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mercredi 21 septembre 2005

Saoul-FifrePutains de mouettes

L'agriculture ne rapportant guère (sauf exceptions), je suis devenu pluriactif, comme beaucoup de mes collègues. En début d'année, je fais le vitrier, et à la fin, paysan. Mais comme mon épouse adore la bonne odeur de l'humus et déteste l'odeur dégueu du mastic, ma sexualité est, elle aussi pluriactive : au printemps, je m'astique, et à l'automne, je la bourre... Bon, je sors. Non, finalement, je reste. C'était juste pour vous dire que c'est l'automne, que je laboure, que ma chienne Jade suit mon tracteur et qu'elle peut pas piffrer les mouettes :

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samedi 10 septembre 2005

Tant-BourrinUn billet pour le lapin rose

Il est des sujets lourds et graves dont il est difficile de parler.
Celui-ci en est un.
Qui touche à l'indicible.
Indicible comme la souffrance qui m'envahit tous les jours.
Tous les jours, sauf le week-end, car je ne prends pas le métro le samedi ni le dimanche.

Pardon ? Je suis trop mystérieux ? Vous ne saisissez rien de ce que je raconte ? Attendez, j'en viens au coeur du sujet, vous allez vite comprendre.

Voilà, chaque jour ouvrable, je prends le métro pour aller travailler. Et chaque jour, ce spectacle terrifiant s'offre à mon regard, collé sur la vitre de toutes les portes de toutes les rames de la RATP.

Terrible image en vérité que celle-ci, vous en conviendrez.

L'homme est ainsi fait qu'il a en lui cette chose étrange que l'on appelle "compassion". Quand je dis "l'homme", évidemment, je veux parler des hommes un peu plus raffinés, un peu plus civilisés, un peu plus sensibles, bref un peu plus parisiens et un peu moins bouseux que la moyenne.

Or donc, disais-je, certains, dont je fais partie, ont cette compassion chevillée au corps, cette étrange capacité à souffrir avec celui qui souffre dans sa chair, à pleurer avec celui qui pleure, à se couvrir la tête de cendres dès que quelqu'un a un pet de travers dans le monde.

Aussi le spectacle quotidien de ce pauvre lapin rose se faisant pincer très fort les doigts dans une porte de métro fait-il saigner mon coeur et monter les larmes à mes yeux.

Car j'imagine.
J'imagine le désarroi de ce jeune lapin, la main tranquillement posée sur la porte pour assurer son appui, riant, rêvassant peut-être, heureux d'être dans la plus belle ville du monde, pur et innocent, et dont l'existence bascule soudain dans l'horreur.

L'horreur d'un claquement sinistre.
L'horreur d'une douleur qui déchire les nerfs.
L'horreur et l'incompréhension qui se lisent dans le regard abasourdi du jeune lapin rose.

Souvent, je dois détourner les yeux, fixer le sol de la rame pour masquer maladroitement mes larmes, et essayer compulsivement de penser à autre chose. Mais en vain : même les yeux clos, l'image du lapin rose émerge peu à peu de mon maelström neuronal, se précise, envahit tout mon espace crânien.

Mille questions me taraudent alors... Qu'es-tu devenu depuis ce jour funeste, petit lapin ? As-tu perdu des doigts ? As-tu retrouvé l'usage complet de ta main ?

Heureusement, c'était la main gauche. Les statistiques sont là pour me rassurer : les gauchers ne représentent que 15% environ de la population. Il y a donc 85% de chance pour que ce tragique accident ne t'ait pas laissé un terrible handicap quasi insurmontable. Mais un doute m'envahit : la proportion de gauchers est-elle la même parmi les lapins que chez les humains ? Je tremble subitement d'effroi en réalisant que je n'en sais fichtre rien.

J'ai peur.
J'ai peur pour toi, petit lapin.
Peur de ce qu'il a pu advenir de toi depuis ce jour épouvantable.
As-tu réussi à surmonter ce trauma abominable ? Ou au contraire traînes-tu désormais cette blessure dans ta chair, cette cicatrice dans ton âme, ce doute et cette peur permanents qui doivent être les tiens ?

