Blogborygmes

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

jeudi 29 novembre 2007

AndiamoEnfance

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, j'ai l'impression parfois, que l'enfance ne m'a jamais quittée, mais que c'est moi qui l'ai larguée, petit à petit.

Quand les garçons commencent à regarder le cul des filles (autrement que pour le botter !), les protubérances sous leurs pulls-overs, ils regardent avec de moins en moins d'intérêt leurs "Dinky-Toys", les trouvent même horribles, plutôt tartes avec leurs jantes nues, par manque de pneus, leurs peintures écaillées.

Le petit harmonica (le ruine-babines, comme disent nos chers Québécois), avec ses plaques sur le dessus, nickelées, gravées d'un "HOHNER" magique, qui nous rappelle les colonies de vacances à Doulaincourt, la colo de Drancy.

Elles ne nous émeuvent même pas, les traces de nos dents de lait, laissées juste au-dessus des ouvertures carrées, bien rangées, encore un peu de bave séchée, bien dure.

On fait une petite moue de dégoût, on ouvre le couvercle de la poubelle, et, dédaigneusement, entre le pouce et l'index, on laisse choir le petit instrument, KLONG !, quelques années de bonheur aux ordures.

Alors, on commence à se brosser les dents trois fois par jour. "Miracle !" s'écrie la Maman émerveillée, mon goret serait-il devenu propre ? Le père sourit, il a tout compris LUI, vu qu'il en a fait autant !

Et puis le garçon se coiffe, si, si, tout à coup, il découvre l'usage de cet instrument, qu'il croyait réservé uniquement à la grande soeur, il se mouille les cheveux, se colle même du "PENTO" !

C'était une crême blanche, "hair dresser" était imprimé sur le tube, il fallait se mouiller les tifs, puis on se mettait un peu de cette crême, dans le creux de la main, et on l'appliquait sur toute la chevelure, parfois on en mettait un peu trop, alors de longues rigoles blanches dégoulinaient sur le front, et là, soigneusement, on lissait nos cheveux, puis on se faisait un "cran" avec le plat de la main.

Vous marrez pas, les gamins, z'êtes pas mieux avec vos gels à la con et vos coiffures du genre "paquets de pétards" avec les mêches dans tous les sens ! Moi, avec mes cheveux frisés de Rital bon teint, bien emmerdé j'étais !

J'enfilais mon premier "black-jean", tout noirs ils étaient les jeans - eh oui, on a eu les blues-jeans bien après - si bien que les potes qui ne parlaient pas le patois, disaient "un black-jean bleu".

Plus question de porter les pulls tricotés main par la Maman, avec des motifs "chérubins", des nounours ou des biches à la queue leu leu, ça f'sait pô viril tu penses ! On sortait juste en chemise, avec un foulard en rayonne noué façon cravate, les pompes italiennes vachement serrées, si étroites, que j'en avais chopé des cors aux pieds. Moi qui avais des pieds de nouveau-né, j'me suis retrouvé avec des ribouis de facteur !

Alors on allait voir les filles, un peu godiches elles aussi. Mais attention, pas question de les appeler, ça ne se faisait pas, le Papa aurait renaudé vilain, pas touche à fifille ! Dans les années cinquante, les nanas ne sortaient pas ouvertement avec les garçons, surtout pas avant leurs dix-sept ans. Il fallait se faire transparent, vaporeux, furtif, tout en catimini. Pour les appeler, on sifflottait un air convenu à l'avance, et puis une copine un peu plus délurée arrivait à convaincre ses parents de la laisser sortir. Ça semble un peu concon, surrané, mais le changement s'est opéré dans les années soixante, c'était COMME ÇA !

Les filles commençaient à troquer leurs socquettes pour des bas bon marché, de marque "Tire-Bouchonné", du plus bel effet, ils plissaient forcément ces bas, étant donné qu'elles avaient encore des cannes de passereaux ! Les sandalettes se remplaçaient doucement par des escarpins à tout petits talons ou des trotteurs, leurs nattes se dénouaient, laissant flotter de longues chevelures, dans lesquelles j'aurais bien frotté mon nez, doux parfum d'eau de Cologne du "Mont St Michel"...

