Blogborygmes

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

lundi 27 octobre 2014

AndiamoCe que Veulent les Roses

La côte d'Albâtre... Je vous en ai souvent parlé, nommée ainsi grâce à ses falaises de craie blanche, la mer tantôt turquoise, ocre ou indigo, vient s'y fracasser les usant lentement mais sûrement.

C'est la Manche, une mer magnifique. Il y a peu j'y suis (encore) retourné : c'était au mois de septembre, il faisait un temps superbe, je me suis assis dans l'herbe, Félicie aussi.. mais qu'est-ce que j'déconne ? Je fume de la bonne, ce doit être ça !

Mais non, je suis allé à Veules-les-Roses avec Andiamette.

Veules, c'est une petite ville balnéaire entre Dieppe et Fécamp. Elle est traversée par le plus petit fleuve de France : "La Veule", 1100 mètres de longueur seulement, le plus grand fleuve de France étant le Beaujolais, comme chacun le sait, avec ses affluents : le Morgon, le Juliénas, le Chiroubles, sans oublier le Moulin à vent, Fleurie, bien sûr le Saint-Amour, et d'autres encore.

J'ai voulu vous faire partager cette journée, un temps splendide, l'été un peu en retard, une terrasse, un déjeuner fort agréable, ne boudons pas notre plaisir.



A l'infini les jolies falaises de la côte d'Albâtre...




Ça, un ru ? Un ruisseau ? Une rivière ?
Que nenni : UN FLEUVE !



L'église Saint Martin de Veules les Roses, la tour est du XIIIème siècle, le reste de l'église fut reconstruit entre le XVIème et le XVIIème siècle.



Sympas les petites rues de Veules...


Mon humble chaumière vous sied ? Je vous invite !

(Daguerréotypes Andiamo)

mercredi 22 octobre 2014

BlutchBlutch, s’il te plaît, dessine-moi une démocratie ! (phase deux)

Pour les retardataires, la phase 1 se trouve ici.


Deuxième époque

Pour remettre les choses dans leur contexte, en 1291 :

- Les Templiers remballent leurs cartons de Saint-Jean d'Acre, vaincus par des bachi-bouzouks qui ne comprenaient pas l'utilité de transférer en occident l'argent et les trésors dont ils ne faisaient rien et qui rendaient de si grands services à Philippe le Bel.

- Deux décennies plus tard, Phiphi IV, qui ne tenait pas son surnom de sa grandeur d'âme, fait massacrer ses créanciers pour solde de tous compte.

- Les femmes de la noblesse peuvent, encore pour deux siècles, gérer leur propre patrimoine.

- Les curetons intégristes doivent encore attendre 250 ans avant le triomphe de l'obscurantisme crétin.

- Ceux qui deviendront les Suisses ne sont, à conditions sociales identiques, ni plus futés, ni plus instruits que la moyenne de leurs contemporains. Tout au plus sont-ils moins manipulables par un clergé qui peine à grimper à pédibus dans les montagnes escarpées.



Cliquez sur l'image pour l'agrandir


Si tu envisages d'aller sermonner le curé dans les hauts de la commune de Bagnes, c’en est un sacré ; d'autant plus que c'est hasardeux de vouloir se désaltérer au Fendant.

Il faut donc voir la participation politique des habitants comme un phénomène progressif et sans s'illusionner sur les taux de participation non plus. Les habitants de chaque hameau devaient déjà s'organiser entre eux pour entretenir les chemins et les sources. Tous les chemins menant ailleurs, ils ont du aussi le faire par village, par vallée, puis par groupe de vallées. Ce qui est remarquable c'est que les élites n'ont pas pu ou voulu (tracer la mention inutile) spolier le pouvoir du peuple.

Nous en étions donc restés en 1291 et à ces trois cantons (Uri, Schwyz et Unterwald) qui formèrent la Suisse primitive autour du lac des quatre cantons.

