Mon Maître-Étalon
Par Saoul-Fifre, mardi 26 juin 2007 à 00:00 :: Saint Thèse, priez pour nous :: #740 :: rss
Je suis né avec Brassens. En 1956, il était déjà célèbre, il avait percé, il avait déjà acheté l'impasse Florimont pour la confier à Jeanne et à Marcel. Cette maison où il aura passé 22 ans, qu'il a finalement léguée à Gibraltar, son roc-secrétaire, et qui est encore aujourd'hui fleurie régulièrement par des admirateurs. Gibraltar, ancien inspecteur des impôts que Brassens a débauché pour qu'il s'occupe de ses affaires. Gibraltar qui plaçait tout l'argent de Brassens sur un compte du Trésor Public, où l'état n'avait qu'à se servir pour récupérer les contributions dues ! Ha on est loin de "la liberté de penser" de Pagny ou de "la Suisse, oui mais plutôt la Belgique, pour pouvoir demander ensuite la nationalité monégasque..." de notre Jauni de moins en moins national ?
Brassens qui changeait régulièrement de DS, et qui donnait les "vieilles" à ses copains. Brassens qui passait son temps à écrire des 2 ièmes de pochette pour pousser ses amis dans le métier, à Pierre Dudan, à Pierre Louki, à Boris Vian, à Anne Sylvestre, à Pierre Barouh... Sa porte qui s'ouvrait pour des conseils, des coups de pouce. Philippe Chatel, Maxime Le Forestier, Renaud, lui doivent, je pense, le goût d'écrire et de chanter. Brassens qui distribuait des guitares "de chez Jacques Favino" (le luthier dont les œuvres ornent les pochettes de ses vinyles) comme d'autres des bonbons.
Car Brassens n'est pas qu'un excellent musicien doublé d'un parolier miraculeux. C'est un homme complet, d'un humanisme profond, qui a fait réfléchir et se poser des questions à toute une génération en désarroi. Il nous a initié à la poésie sous-jacente à toutes choses, il nous a appris à apprivoiser la Faucheuse, à nous en moquer, à lui envoyer une "patte-croche au bas de son dos", il nous a introduit dans le monde des sentiments.
Un des premiers chocs reçu de sa part est certainement "Le parapluie". Ce moment magique d'intimité, cette parenthèse intemporelle d'une tendre densité, la perfection de l'écriture, le vocabulaire recherché, délicieusement suranné, ces mots à moitié oubliés, rimant richement, rescousse, frimousse... tout Brassens est là, et la question est posée :
Comment fait-il, quel est son truc ?
Une passion, c'est ça : c'est une question dont on veut à toute force la réponse. Pourquoi ? Parce que. Alors j'ai écouté, j'ai chanté, je connaissais tous les textes de Brassens par cœur, et je béais d'admiration. Chez Brassens, il y a une idée, ou une élégance, ou un clin d'œil culturel par vers. C'est un festival et on se demande : "comment est-ce possible ?", et la réponse est somme toute simple. Brassens bossait beaucoup. Brassens ne faisait que ça. Brassens ne dormait que 5 heures par nuit. Brassens a beaucoup lu de poètes, il les a étudiés, les a décortiqués, pour lui aussi, humblement, "trouver la formule". Et quand il dit, dans la célèbre interview tricéphale Brassens-Brel-Ferré, qu'il n'est qu'un artisan-parolier, je pense qu'il est sincère, que ce n'est pas un accès de fausse-modestie. Brassens n'est pas pour autant un modeste, il sait parfaitement qu'il compte au nombre des paroliers d'exception, il a assez sué pour le savoir, et son public, dithyrambique, en est la preuve, mais c'est avant tout un homme honnête, et son succès lui donne des devoirs : être au niveau des aspirations qu'il soulève. "La marguerite", par exemple, un de ses textes à la légèreté fascinante, semble née d'un souffle d'air inspiré, il virevolte et se pose chez nous, pour nous, venant on ne sait d'où, de quelle amphore à génies... Et bien cette petite ritournelle qui nous parait toute naturelle est lourde, lourde, chargée de longs jours de ratures, de fausses routes, de recommencements, pour que les mots se mêlent en phrases, qu'ils coulent et rebondissent joyeusement de vers en vers, pour que le texte soit pétri de musique et que la musique exprime le jus des idées... Cent fois sur le métier... Edison parlait lui aussi du 1 % de génie et des 99 % de transpiration.