Tourné le coin de la rue, loin du regard des parents, elles sortaient de leur premier sac à main, un tube de rouge à lèvres, "Rouge Baiser", tu sais, la gonzesse, dessinée trois-quart face, un bandeau noir sur les yeux, et des lèvres d'un rouge ! (Ça existe encore ?) Le tube chourré à la grande soeur tenu d'une main, dans l'autre un petit miroir, elles suivaient minutieusement le contour de leurs jeunes lèvres, appliquant le rouge vermillon, qui les rendraient inaccessibles, GARBO la Divine !

Elles marchaient devant les garçons, feignant de les ignorer, eux, nous, deux ou trois mètres derrière, on roulait nos caisses, des biens p'tites caisses, juste des caissettes ! On les charriait gentiment, pas hardis dans le fond, puisqu'on attendait d'être au cinéma pour peut-être, peut-être, oser les embrasser.

J'en connaissais une qui me plaisait beaucoup, une blondinette, mignonne, jolie, mais elle en préféra un autre, ça commençait déjà !

On allait au cinéma, les garçons avaient jetés leurs billes, abandonné le vieux "MECCANO" rouillé, donné leurs "NOREV", et leurs "SOLIDO" à un jeune cousin, les filles abandonnaient définitivement leurs baigneurs "NOBEL", et leurs poupées "RAYNAL", "TARZAN" et la "SEMAINE DE SUZETTE" avaient servis à allumer le vieux GODIN.

Personne ne se doutait que notre enfance se terminait, pour les yeux d'une petite blonde, ou pour un grand brun, qui fumait des "WEEK-END".

mardi 27 novembre 2007

Saoul-FifrePutsch

Je l'avais repéré, ce gros œuf dans le nid de ma pomponnette préférée.

Sur le coup je m'étais rengorgé, prenant à mon compte ce surcroît de gloire quantitative. Fallait-il que je lui aie bien bourré la spermathèque pour qu'il en sorte une énormité pareille ? Aujourd'hui, sachant ce que je sais, à savoir que cet œuf n'était pas de moi, qu'il a été déposé perfidement par cette pourriture de patron au cul d'une de mes petites, que c'était un œuf étranger au poulailler, un œuf 7 fois maudit de la race limousine à sélectionner en priorité pour les éliminatoires, un œuf qui sentait sûrement le vomi fermenté, un œuf que j'aurais dû piétiner, lapider, gober, offrir aux rats ?

Cette putain de brouillade potentielle en coquille, ha vanitas vanitatis, un bon petit avortement psycho-thérapeutique en forme d'omelette et je serais resté peinard sur mes terres, le Grand Blanc qui fait l'entretien courant de son modeste harem, à l'abri de toute concurrence.

Bon ça c'est le passé, et mon présent il est pas joli-joli, moi je vous le dis, quel gâchis, une entreprise si saine, Ô mon dieu que j'ai honte, c'est dur de ne plus être quand on a été, je souffre d'une vraie souffretance, que celles de Yaël, d'Abs et de tous les autres palestiniens c'est de la gnognotte, en comparation...

Quand ce con d'œuf a éclos, il en est sorti un vraiment beau petit. Ici, c'est pas du tout une ferme d'engraissement, la croûte il faut se lever un maffre comac pour se la gagner, la distribution de grain elle est symbolique et on est plutôt habitués à des petiots rastègues et maigrichons. L'autre, là, ( Ô putain il m'a lancé son regard numéro 7, ça va barder pour mon matricule ), c'était un vorace, il profitait superbien, il piquait la part de ses frères et sœurs, un vrai coucou, en 1 mois il était déjà gros comme sa "mère", en fait, c'était pas sa vraie mère, vous avez compris, sa vraie mère ça devait être la mère Denis avec des plumes ?

Bon un coq ça s'occupe pas trop de l'éducation des poussins, mais quand il y a eu "la présentation de la nouvelle couvée au reste du poulailler", moi et le petit rouge on l'a pris entre pointes pour lui expliquer la vie provençale, à l'autre Géant du Mont Faillon. Il a vite compris qui c'étaient les chefs. Bon, Petit Rouge, je l'aime pas, c'est vrai, mais il est comme moi, il a du sauvage dans les veines. Petit, mais teigneux. C'est pas un grand dadais tout mou qui va faire sa loi ici !

