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mardi 26 juin 2007

Saoul-FifreMon Maître-Étalon

Je suis né avec Brassens. En 1956, il était déjà célèbre, il avait percé, il avait déjà acheté l'impasse Florimont pour la confier à Jeanne et à Marcel. Cette maison où il aura passé 22 ans, qu'il a finalement léguée à Gibraltar, son roc-secrétaire, et qui est encore aujourd'hui fleurie régulièrement par des admirateurs. Gibraltar, ancien inspecteur des impôts que Brassens a débauché pour qu'il s'occupe de ses affaires. Gibraltar qui plaçait tout l'argent de Brassens sur un compte du Trésor Public, où l'état n'avait qu'à se servir pour récupérer les contributions dues ! Ha on est loin de "la liberté de penser" de Pagny ou de "la Suisse, oui mais plutôt la Belgique, pour pouvoir demander ensuite la nationalité monégasque..." de notre Jauni de moins en moins national ?

Brassens qui changeait régulièrement de DS, et qui donnait les "vieilles" à ses copains. Brassens qui passait son temps à écrire des 2 ièmes de pochette pour pousser ses amis dans le métier, à Pierre Dudan, à Pierre Louki, à Boris Vian, à Anne Sylvestre, à Pierre Barouh... Sa porte qui s'ouvrait pour des conseils, des coups de pouce. Philippe Chatel, Maxime Le Forestier, Renaud, lui doivent, je pense, le goût d'écrire et de chanter. Brassens qui distribuait des guitares "de chez Jacques Favino" (le luthier dont les œuvres ornent les pochettes de ses vinyles) comme d'autres des bonbons.

Car Brassens n'est pas qu'un excellent musicien doublé d'un parolier miraculeux. C'est un homme complet, d'un humanisme profond, qui a fait réfléchir et se poser des questions à toute une génération en désarroi. Il nous a initié à la poésie sous-jacente à toutes choses, il nous a appris à apprivoiser la Faucheuse, à nous en moquer, à lui envoyer une "patte-croche au bas de son dos", il nous a introduit dans le monde des sentiments.

Un des premiers chocs reçu de sa part est certainement "Le parapluie". Ce moment magique d'intimité, cette parenthèse intemporelle d'une tendre densité, la perfection de l'écriture, le vocabulaire recherché, délicieusement suranné, ces mots à moitié oubliés, rimant richement, rescousse, frimousse... tout Brassens est là, et la question est posée :

Comment fait-il, quel est son truc ?

Une passion, c'est ça : c'est une question dont on veut à toute force la réponse. Pourquoi ? Parce que. Alors j'ai écouté, j'ai chanté, je connaissais tous les textes de Brassens par cœur, et je béais d'admiration. Chez Brassens, il y a une idée, ou une élégance, ou un clin d'œil culturel par vers. C'est un festival et on se demande : "comment est-ce possible ?", et la réponse est somme toute simple. Brassens bossait beaucoup. Brassens ne faisait que ça. Brassens ne dormait que 5 heures par nuit. Brassens a beaucoup lu de poètes, il les a étudiés, les a décortiqués, pour lui aussi, humblement, "trouver la formule". Et quand il dit, dans la célèbre interview tricéphale Brassens-Brel-Ferré, qu'il n'est qu'un artisan-parolier, je pense qu'il est sincère, que ce n'est pas un accès de fausse-modestie. Brassens n'est pas pour autant un modeste, il sait parfaitement qu'il compte au nombre des paroliers d'exception, il a assez sué pour le savoir, et son public, dithyrambique, en est la preuve, mais c'est avant tout un homme honnête, et son succès lui donne des devoirs : être au niveau des aspirations qu'il soulève. "La marguerite", par exemple, un de ses textes à la légèreté fascinante, semble née d'un souffle d'air inspiré, il virevolte et se pose chez nous, pour nous, venant on ne sait d'où, de quelle amphore à génies... Et bien cette petite ritournelle qui nous parait toute naturelle est lourde, lourde, chargée de longs jours de ratures, de fausses routes, de recommencements, pour que les mots se mêlent en phrases, qu'ils coulent et rebondissent joyeusement de vers en vers, pour que le texte soit pétri de musique et que la musique exprime le jus des idées... Cent fois sur le métier... Edison parlait lui aussi du 1 % de génie et des 99 % de transpiration.

