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mercredi 25 septembre 2013

AndiamoLes miracles

- XCV est demandé en salle "Z"

- QSD est demandée également en salle "Z"

Les hauts parleurs diffusaient cette annonce depuis le matin. XCV et QSD, dormaient encore. Après tout, ils avaient accompli leurs trois heures de travail mensuel et avaient droit à un repos bien mérité.

Couchés nus l'un près de l'autre après une nuit de folie, ils avaient fêté dignement la fin de leur dure journée de travail.

Soudain le bigovisiophone se mit à grésiller. XCV tendit le bras, appuya sur une touche. Sur le mur apparût l'image en 3 D de" A" le chef du C.U.L (centre urgentiste de législation).

- Debout les feignasses, vous êtes attendus en salle "Z" et ça urge !

QSD s'étira, elle était splendide dans sa nuisette rose "fraise tagada" !

- Qu'est ce qu'y a ? baillât-elle...

- Grouille, on est attendus en salle "Z" et ça n'a pas l'air de rigoler !

La salle "Z" était réservée aux cas graves, une sorte de petit tribunal dans lequel siégeaient quelques vénérables vieillards, plus séniles qu'utiles, ayant pour fonction, de surveiller qu'aucun abus ne soit commis lors de déplacements spatio-temporels, afin d'éviter le fameux paradoxe du grand-père.

- Tu crois qu'ils sont au courant ? interrogea QSD.

- J'espère que non, mais avoue que ce que tu as fait cette nuit dépasse tout ce qu'on pouvait imaginer !

Ils passent en hâte leurs combinaisons, standards, rose pour lui, bleue pour elle, empruntent le trottoir roulant n° 33, qui les dépose devant une grande porte métallique frappée d'un grand "Z".

- Ça me rappelle ce vieux feuilleton que j'ai vu à la rétro vidéothèque : "Zorro" ! déclare QSD en scrutant le grand "Z".

XCV appuie sur le bouton du visiophone : XCV et QSD au rapport !

Sans un bruit la porte pivote, ils se retrouvent devant un aréopage de vieillards. Plus sénile qu'eux, tu meurs : certains roupillent, un filet de bave à la commissure des lèvres.

- J'ai vu chuchote QSD, un vieux documentaire dans lequel apparaissaient des sénateurs, au début des années 2000, ça ressemblait tout à fait à ça !

Au milieu de l'assemblée trône "A", premier magistrat, la tronche sévère du mec qui vient d'avaler une purge et qui a un besoin impérieux de tousser !

- Approchez, vous deux...

L'un des vieux croulants émet un pet sonore, puis, pour garder contenance, fait mine de tousser en mettant sa main devant la bouche.

- C'est pas là qu'il devrait mettre la main, murmure XCV en se penchant à l'oreille de sa jolie compagne, qui ne peut retenir un gloussement.

- Et ça vous fait rire ? hurle "A" qui n'a sûrement pas entendu la louffe que vient de lâcher son collègue.

Un peu penauds nos deux tourtereaux regardent leurs pompes.

- Il vous est reproché d' avoir failli... une fois de plus aux règles de non ingérence dans des épisodes CRUCIAUX de notre glorieux passé, et pourtant on vous a mis en garde maintes fois ! Abuser à ce point des possibilités qu'offre le spatio-temporel-omnibus, est I-NA-DMI-SSI-BLE !

Toi WXC, articule "A" en le regardant dans les yeux, il y a peu, tu t'es rendu en l'an 31 de notre ère, et tu as fait prendre je ne sais combien de kilos de poissons à de pauvres pêcheurs du lac de Tibériade. Tu as même tracé le signe de la croix en leur disant : "Fermez vos gueules... J'amorce" !

Ensuite tu étais invité à une noce, et v'là t'y pas que tu as changé l'eau en vin... En vin ? Penses-tu ! Tu avais versé du colorant "DVB 25" dans la flotte afin de la rougir, résultat : ils ont tous eu une chiasse carabinée !

Mais ça n'a pas suffit, toi QSD, le 11 février 1858, tu es allée dans la grotte de Massabielle près de... de Pau, voilà c'est ça, et là tu as fait croire à une pauvre bergère une certaine Bernadette que tu étais, je cite : "que soy era immaculada concepciou" tu lui as même parlé en patois ! Et tu es revenue je ne sais combien de fois ! Toi une immaculée conception, c'est la meilleure ! Je ne te fais aucun reproche mais enfin tu as pieuté avec plus de mecs qu'un curé peut en bénir !

Revenons à toi XCV, la meilleure si j'ose dire ! Le 3 octobre 1917 tu es apparu avec QSD à trois bergers au Portugal, à Fatima pour être précis, et ce plusieurs fois, en vous faisant passer pour le fils de Dieu et pour la vierge Marie... Et le meilleur : vous avez fait tourner votre Xihultz (soucoupe volante) en leur faisant croire que ça n'était pas moins que le soleil qui gesticulait de la sorte !