Je vous dis pas le bizutage. Systématique et minuté. On lui a tout fait. Après être passé entre nos pattes, il connaissait les moindres techniques de l'humiliation. Comment casser un coq. Comment anihiler dans sa tête quasi creuse toute velléité de faire son malin. D'ailleurs on a un peu déconné car ça a été un peu lui donner le bâton pour nous faire battre plus tard. Il avait droit à rien, on se relayait pour lui foutre les chocottes. Pendant qu'il tremblottait en surveillant de loin l'un de nous, l'autre arrivait par derrière et le faisait bondir de terreur et filer en courant. On le laissait pas s'approcher du blé, et pourtant il continuait à grossir, ce con ! Il était gros 4 fois comme nous mais il filait doux sans demander son reste dès qu'on haussait le sourcil. Les poules, il fallait pas non plus qu'il s'en approche. À deux, on lui avait bien rentré dans le crâne la règle numéro 1 "Tes couilles, qu'à faire joli sur la photo que le patron il a promise à Calune, ne serviront". Pas plusseu, pas moinsseu... Quand tu croises une poule, tu lui dis "Excusez-moi Madame de vous avoir dérangé, je ne vous importune pas plus longtemps". Quand tu nous croises, tu prends l'air angoissé, oui comme ça, très bon, t'es un marrant, toi, et tu files ventre à terre à au moins 20 mètres !

On l'a harcelé comme ça pendant deux ans. Nous on rigolait, on l'appelait le plus grand des nuls, ça nous sciait qu'on arrive à l'impressionner alors qu'on devait lever le bec pour le regarder. Bon d'accord : grand ou petit, du coin ou d'ailleurs, c'est vilain de passer à tabac un poulet, à moins d'aimer le paradoxe. Bref. Il est sans doute écrit quelque part que tout Eden inclut sa propre fin, ne serait-ce que dorénavant, en le tapant dans Google, ben on tombera sur Blogbo.

Un matin le gros coq se réveilla de mauvais poil. Il devait en avoir ras le panache de toujours courir, c'était crevant, à force. Je me mets à lui faire les gros yeux, pour ne pas manquer à la tradition, à lui mimer un retourné d'ergot dans la tronche, il bronche pas, ce ouf ? Ha tu veux faire mumuse, que je lui dis, je vais me faire un petit entraînement, tu vas me servir de punching ball... Mais il reculait pas, l'enflure ! Et puis sa taille ? Il avait juste à frapper du bec de haut en bas, alors qu'il fallait que je saute en l'air ? Bon, technique galvaudée, j'ébouriffe mes plumes pour paraître plus gros, j'écarte à moitié les ailes, mais tu parles qu'il savait pertinemment mon gabarit de porte-plume. Ma crête se violaçait foncé de colère mais je sais pas, il s'en foutait, il avait pris THE décision of sa vie, c'était se battre ici et maintenant, ou bien se contenter ad libitum d'une vie mouisée.

Et ça je le sentais, ô oui putain je le lisais dans ses yeux son mental déterminé, ce regard bovin de débile agréé ne pouvant contenir qu'une seule idée à la fois, oui mais cette idée c'était : "Cherche pas, t'es mort !"

Ahouille !! J'ai pris son grand bec sur le sommet du crâne, il veut me trépaner ou quoi ? Ben oui : les oreilles, l'œil, il me picore la tête à toute berzingue, ça doit être bon, je bat des ailes, il s'en fout, il continue, bon ça va un moment mais les meilleures choses ont une fin, je me tire, j'ai ma pâtée sur le feu. 'tain, il m'a saigné, l'obèse, j'en ai plein les yeux, j'y vois plus rien. Ha si, il s'en prend au petit rouge, maintenant ?

Mais c'est la révolution ?

J'ai tenté le tout pour le tout, je suis retourné à l'attaque. Il m'a fini, vidé, liquéfié, lessivé, essoré, déchiqueté. Maintenant quand j'entends son cocorico de frimeur, je réflexionne plus. Tous les traumatismes me remontent sous forme d'images horribles sanglantes insupportables, je baisse la tête et je fuis, le bec au ras du sol, droit devant, mur ou pas mur, roncier ou pas roncier, je fonce, je reste pas là.

