Alex avait marché longtemps, longtemps, mangeant ce qu'il trouvait dans les magasins dévastés, buvant l'eau des flaques dans lesquelles se reflétait son visage amaigri, bouffé par la barbe.

Une barbe grisonnante poussant à la va comme j'te pousse, ses vêtements sales ne sentaient pas très bon, seules ses chaussures étaient de qualité, il les avait trouvées dans un magasin de sport abandonné lui aussi, une chance la boîte avait glissée derrière une étagère, lors du pillage.

Il avait entendu parler d'une mer quasi intacte, au nord ouest, cette mer était la plus proche de Parise.

Parise... Autrefois lui avait-on dit elle s'appelait Paris, les ligues féministes toutes puissantes, avaient exigé puis obtenu qu'on la débaptisât afin de féminiser son nom, UNE ville, et à fortiori UNE capitale, se devait de porter un nom féminin ! La connerie aussi c'est féminin avait pensé Alex.

Le virus P 06 avait complètement ravagé les populations, seuls quelques survivants dont Alex miraculeusement épargnés sans que l'on sache pourquoi, hantaient encore les villes à la recherche de nourriture dans les appartements aux portes disloquées, seuls quelques blindages bien solides résistaient encore.

Ce virus né de la pollution aux gaz d'échappements, pesticides, et autres produits médicamenteux, n'avait trouvé aucune parade, et pourtant les labos du monde entier s'étaient mis à la tâche, voyant là une source de profits bien juteux au premier qui décrocherait la timbale !

Mais que dalle ! Ce virus mutait plus vite que l'intelligence des chercheurs, impossible à cerner, encore moins à éradiquer, une partie d'échecs avec un virus qui jouait avec deux coups d'avance !

Alex suivait ce qu'il restait de la petite route, serpentant dans la campagne picarde, seuls des mousses et lichens s'accrochaient désormais à une terre devenue quasiment stérile, car ce virus s'attaquait à tous les organismes vivants à l'air libre.

Une chance d'atteindre la mer lui permettrait de survivre grâce à la pêche et au ramassage des coquillages... Enfin peut-être !

Peu avant ce qui fut la petit village de Oust-Marest, il aperçut depuis le sommet d'une colline une immense étendue qui miroitait sous le soleil.

Thalassa... Thalassa, s'écria t-il !!! Alors il se mit à courir, le visage fendu par un large sourire, deux heures plus tard il arriva à bout de souffle, dans ce qui fut un joli port de pêche "Le Tréport", le phare autrefois peint en blanc et vert n'était plus qu'un tas de pierres, il avança sur les galets, la mer était parfaitement immobile, la bouche béante il vit que ce qu'il avait pris pour de l'eau miroitant au soleil, n'était qu'un océan de bouteilles plastiques vides, certaines portaient encore les étiquettes de leur région d'origine : Vittel, Evian, Saint Yorre...



C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons d'argent,
Où le soleil de la montagne fière luit,
C'est un petit val qui mousse de rayons...

(daguerréotype internet, poème "Tutur")