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mardi 20 décembre 2005

Saoul-FifreViols en réunion avec récidive

Ces cons de jeunes ! Ils ne pensent qu'à niquer. Cette année, les couvées ayant bien marché, je me retrouve envahi de volaille, mais ça, je vous l'ai déjà dit , je crois ? Et il y avait une très nette dominante de mâles, parmi les poussins. C'est précoce, ces petites bêtes-là, ils mettent très vite leurs signes extérieurs de masculinité en évidence.

Leur beau plumage. Oui, chez les gallinacés, ce sont les hommes qui sont coquets, adorent les couleurs vives et se ruinent en fringues. Leurs compagnes arborent un aspect modeste et discret qui n'est pas sans me rappeler celui de ma mère, qui ne quittait pas de toute la sainte journée sa blouse informe ras de cou en nylon bleu marine délavé. Vous l'avez compris : mes poules ne s'habillent pas comme des poules. Pas de ça chez moi.

Leur crête, leurs barbillons, leurs oreillons. Enfin, tous ces trucs rouges et plus ou moins turgescents qu'ils ont sur la tête. Plus c'est rouge foncé, plus ils ont le caractère sanguin. J'en ai 2 qui ont la triple crête, ce sont les plus vindicatifs.

Leurs ergots. Eux sont trop jeunes pour en avoir, ça ne pousse que vers un ou deux ans. C'est un résidu d'un cinquième doigt, placé très haut sur la patte, dirigé vers l'arrière, autant dire qu'il ne sert à rien. Mais il est muni d'un ongle, qui pousse et qui peut atteindre des dimensions respectables, qui est du plus bel effet. C'est la première chose que regarde une poule, quand elle repère un coq.

Et puis leur comportement. Très sexué. Leur méthode de séduction est primaire, ils abordent leur sœur, leur mère, leur tante, leur grand-mère, enfin tout ce qui ne porte pas la bonne grosse crête des familles, en lui disant : "Je ne suis qu'un zob, cédez !", et il lui saute sur le dos, sans plus de préliminaires. Les frèrots, pressentant la vieille histoire de cul bien sympathique, bien incestueuse, bien chaudasse, rappliquent aussitôt et sautent eux aussi sur la malheureuse. Un peu pour aider, et beaucoup pour en profiter, si possible. En principe, à cet instant, le patriarche arrive, attiré par le boucan. Il a encore un peu d'autorité, il a des ergots, lui, il a juste à s'approcher, à donner un petit coup de bec, peut-être, et la bande de jeunes à eux tout seuls s'égaille. Le chef incontesté, auréolé de son charisme, prend alors noblement et calmement la place abandonnée par les petits cons et honore sans se presser la poulette soumise. Lui, il a le droit.

Ça, c'est la théorie. Car, en pratique, ces jeunes cons n'arrêtent pas de la journée. Ils ne pensent qu'à tremper leur zgueigue ! Tout le temps. Manger, ils s'en foutent. Par contre, ils aiment bien l'heure où je lance le grain parce que ça fait rappliquer les poules qui avaient réussi à trouver un coin tranquille. L'heure de la cantine, c'est l'heure où qu'on pine, pour eux. Ce sont des obsédés, des monomaniaques, ils sont maigres, ils ont les yeux injectés de sang, la crête prête à exploser, ils n'éjaculent plus que du sucre en poudre, mais ils veulent encore saupoudrer ! Les poules sont saturées, dès qu'elles voient un mâle, elles poussent un cri horrifié, s'étranglent d'angoisse et prennent leurs pattes à leur cou. Un truc à peu près efficace, pour celles qui savent voler, c'est de se percher. Mais il y a des coquelets que l'idée d'une position acrobatique coquine à la barre fixe n'effraie pas le moins du monde. Enfin, confrontées à ces instincts musclés, ayant abondamment fait leurs preuves durant des périodes pluri-millénaires, les filles ont beaucoup de mal à éviter la casserole. Et surtout la queue de la casserole.