Je le souhaite à personne, ce qu'il nous fait subir. Ouais j'en entends qui disent : "Bien fait !", mais je suis pas d'accord, j'ai pas été élevé pour vivre ça, j'ai pas l'habitude, je vous jure que je souffre à donf, que la souffrance de Matthieu , c'est un orgasme, à côté, moi la souffrance de Matthieu, elle me fait rigoler mais il faut pas trop que je rigole, j'ai pas encore bien cicatrisé.

Si je cicatrise un jour.

Quelle vie de fiente ! C'est dur d'être dans l'opposition...

dimanche 25 novembre 2007

ManouMioule, mots d’enfant, Confucius et compagnie

Comme tous les matins et plus encore, Mioule se lève au radar. Elle se fait doubler sur la droite par Mioulefritx qui jette la première ses tartines dans le grille-pain. Qu’importe. Philosophe, Mioule mélange bruyamment du miel dans un pot de yaourt nature.

Tout en ingurgitant son petit déjeuner, elle étudie la boîte de céréales d’un regard bovin. Elle n’a rien d’autre à lire depuis que Foutrix a planqué le Courrier International quelque part aux toilettes.

En cinq minutes elle se lave, s'habille, se bariole les yeux avant de se propulser ébouriffée sur le trottoir.

Hi a posé une journée de grève tandis que Séraphin potasse « le Kamasoutra expliqué aux intelligences artificelles ». Devant ces défections, Mioule se rend à pied et à son travail. 7 kilomètres ce n’est pas la mer à boire. Il pleut à peine.

Elle arrive au bureau, y lance sa gibecière et sort le dossier brûlant « La retraite pour les maquilleurs aborigènes ». L’alerte incendie se déclenche dans les 30 secondes qui suivent. Mioule rejoint ses collègues dans les escaliers puis descend 24 étages à pied. Son sourire se crispe légèrement. Tout cela devient pesant.

Elle reprend son poste, trempée jusqu’aux os. Le téléphone sonne.

Mioule : Allo ?

Séraphin : Mioule, je voulais te conseiller de remettre à l’ordre du jour la position du lama agressé. Parfaite pour pimenter ta relation avec Foutrix.

Mioule : Mais comment te débrouilles-tu pour téléphoner ?

Séraphin : J’ai trouvé la corde sensible de Mioulefritx. Elle en pince tellement pour moi qu’elle obéit au moindre de mes désirs. C’est elle qui tient l’écouteur.

Mioule : Tu m’as fait peur. Je te signale au passage que Foutrix n’a pas besoin d’être pimenté, il possède déjà un don inné pour l’amour. Tu veux ma mort ?

Séraphin : ça se discute…biiiiiiip

Mioule a raccroché. Il n’y a plus qu’une alternative à sa déprime naissante : se jeter à corps perdu dans le travail. Elle se déshabille, remet sa paire de rollers et saute sur l’écran de son ordinateur.


- Je possède un zoo.
- Combien d’animaux vivent dans ton zoo ?
- Deux.
- C’est assez peu.
- Deux tyrex.
- Tu sais que ça mange beaucoup un tyrex ?
- J’ai prévu d’aller chasser.


« Celui qui ne progresse pas chaque jour, recule chaque jour ». Merci Confucius. Mais que répondre à V pour son nouveau devoir de philo : la science est-elle désirable en elle-même ?

vendredi 23 novembre 2007

Tant-BourrinKill Kiki !

Dressons le tableau : vous aimez le calme et le silence. Mais voilà, la sérénité à laquelle vous aspirez légitimement, le soir, lorsque vous regagnez votre domicile, est troublée par des jappements horripilants : ceux de l'affreux caniche de votre voisin qui aboie (le caniche, pas le voisin) à la moindre occasion. Le voisin en question reste insensible à vos récriminations, affirmant que son Kiki aboie très peu et que vous devez ne pas aimer les animaux pour ne pas supporter de si infimes nuisances.

Pour le coup, vous êtes à bout de nerfs. Vous rêvez d'étriper Kiki et son maître pour retrouver votre chère quiétude. Mais de là à passer à l'acte... Vous hésitez. Et surtout, vous ne savez pas comment vous y prendre.

