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mercredi 4 avril 2007

Tant-BourrinUn peu de réclame

Qui ne s'est jamais exclamé, face à un spot publicitaire particulièrement lourd (pléonasme !) : "non, là, vraiment, ils nous prennent pour des cons" ? Qui n'a jamais maudit cette engeance que sont les publicitaires, ces gras manipulateurs de clichés aussi éculés que leurs pensées moisies et qui ont le culot de vouloir de se faire passer pour les créatifs d'aujourd'hui, pour ne pas dire des artistes ? Qui ne rêverait pas de tirer la chasse d'eau pour envoyer cette fiente commerciale fétide dans les égouts de la sous-pensée ? Bref, qui n'a pas légèrement les nerfs face à ce fléau moderne qu'est la publicité ?

Moderne ? Vraiment ? J'ai voulu m'en assurer et je suis aller ressortir du tiroir quelques vieux magazines de l'entre-deux-guerres... Le résultat est édifiant : les margoulins étaient déjà là. Les moyens mis en oeuvre étaient certes mille fois plus réduits qu'aujourd'hui, les techniques publicitaires étaient plus naïves et balbutiantes, mais tout était déjà là en germe !

Voyez plutôt le petit échantillon que je vous propose, tout chaud sorti de mon scanner...




Ouah ! Du thé "rationnel" ! Impressionnant !... Excusez-moi, je consulte mon dictionnaire. "Rationnel : fondé sur la raison, sur le raisonnement - qui peut être expliqué par la raison". Mmmm, un thé qui peut être expliqué par la raison : on touche d'entrée au sublime. Les publicitaires qui disent n'importe quoi et utilisent n'importe quel mot dans n'importe quel sens n'ont finalement rien inventé : les auteurs de réclames l'avaient fait bien avant eux.




Tiens, encore nos amis d'Yxa, avec un produit pour vous, Mesdames. Allez, encore une cuillerée de placenta pour raffermir vos seins ! Non ? Ce que vous êtes chochottes !...




Le sirop de Deschiens ? Hem, évidemment, les références culturelles ont un peu évolué depuis l'époque, parce que je ne suis pas convaincu qu'un tel nom serait très vendeur aujourd'hui !... Et puis un sirop à l'hémoglobine, à part chez les jeunes gothiques lookés vampires, je doute que cela puisse avoir encore un franc succès. Le seul qui apprécierait ce sirop, c'est Sarkozy : "formation de la jeunesse", ça laisse songeur !




La vieille technique de la peur de l'exclusion : "si t'as pas le bidule Machin, alors t'es ringard". Et l'esprit grégaire de l'homme étant ce qu'il est, le client se rue sur le bidule Machin. Eh bien, voilà l'ancêtre de la technique : l'intérieur n'est pas complet sans une bonne vieille machine à coudre ! Autres temps, autres moeurs : il n'y a sûrement plus beaucoup d'intérieurs complets de nos jours...




L'argument santé, voilà ce qui fait vendre ! Le yaourt qui fait du bien à l'intérieur, le plein de vitalité, les croquettes bonnes pour le poil, c'est top ! Là aussi, rien de nouveau sous le soleil : la réclame ci-dessus prouve que l'on savait déjà vendre des produits sous le sceau de la santé il y a quatre-vingts ans ! Ça fait rêver, non ? Ou cauchemarder, plutôt !




Autre argument commercial qui fait vendre : l'argument minceur. Là non plus, rien de neuf : nos grands-parents disposaient déjà de produits miracles. Une tâche de graisse sur la belle robe ? Hop, une pilule Chatelguyon-Mathivat dans la machine à laver et le tour est joué !




Pour ce qui est de l'idée de mettre en scène d'enfants dans les publicités, désolé de faire de la peine aux gros beaufs des agences de pub, mais les vrais créatifs, c'étaient leurs ancêtres de l'époque de la réclame. Voyez plutôt...




Le message du type "payez, on s'occupe de tout le reste" n'est pas plus neuf que les autres. Regardez donc cette réclame septuagénaire et dites-moi si vous n'enverriez pas rapidement une lettre pour le bien-être de votre fifille adorée, hein ?




En résumé, la publicité est la digne fille de la réclame : ça fait plus d'un siècle qu'on cherche à nous refourguer n'importe quelle sorte de merde en la faisant passer pour de l'or. Et quand je dis "merde", il s'agit d'un mot bien senti. Matez donc plutôt la pub suivante. Oui, c'est bien une publicité : à l'époque, il n'y avait apparemment aucune obligation d'apposer le terme "publi-reportage" en préambule de ce qui ressemblait à un article comme les autres !... C'est en tout cas que l'on pourrait appeler une subtile recherche de débouchés !

samedi 24 février 2007

Saoul-FifreShabbat

Ha si les trois grandes religions monothéistes s'associaient, comme on se la coulerait douce ! Le week-end durerait Vendredi Samedi Dimanche... LES jours du Seigneur, c'est pas cool, comme concept ? Ça oui, ça redorerait le blouson de la chose mystique, qui en a bien besoin, à c'tt' heure. Ce paradis serait bien entendu sur une île. On y croiserait Vendredi, c'est entendu, mais aussi Samedi et Dimanche , moins connus mais tout aussi sympas.

On ferait attention à ne pas trop manger le vendredi pour pouvoir s'adonner à tous les excès les 2 jours suivants. Les geeks en profiteraient pour lire l'incontournable vendr-EDI et les nuls pour aller . Ceux qui sont nuls mais qui ont eu la lumineuse idée de s'associer avec un geek qui s'occupe de la maintenance informatique de leur blog commun, peuvent aller s'amuser sans remords ici ou se goinfrer de gâteaux .