Bon, ces excités de petits coqs manquent totalement de romantisme, c'est un fait, mais mettez-vous à leur place ? Vous avez déjà vu une poule ? Vous avez remarqué qu'elle passe sa vie le nez au ras de la moquette, faisant semblant de chercher quelque chose par terre ? Et ses fesses volumineuses, tendues vers le plafond ? Et le croupion frétillant ? Hein ? Elle les cherche. Ha ben si, elle les cherche quand même un peu, faut pas exagérer... Elle a une queue, elle pourrait s'en servir comme d'une petite jupette pour cacher tout ça, mais bernique... Bon, je ne me pose pas en moraliste de poulailler, hein, mais je trouve juste mes poules stressées, d'ici à ce qu'elles me pondent des œufs en forme de cigares, il n'y a pas loin. Alors l'autre nuit, j'ai embauché Margotte et on est allé faire une razzia nocturne avec discrimination sexuelle : neuf coqs en prison tout confort pour qu'ils engraissent avant le sacrifice. Nourriture à volonté, parcours herbeux, elle est pas belle la vie ? Non, elle est pas belle. Il y manque désormais la poule, sa plus belle parure, son Alpha et son Oméga, son zénith, sa raison d'être...

...alors, ils se grimpent dessus entre eux. C'est ça aussi, la prison.

Mais surtout qu'ils ne se plaignent pas ! Pour leurs nombreux crimes avec préméditation, absence totale de remords et désir forcené de recommencer, j'aurais pu les condamner à la castration chirurgicale et en faire des chapons !

mercredi 30 novembre 2005

Saoul-FifreLe paumé de la vie

Je vous ai déjà parlé de l'agneau que sa mère ne voulait pas nourrir . Pour le moment, il va bien. Il a une envie de vivre impressionnante. Il a parfaitement compris la situation, il sait qu'il ne tête que quand je tiens sa mère, ou quand je lui ai préparé un biberon de lait de vache du commerce, alors il optimise ! C'est un professionnel de la tétine : sa mère retient son lait, se crispe, mais il déjoue ses manœuvres amorales, il donne des coups de tête dans les mamelles pour décoincer les sphincters, change de trayon à une vitesse supersonique pour la prendre par surprise, en défaut de défense, et tire le lait, par petites gorgées, bien conscient de voler la part que la mère aimerait garder pour son frère, le préféré.

Le faux-frère aussi commence à piger ce qu'il se passe. Déjà, après mon intervention, ya plus rien à gratter, et ça, il apprécie pas. Il faut qu'il attende que les mamelles se reremplissent, et c'est long, vu que, psychologiquement, une brebis qui retient son lait n'a pas tendance à battre des records de production. Elle lâche son lait quand c'est le chouchou qui aspire, mais comme les 3/4 du temps, elle est dans un trip de refus de maternité et de parano envers l'autre agneau, ben le lait n'est pas fabriqué... Le résultat, c'est que l'agneau mal aimé est bien gros (il a les biberons et il tête comme un goinfre, en spécialiste) mais on sent que ya quelque chose qui va pas, il regarde par terre, il fait la gueule... et que le "Choisi" est maigrichon, mais il a la tête haute, il est vif, il est certain de l'amour de sa mère, il est dominateur.

Le petit chef, comme un gosse gâté, imite sa mère. Il donne des coups de tête à son frère. Quand il le voit mâchouiller un peu de foin, il le pousse, se met entre lui et la mangeoire. Il lui grimpe dessus, en un simulacre d'acte sexuel, geste éternel qui, des grands singes anthropomorphes aux humains, en passant par les chiens, a toujours symbolisé la même chose : le rapport de forces t'est défavorable, tu vas passer à la casserole ! Faut que tu te fasses à l'idée.