Rassurez-vous, Blogbo est là. Nous allons vous proposer quelques méthodes pour faire taire l'affreux clébard, avec une analyse des avantages et inconvénients de chacune d'entre elle. Vous n'aurez plus que l'embarras du choix...

Lire la suite

mercredi 21 novembre 2007

AndiamoLe parfum des saisons

Ma banlieue, vous commencez à la connaître, celle du Nord-Est de Paris, elle avait une couleur : le gris, "gris souris effrayée", une jolie teinte, genre "ciments Lambert".

Les baraques n'étaient pas peintes, il n'y avait pas assez de sous pour ça ! Alors elles étaient toutes un peu tristounettes, parfois l'une d'elles se distinguait, faite de briques (et de broc diront les mauvaises langues), il y en avait même en bois, recouvertes d'un genre de linoléum goudronné, tout noir, tenu par des liteaux de bois, du plus bel effet, mais si monseigneur !

Pas de jolis murs en "claustra" genre "moucharabieh" ou encore faux style Provençal, comme si les vieux paysans provençaux s'échinaient à ériger des murs "super-classe", ils avaient autre chose à foutre !

Les clôtures, c'étaient des haies, des haies à la con, pas taillées du tout, genre coupe de cheveux à la Gainsbourg, il y poussait des petites baies rouges, qu'il ne fallait surtout pas manger "passque" c'était du poison !

Ah la vache ! Hyper dangereuses les haies ! On en a bouffé bien sûr, amers, dégueux, toujours pour ne pas se déballonner ! Et surtout, truffées d'araignées, des balèzes, de l'épeire, grises et blanches, TERRIFIANTES ! On les prenait au bout d'un bâton, puis on coursait les filles, elles détalaient en courant !

Mais dès que les bestioles remontaient le long de la trique, on lâchait le tout, et PAN, un coup de talon et les monstres s'éclataient contre un caillou, ils étaient courageux les Tarzans de banlieue !

La rue, même pas goudronnée, de la caillasse, des trous commacks, une dinde aurait pu y faire son nid, c'est dire.

On s'en foutait vu que personne n'avait de voiture. Les seules qui osaient s'aventurer dans cette rue défoncée étaient celles qui livraient l'épicier du quartier : le laitier, le livreur de pains de glace que l'on suivait l'été pour récupérer les éclats de glace, qui jaillissaient lorsque, en quelques coups de poinçon, le livreur coupait un pain en deux. On récupérait ces petits éclats d'eau gelée puis on les suçait, tout contents, le sorbet ! Il n'y avait pas de réfrigérateurs chez nous, ni ailleurs du reste !

Et puis, rarement heureusement, le corbillard, ce sont les dernières voitures à chevaux que j'ai connues, ainsi que celle d'un vieux boulanger qui vendait son pain au porte-à-porte. Il était très âgé, son bourrin aussi.

Un jour, le canasson a pété un brancard de la carriole. Attroupement, les mômes autour rigolaient, mais pas le vieux ! Après ça, on ne l'a plus revu, enterré avec son brancard ?

Avec l'été revenaient les odeurs. Pas de tout-à-l'égout, des fosses septiques pour les mieux nantis, les autres fosses d'aisance, et quand Richier (le vidangeur) se ramenait pour vider les cuves, j'vous décris pas la fragrance ! Ça fouettait vilain dans la strass !

Alors on se mettait à côté du camion, et tous en choeur, rythmé par le bruit de la pompe, on entonnait le : "pompons la merde, pompons la gaiement, etc." Bien sûr, les vieux à la fenêtre nous engueulaient en nous traitant de "p'tits cons !"

Les plus économes avaient la sacrée sainte "tinette", vidée consciencieusement dans le jardin, ça en faisaient des beaux légumes, pas d' OGM à la con, que d'la nature, bien grasse, fallait pas être délicat, quand t'avais vu le vieux d'à côté déverser sa merde dans les plates-bandes et qu'après il te proposait un chou bien gras ou des tomates bien juteuses, en guise d'amitié, eh bien on était tout content, merci voisin ! Et puis "à ch'val donné, on ne regarde pas la bride !"

Pour les eaux usées, on avait un "tout-au-caniveau", les eaux de pluie, les eaux de vaisselles, les eaux de la toilette.

