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dimanche 27 octobre 2019

AndiamoAu milieu coule une rivière...

Alex avait marché longtemps, longtemps, mangeant ce qu'il trouvait dans les magasins dévastés, buvant l'eau des flaques dans lesquelles se reflétait son visage amaigri, bouffé par la barbe.

Une barbe grisonnante poussant à la va comme j'te pousse, ses vêtements sales ne sentaient pas très bon, seules ses chaussures étaient de qualité, il les avait trouvées dans un magasin de sport abandonné lui aussi, une chance la boîte avait glissée derrière une étagère, lors du pillage.

Il avait entendu parler d'une mer quasi intacte, au nord ouest, cette mer était la plus proche de Parise.

Parise... Autrefois lui avait-on dit elle s'appelait Paris, les ligues féministes toutes puissantes, avaient exigé puis obtenu qu'on la débaptisât afin de féminiser son nom, UNE ville, et à fortiori UNE capitale, se devait de porter un nom féminin ! La connerie aussi c'est féminin avait pensé Alex.

Le virus P 06 avait complètement ravagé les populations, seuls quelques survivants dont Alex miraculeusement épargnés sans que l'on sache pourquoi, hantaient encore les villes à la recherche de nourriture dans les appartements aux portes disloquées, seuls quelques blindages bien solides résistaient encore.

Ce virus né de la pollution aux gaz d'échappements, pesticides, et autres produits médicamenteux, n'avait trouvé aucune parade, et pourtant les labos du monde entier s'étaient mis à la tâche, voyant là une source de profits bien juteux au premier qui décrocherait la timbale !

Mais que dalle ! Ce virus mutait plus vite que l'intelligence des chercheurs, impossible à cerner, encore moins à éradiquer, une partie d'échecs avec un virus qui jouait avec deux coups d'avance !

Alex suivait ce qu'il restait de la petite route, serpentant dans la campagne picarde, seuls des mousses et lichens s'accrochaient désormais à une terre devenue quasiment stérile, car ce virus s'attaquait à tous les organismes vivants à l'air libre.

Une chance d'atteindre la mer lui permettrait de survivre grâce à la pêche et au ramassage des coquillages... Enfin peut-être !

Peu avant ce qui fut la petit village de Oust-Marest, il aperçut depuis le sommet d'une colline une immense étendue qui miroitait sous le soleil.

Thalassa... Thalassa, s'écria t-il !!! Alors il se mit à courir, le visage fendu par un large sourire, deux heures plus tard il arriva à bout de souffle, dans ce qui fut un joli port de pêche "Le Tréport", le phare autrefois peint en blanc et vert n'était plus qu'un tas de pierres, il avança sur les galets, la mer était parfaitement immobile, la bouche béante il vit que ce qu'il avait pris pour de l'eau miroitant au soleil, n'était qu'un océan de bouteilles plastiques vides, certaines portaient encore les étiquettes de leur région d'origine : Vittel, Evian, Saint Yorre...



C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons d'argent,
Où le soleil de la montagne fière luit,
C'est un petit val qui mousse de rayons...

(daguerréotype internet, poème "Tutur")

lundi 7 octobre 2019

FrançoiseDieu et la queue.

DIEU ET LA QUEUE (avant la prochaine manif sur les retraites)

Dans la droite ligne de la précédente chronique sur l’ornithorynque, poursuivons l’étude des démêlés de Dieu avec le monde, ce qu’on pourrait appeler l’angoisse de la création.

Or donc, Dieu examinait quelques-unes de ses créatures. Il était assez fier du kangourou avec sa poche sur le ventre et ses testicules en cuir fin et décida de ne l’implanter qu’en Australie, Tasmanie et îles voisines, rien que pour faire chier et rendre jaloux les autres humains. Dieu avait compris avant tout le monde- normal puisqu'il était là avant tout le monde- la force du dicton « diviser pour régner ». Mais zappé le fait qu’en créant ensuite l’Homme à son image, il exposait l’univers à une application exponentielle de ce principe belliqueux pouvant mener à la Guerre des Etoiles. On a beau être divin on ne prévoit pas toujours tout…

Le Créateur saisit entre ses augustes mains un de ces macropodidés- nom de famille du kangourou, signifiant « grand pied »- et le posa sur son établi où il se cassa illico la figure. "Y a quelque chose qui cloche là-dedans, j’y retourne immédiatement » chantonna Dieu en notant dans son carnet de croquis : « Penser à inventer Boris Vian ».

La réflexion divine fût courte mais bonne : il suffisait de doter le kangourou d’une queue suffisamment vigoureuse pour équilibrer l’animal, qui s’en servirait comme d’un trépied en posture statique, et d’un balancier pour la course, et de lui donner cette ineffable expression intellectuelle qui réjouit les âmes innocentes. « La queue, voilà le secret ! » se dit Dieu à lui-même car il créait dans la solitude de son atelier et ne supportait pas qu’on le dérangeât. Adam et Eve jouaient à Dieu sait quoi (mais il ne le dira pas) dans le jardin d’Eden, tandis que le créateur peaufinait ses bestioles : eh oui, contrairement à une idée reçue, l’Univers et ses accessoires ont demandé moult évolutions, degré de cuissons différents et réflexions sur les couleurs avant d’être.



Dieu saisit ensuite le Castor qui avait une bonne tête avec ses dents du bonheur, et pris d’une inspiration soudaine lui offrit une queue en forme de raquette, idéale pour tasser la glaise avec les brindilles, ce qui incita illico le rongeur à construire ses barrages et terriers en s’aidant de ladite queue, preuve que si la fonction crée l’organe, l’inverse existe aussi.

Pour le cochon, dans lequel tout est bon, la queue ne posait aucun problème existentiel au Créateur qui se doutait que l’homme trouverait un moyen de la cuisiner et effectivement Dieu goûta et il dit que cela était bon. Même si une recette totalisant près de 1000Kcal par portion avoisine le péché mortel…



Par mesure de rétorsion face à un animal dont l'universalité menaçait de le concurrencer, le créateur le dota cependant d’une queue en tire-bouchon extrêmement énervante car totalement inutile dans cette fonction d’ouvre bouteilles, je ne sais si vous avez essayé, mais CA NE MARCHE PAS ! Il restait sur l’établi moult modèles de queues : queue en panache pour l’écureuil roux européen, queue en éventail du paon… Dieu bricola quelques instants, puis, n’y tenant plus, appela Eve. « Regarde, Eve, j’ai créé un animal très rigolo, je l’ai appelé le chien. – Rigolo, pourquoi ? interrogea Eve que le regard du caniche n’émouvait guère. –Tu vas voir : je le caresse, comme ça, et hop ! Il remue la queue. Je viens de créer une fonction totalement inutile, une queue qui remue quand l’animal est content : c’est unique, n’est-ce pas ? –Je n’en suis pas sûre, répliqua Eve avec un sourire si mystérieux que Dieu s’empressa de noter dans son carnet de croquis : « Inventer Mona Lisa. »