Y'en a marre vous deux ! Je vais vous envoyer garder les moutons dans le Larzac en 1870 vous allez moins rigoler !

A ce moment entre dans la salle un petit bonhomme, mal fagoté, petites lunettes rondes, cravate de traviole, répondant au doux nom de MOIPRESIDENT, un fayot doublé d'un mouchard. Il s'approche de "A" se hisse sur la pointe des pieds biscotte sa petite taille, et murmure à l'oreille du Big Boss, qui se décompose au fur et à mesure que le nabot lui débite son laïus.

Quand MOIPRESIDENT a terminé il s'en retourne...

"A" regarde fixement QSD, il est livide, la mâchoire tombante...

- Alors là... Alors là ! articule-t-il péniblement, tu es allée cette nuit en France, tu t'es fait passer pour l'ange Gabriel, et tu as persuadé Jeanne la pucelle, de lever une armée afin de bouter l'Anglois hors du beau pays de France ! Et ce con de Charles VII l'a suivie ! Tu te rends compte du bouleversement que tu as apporté !

Dans la véritable histoire de France Jeanne d'Arc reste à garder ses moutons, Charles VII ne monte pas sur le trône, les Anglais restent en France, tout le monde jaspine le british et on ne nous fait pas chier à apprendre cette langue à la con !

- GAAAAARDES, emmenez-moi ces deux connards to the jail !

jeudi 19 septembre 2013

Tant-BourrinMes disques de légende [4] : Les Enfants terribles - "C'est la vie"

Il y a longtemps que je brûlais d'envie de graver leur nom au frontispice de mes disques de légende - dès le premier billet, en fait - mais j'avais dû reculer jusque-là : si peu d'informations disponibles sur eux (biographies réduites au strict minimum, peu de photos, absence des sites de musique en ligne...) quand j'aurais voulu en dire tant. A croire que la trace qu'ils ont laissée est inversement proportionnelle à l'immensité de leur talent, eux qui brûlèrent dans le ciel de la chanson française comme une météorite incandescente.

Eux : les Enfants terribles.

Ce billet est aussi l'histoire d'un rendez-vous long mais inexorable. Il faudrait trente ans avant que je découvre vraiment leur premier album, après sa réédition en CD. L'album dont il est question aujourd'hui. L'un des plus beaux de la chanson française.


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samedi 14 septembre 2013

BlutchMa baie des anges à moi

Vautré dans son transat à regarder les mouettes, pénardibus, le Doyen nous a embarqué sur une coque de noix pour une visite marine (sans majuscule) de sa baie de Somme. Entre deux siestes c’était osé…

Plus sportive mais moins en adéquations avec les particularités régionales, Célestine nous a offert sa Baie des Anges par voie terrestre, et pédibard. Là, je m’insurge quelque peu tout de même. J’espérais un voyage organisé à dos d’Anges, avec survol de la Baie, rase-mottes of the promenade of the english emperlousées (qui, dans le cas d’espèce ne veut pas dire cernées de pétomanes). Un virage sur l’aile au-dessus de feu la Victorine et atterrissage en douceur devant le bar de Jackie et Jacky. Au final, on a eu droit au siphon, mais il manquait le pastis…

Je vous parle de ces baies parce que moi aussi j’aimerais bien vous parler d’une baie qui soit à moi, et là, ça coince parce que c’est une denrée assez rare dans les montagnes suisses. J’aurais l’air de quoi de vous exhiber ma baie de St Prex ou de Cudrefin. Personne ne sait dans quelle vague contrée ça peut se situer. Même Word est dans les choux en me proposant de changer pour pyrex et cupertino (sans même y foutre des majuscules, l’inculte !). Tu parles d’une culture pour Bill Porte de ne même pas savoir dans quels lieux Blutch a posé les sabots de son cheval… c’est vexant.

Il me restait un choix restreint avec l’abeille Maya ou l’Abbé Pierre. Finalement, j’ai opté pour ma Baie Vitrée (avec majuscules, parfaitement ! Si tu voyais sa grandeur, tu ne mégoterais pas là-dessus).

Ben oui, ma baie à moi est moins aquatique, mais bien plus vitrée que toute la Somme des Anges qui l’a précédée chez Blogbo. Je suis amoureux de ma Baie Vitrée ; pas qu’elle soit faite dans un bois rare ou ornée de ciselures particulières, mais à cause de ce qu’il y a de l’autre côté du verre.

Un joyau, une perle, une rareté qui a accompagné mon enfance :

Le Léman.


C’est ma butte Montmartre à moi qui ne suit pas parigot et c’est aussi mon Négresco.