Quand ils seront plus grands, il lui piquera sa copine...

vendredi 18 novembre 2005

Saoul-FifreLa brebis "Laconne"

Philippe, un de mes meilleurs amis (je ne veux vexer personne), à l'époque engraisseur d'agneaux, m'a vendu, pour me faire plaisir et pour une poignée d'olives, 2 agnelles de race "Lacaune". La race Lacaune est la race élevée en Aveyron, sur le Larzac, dont le lait sert à faire le roquefort. Philippe ne tarissait (c'est le cas de le dire) pas d'éloges sur ses agneaux : ils avaient un GMQ (gain moyen quotidien) extraordinaire, un bon appétit, ils se jetaient sur leurs granulés, leur paille et leur foin comme des voraces, et en quelques semaines, faisaient de belles bêtes, munies de larges gigots et d'épaisses épaules, prêtes à passer au couteau. Bon, je me laisse attendrir, je les sauve de l'abattoir et les emmène chez moi. Cette année là, j'avais engrangé un foin de luzerne de toute beauté, que je leur ai distribué à volonté. Riche en azote, ça a eu bizarement un effet bœuf sur ces brebis et elles ont atteint leurs 80 kilos les doigts dans les naseaux.

J'ai commencé à déchanter.

Nous sommes quand même des éleveurs du dimanche : si nous produisons notre viande et nos fromages pour l'année, nous sommes contents. Même si, les années fastes, nous vendons quelques bêtes surnuméraires, ce n'est vraiment pas la spéculation principale de la ferme, et nous cherchons surtout des bêtes rustiques, simples à mener, sympas, jolies, dociles, les pattes arrières dans les bottes et va-z-y-donc... Oups, je m'égare ! La 1ère fois que le tondeur est venu, nous avons compris notre douleur, lui, c'est sûr, mais surtout moi, qui dois les attraper, les lui amener, et les lui retourner sur le cul pour qu'il leur enlève la laine. 80 kilos à soulever, bonjour les lombaires ! Les belles Lacaunes commençaient à me sortir par les yeux. Quand elles eurent été prises par le bélier, et dès la première mise bas, j'ai commencé à comprendre ce que c'était vraiment que la Lacaune. "Emmerdante, emmerdeuse, emmerderesse itou..." chantait Brassens. Il a chanté aussi "Le Mérinos d'Arles", mais là, sa chanson aurait pu s'appeler "La Lacaune", tant la description est fascinante de vérité. Je revoyais Philippe me soliloquer son admiration :
"Tu verras, elles sont extraordinaires, elles vont te faire que des jumeaux, et comme c'est des bonnes laitières, elles les nourrissent impeccablement..."
Mon cul, oui ? Les jumeaux d'accord, le lait en pagaille d'accord, mais elles ne veulent absolument pas nourrir 2 bébés. Dans le contrat, c'était pas prévu, alors j'en choisis un et l'autre vous vous démerdez. En fait l'explication de cette attitude peu maternelle c'est que la Lacaune est une race laitière. La production étant LE LAIT, très bien rémunéré pour faire le roquefort, les agneaux (et les agnelles) sont retirés à leur mère dès la naissance et élevés au biberon, avec du lait reconstitué. Là aussi, l'homme utilise à son profit le traumatisme natal de la séparation d'avec la mère : l'agneau, en manque affectif, compense en devenant boulimique. Classique. Et, en l'occurrence, pratique, puisque la bête atteint très vite les 40 kilos vifs recherchés par les bouchers. Mais tout ça ne fait pas mon affaire.

Moi j'aime les jumeaux. Outre le doublement du bénéfice , le décret divin ayant doté la race d'une paire de mamelles , ce genre de coïncidence murmure avec harmonie à l'oreille de mon sens de la logique et de la justice. En été , quand les "petits", presqu'aussi gros que leur mère, chacun d'un côté, la pompent vigoureusement, le plaisir que je prends à les voir donner les coups de boutoir sensés faire venir le lait, tellement fort que les pieds maternels ne touchent plus terre, n'est pas dénué d'un certain trouble ambigü... Donc j'essaye de faire adopter le second. Les bêtes, comme les humains, reproduisent souvent sur leurs enfants l'éducation qu'elles ont reçues. J'ai été élevée au biberon, je suis pas morte, t'as qu'à faire pareil... Avec une des mères, j'ai réussi à sauver le deuxième petit rien que par ma présence : pendant qu'elle me tétait le doigt (réminiscence des séances biberon) elle se décontractait et a fini par accepter son petit. Mais ce n'est pas toujours aussi simple : cet agneau était une vraie loque , un rataillon qu'elle avait à moitié assommé et qui n'avait même pas la force de téter un biberon réglé sur "gros débit" . Au bout de 12 jours , j'arrive à ce qu'il tête sa mère tout seul sans qu'elle réagisse négativement . Du dressage de lion , quoi . Je reviens 2 heures plus tard , elle l'avait tué... J'imagine qu'elle me bêlait : "Puisque je te dis que j'en veux pas ! T'es sourd ou quoi ?"

