Je vais vous parler aujourd'hui d'un livre vraisemblablement introuvable, puisqu'il est paru en 1982 et n'a, je crois, fait l'objet d'aucune réédition.

L'histoire est simple et belle : Marcel Gotlib, le dessinateur bien connu, alors aux commandes de Fluide Glacial, tomba, lors d'un voyage à Londres, sur un bouquin sobrement intitulé "The book of heroic failures", signé d'un certain Stephen Pile, et qui avait eu, trois ans plus tôt, un certain succès (pour ne pas dire un succès certain) Outre-Manche.

Marcel Gotlib, maniant parfaitement la langue de Shakespeare, se plongea dans le bouquin et explosa immédiatement de rire (faisant 23 mort et 106 blessés par la même occasion), jusqu'à en avoir mal aux côtes.

Sa décision fut un coup de coeur immédiat : il allait publier une version française du bouquin, qui allait devenir "Le livre des bides". Ce qui fut fait. L'adaptation du texte fut confiée à Michel Lebrun, par ailleurs traducteur officiel en français des écrits de Woody Allen, et le tout fut richement illustré avec humour par les plus grands dessinateurs de l'époque, dont Binet, Goossens, F'Murr, Pétillon, Got, Tardi, Morris, Fred, Edika, et tant d'autres.

A l'arrivée, un objet luxueux, magnifique et jubilatoire, dont voici la couverture.

Mais de quoi qu'il cause-t'y donc, le bouquin ? Eh bien, comme le nom l'indique, ce livre est la Bible des foirages lamentables, de la loose piteuse, des échecs minables. Une somptueuse compilation d'histoires parfaitement authentiques (sinon tout ceci n'aurait aucun intérêt !) racontant autant de bides pathétiques... mais complètement hilarogènes !

Allez, je ne résiste pas au plaisir de vous en retranscrire quelques-unes, prises au hasard, ici.


La grande grève des pompiers de 1978 rendit possible l'un des plus spectaculaires sauvetages d'animal de tous les temps. Vaillamment, l'Armée avait pris en charge les sinistres urgents, et le 14 janvier, les militaires furent appelés par une vieille dame de Londres pour rattraper son chat, coincé en haut d'un arbre. Ils arrivèrent donc avec une promptitude remarquable et remplirent leur mission à la satisfaction générale. La dame, ravie, les invita tous à prendre le thé. En repartant, accompagnés de remerciements et de bénédictions, ils écrasèrent le chat.


Après la naissance de leur deuxième enfant, M. et Mme Len Trott jugèrent leur famille suffisante. La jeune femme entra en clinique en mars 1978 pour une hystérectomie. Dix-huit mois plus tard, elle donnait naissance à un fils de neuf livres, qu'elle baptisa Désiré.


Toutes les tentatives pour capturer le monstre du Loch Ness sont restées vaines. Mais aucune ne constitua un plus magnifique échec que celle que quatre pompiers de Hemel Hempstead effectuèrent en 1975.

Convaincus que l'attraction sexuelle pourrait seule attirer le monstre hors de ses profondeurs propices, ils fabriquèrent un monstre femelle en papier mâché, long de dix-huit mètres, garni de cils, d'un moteur hors-bord et d'un magnétophone poussant des appels érotiques. "Le sexe résout tout", affirmèrent les pompiers.

Le monstre, peint en vert et bleu, se mit à flotter vers sa lune de miel, piloté par deux pompiers. Ils voguèrent en long, en large et en travers, se heurtant à une totale indifférence hormonale du monstre marin. Ceci pour deux raisons possibles.

Primo, les pompiers apprirent que leurs cris d'amour enregistrés étaient ceux d'un veau marin, et ne risquaient donc guère d'émoustiller la libido de la bête du Loch Ness.

Secundo, le moteur hors-bord tomba en panne au milieu du Loch. La monstresse dodelina, changea brutalement de cap et s'entortilla autour d'un ponton.

Le sexe ne résout pas tout.


Dans le but d'attraper un voleur récidiviste, en 1978, la police de Doncaster installa une caméra invisible dans les vestiaires d'un club de tennis.

En se projetant le film, l'état-major découvrit que tout ce qu'on avait réussi à filmer, c'était un policeman déambulant, entièrement nu, à la recherche de ses vêtements volés.


En rédigeant le Traité de Versailles à la fin de la Première Guerre Mondiale, les grandes puissances oublièrent totalement d'y inclure la Principauté d'Andorre.

Comme l'armée régulière de ce minuscule état pyrénéen ne comprenait qu'un seul officier, six soldats et quatre hommes d'intendance, l'Andorre était probablement le pays le moins capable de continuer la Première Guerre Mondiale à son propre compte.

L'Andorre ne possédait ni artillerie ni mitrailleuses, mais tous les soldats arboraient sur leurs uniformes des boutons sur lesquels on pouvait lire la devise du pays : "Touche-moi si tu l'oses".

La position diplomatique de l'Andorre empira en 1939, quand la Principauté découvrit qu'elle avait une guerre de plus à disputer.

Pour en finir, le 25 septembre 1939, elle signa un traité de non-agression avec l'Allemagne, mettant ainsi officiellement fin à la guerre de 14-18. Cela apporta la paix à l'Andorre pour la première fois depuis 44 ans.

Le budget habituel de la défense se monte annuellement à environ deux livres, et est entièrement consacré à l'achat de cartouches à blanc pour les cérémonies officielles.


Voilà, j'espère que ça vous a plu. Or donc, si d'aventure vous tombez un jour par hasard sur ce bouquin dans un vide-grenier, n'hésitez pas : quel que soit le prix demandé, ACHETEZ-LE !!!