Brassens a simplement su assez tôt qu'il voulait écrire des chansons et en vivre. C'est ce qu'il faisait, d'arrache-pied, tandis qu'il "glandait" officiellement chez sa tante Antoinette, ou qu'il vivait aux frais de Jeanne, sa maîtresse, ou qu'il jouait les pique-assiettes chez ses potes plus intégrés. C'est de cette époque de vaches maigres que sont sorties ses plus jolies mélodies et ses textes les plus purs.

Et nous on rame, à cent coudées au dessous de cet oiseau migrateur qui a fendu l'Espace de la chanson française comme une étoile filante. Et on bave. Et on souffre de ce torticolis persistant dû à notre nuque trop longtemps inclinée, nos yeux fixant les auteurs inaccessibles.

Il est mort il y a plus de 25 ans, mais de temps en temps un mec malin exhume un truc inédit. Dans son intégrale (merci Anne !), on peut entendre Georges Lafaye lui extorquer une leçon d'écriture :

Ça ne se refuse pas, un cours de chanson par Brassens ! Et on continue d'apprendre...

vendredi 15 juin 2007

Tant-BourrinRedorez votre blason

Certains lecteurs m'ont fait part de quelques menues difficultés apparues dans leur vie professionnelle depuis qu'ils ont essayé, en suivant mes préceptes, d'introduire un peu de tribalisme au bureau.

Hélas, il faut s'y faire : l'étroitesse d'esprit de certains chefs de service n'a d'égale que leur peur de l'innovation.

Pour le coup, vous voici en fâcheuse posture, ostracisé par vos collègue, assis sur un siège éjectable que votre hiérarchie ne va pas tarder à mettre en branle.

Aïe, aïe, aïe ! Que faire ?

Pas de panique : Blogborygmes assure le service après vente de ses billets et je vais vous dispenser ici quelques conseils pour redorer votre blason.

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mardi 12 juin 2007

Tant-BourrinLes bons trucs de Tant-Bourrin (5)

Cela fait un bon bout de temps que je ne suis pas venu vous délivrer ici un de mes célèbres bons trucs (* * * *) destinés à vous aider à alimenter votre blog sans effort.

Cette fois-ci encore, je vous propose d'écrire de façon quasi-automatique de ravissants petits poèmes légèrement ésotériques, limite surréalistes, qui vous feront passer auprès des neuneus qui vous lisent pour un(e) grand(e) poète(sse) méconnu(e).

La méthode que je vous propose est simple. Choisissez tout d'abord un poème de départ qui fournira la trame de votre oeuvre. Pour illustrer mon propos, j'ai choisi ici "Il pleut doucement sur la ville" de Paul Verlaine :



       Il pleure dans mon coeur
       Comme il pleut sur la ville,
       Quelle est cette langueur
       Qui pénètre mon coeur ?

       Ô bruit doux de la pluie
       Par terre et sur les toits !
       Pour un coeur qui s'ennuie
       Ô le chant de la pluie !

       Il pleure sans raison
       Dans ce coeur qui s'écoeure.
       Quoi ! nulle trahison ?
       Ce deuil est sans raison.

       C'est bien la pire peine
       De ne savoir pourquoi,
       Sans amour et sans haine,
       Mon coeur a tant de peine !



Choisissez ensuite un second texte sans rapport aucun avec le poème. Par exemple, le décret n°55-1175 du 31 août 1955 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes, en ce qui concerne les pâtes alimentaires (publié au Journal Officiel le 4 septembre 1955).