Bien justement, le quatrième ne va pas tarder à rappliquer. En 1332, Luzern (qui n’a rien à voir avec l’herbe à vache) se radine : « Salut les potes, il parait qu’on s’éclate un max par chez vous, que le bailli Gessler s’est fait la malle à cause de Guillaume Tell et que même c’est notre héros préféré…. On peut entrer ? »

Le physionomiste a du lui trouver une bonne tête car ce fut le premier lac entièrement suisse. Tu sais ce que c’est, plus il y a de monde, plus on rit, et plus ça attire des nouveaux.
Avant même que les Habsbourg reconnaisse la supériorité des Waldstättens sur ce qui deviendra bien plus tard la race ariano-autrichienne, ils se retrouvent à huit à taper sur tout ce qui bouge autour d’eux et faire ripaille avec l’argent de la dîme aux Habsbourg qu’ils ne paient plus…
Les soldats suisses étaient si réputés (et les débouchés économiques en Suisse si minces) qu’il y avait des mercenaires suisses dans toutes les armées. Dans le même temps, la Suisse guerroyait pour son compte un peu partout autour de ses frontières, volant, entre-autres, le Pays de Vaud au Comte de Savoie qui fut obligé de quitter son fief de Chillon.



Cliquez sur l'image pour l'agrandir


La transhumance estivale vers le sud les avait amenés à porter la bonne parole rheum... à annexer des territoires en Italie du nord, avec de jolis succès.
Puis ce fut le clash, énorme, gigantesque, grotesque même :

Marignan…

François 1er, alliés aux Vénitiens, envoie ses mercenaires suisses combattre les armées du même bois, de son côté il résista héroïquement à une furieuse envie de gloire posthume en se coltant directement avec les brutes helvètes. En bon stratège, il s'était occupé de l'intendance pour l'état-major et des relations avec la presse. (Ce qui me fait penser qu'en 40 de Gaulle devait bien connaître cette période historique...)
Marignan ne fut pas la victoire de François 1er, mais la défaite de la Suisse contre des Suisses. Bref, une guerre fratricide. Donc pas de quoi se hausser le col par dessus la fraise...
Il restera donc à François 1er la gloire d'avoir rapporté la Joconde en France, dans les valises de son créateur. Et pour les Suisses, une interdiction du mercenariat à l'exception de la garde papale et de celle du roi de France. (Pour cette dernière, la prise de Versailles par la révolution marqua son point d'orgue, puisqu'elle y fut massacrée jusqu'au dernier soldat plutôt que de se rendre.)

Ces digressions historiques étant là pour expliquer que tant et aussi longtemps que les cantons suisses restaient de petites unités, on pouvait continuer d’aller sur la place pour voter, le bras droit levé et la main gauche sur le pommeau de l’épée. Comme ce ne fut plus toujours le cas, il fallut de nouvelles solutions.

Des petits malins décidèrent qu’on pourrait élire un représentant pour tout un groupe de votants. Mais méfiants, les citoyens ont rétorqué que c’est bien beau c’t’histoire, mais comment je fais si tu ne votes pas ce que tu as dit que tu ferais et que je suis pas content ? Je prends mon épée et je te coupe en deux ? (Je te rappelle qu’on en était resté aux fiers soldats invincibles (sauf par eux-mêmes)).
Déjà à l’époque la Suisse était un pays de compromis (que ne ferait-on pour sauver son intégrité corporelle). Il fut donc décidé que si une loi ne convenait pas à la population, celle-ci pourrait s’y opposer dans une votation populaire. Ainsi est née l'idée de référendum.
Oui, parce qu’en Suisse, « référendum » ça ne veut pas dire « plébiscite ».
Ce n’est pas non plus le gouvernement qui décide qu’il y aura un référendum, car ça n’a aucun sens et aucun effet réel sur la vie politique, hormis de vexer à mort le vacher de la France ( Ben oui, n'avait-il pas dit « Tous des veaux?...)
Dans cette perspective et dans le royaume électif de la France post-gaullienne, le sort final du référendum sur le traité européen est une gifle cinglante pour le mot démocratie et une insulte faite au peuple.
Ben tu vois, l’ex-fier-guerrier-suisse n’admettrait jamais qu’un politocard se foute pareillement de sa gueule... Et il ne le pourrait pas.