Oui, j'ai mal et pleure pour toi, frère lapin.

Ma décision est prise : je vais écrire à la RATP pour leur demander de bien vouloir retirer cette image terrible de leurs rames. Vouloir prévenir de tels accidents est louable en soi, mais le pouvoir traumatique du spectacle de ce pauvre lapin rose est trop choquant. Oui, je vais leur écrire ça.

Mais pas tout de suite, après manger, car le repas est prêt et j'ai grand appétit.

D'autant plus que mon épouse a préparé un bon civet. Mmmm, je m'en lèche les babines par avance ! Miam !

mardi 30 août 2005

Saoul-FifreUne petite "tue l'rut" ?

Mon bouc a un sérieux problème. Et ne rigolez pas, il est déjà assez à cran comme çà ! Bon, chez nous, les ovins et les caprins sont dans le même parc, me demandez pas pourquoi, c'est plus pratique et puis j'ai choisi mes mâles sur des critères de gentillesse, sur leur largeur d'esprit et ils sont généralement assez cools entre eux. Généralement. Car en ce moment, c'est le rut et ça barde grave.

Déjà ce printemps, le bouc et le bélier s'étaient battus et le bouc s'était cassé la corne droite. S'il se l'est cassé, c'est qu'il a frappé fort avec, et c'est un peu de sa faute, quelque part ? Enfin, je trouve que ça l'avait bien calmé et je me frottais les mains en imaginant plus de convivialité future au sein du troupeau. Que dalle ! Ça l'avait calmé au quotidien, certes, mais, époque du rut oblige, il est bien remonté et ne pige pas que certaines choses ont changé.

Mon bélier est particulièrement con, je le reconnais, et je ne peux pas trouver un coupable sur qui brailler vu que c'est moi qui l'ai choisi, et justement pour ça. Je me suis dit : il est tellement con qu'il ne peut pas être méchant, et c'est vrai qu'il est brave. Vous devez vous dire : qu'est-ce qu'il nous prend la tête, c'est des bêtes, c'est ni gentil, ni analectuel, c'est là pour être engraissé et marre ? Tant de mépris pour le monde animal me rend infiniment triste. Moi, j'ai un bélier qui veut rendre service. Il a remarqué que le bouc avait du mal à arriver à ses fins avec les chèvres (ça, c'est pas que mon bouc, c'est tous les boucs (et j'allais dire tous les mâles), car les chèvres, pour jouer les allumeuses et leur laisser juste le seau d'eau froide pour se le tremper, vous trouverez pas mieux) et donc, le bélier, il cherche à aider le bouc et il se met devant la chèvre pour lui couper la route. Ça part d'un bon sentiment, ça montre son bon fond, mais ça rend le bouc furieux qu'un balayeur de châtaignes (c'est un bélier corse) vienne lui tenir SA fiancée ! "Ô ! Je suis le Casanova du troupeau ! Les filles, moi, elles me VEULENT, t'entends ?"

Enfin, baston, re-baston, et mon bélier, D'UN LOURD, mais d'un lourd, style "tu ne comprends pas que c'est pour ton bien, mais je ferai ton bonheur malgré toi", qui insiste, qui se prend une rouste, qui revient se mettre devant la petite, et le bouc, les yeux injectés de sang, qui hurle : "Putain, mais casse toi dans ton maquis, va t'ach'ter une face, ta bite, elle est périmée...", tant et tant qu'à force, le bélier se replie et va rejoindre ses trois brebis (c'est sûr, aussi ? QUE trois brebis (et pas la télé), il s'ennuie...)