C'est fait ? Alors maintenant, dressez la liste, dans l'ordre d'apparition dans le texte, de tous les substantifs. Cela nous donne ici :

Réserve
Dérogation
Application
Article
Loi
Dénomination
Pâte
Produits
Emploi
Pétrissage
Fermentation
Semoule
Blé
Eau
Traitement
Tréfilage
Laminage
Séchage
Aspect
Usager
etc.

Voilà, le plus dur est fait ! Il ne vous reste plus qu'à remplacer maintenant dans le poème original tous les substantifs par ceux de la liste que vous venez d'établir dans l'ordre d'apparition... et à admirer le résultat !



       Il pleure dans ma réserve
       Comme il pleut sur la dérogation,
       Quelle est cette application
       Qui pénètre mon article ?

       Ô loi douce de la dénomination
       Par terre et sur les pâtes !
       Pour un produit qui s'ennuie
       Ô l'emploi du pétrissage !

       Il pleure sans fermentation
       Dans cette semoule qui s'écoeure.
       Quoi ! nul blé ?
       Cette eau est sans traitement.

       C'est bien le pire tréfilage
       De ne savoir pourquoi,
       Sans laminage et sans séchage,
       Mon aspect a tant d'usagers !



Magnifique, non ?

A noter que les puristes pourront compléter le processus en procédant de même avec les adjectifs et avec les verbes, mais là, j'ai la flemme.

Allez, pour finir, je vous donne d'autre illustrations, toujours créées à partir du même poèmes de départ...



Avec une sublime chanson de Lorie...

       Il pleure dans mon besoin
       Comme il pleut sur l'amour,
       Quel est ce bisou
       Qui pénètre mon câlin ?

       Ô jour doux du coeur
       Par terre et sur les fêtes !
       Pour un bras qui s'ennuie
       Ô le signe de la tête !

       Il pleure sans clin d'oeil
       Dans cette romance qui s'écoeure.
       Quoi ! nul sens ?
       Cette envie est sans yeux.

       C'est bien le pire besoin
       De ne savoir pourquoi,
       Sans bisou et sans câlin,
       Mon jour a tant de besoins !



Avec la fameuse lettre de Guy Môquet...

       Il pleure dans ma maman
       Comme il pleut sur mon frère,
       Quel est ce papa
       Qui pénètre ma maman ?

       Ô coeur doux de la mort
       Par terre et sur les choses !
       Pour un frère qui s'ennuie
       Ô les affaires du jour !

       Il pleure sans papa
       Dans cette maman qui s'écoeure.
       Quoi ! nulle peine ?
       Cette voie est sans adieu.

       C'est bien le pire ami
       De ne savoir pourquoi,
       Sans frère et sans homme,
       Ma vie a tant de regrets !



Avec un article de Wikipédia pris au hasard...

       Il pleure dans ma blennorragie
       Comme il pleut sur la gonorrhée,
       Quelle est cette chaudepisse
       Qui pénètre ma chtouille ?

       Ô maladie douce de l'infection
       Par terre et sur les organes !
       Pour un gonocoque qui s'ennuie
       Ô le pus de l'urétrite !

       Il pleure sans apparition
       Dans ce germe qui s'écoeure.
       Quoi ! nul antibiotique ?
       Cette gonococcie est sans raison.

       C'est bien la pire précaution
       De ne savoir pourquoi,
       Sans épidémie et sans déclin,
       Ma gonococcie a tant de public !



Voilà, je pense que vous avez compris la méthode et êtes convaincus de sa redoutable efficacité. Vous allez désormais pouvoir remplir des billets par douzaines sans vous fatiguer tout en passant pour un grand poète...

Merci qui ?