Point n’est besoin de préciser que c’est un lac pour une telle merveille.

Viens, approche-toi de la vitre et regarde là, sur la gauche, une plaine avec en son milieu un ruban de flotte. C’est le Rhône et sa plaine. Il a plu sur le Valais car aujourd’hui il est gros et son eau est brune de tous les limons que les orages ont arrachés aux vignes produisant la Dôle et le Fendant, pour les déverser dans ce qui est le premier delta du Rhône. Dans douze ans, cette eau quittera le bas lac à Genève pour reprendre son cours vers la France. En face de toi, la côte française avec ses montagnes de la Savoie qui tombent dans la flotte. Elle est belle d’être le reflet de la côte suisse...



De gauche à droite depuis le Rhône : St Gingolph (bourg-frontière). Meillerie, Evian, Thonon, Ivoire (à qui Lausanne doit beaucoup pour ses carrières), puis Hermance qui nous ramène déjà en Suisse.

En bas de ma Baie vitrée, c’est Lausanne (cette provinciale qui fait ses humanités, disait Jean-Vilard Gilles) qui s’étale, avec sa cathédrale qui, depuis plus de 600 ans, abrite en son beffroi le Guet qui chaque nuit veille à la tranquillité de la ville et rassure la population en annonçant chaque heure nocturne aux quatre points cardinaux. Souvenir tenace des incendies qui détruisirent la ville.

Un peu à gauche dans le bas de la vitre, le château de Chillon, résidence des Ducs de Savoie accrochée à un îlot rocheux et qui s’est offert le Léman en guise de douves…

Un peu à droite de Lausanne, La Venoge, dont je laisse à Gilles le soin d’en parler...

Tout à droite, c’est Genève avec ce qu’il faut pour mouiller l’absinthe : 140 mètres de hauteur et 5000 apéros à la seconde.

T’as soif ? Une chansonnette écrite elle aussi par le poète vaudois Gilles.

jeudi 5 septembre 2013

AndiamoPotemkine





Huguette, debout sur un tabouret branlant, nettoie « ses » carreaux. C’est une petite femme sans âge, les cheveux grisonnants, toujours une réflexion acerbe prête à sortir de sa bouche édentée.

Claude l’a épousée il y a quarante-cinq ans… Quarante-cinq ans déjà ! Certes on ne peut pas dire qu’elle aie inventé l’eau tiède, mais à vingt ans elle était mignonne, un peu ronde : « abondance de biens ne nuit pas » se plaisait-il à dire.

Il l’avait épousée un peu par obligation : une soirée au Moulin de la Galette, rue Lepic, une bouteille de mousseux, deux tangos, trois slows, on va prendre l’air et on se retrouve les pattes en l’air dans la deuch garée un peu plus loin. La suite, vachement banale : enceinte, un mariage vite fait. Dans les années cinquante, on ne badinait pas avec ces choses-là, Monsieur ! On « réparait » et c’est tout !

Une petite Jeanine née sept mois après le mariage. « Tout va si vite de nos jours » disaient les grands-parents un peu gênés !

Au début, ils ont habité un deux-pièces à Aubervilliers, au premier étage d’un immeuble correct et bien entretenu. Puis, en 1960, Adrienne Pageon, la maman d’Huguette, est décédée, suivie de près par Auguste Pageon, son époux. Alors Huguette, Claude et la petite Jeanine ont emménagé dans l’appartement des parents, un trois-pièces-cuisine situé au 14 de la rue Chappe à Montmartre, que le papa d’Huguette avait acquis à grand peine après une vie de labeur. Seule enfant, Huguette en avait hérité.

Elle est là, frottant ses carreaux, le chiffon dans une main, dans l’autre le produit miracle qui fait reluire tout ce qu’il touche ! Elle a vu ça à la télé : une nana gaulée comme une Ferrari, un coup de spray et hop, la gazinière cradingue prête à réintégrer les stands « Darty » ! Comme neuve, la gazinière… Elle y croit, Huguette, dur comme fer ! Des sprays, des pâtes miracles, des liquides plus ou moins visqueux, il y en a plein les étagères !

C’est comme ses crèmes à la con sensées lui apporter la jeunesse éternelle ! « Avec ses rides et sa peau tannée, elle devrait acheter des sacs de plâtre » pense Claude en la voyant étaler copieusement des tartines de crème parfumée au patchoulli, ou pire au cuir de Russie. Claude a horreur des parfums, une sorte d’allergie, alors elle le fait exprès, juste pour l’entendre éternuer !

Pareil avec la cuisine, elle ne s’emmerde pas : surgelés, surgelés, surgelés et, de temps en temps, un effort, l'ouverture d'une boîte de conserves.