Le bouc, son sourire carnassier s'éclaire (si, si, il montre ses dents, ça fait carnassier). Il se dit : "Enfin seuls ! Ma poulette, je vais te montrer ce que c'est qu'un bouc, un vrai BOUC..." et il entreprend de lui grimper sur le dos. La "poulette" esquive d'un mouvement du bassin très élégant, "Casanova" retombe lourdement sur le sol et là, j'hésite à raconter la suite et à ajouter à son fardeau déjà lourd, l'internationalisation sur le net de ses déboires conjugaux... Chez nous, on dit : "tu peux tout me confier, ça sortira pas des Bouches-du-Rhone", bon, là, c'est fichu pour son honneur ! Ho le pôvre ! La petite s'éloigne à petits pas comptés, les sabots bien posés sur une ligne imaginaire tracée par terre, et où va-t'elle, la traîtresse ? Mondieumondieumondieu, j'arrive pas à y croire, elle se dirige vers mon bélier, qui n'y comprend rien, qui se dit, un peu inquiet : "ça va encore être de ma faute ?" et puis elle se frotte contre lui, dans un sens, dans l'autre, lui rebrousse la laine, émet un petit son plaintif et lui titille avec la langue l'intérieur de l'oreille ! Ben merde ! Elle est en froid avec l'autre, mais elle est en chaleurs avec çui-ci ?

Quelle cata. La bonne ambiance au sein du troupeau est définitivement fichue. La soirée s'annonce crispée.

AyayayayayayaïÏ... Vou me conseillé quoi, les copain ? (merde, syndrome Roger : un lexomil) Je crois que je vais l'envoyer chez Mélie

C'est qu'il a un sérieux problème, mon bouc !!

vendredi 19 août 2005

Tant-BourrinDans le chat, tout est extra !

Antenor en rêvait, Tant-Bourrin l'a fait... Enfin un billet sur les chats !


Voilà, c'est fait, vous êtes débarrassé de votre chat, il vient de passer l'âme à gauche. Peu importe que sa mort soit naturelle ou que vous l'ayez légèrement facilitée (en l'essorant à 1200 tours par minutes dans votre lave-linge par exemple). Peu importe qu'il soit mort écrasé par un poids lourds ou par un sac de lest lâché depuis une montgolfière par un aérostier un peu maladroit. Peu importent les détails : la seule chose qui compte, c'est que vous êtes enfin débarrassé de cette sale bête.

Mais que faire de la carcasse ? La confier aux services vétérinaires ? L'enterrer dans le jardin ou dans la cave ?

Tsss... vous n'y pensez pas ! Quel gâchis !

Voici quelques conseils pratiques, quelques suggestions pour recycler au mieux un cadavre de chat... Suivez le guide !


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jeudi 21 juillet 2005

Saoul-FifreAllez hop, tout le monde à la campagne !

C'est les vacances, je sais, pas pour tout le monde et ceux qui restent doivent travailler deux fois plus, même si ya des remplaçants, vu qu'ils n'y connaissent rien, et puis ceux qui bossent dans le tourisme, faut pas non plus leur parler de congés, vu qu'ils sont en pleine bourre dans les vapeurs de frites, mais bon, il est de tradition qu'en Juillet et en Aout, CERTAINS ne foutent rien tout en étant payés...

ALORS, pourquoi ne pas lire ? Et pourquoi ne pas lire des trucs qu'on ne lit jamais, des trucs qui vont vous parler d'autres mondes, de la façon de vivre "à l'ancienne", d'une époque ou l'on vivait en contact étroit avec les bêtes, ou l'on s'en occupait bien car elles et nous avions mutuellement besoin de l'autre, mais pas pour compenser artificiellement une solitude, comme un bichon ou un siamois peut faire, mais bien pour une question de SURVIE, relation autrement plus forte...

Vers quels auteurs aller grapiller, fouiner ?

Bon, comme écrivain rural, celui qui me revient de suite, c'est Maurice Genevoix. Je ne crois pas qu'il ait écrit sur un autre sujet. Ce n'est pas un auteur dont je fais mes choux gras, il a assez mal vieilli, mais on ne peut lui refuser une langue belle, pure, et un coup d'œil de vrai connaisseur sur le monde animal sauvage.
Un seul ? "Le roman de Renard".

Maupassant est aussi un rural. Evidemment, il s'intéresse surtout à l'homme, mais on y trouve quelques traits qui montrent que son sens de l'observation allait aussi vers la Nature.
Un seul ? "Contes de la bécasse".

Marcel Aymé, rural également. Un de mes auteurs préférés. Un grand créatif plein de malice, fourmillant d'idées et de vie, toujours sur le fil entre le respect du réel et le surréalisme.
Un seul ? "La vouivre".