Merci Blogborygmes !

lundi 11 juin 2007

Saoul-FifreChargé de mission

Notre amie Catherine sort de chez nous et m'a mis sur le dos un boulot. Mais qu'est-ce qu'ils ont tous après moi, à vouloir que je bosse plus, pour rien gagner de plus, en l'occurrence ? Car elle a bien évoqué la possibilité d'un paiement "en nature", mais en dépréciant tellement l'éventuel retour sur investissement (pré-retraite, ménopause, sécheresse installée, jouissance poussive...) que le bénévolat pur semblait préférable.

Voilà l'affaire : elle est enseignante et envisage de reprendre les études et de travailler sur une thèse autour des variolithes, sa passion. Haha, les variolithes ! Ou variolites. Je me rappelle la réaction épatée de Tant-Bourrin, qui en tapant le mot dans ses méta-moteurs de recherche, avait fait chou blanc, et m'avait fortement pressé de satisfaire sa curiosité. On sentait le gars choqué qu'on ne trouve pas de tout à la Samaritaine ni sur internet. Son Credo dans l'omniscience du Web sauvage-sauvage en prenait un sacré coup, dorénavant, la méfiance s'imposerait a priori, des pans entiers de la connaissance humaine échappaient donc à l'emprise poisseuse de la toile ?

Autant vous dire tout de suite que ce temps de pionniers est révolu et que si vous tapez "variolite", vous allez passer votre après-midi à décortiquer des liens. Il y en a des anciens, le célèbre Buffon connaissait ces pierres, et les serpentines également. Une bonne partie des liens sont strictement géologiques, mais certains évoquent l'utilisation magique, médicale, protectrice de ces cailloux.

Car c'est une thèse de sociologie que Catherine prépare. Avec sa Kangoo et son carnet d'adresse volumineux, elle écume la France et l'Etranger profonds en privilégiant les endroits où les traditions sont encore vivaces, les associations, les bals folkloriques, et, tout en guinchant la Bourrée ou la Sardane avec un grand sourire, elle essaie d'extorquer leurs secrets aux vieux. Si ils ont des variolites, contre quelles affections étaient-elles utilisées, y avait-il un mode de préparation particulier, où les ont-ils trouvées...

Voici une très minime partie de la collection de Catherine :

Ces pierres au look animal si fascinant sont une constante de la vie de nos campagnes. Elles ont été troquées, fait l'objet de commerce, de trafic, certains les accumulent, et on retrouve à leur mort des sacs remplis... Le must est bien sûr de les avoir soi-même découvertes, ramassées, de préférence selon un mode opératoire magique précis tel que c'est la pierre elle-même qui se donne un maître, qui se laisse posséder...

La source, la principale maternité des variolites et des serpentines se trouve au Chenaillet, au Sud de Montgenèvre . C'est là qu'elles sont nées, c'est de là qu'elles ont été arrachées, crachées par les mouvements tectoniques, roulées, polies par la Durance à une époque où celle-ci avait un rôle majeur et gigantesque dans ces Alpes du Sud. On peut donc trouver ces magnifiques galets un peu partout dans notre région, et même en Corse, surtout aux endroits anciennement recouverts par la grande mer tertiaire. Mais une fois ramassées, leur voyage initiatique pouvait commencer : on les exportait, le carnet de commande des colporteurs avait les dents du fond qui baignaient, c'était l'offre qui traînait les pieds. Selon leur forme, leur "signature", l'utilisation pouvait en être différente. Les serpentines étaient destinées à soigner les morsures de serpents. On les faisait tremper dans l'eau et la pierre donnait ses vertus à l'eau, et l'eau combattait le venin. Dûment chapitré, abreuvé de prières, le mordu revenait sur le lieu du crime constater que le pouvoir de mort de la vipère avait trouvé son maître devant le pouvoir de vie d'un caillou.

