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lundi 17 décembre 2007

Saoul-FifreOn a marché sur la dune

Entre madre (la mère en espagnol) et mar (la mer dans la même langue), il y a un D et un E de différence. En français, il n'y a qu'un E, en latin, qu'un T. Quand ma mère a perdu les eaux, ce jour là, il se trouve que je me baignais dedans, et zwib, je suis tombé sur une terre. Je ne me rappelle pas qu'on m'ait demandé mon avis, d'ailleurs je crois que l'usage est de ne point s'enquérir des désidératas des nouveaux-nés. Certains ont essayé, sans jamais obtenir de réponse clairement articulée.

Les faits bruts, immalléables, me sont tombés sur la gueule, et il a fallu que je fasse avec : je suis né à Tlemcen, dans une famille de colons, début 1956. Fin 55, des fellaghas (résistants) ont attaqué la ferme. Ma mère, qui me portait, a eu la trouille de sa vie. Elle l'a partagée avec moi, et je l'ai faite mienne durant de nombreuses années. J'émerge de notre peur petit à petit. C'est un travail de longue haleine. Dans la famille, tout le monde a morflé, chacun à sa manière, de ce déchirement du départ.

Et puis, plus de 40 ans plus tard, le simple fait de discuter d'un "retour" familial à Tlemcen a réavivé les plaies. Ça a somatisé sec dans la tribu.

Ma sœur aînée ne s'est pas sentie d'y aller, en tout cas pas avec sa fratrie. Elle flairait le piège.

Le corps de la 2ième a carrément pété un fusible. Tout était décidé, elle avait préparé le voyage de sa famille à elle avec beaucoup de rigueur et de soin, comme elle sait faire, et puis plouf, elle a attrapé une maladie de ouf : un virus qui s'est attaqué à sa myéline et qui l'a mise raplapla comme une carpette !

La 3ième était partante itou, mais on la sentait qui serrait les fesses. Le hasard a fait que son avion était en grève et qu'elle n'a pas pu en prendre un autre. Bon, ses 20 ans de psychanalyse sont peut-être un terreau prédisposant, toujours est-il qu'elle est tombée dans une dépression sévère dont elle a du mal à se sortir.

Nous les 3 garçons, on y est allés, d'accord, mais ça nous a bien secoués quand même.

Alors y en a qui me disent : "On aimerait bien la suite de tes aventures en Algérie ?" comme qui dirait "C'était chaud, le Club, cette année ?".

Ben c'est pas si facile que çà à écrire, si vous voyez ce que je veux dire ? Le seul truc vrai et important, dans cette affaire, et qui nous a noué les tripes d'émotion, là-bas, en permanence, c'est que nous appartenons de cœur à cette terre.

Et ce soir j'ai juste envie de vous la montrer dans sa nudité, vierge de présence humaine.

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vendredi 7 décembre 2007

Saoul-FifreDame Nature

Au moins aussi énervé que Pascal , je n'ai eu cependant aucun mal à trouver mon titre.

Pascal est un garçon plein de sensibilité, à la culture multiforme, avec un goût avéré pour les constructions intellectuelles, les logiques imparables. C'est un touche-à-tout passionnant. Il a longtemps été en pole position dans notre blogroll, mais comme nous n'aimons pas les longues listes obèses, et que son blog tourne rond et n'a nul besoin de notre publicité, son lien a sauté au bénéfice de nouvelles découvertes.

S’il y a bien une chose dont je suis certain, c’est que nous sommes le fruit le plus souvent involontaire d’un plaisir éphémère, que nous vivons par le hasard de quelques réactions chimiques, et qu’un jour ça s’arrête. C’est de la bête mécanique. Une sombre histoire d’interactions aléatoires entre des nuages électroniques d’atomes. Point final.

Je suis entièrement d'accord avec Pascal. Point final, oui ! Mais Pascal ne s'arrête pas là, il s'énerve contre la machine de la Vie, il la juge, il la conchie, il nous fait partager sa haine (ou sa peur ?) de la Nature.

C'est totalement injuste et insensé

Lui, le scientifique rationnel (Le problème est que la logique reste tout de même la seule chose qui s'est avérée opérationnelle pour comprendre le monde jusqu'à présent, et ce dans absolument tous les autres domaines), il s'insurge contre l'arbitraire, le hasard des lois naturelles, ce sont elles, hou les vilaines, qui font mourir Fred Chichin dans la souffrance à 53 ans et Papon paisiblement à 96 ans !