Giono. Un bloc de chair, de sang, de nerfs. Un cœur. Tous les sens hypertrophiés. Et une tronche qui essayait de remettre toutes ces sensations, tous ces sentiments en phrases, avec bien du mal : on ne tire pas un feu d'artifice dans un coffre fort, on ne canalise pas un tsunami... Giono tire des symboles éternels de nos profondeurs et leur donne corps, Vie et larmes. Pagnol, qui devait détester épidermiquement Giono, a quand même saisi la force de "regain" ou de "la femme du boulanger"...
Tout est bon mais allez, deux au hasard ? "Que ma joie demeure" et "Le grand troupeau".

On reste dans la région avec Henri Bosco, un poids lourd de la littérature. Quand je pense qu'on le confine dans la littérature enfantine (l'âne Culotte, le renard dans l'île...) dans des versions raccourcies ? Le meilleur traducteur de l'âme provençale (la vraie, pas les pagnolades, vous m'avez compris). Le plus bon pour vous mettre en place une ambiance délétère bien glauque que vous n'allez pas pouvoir quitter. Un style dur, tranchant et suggestif à la fois, magique, hypnotique, et pourtant laissant une impression de liberté d'interprétation extraordinaire. Unique.
Tout, là aussi, mais relire "Le mas Théotime" et découvrir "Malicroix", pour son approche de la Camargue.

Toujours sur la Camargue, mais bon, il ne joue pas du tout dans la même cour que Bosco, mais c'est prenant quand même, ya Joseph d'Arbaud. L'intérêt de d'Arbaud, c'est qu'il était vraiment manadier et qu'il sait de quoi il parle.
Un seul ? "La bête du Vaccarès".

Avec Jules Renard et ses "Histoires naturelles", on arrive à la crème, au dessus du panier de tout ce qui a été écrit sur les animaux. L'œil du Grand Maître s'est posé avec une infinie tendresse sur nos frères subalternes. Une poésie épastrouillante se dégage de ce petit opus. Là, nous touchons à l'incontournable : si vous ne l'avez pas encore lu, vous voilà un but tout trouvé pour les minutes qui suivent, vous démerder de le trouver toutes affaires cessantes !
Ici Radio-Londres, je répète : "Histoires naturelles".

Et puis le meilleur, pour la fin, comme de bien entendu : Louis Pergaud. Vous connaissez son nom, c'est l'auteur de "La guerre des boutons", mais ce qu'il a écrit sur les animaux sauvages est proprement impressionnant, pour la connaissance du milieu que cela suppose, et pour sa langue magnifique, et pour les sentiments exprimés qui savent si bien vous serrer le cœur. Si vous avez un certain âge, et un âge certain, vous ne serez pas en terrain inconnu : ses nouvelles ont été pillées pour alimenter les extraits de textes que l'on nous proposait dans les livres de lecture du primaire. Elles le méritent. Chez Pergaud, tout est génial, mais bon, un peu dur à trouver au kiosque de la plage ? Une occasion d'aller à l'ombre dans la bibliothèque climatisée du coin et de se le déguster ?
"De Goupil à Margôt", avec une fantastique histoire de 2 petits paysans suivis de loin par un grand chien, par temps de neige... d;-|
"Le roman de miraut"
"Les rustiques"
"La revanche du corbeau"

@+

jeudi 14 juillet 2005

Saoul-FifrePeyrat II, le retour.

Le Canard parle de l'affaire et donne la conclusion : le procureur Eric de Montgolfier a classé le dossier sans suite. Motif : "Les rats ne sont pas protégés par la loi" !!!

Excusez moi, ça me tue ! La loi n'a pas prévu le cas du rat et c'est la seule raison pour laquelle on classe le dossier ! Et ben moi, je ne suis pas d'accord. Les tortureurs (oui, je sais, on dit tortionnaires, mais moi je me contente de tortionner la langue) de rats de laboratoires, ceux à qui on injecte du cancer pour voir si ça les fait rigoler ou se mordre la tumeur, j'aimerais bien qu'on les poursuive en justice car là, on est en présence du cynisme le plus total : ces rats sont totalement innocents ! Ils sont élevés depuis de nombreuses générations dans l'unique but de servir de cobayes dans des expériences soi disant scientifiques : tout le monde sait que les conclusions trouvées ne sont absolument pas transposables à l'homme, les métabolismes étant complètement différents, mais on continue quand même et la loi exige d'ailleurs que les médicaments soient testés sur animaux.