L'hiver, quand il gelait, c'était chouette, des superbes glissades dans les rigoles, les casse-gueules aussi quand les galoches accrochaient un caillou.

Ah oui, les galoches, en bois les semelles, mon père y clouait des semelles de caoutchouc, il achetait sur le marché des plaques d'un caoutchouc très noir, avec écrit dessus dans des petits ovales "Wood-Milne". Z'avez connu vous ?

D'autres copains portaient, sous leurs semelles, des rangées de clous à têtes hémisphériques, plantés à touche-touche, ça faisait un foin quand ils marchaient ! Et quand, prenant son élan, un de ces "ferrés" s'élançait sur une dalle de ciment et se laissait glisser, ça faisait des étincelles sous ses galoches !

Ah putain, la classe, Spiderman et Batman pouvaient aller se faire coller, le plus fortiche c'était not' pote ! Des pompes lance-flammes, même les Ricains y z'avaient pas !

Le printemps arrivait, le linge à sécher était moins raide sur les cordes tendues dans les petits jardins, il ne gelait plus, on observait si la voisine faisait sécher "ses serviettes du mois", dès fois qu'elle soit encore enceinte !

Les pêchers, cerisiers et autres abricotiers en fleurs commençaient à répandre un doux parfum, les hannetons revenaient en masse, des escadrilles ! J'avais un copain qui disait des espadrilles, ça nous faisait marrer !

Il n'y en a plus des hannetons, décanillés, ratatinés, merci DDT ! Des hirondelles aussi, il y en avait partout, leurs cris aigus perçaient le silence des soirs d'été (c'est beau comme du Delly !).

La chaleur venant, flottait dans l'air le parfum enchanteur de l'eau croupissant dans les caniveaux. En un mot, ça renaudait méchant, ça schmoutait grave dans le coin, j'avais un copain un peu poète qui disait : "je sens venir l'été", il n'y avait pas besoin d'être nez chez Chanel, pour apprécier les relents de la flotte stagnant dans les caniveaux.

Dormir la fenêtre ouverte relevait des coulisses de l'exploit, Paris-Berlin sans pisser, pour éprouver la satisfaction de s'épancher sur ce putain de mur avant qu'il tombe, de la gnognotte, de la roupette de chansonnier comme dirait Alexandre-Benoît.

Et ces endoffées de larves de moustiques qui grouillaient là-dedans, t'en serais pas venu à bout avec ton Baygon à la con ! Vaccinées, immunisées, mithridatisées qu'elles étaient les fumelardes. Vivre dans une daube pareille, c'est pas ta p'tite bombe à la con qui les auraient inquiétées ! Revigorées, oui, du peps, une chienlit, ces mosquitos-là !

Tu penses, leurs vieux avaient résistés aux bombardements, au napalm, à l'ypérite, à Hiroschima et même au troisième reich, alors ta bombinette...

Tout compte fait, ça ne gênait pas trop, on était habitués, et puis l'hiver était bien loin encore, l'école aussi, les magasins n'étalaient pas les fournitures de la rentrée dès les grandes vacances commencées.

Marchands du Temple, grevures, de quoi démoraliser des générations d'écoliers ! On jouait dans notre chère rue jusqu'à.... très tard, puis on rentrait pour se coucher, la tête encore pleine des conneries de la journée !

lundi 19 novembre 2007

Saoul-FifreEpanouie comme Mort en Algérie

- "Note, Rabia : mon bateau arrive demain à 13 heures à Oran. Il faut vraiment que Ahmed et votre copain douanier y soient pour me faire passer vu que les ordis à mon avis, j'ai pas le droit de les importer ?"

- "Inch' Allah..."

- "Et puis le lendemain, c'est mon frère, ses enfants et les miens qui atterrissent à la Sénia à 17 heures..."

- "Inch' Allah..."

- "Bon là j'aurai la voiture vide et il suffira de louer un taxi un peu grand et ça ira..."

- "Inch' Allah...". Rabia répétait sa litanie "Si Dieu veut" pour m'expliquer poliment "Mais qui es-tu, pour connaître l'avenir, nous sommes des marionnettes entre les mains du Très-Haut, Gloire à lui, tu seras là où tu dis s'il le veut bien."

