièrement gênant si votre iguane se trouve à ce moment-là aux W-C.

Les plus grands experts se sont donc penchés sur cet épineux problème, et des propositions de solution ont rapidement vu le jour. Mais l'efficacité, comme nous allons le voir, n'était pas toujours au rendez-vous.

La première idée qui vient à l'esprit est de raser ces poils si gênants. L'efficacité à court terme de cette méthode est indéniable : l'iguane recouvre toute sa liberté de mouvement et, par la même occasion, le goût à la vie. Mais tout cela n'est qu'un court répit. Je n'apprendrai rien à mes lectrices en rappelant qu'un poil coupé repousse encore plus dru. Imaginez ce que cela peut donner avec des poils particulièrement vigoureux d'iguanes mutants ! Au bout de six mois de ce régime, leur longueur peut facilement doubler, et ils finissent même par atteindre les papattes arrières, multipliant ainsi par deux les risques de chute.

Une autre approche du problème serait d'amidonner les poils, qui, ainsi rigidifiés, ne traîneraient plus par terre. Hélas, si la théorie est séduisante, le passage à la pratique s'avère redoutable. Si l'on amidonne les poils à l'horizontale se pose rapidement avec acuité la question du passage des portes : votre cher animal ne pourra plus circuler dans votre logis (ça ne l'aidera pas à sortir des W-C si c'est là qu'il était prostré). Qu'à cela ne tienne, me direz-vous, il suffit de raidir les poils à la verticale ou en oblique ! Certes cela semble la panacée et votre iguane y gagnera un look "punk" assez sympathique, mais avez-vous pensé à vos précieux bibelots que les poils du saurien, tels autant de lances, ne manqueront pas de mettre à bas des étagères ? N'oubliez pas non plus que maints enfants ont été éborgnés par des iguanes ainsi amidonnés !...

Une autre façon d'appréhender le problème est d'apprendre à votre compagnon à marcher à reculons, les poils ne venant plus ainsi traîner dans ses papattes. Malheureusement, outre le fait que cela nécessite un très long dressage, cette solution est à proscrire si vous habitez une maison à étage : on a vu plus d'un iguane se casser lamentablement la gueule dans les escaliers, avec parfois une issue hélas tragique (quoique dans ce cas vous pouvez toujours vous faire tailler un portefeuille, un sac, et une paire de chaussures en peau d'iguane, vous n'avez pas tout perdu). Bien sûr, on peut équiper l'animal d'une paire de rétroviseurs, mais c'est oublier que l'iguane est un animal foncièrement narcissique... Celui-ci ne résistera pas à l'envie d'admirer son joli teint verdâtre en oubliant de surveiller ce qui se passe derrière lui.

En fait, la seule solution réellement satisfaisante est de faire des couettes ou des nattes à votre compagnon, et d'utiliser une pince à linge pour les attacher sur le sommet de son crâne. J'ai moi-même testé cette méthode sur mon Popaul. Il a complètement repris goût à la vie, et c'est un vrai plaisir de le voir se gambader et faire de pirouettes au milieu du salon !

Laissez-moi pour finir vous donner un conseil d'ami... Si après avoir fait des couettes à votre iguane, vous lui apprenez à chanter "l'école est finie" en dodelinant de la tête, je vous certifie que vous aurez beaucoup de succès dans vos soirées entre amis. De plus, cela flattera l'ego de votre compagnon, qui, soyez en sûr, saura vous récompenser de tout son amour de saurien !

mardi 24 mai 2005

Saoul-FifreCons de bêtes

J'aime bien manger du canard (sinon je n'en élèverais pas) mais je ne les aime pas EUX. Je les aime au four, avec des rutabagas. Ça fait péter, les rutabagas, mais c'est très bon, très fin. Il nous faudrait une bonne Occupation pour réhabiliter les rutabagas. Et ceux qui les aimeraient pas, les rutabagas, on leur mettrait un bonnet d'âne marron pour les reconnaître dans la rue...