Autant dire que la SPA n'est pas prête d'attaquer en justice les gros trusts pharmaceutiques. Elle fait comme les rats : elle préfère attaquer un individu isolé, en état de relative faiblesse car il a osé tuer un animal du bon dieu devant témoins, et c'est vrai que les juges apprécient le bon crime bien caractérisé, l'assassinat revendiqué et bardé de témoignages. Encore faut-il qu'il soit illégal, et là, en l'état actuel de l'arsenal législatif, ya comme une lacune : tout un chacun peut se trucider son ou ses rats.

M'engouffrant derechef dans cette fente juridique largement ouverte, je m'en vais faire mon "méat coule pas" (merci Tant-Bourrin, c'est juste un emprunt) public. Je suis producteur de blé et le rat est le ravageur que je surveille avec le plus d'acuité. Je le connais bien et je l'admire, il est très fort, c'est le plus grand des voleurs, mais ce n'est pas du tout un gentleman... Et si je vais porter plainte à la gendarmerie pour vol, là aussi, vide juridique, ils ne peuvent rien pour moi, donc il faut bien que je me défende tout seul. Et c'est pas évident. Les pièges, ça les fait rigoler. Toute nouvelle nourriture, ils l'offrent en cadeau à l'idiot de la famille, celui que personne n'aime et dont la disparition réjouira tout le monde. Ils l'observent, et si le débile meurt, tu penses bien qu'ils touchent pas au restant du tas ? Good idea, isn't it ?

C'est sûr, un rat, c'est pas con, mais j'ai trouvé une parade qui marche pas trop mal, ma foi : je prends un bidon de 200 litres avec une planche appuyée contre, par exemple, pour les aider à monter et je mets un tas de grains au fond. Le rat sent le blé et saute dans le bidon mais n'arrivera pas à remonter (sauf s'il est ceinture noire de varappe). Le lendemain, je les tue à la fourche. Oui, LES, vu que quand les autres voient le premier se gaver de blé (du blé au fond d'un bidon, ils connaissent, ils éprouvent pas le besoin de tester), ils lui disent : ho, et nous autres, on a trop mangé à midi ? Ça t'arracherait la gueule de nous appeler ?

Le rat est vraiment un rat pour le rat !

samedi 9 juillet 2005

Saoul-FifreArthur

Ces chèvres commençaient à me brouter sérieusement les poils et à me gonfler au compresseur d’air. Surtout Arthur. De longue à faire des cagades, casser les clôtures, partir dans la colline, ronger les oliviers… Arthur surtout, ce fumier pourri : debout sur ses pattes arrière, c’est qu’il atteint ses 2m50, ce grand encorné de mes nouilles ! Je vous dis pas l’état des oliviers, si on le rattrape pas tout de suite. Ou plutôt si, je vous le dis : plus d’écorce, plus de feuilles, les branches cassées à concurrence de 2m50… Le typhon Arthur. Merci beaucoup, mon Dieu ! Avec un zig pareil, plus aucun avantage à vivre en région tempérée.

En plus, toujours à chercher la bagarre. C’est un violent, ce mec, je vous jure ! Il s’avance vers moi, faussement calme, sûr de lui, avec des tressautements nerveux dans les muscles des épaules, et puis il fait un truc marrant, enfin, marrant, mouais, pas vraiment : il baisse la tête comme pour me faire admirer ses grandes cornes bien implantées, mais alors pas du tout de l’air de dire :

« T’as vu comme tu m’as encore fait cocu ? »
mais bien, et sans l’ombre d’un doute, je décrypte à livre ouvert la mauvaise détermination qui brille dans ses yeux :
« Si t’aimes les gros machins vrillés, tu vas jouir, p’tite tête »
tout ça, en soufflant et en grattant furieusement du sabot. Je le soupçonne de potasser des traités tauromachiques, le soir à la clarté lunaire. Belzébuth seul sait comment il se les est procurés et qui lui a appris à lire. Peu importe, mais ça n’arrange pas sa mégalomanie !