Les variolites tiraient leur nom de leur peau marbrée, tachée, recouverte de plaques, de grosseurs... C'était la "peira picota", qui guérissait de la picote, de la clavelée des moutons, de la variole des vaches. Autant dire que l'Institut Pasteur n'aurait pas apprécié cette concurrence déloyale bien longtemps. On l'enterrait en préventif sous le seuil des étables et des maisons, on la perçait pour l'utiliser comme battant dans la cloche du Ménaïré, l'animal chef du troupeau, qui ouvre la marche... Et on l'utilisait aussi comme pierre de pouvoir, savamment et avec constance rechargée de force prières, de sacrifices dédiés et d'attentions quotidiennes.

Alors voilà : comme il parait que je connais de vieux ploucs piémontais, je suis chargé de leur tirer les vers du nez, de leur sortir de la mémoire, avec doigté et sens psychologique, les secrets ancestraux, les recettes enfouies de cette médecine minérale si usitée il n'y a guère. Et puisque j'ai programmé un voyage dans mon Algérie natale cette automne, ne pourrais-je pas également mener mon enquête chez les herboristes à moitié sorciers, sur les marchés des douars où le règne minéral, ghassoul, henné à la pierre d'alun, a toute sa place ?

Me voilà missionnaire ethnologique, à c'tt' heure ! Si je veux une de ces pierres précieuses auxquelles Catherine semble attacher plus de valeur qu'à la prunelle de ses yeux, j'ai bien peur d'être obligé d'en passer par là.

Mais je sais que ce sera sa plus minable, sa plus riquiqui, sa moins efficace...

vendredi 8 juin 2007

Saoul-FifreQu'importe la longueur, pourvu qu'on ait la liesse

Oui, il parait que ya recrue des sens de déformations génitales et autres micro pénis dus aux pesticides, ainsi que des cancers, des maladies des gênées raies sentent chez les agriculteurs ou les personnes exposées aux nombreux traitements chimiques sur fruitiers ou vignes.

Bon, moi je ne traite pas, j'ai pas de pulvérisateur ni d'atomiseur, je me suis toujours méfié de ces saloperies, et même quand j'étais ouvrier agricole chez un maraîcher, un jour il a voulu m'envoyer empoisonner le ver du poireau, je lui ai dit fermement que je faisais tout mais pas ça, et il est allé embaucher au noir un voisin moins regardant sur sa santé...

Maintenant, le sujet du micro pénis semble vraiment beaucoup préoccuper la population en général et Manou en particulier, vu l'abondance de forums qui verbalisent là-dessus. Bon, c'est un peu dans la tête, je trouve. Perso, je ne connais pas la taille du zob des gens que je fréquente, je n'ai pas à la connaître, c'est de l'ordre de l'intime. Reste le problème du couple, et là, les solutions ne manquent pas. Pourquoi rester enfermé dans une bulle u-nique-ment phallique ? Il y a les doigts, la langue, les ongles, les massages, et pourquoi ne pas se laisser gagner par le sexe à piles, additionné d'un doigt de tendresse ? Enfin, ils feraient mieux de se lécher l'assiette que de se prendre la tête...

Je sais pas pourquoi j'ai dérapé sur ce terrain glissant, en fait, si, je le sais, c'est parce que vous adorez quand ça patine, quand ça dévie, quand ça chavire, quand ça culbute patatras dans le bien gras et je suis votre esclave, nous le savons (de Marseille)...

En fait, je voulais lancer un petit jeu, vous adorez jouer, n'est-ce pas, vous ne sortirez donc jamais de l'enfance, les caisses de la sécu sont vides et vous refusez de travailler plus et de cotiser moins, vous n'êtes pas sérieux, quand même ? Un petit jeu, donc, mais ce n'est pas moi qui l'ai inventé. Qui ? Ben, toujours le même, l'empereur pas manchot de la risette, le pince-avec-rire, le plus hydrophobe des hydropathes...

Le 21 Décembre 1901, Alphonse le Grand, Alphonse Allais le lanceur d'idées farfelues en rafales proposait à ses lecteurs du Sourire un concours de distiques d'alexandrins, l'un le plus court possible, l'autre le plus long possible, et rimant ensemble...