Enfin, hier, elle a dépassé les bornes : sur ARTE passait « le cuirassé Potemkine », le chef-d’œuvre d’Eisenstein. Claude, afin d’avoir la paix, la laisse toujours choisir le programme, mais là, il tenait à revoir ce film…

- Quoi ? J’en ai rien à foutre d’Einstein ! Il ferait mieux de s’occuper de son cul !

- Pas Einstein, Eisenstein ! Et puis Einstein était un physicien, Eisenstein était un grand cinéaste, ce film est un pur chef-d’œuvre !

- Rien à foutre ! Ce soir, il y a « trou de serrure », une télé-réalité tellement bien pipeautée qu’on croirait voir les deux orphelines, pas question que je loupe « MON » émission !

Et Claude s’était farci ce lot de conneries puis, vers 9 h 45, était parti se coucher. Huguette avait alors monté le son, juste pour l’emmerder.

La musique, les cris, les beuglements des hystéros, tout passe à travers la mince cloison ! Il ne dort pas, il lui revient cette phrase qu’elle lui hurle toujours au cours de leurs nombreuses engueulades :

- N’oublie pas que tu es « CHEZ MOI » ! Si ça ta plaît pas, tu te casses !

Afin de faire l’extérieur de la fenêtre, Huguette se tourne légèrement, Claude se lève puis, brusquement, pousse Huguette. Un grand cri. Le bruit sourd d’un corps qui atterrit sur le toit d’une Clio…

Les pompiers sont arrivés les premiers, suivis d’un Samu. Elle a été conduite à l’hôpital Saint-Antoine tout proche, au service « réanimation ». Bien sûr, les flics ont enquêté. Rien de suspect, le truc banal en somme : Madame nettoie ses carreaux, juchée sur un tabouret bancal, elle se penche un peu trop et c’est vole, vole, papillon !

Bien sûr, Claude est allé à Saint-Antoine voir sa « chère » épouse, plus afin de ne pas éveiller les soupçons que par compassion, et encore moins par amour ! Au bout de six jours de soins intensifs, Huguette est sortie de « réa ».

Le chirurgien qui l’a opérée a prévenu Claude :

- La colonne a été touchée au niveau des lombaires, la mœlle épinière aussi, et malgré nos efforts votre femme ne remarchera pas, Monsieur Magnard, nous l’avons informée.

Elle a voulu une chambre seule. Dès la première visite, son regard haineux s’est porté sur Claude.

- Je sais que tu m’as poussée… Je t’ai vu, ordure !

- Mais… Mais…

Ferme ta gueule ! Je sais ce que j’ai vu ! Je ne dirai rien aux cognes, j’ai pire que la taule comme punition : tu vas t’occuper de moi, me porter, me laver, m’emmener aux toilettes, me sortir, et t’as pas intérêt à renauder sinon je balance tout aux lardus. Je leur dirai que tu me menaçais, enflure !

Alors, tous les jours, Claude s’en est occupé : la toilette, l’habiller, et pratiquement tous les après-midi descendre le fauteuil roulant d’abord, puis Huguette ensuite, l’installer, et la promener sur les pavés disjoints de la butte, les côtes de plus en plus pénibles, et elle…. elle et son rire édenté…

-T’en chies, hein, enfoiré ! T’en chies, j’espère !

Mai…. Le printemps est là, sur la butte aussi, quelques rares lilas blancs passent par-dessus les vieux murs de pierre des petites maisons anciennes appartenant à des privilégiés. Claude, sous l’exigence de son acariâtre épouse, a poussé le fauteuil près du Sacré-Cœur. Le square Nadar et ses bancs si bucoliques, le grand escalier faisant face à la Basilique, les courageux le montent à pied, les autres prennent le funiculaire.

Claude s’est assis sur l’un des bancs, il venait là autrefois avec celle qui était sa fiancée, ils passaient des heures à se bécoter ! Claude s’est levé a poussé le fauteuil, au passage un bref regard au Chevalier de la Barre, statue en bronze à l’entrée du square… Ils sont là, face aux escaliers.



Lentement Claude a sorti une banane de sa poche, il l’épluche tranquillement sous le regard mauvais d’Huguette.

- Qu’est-ce que c’est que cette fantaisie de bouffer une banane le matin ?

- Tu sais, connasse...

- QUOI ?

- Ne m’interromps pas, je te prie… Dans le film d’Eisenstein « le cuirassé Potemkine », il y a une scène, un « classique », au cours de laquelle un landau dévale un escalier au cours d’une émeute. Cette scène est cultissime. Et bien, mon bel amour, tu vas la refaire rien que pour moi !

Claude a jeté la pelure de banane au sol, il a posé le pied dessus, a fait mine de glisser en poussant un grand cri, s’est affalé sur les pavés, tandis que le fauteuil part dans le grand escalier pour un « remake » inoubliable du cuirassé Potemkine…