Dans les commentaires, il est tout à fait d'accord avec Artef@ct qui stigmatise la tyrannie de la Nature et la loi de la jungle inégalitaire...

Mon dieu, que d'agressivité envers cette pauvre Nature qui ne leur a rien fait ! Enfin, j'en sais rien ? Quand on était mômes, on disait : "Toi, t'as pas été gâté par la Nature !". Une explication à ce qui ressemble bien à de la rancune est peut-être à chercher de ce côté ?

Il est aussi marrant que le billet tourne vite à une engueulo contre un mec appelé "Dieu", alors que Pascal, comme moi, n'envisage pas la possibilité de ne serait-ce que l'hypothèse de son existence ? Alors pourquoi cette colère tonnant dans le vide, ces brillantes démonstrations appliquées au moulinage de l'air ? Il y a belle lurette que j'ai rangé le divin barbu dans le tiroir des vieilles lunes ridicules, et je n'éprouve du coup bien sûr plus le besoin de lui reprocher quoi que ce soit. Tout en respectant infiniment les individus et leurs croyances, sauf quand elles viennent grignoter ma propre liberté.

Pendant des milliards d'années. La Nature a fait tourner la Terre, tant bien que mal. Elle y a fait éclore la Vie, elle s'est adaptée, en faisant disparaître des lignées complète de nuls, des espèces entières qui n'avaient rien à foutre à cet instant et à cet endroit. Hypothèse exemplaire et probable : un gros astéroïde percute la terre de façon à ce que l'axe des pôles bascule. Les grands sauriens se retrouvent dans les glaces ou dans le désert sans rien à croûter. Dans la famille dinosaure, je voudrais le père ? Il n'est plus là. La mère ? Non plus. En fait il n'y en a plus un seul. Dommage.

J'emploie des mots comme "dommage" "bien" "mal" "nuls", mais l'Homme et son orgueil de prédicateur de sauvages, de dompteur de fauves, qui veut la Nature à sa botte, qui veut l'exploiter, la racler jusqu'à l'os, au nom de sa Civilisation adorant le Veau d'Or, n'est pas encore apparu. L'espèce humaine, c'est une virgule de merde sur le carrelage immaculé de l'Univers éternel. Et à la vitesse supersonique où il a réussi à polluer la Terre, à modifier son climat, à inventer des armes capables de la détruire entièrement plusieurs fois, je dirais pour faire ma Cassandre que l'Homme est vraiment une minuscule virgule merdique et qu'un bon coup d'éponge de Dame Nature ne va pas tarder à l'effacer, lui et son Etat de Culture, s'il ne se ressaisit pas et n'apprend pas, justement, à respecter un peu plus la Nature, à la connaître et à découvrir sa force de proposition.

Est-ce que la Nature va réussir à s'affranchir de la tyrannie de l'Homme ? Voici la question à poser, et non l'inverse ! Les abeilles sont en train de crever, comme sont morts les papillons multicolores de mon enfance, assassinés par les poisons des traitements. Le coupable, ce n'est pas le Colonel Nature, dans la bibliothèque, avec un couteau ! C'est bien cet Homme civilisé, cultivé, désireux de créer les conditions d’un plus grand bien-être matériel ou intellectuel. Cinq beaux fruits par jour, sans taches disgracieuses ni piqûres d'insectes, comme les exigent parait-il les consommateurs. Mais si les abeilles disparaissent, plus de pollinisation des fleurs, plus de fruits.

Descendez au tombeau tous les musiciens géniaux que vous voulez, mais rendez-nous les abeilles. Préférez les produits bios, impitoyablement non-traités.

Et arrêtez de critiquer la Grande Zoé, spirale de la Vie qui est là de toute éternité et qui perdurera itou, sans nous, sans faire la morale à personne, sans nous prendre la tête avec du sens et sans promulguer de lois. Elle plane impassible au dessus de nos égoïsmes nombrilistes, de nos mesquines trouilles à l'idée d'être incorporés sans sommations au Grand Cycle.

Les vers raffolent des gens indispensables.

C'est le dessert du lombric.