"Ce petit travail, assurait-il, à la fois d'idéal et de mosaïque, vous servira d'excellente gymnastique cérébrale, et vous empêchera, pendant que vous vous y livrerez, de penser à mal..."

Gros succès. 996 candidats affluèrent et le vainqueur avait pondu ceci :

De 97 à 99
Maints chouans gouailleurs baffraient chaude andouille et froid bœuf !!

Impressionnant, mais pas tant que ça, si on écrit les chiffres en lettres. Allez, un autre qui n'a pas triché, lui :

Chouette endroit mieux qu'ailleurs ! Temps meilleurs qu'aujourd'hui !
Oaxaca ! Joël y a réobéi !

Allez, un petit (écrit par un anonyme contemporain) pour Ophise et Pousse-Manette :

Maints christs blonds aux doigts gourds flanquaient trois grands chœurs fiers
SNCF, RATP ou RER

Il a bien fallu que je m'y risque également, pour montrer l'exemple, mais je vous préviens : l'exercice est difficile, soyez indulgents !

La généalogie a su coopérer
Sans renfrognements d'ours, semblables aux chœurs des laies

Une autre ? Non, j'ai pas honte !

Dodécagone ami, aloès idéal
Gaies sciences n'auraient point meilleur accueil qu'aux halles.

D'accord, ça ne veux rien dire. Mais et alors ? C'est de la poésie obscure, absconse et ouverte à l'onirisme le plus surréaliste. Qu'est-ce que vous avez contre les poètes maudits ? On va voir si vous faites plus clair, allez, c'est à vous !

vendredi 1 juin 2007

Saoul-FifreLa vierge froide

Fatigue des yeux, sans doute, je lis nettement moins qu'à ma période boulimique où je me torchais mes 5 livres par semaine, gros ou petits, régulier comme un métronome. Je lis des journaux, mais je n'achète plus de romans neufs. Je rends visite à l'occasion au curé UMP (la totale, quoi) qui tient une petite boutique très bien achalandée en bouquins d'occases, mais j'attends surtout qu'on m'en prête ou mieux, qu'on m'en offre.

Ça m'évite d'avoir à faire un choix, et je pense qu'on n'offre pas n'importe quoi à n'importe qui, qu'il y a toujours le regard de l'autre, un message subliminal derrière le cadeau. Qu'un cadeau est révélateur a minima de la personnalité du généreux donateur, et souvent aussi, dans le meilleur des cas, celui où il arrive à s'abstraire partiellement de ses propres goûts, de l'opinion qu'il porte sur le donataire.

Chaque don est bien sûr un cas particulier, toujours est-il que j'ai été ravi du recueil de Nouvelles que m'a fait découvrir Calune :

J'ai mis un peu de temps à mettre la main dessus car ma belle-mère me l'avait confisqué, et puis mon fils, et puis bon, c'est mon cadeau, alors j'ai poussé mon cri de guerre, et j'ai pu commencer.

Ces "racontars" se passent sur la côte Nord-Est du Groenland, mais leur drôlerie pourrait être d'origine Grolandaise. En gros, c'est la vie des chasseurs de fourrure-piégeurs dans cette contrée bizarre qui ne connaît que 2 saisons : un long jour et une longue nuit de 6 mois chacun. Il y a des petits ports et puis des cabanes éloignées les unes des autres car au centre de leur territoire de chasse. Et dans ces cabanes, 2 piégeurs qui vivent ensemble, un ancien et son apprenti. C'est l'habitude, la tradition. Il semblerait que la vie soit plus facile à 2 que seul pour supporter le froid et surtout l'absence de lumière.