La naissance particulière de cette nation fait que son organisation politique est inverse à la France. En Suisse, le chef suprême est le citoyen et l’unité politique est la Commune. Par soucis d’efficacité et de cohérence, elle délègue une partie de son pouvoir aux cantons, qui eux, en délèguent aussi une partie à la Confédération pour les mêmes raisons.

Si, par exemple, tu prends l’école :



Cliquez sur l'image pour l'agrandir


Physiquement, rien ne peut distinguer un collège suisse d'un français, et pourtant, rien n'est pareil.

Elle est communale jusqu’au bout du pupitre. C’est la commune qui paie ses instituteurs. Par soucis de cohérence, elle a délégué à son canton l’organisation des programmes scolaires, mais c’est la commission scolaire communale qui les avalise, qui choisit le matériel scolaire, qui choisit et engage son personnel et qui décide des dates des vacances. (Actuellement une pure formalité, puisqu’elles sont coordonnées sur le plan cantonal.)

Les programmes scolaires sont toujours cantonaux, même si la conférence des chefs de l'instruction publique tente de les harmoniser. Organisée ainsi, l’école publique n’est pas un enjeu politique possible (et j’en connais beaucoup qui aimeraient bien voir ça en France….).

- La commission scolaire, c’est quoi ça ?
- Bonne question, merci de l’avoir posée comme disait l’autre.

La commission scolaire primaire (par exemple) gère la ou les écoles des cinq premiers degrés (autre particularité de l'école suisse, elle est évolutive jusque dans la numérotation des degrés qui commence par le commencement. Un élève de première commence sa scolarité au lieu de la terminer.. difficile à croire, hein!).
Elle est élue par le législatif communal et elle est formée d’adultes quelles que soient leurs nationalités. C’est elle qui gère l’école et qui engage les instits.
Voila pourquoi, en Suisse, l’école ne peut pas être l’otage de la politique. Même le maire ne peut aller à l’encontre de la commission scolaire…

L’élaboration d’une loi est chose complexe en Suisse et fera l’objet d’un prochain billet, car il faut peut-être commencer par la représentativité des élus….
Dans ses péchés de jeunesse, la Suisse est aussi passée par le scrutin majoritaire. Il en reste encore des traces. Progressivement, des citoyens ont pris conscience qu’il y avait un os. Un problème mathématique.

Faut dire que les Suisses savent compter….
Quelle est la légitimité d’un élu au scrutin majoritaire dans un pays qui a 20% de population étrangère, dont seuls les hommes adultes (env. 35% de la population) votent avec une abstention de 50% et que le mieux placé des élus n’obtient que 40 % des voix ?

Toutes les réponses sont permises si elles se situent entre « Inexistante » et « Nulle à chier ».

Traduite dans les chiffres, ça donne : 100 x 0,8 x 0,35 x 0,5 x 0,4 = 5,6% Avec le vote de femmes, un peu moins de 12%.

Comment faire pour augmenter cette représentativité ?

1° le vote des étrangers. Ce droit est acquis dans pas mal de cantons et de communes, mais il concerne les scrutins locaux, cette disposition n'est donc pas uniforme, car elle dépend du taux d’arriération des populations indigènes.

2° Le vote des femmes, acquis tardivement par des votations populaires faites dans la douleur, parce que l’ex-fier-guerrier helvète est assez long à la détente…. En plus que de Gaulle n'ayant jamais eu droit au Chapitre en Suisse, les femmes n'eurent pas le droit de vote pour couper les ailes du PCF...

3° Certains cantons avaient introduits le vote obligatoire. Largement abandonné depuis, puisque la perception des amendes coûtait plus cher que les recettes. (Ben oui, je t’ai dit que les Suisses savent compter…)

4° Avec le scrutin à la proportionnelle intégrale. Un parti qui obtient 30% des votes exprimés obtient 30% des sièges, point à la ligne. Hormis dans quelques cantons ultraconservateurs, aucun parti ne peut gouverner seul.

Par soucis de ne pas déconnecter les politiciens de la vie civile, communes, cantons ou confédération, aucun élu d’un quelconque législatif ne peut être professionnel. Seuls les exécutifs peuvent l'être.