Les Lacaunes, je sais même pas pourquoi je vous en parle, je veux plus y penser. Je veux les oublier, j'en ai plein le cul. Et plein le congélateur, aussi : je m'en suis débarrassé ! J'ai pris des brebis corses. Bonnes, les corses. Petit gabarit, faciles à manipuler, belle poitrine accrochée haut, militantes de l'allaitement maternel, jamais de grèves, jamais de révoltes, robe noire, elles accouchent debout tout en continuant à pâturer... Du sérieux.

Sacré Philippe !

mardi 8 novembre 2005

Saoul-FifreLuc le chanceux

Je suis désolé, elle est un peu longue, mais je n'aime pas l'idée de la couper en deux. Pour finir mal, on ne peut nier qu'elle finit mal, j'en connais un qui se frotte déjà les mains, disons que je la lui dédie.

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vendredi 21 octobre 2005

Saoul-FifreTrois gros foies gras d'oies

Répétez en articulant bien, le plus longtemps possible sans se tromper, et de plus en plus vite... Toi aussi, Twig q:-)

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lundi 17 octobre 2005

Saoul-FifreDulcinée

Dulcinée, comme toute chèvre, a des chaleurs annuelles, pendant lesquelles elle est fécondable. Si elle les « rate », elle a le droit à un ou plusieurs repêchages, mais si elle ne « prend » pas, elle devient la honte du troupeau et l’ordre hiérarchique devient pour elle un toboggan ou elle glisse à vitesse grand V. Elle attend donc, et fait mariner et maronner le bouc Djédaï jusqu’au moment de son cycle menstruel où elle est le plus réceptive et où l’ovule, ou les ovules, c’est encore mieux, crient à qui mieux mieux :

« A table, les spermatos ! ! ! »

Quand Djédaï a un plan-cul en tête, il fait preuve de beaucoup de constance et ne se laisse pas distraire par la petite pisseuse d’en face, aguicheuse par jalousie. Il s’en tient à son idée première et quel est-il, ce leit-motiv ?

« Ya pas de Bon Dieu pour les chèvres : il faut qu’tu y passes ! »

Et il finit toujours par atteindre la zone d’acceptation corticale de Dulcinée puisque leurs motivations sont partagées : enfiler le hérisson dans la cheminée et la ramoner, faire jouer le piston dans la chemise, glisser le furet dans le terrier, tourner le pilon dans le mortier, engager la loco dans le tunnel, la flûte dans son étui, la flêche dans son carquois, la voiture au garage, le gigot au four, le CD dans la fente, la vis dans l’écrou, l’écouvillon dans la bouteille, le goupillon dans le bénitier, le sabre dans son fourreau, l’ours dans sa grotte, le brochet dans la nasse, le vers dans le fruit, le couteau à beurre dans la motte, Keanu Reeves dans la matrice, la clef dans la serrure, le tube de lait concentré sucré dans le mazagran de café …

Elle est consentante, le problème n’est pas là : je l’ai bien lu dans ses yeux . Mais quand j’avance, elle avance aussi… Comment voulez-vous, comment voulez-vous…que je ne sois pas ridicule ? Et je n’ai pas de MAINS ! ! Alors, je me débrouille avec les moyens du bord. Je la frotte, à babord, à tribord… Massage pas sage body-body. Je la mordille, avec douceur, d’abord, puis en y mettant un soupçon supplémentaire de persuasion, puis en y rajoutant une bonne louche d’un quelque chose d’un peu menaçant qui veut dire :