Dans des conditions spartiates et solitaires, la vie se rétrécit aux fondamentaux, mais garde toute son ampleur

Le soleil. Cet astre auquel nous sommes liés par un lien très fort, qui rythme nos jours, qui nous barbouille les yeux de vert, en faisant joyeusement ronfler la photosynthèse, et bien cette étoile s'éteint ! Il faut avoir emmagasiné pendant l'été une sacrée dose d'énergie, avoir le cœur brûlant, avoir l'optimisme chevillé, pour supporter sa défection et garder la foi en son retour ! Certains n'y arrivent pas, tel ce coq apprivoisé qui voit réduit à néant le rôle attribué à lui et ses congénères de toute éternité : saluer, rendre hommage au retour quotidien de Mercure sur son char. Il ne survivra pas à son inutilité lue dans la nuit boréale. La meilleure façon de tuer un coq...

Les femmes. Il n'y en a pas. Et quand on est jeune, et sanguin, et caverneux, le problème est raide à solutionner. Il faut attendre le vent du Sud-Est, et courir droit vers lui le sguègue à l'air, jusqu'à ce que l'image même de la femme s'évapore, s'amenuise dans les pensées... Mais elle revient toujours. Et prend une place d'autant plus importante qu'elle est loin dans le temps et l'espace. Dans ces lieux de solitude, le fin conteur, le diseur de merveilleux a un pouvoir magique sur ses compagnons. Par la force créative de ses mots, en leur parlant d'une lointaine "fiancée" qui soi-disant l'attend, il arrive à la faire exister dans leur imagination, jusqu'à entamer à leur demande une négociation tendant à lui faire "abandonner" ses droits sur elle ! Le droit de parler de cette fille fictive comme si elle était réellement sa fiancée, coûtera une fortune au vainqueur des enchères.

Je ne connais pas de métaphore plus puissante de l'importance vitale de l'Art, de l'écriture ou de la parole, dans notre vie. L'image, le rêve, ont même valeur, ou plus, sans doute, que la chose réelle. D'ailleurs, la vraie Emma n'existe pas. La vierge froide, si.

La mer. Hé oui, c'est sea, sex and sun, ce livre. La mer qui devient une étendue gelée et le compagnon chinois qui plonge pour comprendre comment les phoques arrivent à respirer sous la glace. L'alcool est bon et chaleureux pour le chasseur. L'alcool ne gèle pas, lui. Il n'en reste plus, va falloir songer à re-distiller. La mer par où arrive le bateau 2 fois par an, la relève, les provisions, les nouvelles de la civilisation, et qui repart chargé de fourrures.

Le bateau qui leur amène ce coup ci le trouble-fête le plus inutile qui soit : un lieutenant officiellement chargé de les former, de les discipliner et de les motiver contre l'Ennemi. Quel Ennemi ? Ben, l'Ennemi, quoi ? Ils veulent bien être gentils un moment, mais faudrait voir à leur causer correct. Ce sont des chasseurs du Grand Nord, des durs, et ce sont finalement eux qui mettront au pas le gringalet. Avec doigté.

Ce livre parle de toutes les choses importantes, de la mort, de l'amitié, du respect. De ces visites si indispensables à la survie, car si rares, de la nécessité acceptée de saouler l'autre de paroles et d'en écouter autant en échange, et de toutes ces petites folies ordinaires, obligatoires dans un pays aussi rude, et aussi des gros pétages de cable comme la sombre histoire d'Oscar le cochon que Calune aurait bien vu, j'en suis sûr, comme compagne pour Julie.

Très joli livre, vraiment, au style simple et allusif, comme j'aime, laissant la part belle à l'imagination du lecteur, qui n'est pas une moule, non mais ? Y a t-il un style nordique, qui parle avec finesse de sentiments profonds, vrais, naturels ? J'ai adoré "Faim" de Knut Hamsun, le prix Nobel norvégien, et aussi, plus proches de nous, les livres d'Arto Paasilinna le lapon : "le lièvre de Vatanen", etc... et bien sûr l'incontournable Selma Lagerlöf.

Au fait, Calune : merci !