Ce qui nous amènera à étudier la culture du compromis avec l’élaboration d’une loi.


A suivre.

vendredi 17 octobre 2014

Tant-BourrinCes petits détails qui pourrissent des chefs-d'œuvre

Il en faut parfois bien peu pour gâcher une œuvre : un infime grain de sable peut suffire à gripper les rouages de l'émotion et à faire descendre de quelques degrés le plaisir ressenti. Un mauvais coup de pinceau du peintre qui, sous un certain éclairage, donne à penser que le sublime modèle avait une verrue sur le nez, et l'on ne voit plus que cela sur la toile, qui occulte la beauté d'ensemble du tableau.

Il en va hélas de même dans les chansons : j'en ai fait à maintes reprises la douloureuse expérience. Oui, douloureuse, car il a suffi que je remarque un jour un détail insignifiant dans des chansons que j'adorais pour me les rendre quasiment insupportables : quoi que je fasse, je n'entends désormais plus que ce détail.

Je vais ici vous en donner trois exemples...

Lire la suite

dimanche 12 octobre 2014

FrançoiseLa beauté du geste

Un jour de 2008, Killian et Thierry ont fermé leur porte et sont partis à pied vers l'Est, avec l'idée de faire le tour du monde sans dépenser plus de deux euros par jour. Six ans plus tard, ils ont marché 17 000 km, sont arrivés en Malaisie et ont l'intention de poursuivre leur périple. Entre bivouacs en plein air, couch surfing et hébergements de fortune, ils respectent leur budget, en s'accordant de temps à autre une folie : dépenser 30 euros en une journée, somme dont ils disent : « avec 30 euros, on peut se faire plaisir n'importe où dans le monde. »

Des récits de voyage pas chers, loin, et surtout non polluants, à base de marche, vélo, cheval, voile…, c'est la « ligne éditoriale » du magazine  Carnets d'aventure. On y croise de jeunes parents qui prennent un congé sabbatique et partent en vélo tandem sur la cordillère des Andes avec leur gamin de deux ans, des potes qui parcourent les îles de la Baltique en canoë-kayak, ou sillonnent la Nouvelle-Zélande à pied pendant trois ans. Mieux que des militants écolos sur le thème de la sobriété heureuse, ces voyageurs donnent envie de consommer peu et de profiter de chaque instant. Ils font rêver parce qu'ils sont réalistes : ils l'ont fait et en sont heureux.

Parmi les animateurs de ce magazine qui booste l'optimisme, il y a Alexis Loireau. Je ne le connais pas, je l'ai découvert avec un petit livre intitulé : « La grâce de l'escalade, petites considérations sur la verticalité et l'élévation de l'homme » (Boréal). J'ai commencé l'escalade il y a un an et demi, sans autre désir que de grimper avec fluidité et si possible élégance. Justesse du geste plutôt que performance. Hélas, les manuels que je trouvais ne parlaient que de matériel et de technique avec en filigrane l'incitation à un esprit de compétition qui n'est pas mien. D'où la divine surprise de ce bouquin poétique qui faisait écho à mon désir d'harmonie.


Alexis Loireau ; crédit photo : France Inter


Un drôle de type, Alexis Loireau. Bon élève, ingénieur sorti d'une grande école puis rentré dans une grosse entreprise qui l'a conduit à bosser en Bolivie, Australie et au Brésil. Où l'appel des hauteurs a été le plus fort. Il a peu à peu glissé du boulot/boulot au boulot plaisir en quittant sa boîte pour créer avec un brésilien la plus grande salle d'escalade du pays. Sans oublier d'aller à la rencontre de falaises et de rochers du monde entier qui ravissent son goût du détail, son amour de la couleur des roches, de la nature, du dénuement et du silence. Il illustre à merveille l'idée qu'en se libérant peu à peu du vacarme ambiant et des images artificielles, on accède à une sorte de plénitude qui ressemble au bonheur. J'ai expérimenté cette sensation il y a quinze ans, lors d'un séjour solitaire de quatre mois en Grèce. Les premiers jours, je m'installais face à la mer avec un livre et de la musique en fond. Puis j'ai arrêté la musique. Enfin, j'ai posé mon livre et goûté un bonheur quasi parfait à simplement contempler la mer pendant des heures. Un voyage immobile, où la peur d'être seule avait fait place au plaisir de la solitude.