Bon, en principe, quand ce genre de moment un peu difficile à passer se coltine à mon destin, je me mets à hurler en essayant d’avoir l’air d’y croire (ça ressemble à s’y méprendre à un glapissement d’australopithèque) les rares insanités que ma mère m’a apprises ça fait déjà un bail… Et, miracle, si par hasard je lui sers une obscénité bien gluante à laquelle il n’a pas encore eu l’honneur d’être présenté, eh bien il lui arrive d’avoir un mouvement de recul, l’air pincé, moitié choqué, moitié dégoûté de voir tant de vulgarité dans un si frêle jeune homme… Mais aujourd’hui : macache ! Mes injures doivent être de vieux poncifs rassis, peu convaincants et leur charge émotionnelle tellement élimée que l’accoutumance joue et qu’il fonce.

L’instinct de conservation me fait creuser le ventre en une véronique de toute beauté qui m’évite ainsi une opération de l’appendicite sans anesthésie par le chirurgien-fou Arthur, que, soit dit entre nous, et il n’est pas dans mes habitudes de débiner quelqu’un dans son dos sans de sérieuses raisons, je ne recommande pas même à mon pire ennemi. Ce judicieux influx nerveux zigzaguant à la vitesse de l’électricité directement des yeux aux muscles sans passer par le cerveau me fait gagner la seconde indispensable pour me planquer derrière un arbre. L’autre brute prend son virage en épingle à cheveux sur ses deux pattes intérieures, comme un vrai pro, et commence à me mimer « mon manège à moi, c’est toi… » autour de l’arbre. Tout en crachant les dernières cellules pulmonaires que m’ont laissées vingt ans de tabagie active, je beugle :

« Déconne pas Arthur, je disais ça pour rire ! Pas un mot, j’en pense pas un mot ! Je t’èèèèèèèème !! »

Son besoin affectif est comblé. Ou alors il commençait à trouver que la force centrifuge ne lui faisait travailler que le cerveau gauche et il n’attendait qu’un prétexte pour entamer la négociation d’une paix honorable. Toujours est-il qu’il pile net, en une sorte d’ultime galop sur place, d’une élégance olympienne. Complètement calmé, il pousse ensuite la bonté d’âme jusqu’à faire les derniers pas vers moi. Je sais qu’il veut que je le gratte derrière les cornes, là où il a du mal à se débrouiller tout seul. Le silence s’installe entre nous. Mes doigts courent dans ce crin court dont pas un négociant en laine ne voudra.

Vraiment, qu’est-ce qui me prend de gaspiller de longues plages de mon emploi du temps avec cette trique à pattes ? Et à quoi ça sert que l’autre il se décarcasse à inventer l’insémination artificielle ?

Je jette un regard par-dessus l’épaule. Toutes les chèvres sont là, l’œil humide, béant d’admiration devant leur Grand Homme, avec des brindilles d’olivier dépassant encore au coin de la lippe, en une ironie délibérément appuyée. Le premier Commandement de l’Eleveur, en lettres de feu, explose soudain et m’incendie la rétine :

« Avoir l’ascendant sur toi, jamais la bête ne laisseras ! »

Aussitôt, un courant de faible intensité me parcourt, me réveille et me remet sur les rails de la rigueur pragmatique. Je m’ébroue et ordonne d’un ton sec :

« Bon, c’est pas tout ça ! Ils sont goûteux, mes oliviers ? C’est de la qualité extra, hein ? Un bon équilibre énergie / azote, ça madame ! Et ben, pas un gramme de foin ce soir ! C’est l’heure de la traite, vous allez me rentrer direct à la maison et…, au petit trot, je veux dire ! »

Et, Arthur en tête, le troupeau obtempère, bon enfant. Ils ont prononcé tous les autres, ils peuvent bien me laisser le dernier mot …

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