«Maintenant, c’est fini les amuse-gueules ! Je vais te servir le plat principal . Il mijote depuis un sacré moment, si tu attends encore, il aura goût de charbon . Mais là, il tient bien au corps, tu vas te régaler ! Tu-ne-bouges-plus ! »

Mais Madame n’a pas encore tout bien disposé dans la salle des fêtes. Capricieuse vient de « caprin », vous aviez remarqué ? Elle lui fait le célèbre « coup du démarrage en côte ». Frein à main bloqué, Dulcinée a tout de la chèvre résignée à passer à la casserole. Djédaï se pourlèche les babines. La vendange fermente à gros bouillons. Les spirales rouges et blanches de ses yeux se mettent à tourner et prennent de la vitesse.

« C’est le moment, c’est l’instant ! Amusez-vous, prenez du plaisir… Vous n’avez qu’une jeunesse et c’est aujourd’hui ! ! »

Djédaï prend son élan lourdement : debout sur ses pattes arrières n’est quand même pas une figure facile, il n’est pas né dans un cirque. Et quand il est bien dressé, la coquine accélère à fond, et synchronise parfaitement son lâchage de manette de frein et son embrayage un peu sec. Travail de pro : la petite part comme un boulet de canon en laissant sur le rocher un peu de corne et une légère odeur de brûlé. Et Djédaï s’écrase au sol telle la première bouse d’un éléphant après 15 jours de constipation.

La SA-LOOOOPE ! Elle m’attend un peu plus loin, pas rancunière… Message reçu. Va falloir sortir l’arme secrète. J’ai toujours eu la langue bien pendue. La voie est libre. L’affaire se précise : elle a complètement relevé sa coué-couette qui gênait le passage, elle m’offre le visage de sa vulve souriante, ses pommettes rondes et rouges, ses fossettes, ses risettes, son sourire est éclatant, accueillant, je lui embrasse les lèvres, je lèche sa sueur, sa salive, tous ces liquides qui jaillissent de partout comme des sources de vie, je me pourlèche, j’y retourne, je passe, je rapace bien partout, je remonte vers le haut en lents coups de langue et je m ‘attarde sous la queue, là ou la peau est si douce. Sa queue se cambre encore plus vers l’avant et semble tétanisée. Je redescends, insiste un moment et il est clair que je lui fais mon petit effet : elle se met à m’uriner dessus, à petits jets, en bêlant comme si elle avait mal. Ha, c’est bon … : cela coule de ma bien-aimée, je mets ma langue en forme de gouttière pour recueillir la précieuse rosée et j’aspire avec délices… Je sens qu’elle ne tient plus en place, son chevrotement devient de plus en plus plaintif, je darde ma langue en pointe et fais une incursion à l’intérieur de cette bouche qui se presse, haletante contre mon museau. Des phéromones d’une intensité phénoménale envahissent mes narines et me donnent le signal du départ de la chevauchée fantastique. Papa va épuiser la bonne : je me dresse et, d’un seul coup de rein, sans rencontrer aucune résistance, je m’enfonce dans un nuage rempli à ras bord d’angelots versés dans la chose amoureuse et je m’applique à leur faciliter les choses… Les sensations ont l’air d’avoir l’heur de plaire à Dulcinée autant qu’à moi et j’agrippe ses épaules à l’aide de mes pattes avant pour nous maintenir encore plus soudés. Nous balançons nos hanches en rythme, notre unisson est total mais le métronome, déréglé par quelque cupidon facétieux, s’emballe et nous emmène en un crescendo débridé vers des mélodies nécessitant sextuples croches pour les transcrire.

Nous bramons de concert, des bulles explosent avec force, comme des soleils, et j’ai le très net sentiment de lui refaire en blanc tout le crépi de son hall d’entrée.

Mais moi, ELLE, quoi : Dulcinée ? Lorsque je sens que les soubresauts ralentissent, puis s’éteignent, que la dernière glomérule de ce délicieux dessert lacté a été éjectée, je me désenclenche d’un coup de cul. Je lui rends son bout de bouc. Ça m’arrache un petit bêlement de nostalgie, hé oui , mais , se supporter un sac à dos de 80 kg, ma mère m’a pas élevée dans ce but ! Par contre, elle peut être fière de moi : ma mission est accomplie, cette fois, je suis sûre que c’est « dans la boîte » !