Brassens a simplement su assez tôt qu'il voulait écrire des chansons et en vivre. C'est ce qu'il faisait, d'arrache-pied, tandis qu'il "glandait" officiellement chez sa tante Antoinette, ou qu'il vivait aux frais de Jeanne, sa maîtresse, ou qu'il jouait les pique-assiettes chez ses potes plus intégrés. C'est de cette époque de vaches maigres que sont sorties ses plus jolies mélodies et ses textes les plus purs.
Et nous on rame, à cent coudées au dessous de cet oiseau migrateur qui a fendu l'Espace de la chanson française comme une étoile filante. Et on bave. Et on souffre de ce torticolis persistant dû à notre nuque trop longtemps inclinée, nos yeux fixant les auteurs inaccessibles.
Il est mort il y a plus de 25 ans, mais de temps en temps un mec malin exhume un truc inédit. Dans son intégrale (merci Anne !), on peut entendre Georges Lafaye lui extorquer une leçon d'écriture :
Ça ne se refuse pas, un cours de chanson par Brassens ! Et on continue d'apprendre...
Commentaires
1. Le mardi 26 juin 2007 à 06:05, par yves
2. Le mardi 26 juin 2007 à 06:06, par Tant-Bourrin
3. Le mardi 26 juin 2007 à 07:09, par antenor
4. Le mardi 26 juin 2007 à 07:23, par La Trollette
5. Le mardi 26 juin 2007 à 07:58, par nathalie
6. Le mardi 26 juin 2007 à 08:38, par Gi
7. Le mardi 26 juin 2007 à 08:57, par lalune
8. Le mardi 26 juin 2007 à 09:24, par La Trollette
9. Le mardi 26 juin 2007 à 09:57, par Pascal
10. Le mardi 26 juin 2007 à 10:01, par Anne
11. Le mardi 26 juin 2007 à 10:20, par manou
12. Le mardi 26 juin 2007 à 10:21, par mirza
13. Le mardi 26 juin 2007 à 12:05, par evy
14. Le mardi 26 juin 2007 à 12:15, par Martine
15. Le mardi 26 juin 2007 à 13:08, par Frenchmat
16. Le mardi 26 juin 2007 à 14:16, par Saoulfifre
17. Le mardi 26 juin 2007 à 14:33, par abs
18. Le mardi 26 juin 2007 à 14:57, par louisemiches
19. Le mardi 26 juin 2007 à 15:30, par Saoulfifre
20. Le mardi 26 juin 2007 à 15:51, par La Trollette
21. Le mardi 26 juin 2007 à 18:07, par Saoulfifre
22. Le mardi 26 juin 2007 à 20:09, par calune
23. Le mardi 26 juin 2007 à 20:23, par Frenchmat
24. Le mardi 26 juin 2007 à 21:33, par Bof.
25. Le mardi 26 juin 2007 à 22:16, par Anne
26. Le mercredi 27 juin 2007 à 02:32, par Saoulfifre
27. Le mercredi 27 juin 2007 à 09:14, par La Trollette
28. Le mercredi 27 juin 2007 à 10:30, par Anne
29. Le mercredi 27 juin 2007 à 15:25, par Saoulfifre
30. Le jeudi 28 juin 2007 à 10:34, par Oiseau migrateur
31. Le jeudi 28 juin 2007 à 11:19, par Saoulfifre
32. Le jeudi 28 juin 2007 à 12:59, par Oiseau migrateur
33. Le jeudi 28 juin 2007 à 19:01, par Saoulfifre
34. Le jeudi 28 juin 2007 à 22:45, par Oiseau migrateur
35. Le jeudi 28 juin 2007 à 23:11, par Saoulfifre
36. Le vendredi 29 juin 2007 à 08:06, par Oiseau migrateur
37. Le vendredi 29 juin 2007 à 09:10, par Saoulfifre
38. Le vendredi 29 juin 2007 à 19:57, par Oiseau migrateur
39. Le samedi 30 juin 2007 à 00:36, par Saoulfifre
40. Le samedi 30 juin 2007 à 08:46, par Oiseau migrateur
41. Le samedi 30 juin 2007 à 09:48, par Saoulfifre
42. Le samedi 30 juin 2007 à 20:31, par Anne
43. Le samedi 30 juin 2007 à 20:44, par Oiseau migrateur
44. Le samedi 30 juin 2007 à 23:08, par Saoulfifre
45. Le dimanche 1 juillet 2007 à 06:38, par Oiseau migrateur
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47. Le dimanche 1 juillet 2007 à 10:35, par Anne
48. Le dimanche 1 juillet 2007 à 12:35, par Oiseau migrateur
49. Le dimanche 1 juillet 2007 à 13:20, par Anne
50. Le dimanche 1 juillet 2007 à 13:58, par Oiseau migrateur
51. Le lundi 30 juin 2008 à 15:12, par Andiamo
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