Les voyages lointains fascinent, mais ce que j'aime par-dessus tout dans ceux de ces aventuriers économes, c'est l'absence de peur. Ils ne cherchent pas à tout baliser, partent sans gilet jaune fluo ou casque de protection et pensent que les inconnus qu'ils vont côtoyer seront bienveillants, pensée vérifiée dans l'immense majorité des cas. Cette absence de peur n'exclut nullement la lucidité et la prudence, mais change agréablement de la parano quotidienne. Je n'ai jamais rencontré Alexis Loireau et je le regrette car il a une bonne tête, à l'extérieur comme à l'intérieur. (Non, les Blogbos, je ne drague pas! Cessez de croire que l'admiration que j'exprime pour quelqu'un dissimule forcément des turpitudes...)


La grâce de l'escalade

mardi 7 octobre 2014

AndiamoMassacrons la mythologie

HEP ! DRRRRIIING ! ça va peut-être les réveiller mes coblogueurs ? Sait-on jamais ? C'est la fumette ou le gardénal qui les rend léthargiques ?...

Alors je m'y suis collé un ch'tiot crobard en rapport avec la bitologie... Pardon la mythologie, quoique très souvent l'une rejoint l'autre, pas faignasses les Circé, Calypso, Aphrodite, et autres sirènes en rut ! Une jolie source d'inspiration... Tiens tiens.

(ch'tiot crobard Andiamo)

mercredi 1 octobre 2014

AndiamoLa bougie

AVANT PROPOS :

Mes collègues, les "BOSS" bénéficient d'une retraite anticipée... Si, si je vous assure, alors pris de court, j'ai ressorti une petite histoire, une charmante bluette écrite il y a six ans... Déjà...


Chloé sortit sur le pas de la porte, et regarda dans le jardin. Didou, son petit Didou, se balançait vigoureusement sur la balançoire du portique vert planté au milieu de la pelouse : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, le petit garçon sauta à terre. Chloé sursauta, mais non, il ne pouvait rien lui arriver, pas encore...

L'enfant, âgé de quatre ans environ, courut vers sa mère, bras tendus, et se jeta dans ses jambes en criant : "Maman" ! Chloé se baissa, lui caressa les cheveux. Il leva la tête, un grand sourire, et repartit vers sa balançoire : 1, 2, 3, 4, 5, un grand rire, un nouveau saut, puis, en courant, il tenta de rattraper le chat, mais celui-ci escalada prestement la clôture et s'enfuit en miaulant.

Chloé consulta sa montre. Vingt et une heures.

- Didou ! Rentre, mon chéri, il est l'heure d'aller faire dodo. Didou, un peu boudeur, quitta à regrets la clôture et rentra. Allez, Maman va te déshabiller, mettre le beau pyjama "Snoopy", un gros bisou-câlin, et dodo. Bien sûr, je te lirai "OUI-OUI".

Après avoir refermé l'album, donné le bisou-câlin, Chloé s'éloigna sur la pointe des pieds, un dernier regard sur SON petit garçon qui dormait déjà, puis, délicatement, elle referma la porte.

Sur le coin du joli bureau "Chippendale", la flamme de la petite bougie bleue commençait à vaciller. Avec un gros soupir, Chloé ouvrit le tiroir et en sortit une autre bougie, bleue comme la précédente. La dernière, songea-t-elle tristement. Une larme coula sur sa joue. Avant que la bougie ne s'éteigne, la jeune femme pencha la mèche vers la flamme (surtout allumer la bougie nouvelle à la flamme de la précédente). Puis elle déposa la bougie neuve au même endroit, s'installa dans le grand fauteuil "Voltaire", son préféré, alluma une cigarette. Le cancer ? Tout cela avait si peu d'importance en ce moment précis. Le sommeil la surprit au moment où elle revoyait la scène : elle entre dans la chambre, Didou dort...