Et le plus beau, c'est que nous en avons eu une preuve éclatante. Non, personne n'est mort, mais ma sœur devait arriver par l'avion Paris-Alger. Ils lui ont fait enregistrer ses bagages et au moment de l'embarquement, lui ont dit "qu'en raison d'un arrêt de travail d'une certaine catégorie de personnel, le vol était annulé !"

Mektoub. Va-z-y va-z-y, fais des projets, si Allah y veut pas que t'ailles en Algérie, t'iras pas. Et ne chiale pas : cet avion y devait s'écraser, t'as eu du pot qu'y ait eu grève !

Le rapport à la mort en Algérie est un peu déstabilisant pour un Européen habitué au "tout sécuritaire". Et puis on s'y fait assez vite. La manière de conduire...

En France, sur une 4 voies, chacun reste sur sa file. Là non : si tu veux doubler, tu demandes le passage en klaxonnant. C'est rigolo alors tu prends vite le pli. Aux ronds-points, le code est le même que chez nous, mais personne ne le respecte, celui qui a le plus gros culot passe. Sur les 2 voies, par contre, elles sont assez larges pour pouvoir doubler dans n'importe quelles conditions, virages, haut de côte, un coup de klaxon magique et les 2 voitures s'écartent et te laissent passer. Ou pas. Il y a quand même beaucoup de tôles froissées. Ou alors elles sont particulièrement susceptibles.

Je me souviens aussi de ces grappes de jeunes accrochées au flanc de la falaise qui fait face au port d'Oran. Sur des escarpements leur permettant juste de s'asseoir sur le rocher, les pieds dans le vide, un faux mouvement et ils se retrouvent écrasés 80 mètres plus bas, ils passent l'après-midi à regarder passagers et véhicules monter dans le "bateau pour la France". Cette absence de vertige me semblait teintée de désespoir.

Et puis ya "les terros". La mort qui rode et qui peut frapper n'importe quand. Les filles kidnappées et emmenées dans la montagne pour "servir" après un simulacre de mariage. Les bergers égorgés pour l'exemple, pour apprendre le silence aux autres. Le peuple sent revenir les sombres années 90, malgré les gages donnés aux barbus : la 3ième plus grande mosquée du monde arabe promise à Alger, un premier ministre choisi parmi les leurs, une politique de pardon pour tous ceux qui déposent les armes...

Mais c'est considéré comme insuffisant : C'est bien Bouteflika qui était la cible du groupe Al-Qaeda au Maghreb, ce 6 septembre 2007 à Batna.

Attentat qui a donné 22 fois la mort et fait plus de 100 blessés.

Mais le raïs revient le jour suivant

samedi 17 novembre 2007

ManouLes femmes, la violence et la haine






La jeune femme bulgare du dernier billet de laurent.

Sur le corps de mon frère, mort pour une femme, le tueur avait disposé un bouquet où figurait cette phrase : « Dîtes-le avec des fleurs ». Nous n’avons jamais trop compris à quoi correspondait ce geste.

Samedi. Fabrice Luchini, adepte prolixe d’une féminité instinctive et artiste, écoute quelques secondes. Il écoute malgré lui cette femme expliquant la réalité. Que les mots furent longtemps l’apanage des hommes, dans le religieux, dans le politique comme dans le social ou l’intime. Bien sur, il y eut des exceptions.

Il arrive aux femmes de mourir sous les coups d'un compagnon. Comme s’il fallait les faire taire. La colère, la haine, irrépressibles. Alors que les hommes sont pourtant capables d'une infinie douceur.

Nous vendons des armes aux pays qui paient rubis sur l’ongle. Le sens des valeurs dans une démocratie. Et pourquoi pas le fusil dans le panier de la ménagère ? Nos chasseurs s’en servent, non ? Quoi de plus naturel que de mettre un pistolet en plastique dans les mains d’un enfant pour Noël ? Je n’ai jamais compris cela non plus.

J’ai lu la haine pour les anorexiques, pour les nantis, pour les étrangers, pour les homosexuels, pour les mères célibataires. Parfois j’entends « et on tuera tous les patrons ».

J’ai lu aussi : « Il n’y a plus qu’une solution pour éviter le pire. Refuser toute forme de violence, quoiqu’il en coute. »

1 2 3 >