« In ze box , ma belle ! 10 contre un que c’est des jumeaux ! En plein dans le mille ! Et comme je dis toujours : Avant l’heure, c’est pas l’heure ! Après, c’est pas la peine de s’attarder, ni d’avoir des regrets , mais pendant, waw… c’est passionnant ! »

dimanche 16 octobre 2005

Tant-BourrinUne mémoire d'éléphant

"Taaaa ta ta taaa ta ta tsoin... taaaa ta ta taaa ta ta tsoin..."

"L'entrée des gladiateurs" résonne sous le chapiteau pour la grande parade, comme tous les soirs. Et comme tous les soirs, Balumba, la tête emperlée, fait son numéro sous les yeux émerveillés des enfants, lève une patte, deux pattes, se couche, agite la trompe, se redresse, fait le tour de la piste sous les ordres de son dompteur.

Balumba est né en Afrique il y a déjà de nombreuses années. Dans la savane. Où il a fait ses premiers pas dans le troupeau, aux côtés de sa mère. Dans sa mémoire d'éléphant, il revoit les jeux avec les autres éléphanteaux, les baignades interminables, la bonhomie placide des anciens de la horde.

Un long soupir fait vibrer sa trompe en un douloureux écho. Car tout cela a fini brutalement. Il revoit cette journée de sang et de déchirement. Les hommes sont arrivés subitement et les anciens sont tombés autour de lui dans des coups de tonnerre. La course folle dans les pas de sa mère. Les pas de sa mère qui s'arrêtent soudain. Son corps qui s'affaisse. Et cet humain qui s'approche, l'air mauvais, qui brandit cet étrange engin devant son visage et le crâne de sa mère qui éclate dans un nouveau coup de tonnerre.

Des années plus tard, Balumba revit ce jour sinistre avec la même émotion. Ce jour où les hommes l'ont endormi, attaché, envoyé loin, si loin de sa terre natale, pour finir sous ce chapiteau où il se donne chaque soir en spectacle.

Oui, Balumba a depuis lors cultivé une haine farouche pour cet humain qui a achevé sa mère sous ses yeux d'éléphanteau. Cet humain dont Balumba s'est promis de se venger. Un jour. Peut-être. Si le hasard de la vie...Si un miracle...

Et soudain, Balumba a un coup au coeur. Non, ce n'est pas possible, il aura mal vu ! Il poursuit son tour de piste, palpitant d'impatience de repasser devant... oui, devant l'homme ! Devant l'assassin de sa mère, assis là, tranquillement, au premier rang, avec un humain femelle à ses côtés et un petit humain qui doit être son fils.

Balumba sait alors que son errance va s'achever, que ce soir sera le dernier de tous les soirs. Il repense à sa mère, inspire profondément, s'emplit de toute la haine du monde pour mieux la recracher avec violence. Le voilà force, le voilà puissance, le voilà roi de la savane !

Il s'élance brutalement, sous les cris de stupeur, vers l'homme, le saisit de sa trompe comme un vulgaire fétu avant de le projeter sur la piste. Le crâne éclate comme un fruit trop mûr sous ses pattes, les côtes craquent, les organes sont en bouillie. L'homme est mort.

Sa mère est vengée. Il sent qu'il va devoir mourir à son tour mais cela lui importe peu. Il a la savane dans sa tête. La savane, sa mère et le troupeau.

Il voit l'engin de mort que les hommes brandissent vers lui. Il s'en moque. Il est enfin apaisé et heureux. Balumba a une mémoire d'éléphant. Elle éclate en même temps que son crâne dans cet ultime instant de plénitude.

Il ne saura donc jamais que le malheureux qu'il vient d'écraser devant les yeux de sa femme et de son fils n'avait jamais mis de sa vie les pieds en Afrique.

Balumba avait une mémoire d'éléphant, mais il n'était pas très physionomiste.

Ce sont des choses qui arrivent.

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