DIEU ET LA QUEUE (avant la prochaine manif sur les retraites)

Dans la droite ligne de la précédente chronique sur l’ornithorynque, poursuivons l’étude des démêlés de Dieu avec le monde, ce qu’on pourrait appeler l’angoisse de la création.

Or donc, Dieu examinait quelques-unes de ses créatures. Il était assez fier du kangourou avec sa poche sur le ventre et ses testicules en cuir fin et décida de ne l’implanter qu’en Australie, Tasmanie et îles voisines, rien que pour faire chier et rendre jaloux les autres humains. Dieu avait compris avant tout le monde- normal puisqu'il était là avant tout le monde- la force du dicton « diviser pour régner ». Mais zappé le fait qu’en créant ensuite l’Homme à son image, il exposait l’univers à une application exponentielle de ce principe belliqueux pouvant mener à la Guerre des Etoiles. On a beau être divin on ne prévoit pas toujours tout…

Le Créateur saisit entre ses augustes mains un de ces macropodidés- nom de famille du kangourou, signifiant « grand pied »- et le posa sur son établi où il se cassa illico la figure. "Y a quelque chose qui cloche là-dedans, j’y retourne immédiatement » chantonna Dieu en notant dans son carnet de croquis : « Penser à inventer Boris Vian ».

La réflexion divine fût courte mais bonne : il suffisait de doter le kangourou d’une queue suffisamment vigoureuse pour équilibrer l’animal, qui s’en servirait comme d’un trépied en posture statique, et d’un balancier pour la course, et de lui donner cette ineffable expression intellectuelle qui réjouit les âmes innocentes. « La queue, voilà le secret ! » se dit Dieu à lui-même car il créait dans la solitude de son atelier et ne supportait pas qu’on le dérangeât. Adam et Eve jouaient à Dieu sait quoi (mais il ne le dira pas) dans le jardin d’Eden, tandis que le créateur peaufinait ses bestioles : eh oui, contrairement à une idée reçue, l’Univers et ses accessoires ont demandé moult évolutions, degré de cuissons différents et réflexions sur les couleurs avant d’être.



Dieu saisit ensuite le Castor qui avait une bonne tête avec ses dents du bonheur, et pris d’une inspiration soudaine lui offrit une queue en forme de raquette, idéale pour tasser la glaise avec les brindilles, ce qui incita illico le rongeur à construire ses barrages et terriers en s’aidant de ladite queue, preuve que si la fonction crée l’organe, l’inverse existe aussi.

Pour le cochon, dans lequel tout est bon, la queue ne posait aucun problème existentiel au Créateur qui se doutait que l’homme trouverait un moyen de la cuisiner et effectivement Dieu goûta et il dit que cela était bon. Même si une recette totalisant près de 1000Kcal par portion avoisine le péché mortel…



Par mesure de rétorsion face à un animal dont l'universalité menaçait de le concurrencer, le créateur le dota cependant d’une queue en tire-bouchon extrêmement énervante car totalement inutile dans cette fonction d’ouvre bouteilles, je ne sais si vous avez essayé, mais CA NE MARCHE PAS ! Il restait sur l’établi moult modèles de queues : queue en panache pour l’écureuil roux européen, queue en éventail du paon… Dieu bricola quelques instants, puis, n’y tenant plus, appela Eve. « Regarde, Eve, j’ai créé un animal très rigolo, je l’ai appelé le chien. – Rigolo, pourquoi ? interrogea Eve que le regard du caniche n’émouvait guère. –Tu vas voir : je le caresse, comme ça, et hop ! Il remue la queue. Je viens de créer une fonction totalement inutile, une queue qui remue quand l’animal est content : c’est unique, n’est-ce pas ? –Je n’en suis pas sûre, répliqua Eve avec un sourire si mystérieux que Dieu s’empressa de noter dans son carnet de croquis : « Inventer Mona Lisa. »