Maman ! Réveil en sursaut. Vite, elle regarde la bougie. Ouf de soulagement, elle brûle encore, sa flamme claire ne tremble pas. Oui mon chéri, Maman arrive. Chloé monte les marches, pousse la porte de la petite chambre, Didou est debout, une moue boudeuse en guise de sourire.

Bébé a mal dormi, il a fait plein de rêves méchants, des couche-mares. Cauchemars, mon chéri. Allez, viens, Maman va préparer le petit déjeuner, oui, du Nutella avec de la brioche, dessus et dessous le Nutella ! Oui, bébé.

Didou s'et approché du bureau :

- Elle pue ta bougie, et puis elle n'est pas belle ! Didou n'en veut plus !

- Ne la touche pas ! Chloé a hurlé, puis a violemment repoussé l'enfant.

- Tu m'as fait mal, Maman est méchante, la bougie elle est vilaine et pis, et pis, elle pue mauvais, na !

Une journée de plus, une journée encore, la bougie bleue, les jeux de Didou, ces dix derniers jours semblables, "copiés collés" ou presque.

1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, voilà, un de plus qu'hier... Le même saut à pieds joints, sursaut de Chloé, c'est idiot songe-t-elle, je devrais y être habituée maintenant. Didou lui enserre les jambes. Caresse sur les cheveux bouclés. 1, 2, 3, 4, 5, le saut, la cavalcade poursuite avec le chat...

Vingt et une heures, le câlin, dodo après "OUI-OUI". Un peu plus long que les jours précédents, le câlin. Les yeux de Chloé s'embuent de larmes, la porte refermée doucement.

La flamme de la bougie éclaire faiblement le coin du bureau. Chloé s'affale dans le fauteuil, allume sa cigarette, elle revoit ce matin, il y a dix jours, il y a dix siècles.

- Bonjour Didou ! Didou dort encore, il n'a même pas bougé, Chloé tire les rideaux s'approche du petit lit.

- Debout paresseux ! L'enfant ne bouge pas, Maman pose sa main sur le front de bébé, il est glacé, elle tire prestement la couverture, inerte, bébé est inerte, la peur lui tord le ventre. Elle soulève son Didou, les bras pendent, les jambes aussi, c'est une poupée de chiffon qu'elle tient dans ses bras. Un cri de bête jaillit de sa poitrine, NON pas lui, mon bébé n'est pas mort, pas LUI ! Tous mais pas LUI !

Elle a appellé Camille, son amie, sa presque soeur, celle qui ne l'a jamais abandonnée, quand Fred est parti, elle était là, Camille mon autre moi. J'arrive, a-t-elle simplement dit, ne touche à rien tu m'entends... A rien, ne préviens personne, j'arrive...

Elles sont allées voir Matéo, le vieux Manouche, un Rom. Il vit à l'écart à la limite du village, il habite toujours sa vieille "verdine", trop vieux pour suivre la tribu, ses yeux ne voient presque plus. Tu me donneras tout ce que tu possèdes, ton argent, tes bijoux, ta maison. Chloé a tout donné, tout signé. Pas pour moi, a dit Matéo, pour ma petite fille, moi j'vais bientôt crever, alors...

Chloé est repartie avec dix bougies bleues. Tu devras allumer la première à 22 heures, ensuite, chaque jour quand la bougie sera prête de s'éteindre, tu allumeras la suivante à sa flamme, et ainsi de suite.

Le soir même, à 22 heures, Chloé a allumé la bougie. A l'étage, la voix de Didou a crié :

- Tu ne m'as pas fait mon bisou-câlin, et pis t'as pas lu OUI-OUI. Maman est montée comme une folle, a serré Bébé très fort. Tu m'fais mal, a-t-il protesté.

Et voilà, la dixième bougie est là, sa flamme commence à vaciller. Alors Chloé se lève. D'un geste las, elle ouvre le tiroir du joli bureau "Chippendale", sa main plonge, et ressort armée d'un Lüger. Ce pistolet, elle le tient de son grand-père, ramassé sans doute sur le cadavre d'un officier Allemand.

La bouche grande ouverte, le canon glisse lentement entre ses dents.



(ch'tiot crobard Andiamo)