Vous pouvez leur filer à boire de l'eau propre tous les matins, aux canards, la première chose qu'ils vont faire, c'est de se ranger autour et de chier dedans. Du bucolique le plus pur. Ils la trouvent fade, l'eau. Les poules, elles arrivent après et elle tordent le bec en caquetant leur désapprobation. La poule n'est pas perverse : elle aime l'eau claire. Le canard boit tout ce qu'il mange. Sa cuisine est innommable, mais il fait la cuisine : vous lui donnez une queue d'artichaut, par exemple. Il va la tremper dans sa gamelle pleine d'eau et il reviendra la chercher quand elle sera bien pourrie, bien ramollie. Vous lui donnez du grain, ben il va venir le dégueuler dans son eau pour le réingurgiter après. Les escargots passent au mixer de leur bec, avec la coquille et tout, et puis pareil : on trempe, on mouille, et tout ce qu'on mange, on boit beaucoup d'eau pour faire passer. On ne s'étonne surtout pas d'avoir la chiasse en permanence : foie de canard, il n'y aura jamais de place sur cette terre pour un palmipède constipé ! Tout ça finissant bien sûr... dans la bassine. Et bonjour les regards vindicatifs et les égosillements furax si je veux nettoyer leur chaudron de sorcière puant comme 100 000 diables ! Ce sont des choses qui ne se font pas si l'on connaît et respecte la déontologie canard.

D'une façon périodique rapprochée, il y a embrouille chez les canards. Je n'ai jamais compris pourquoi, alors que la colère ou le désaveu de la poule sont transparents. Les canards se placent en rond et commencent à débattre en faisant de grands gestes du cou, d'avant en arrière et d'arrière en avant, en étendant les ailes, en se dandinant d'une patte sur l'autre, sur place... Il n'y a aucune agressivité précise, ce n'est pas dirigé vers quelqu'un ou quelque chose. Ils font un petit tour sur eux-mêmes, aléatoirement. On dirait une sorte de rituel gestuel, qui leur permet peut-être d'évacuer le stress de la difficulté à vivre en groupe, à supporter la hiérarchie naturelle ? En tout cas, ça couine tant que ça peut. Contre qui ? Contre quoi ? Contre la carence généralisée des postures oppositionnelles, sans doute ? Quand un couple se tourne autour, cherche à fonder quelque chose d'un peu profond, ou quand une cane s'isole pour faire son nid, une ligue se forme pour aller leur expliquer qu'ils menacent la belle homogénéité du groupe. Coups de bec, arrachage de duvet, alors que chez les poules, ces penchants naturels sont respectés même par "les jeunes cons", ces petits voyous de coqs qui débarquent la bitte sous l'aile, prête à dégainer.

J'aime pas les canards. Mais qu'est-ce qu'ils sont bons (avec des rutabagas) !

Par contre, j'aime bien aller chez les poules. La poule est comme le sac d'Hermès : triste mais juste, elle se lève et se couche avec le soleil. Le monde appartient aux poules. Inlassablement, elle gratte : sa journée n'est qu'un long repas, et pourtant elle n'a pas un gramme de cellulite. Suivez le coach ! Son secret ? Mangez par terre, le simple exercice de vous pencher brûlera vos calories excédentaires. Elle en parle à son aise, elle qui est bricolée la tête en bas et les fesses en l'air !? La poule a l'œil sélectif : vous ne lui ferez pas prendre une fourchette pour un couteau. Elle sait très bien que seul le couteau est comestible et qu'il suffit de toc-toquer pour qu'il entrouvre sa coquille. La poule a le bec incisif : elle pique les trop gros grains en leur centre pour obtenir des petits bouts pour ses poussins. Et, régulièrement, en aiguise le fil sur une pierre. Et les autres, là, pfff, avec leur cuillère à purée ?

La poule est une employée modèle sérieuse. On peut compter sur elle pour faire son métier de poule, à savoir : pondre, couver et élever ses petits. Et recommencer. Je parle des miennes, les vraies poules, les races anciennes qu'on se refile sous le manteau à l'intérieur d'un réseau d'initiés très fermé appelé "volaille-connekcheun" dont le mot de passe, cette semaine, est "sélection naturelle". Et on peut aussi compter sur mes coqs pour faire leur métier de coqs, à savoir : confesser les poules au fond de mon jardin.

On ne devrait pas dire "patience d'ange" mais "patience de poule". D'abord, même dans mon réseau, personne n'a jamais vu d'anges en vrai, ces vulgaires imitateurs de poules qui ont des ailes mais ne s'accroupissent pas et qui se collent leur œuf derrière la tête... mais surtout, je vois mal un ange rester 21 jours sur son nid en ne se levant qu'une fois par jour pour manger, boire et chier, le tout en 10 minutes ? Et quand les poussins commencent à naître, elle ne quitte PLUS DU TOUT le nid, de peur qu'on les lui pique. Elles peuvent jeûner des jours, si les naissances sont très échelonnées. Et l'ange, pendant ce temps là, il est où, vous pouvez me le dire ?

Dans le poulailler, aucun poulet n'aurait l'idée saugrenue de s'approcher d'une poule entourée de poussins. Les jeunes cons sont cons, mais pas à ce point là, quand même ? Ce sont des couillus, des obsédés sexuels, mais ils sentent confusément qu'il y a du "Basic Instinct" là dessous et ils n'ont guère envie de se faire crever les yeux ou trancher la carotide. Il y a encore tant de poulettes à baiser... Ce serait dommage... Pour elles...

Une poule qui défend ses petits est terrifiante : elle double de volume en ébouriffant ses plumes et en écartant les ailes de son corps. L'adversaire se retrouve face à Hulk la poule et fuit sans demander son reste sinon c'est l'attaque en piqué du Baron Rouge qui prend le relais. Vient l'éducation des petits. Les mille choses qu'ils auront à apprendre pour survivre. Ce qui est comestible, par exemple... Je lance du grain à la volée. La mère poule, comme on dit, fonce dessus comme un V2, glousse de surexcitation et picore frénétiquement comme un marteau-piqueur. Le touriste citadin de base se dit : "Voilà une mère bien égoïste, la voracité lui fait oublier ses petits". Mais s'il avait aiguisé son regard et affiné son ouïe, il aurait vu la poule saisir un morceau de grain au bout de son bec, LE LANCER à un de ses poussins et lui dire : "voilà la taille de grain qu'il te faut, tu ne t'étoufferas pas avec", et chaque poussin d'attendre sagement qu'elle leur distribue CE QUI SE MANGE. A eux de le mémoriser. Il faudra qu'ils apprennent aussi à se poudrer dans de la terre cendreuse, à se percher, à choisir de préférence des itinéraires couverts pour échapper aux prédateurs, avant de devenir de beaux poulets pour que je puisse inviter l'ami Jean-Luc qui sait préparer une poule au pot "d'un autre monde"...

Car j'adore la poule au pot, mais je l'aime aussi vivante, courageuse, dévouée... et surtout : pas prise de tête !

Les autres poules, les RI492, les sélectionnées, les inséminées artificieusement, qu'on élève entassées dans des univers concentrationnaires, à qui on coupe bec, ergots, ongles pour ne pas qu'elles se suicident mutuellement, celles que vous achetez parce qu'elles sont abordables, quoi, je préfère serrer les dents, ne pas trop y penser et ne pas touiller dans la plaie. Vous n'êtes pas gentils, non plus : dans une économie de marché, le consommateur a un pouvoir de nuisance fantastique : le boycott. Déjà, vous pouvez partir du principe que les nuggets et autres chickensandwiches de chez MacMickey ou Couic proviennent immanquablement de ce genre d'élevages. Et dorénavant, qu'un seul cri s'élève de vos poitrines :

boycot cotcotcot COOODDDEEETTTTT !!!

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