Après les excès du Vendredi soir, un petit tour chez nos amis les musclés s'impose, mais les réfractaires à ces oufs qui se disputent une sorte de vessie ronde ou aplatie choisiront de rester sur la toile . Les blogueuses désirant se perfectionner courront s'inscrire ici et le soir, ha, le soir est en fièvre et la nuit est à vous !

Un journal trop sérieux vous mettra de suite de bonne humeur, mais Le JDD n'est pas mal non plus. Voici ensuite de quoi vous débarrasser des nains car les enfants s'ennuient le Dimanche . Vous pourrez regarder tranquillement Drucker

Mais n'oubliez pas :

Quand on est mort, c'est tous les jours dimanche ! (Jean Dolent)

jeudi 4 janvier 2007

Saoul-FifreL'Île des Bouches-du-Rhône

Il est de bon ton de se moquer d'Enrico Macias, de ses chansons dégoulinant de bons sentiments altruistes mais qui jurent un peu avec les poignées de portes en or de son appartement parisien, de son mondialisme du cœur un peu cucul la praline, mais s'il n'avait pas existé, les 2 millions de rapatriés qui ont déferlé sur la métropole en 62 n'auraient pas tout à fait eu le même moral. En chantant son Algérie, notre Algérie, et en rencontrant ce succès incroyable auprès de vous "les patos", il nous a redonné la fierté, nous a consolé de la perte de notre pays.

"Les filles de mon pays", "Paris tu m'as pris dans tes bras", "Guitare, guitare...", "Poromponpéro", "Les gens du Nord", c'est chouette, c'est consensuel, c'est dansant, c'est gai et dynamique, bravo ! Mais notre chanson chérie à nous, la famille, et je pense aussi la chanson importante pour tous ces pieds-noirs agriculteurs, qui, comme tous les paysans du monde, ont un rapport très possessif à la terre, c'est cette chanson absolument phénoménale qu'est l'île du Rhône :

Des années après, des frissons nous parcourent systématiquement à l'écoute de ce morceau. L'auteure officielle, Anne Huruguen, a fait très fort : elle a décrit exactement les sentiments que nous ressentions, elle a mis le doigt là où ça faisait de l'effet, elle a enfin dit l'abandon, le courage du recommencement, mais surtout l'inquiétude, la confiance mise à mal, le "jamais chez soi nulle part"...

L'ÎLE DU RHÔNE (Paroles: A. Huruguen / Musique: E. Marouani, E. Macias)

On s'en allait, chassés par le cyclone
Et sur la route on nous avait jeté
Mais quand on fût près de l'île du Rhône
On a compris qu'on était arrivé
On a compris qu'on était arrivé

L'île du Rhône semblait nous attendre
L'île sauvage, douce à l'homme oublié
On a percé sa glaise humide et tendre
Pour y planter nos tentes et nos pommiers
Pour y planter nos tentes et nos pommiers

Que c'était bon d'arracher les broussailles
Nos mains faisaient reculer la forêt
Quand notre terre nous ouvrait ses entrailles
Que c'était bon d'y planter nos pommiers
Que c'était bon d'y planter nos pommiers

Etes-vous fous nous disait le village
Connaissez-vous le Rhône de chez nous
L'avez-vous vu quand il est par l'orage
Gros de la Saone et qu'il pleut sur le Ventoux ?

L'avez-vous vu dans ses grandes colères
Plus dangereux qu'un archange brutal
Tous les cent ans, la chose est légendaire
Quatre ou cinq fois il nous fait bien du mal...

On a gardé les amarres à nos barques
Car si le Rhône nous donne encore vingt ans
Chaque matin, chaque heure est un miracle
Le sirocco n'en laissait pas autant
Le sirocco n'en laissait pas autant

Regardez-la, c'est notre île cantique
C'est un poème, un bouquet de couleurs
C'est notre terre et c'est notre Amérique
L'eau de ses bords fait le tour de nos coeurs
L'eau de ses bords fait le tour de nos coeurs

Car tous ces jours où l'on courbait l'échine
Pour préparer le sol de nos pommiers
On avait tant, tant besoin de racines
Que c'est aussi nos vies qu'on a planté
Que c'est aussi nos vies qu'on a planté.

Enrico recherchait son public et ne voulait surtout pas passer pour un aigri, mais là, il se lâche, sous couvert de métaphores :

On s'en allait, chassés par le cyclone, et sur la route on nous avait jeté...

L'île sauvage douce à l'homme oublié...

Notre île à nous fut d'abord dans le Périgord, et c'est vrai que si le départ est dur, l'arrivée sur une nouvelle terre à défricher est belle :

On a compris qu'on était arrivé : l'île du Rhône semblait nous attendre...

C'était aussi une île : il fallait traverser un pont sur un petit ruisseau, la Lidoire, pour arriver chez nous, un endroit plus isolé (étymologie exacte du mot île), tu meurs... Cette notion d'île, de terre environnée, protégée par l'eau, m'a poursuivi toute ma vie. J'ai phantasmé sec sur les voyages au long cours en solitaire, sur le concept ridicule du "bon sauvage" habitant les îles sous le vent où des vahinés disponibles viendraient m'apprendre le bonheur. Des auteurs un peu plus sérieux comme Victor Ségalen et ses "Immémoriaux", Robert Merle et son "Île", "Sa majesté des mouches", de William Golding, R.L. Stevenson, se sont chargés de rabattre un peu mon enthousiasme romantique...

J'ai vécu un an dans "le château de l'isle", dans le Haut-Médoc. Là aussi, il suffisait de passer le pont pour venir chez nous...

J'ai bien entendu écrit mon hommage à celle qui a tant occupé mes pensées. Je ne suis pas du tout content de ce texte mièvre et mou, mais bon, puisque j'aborde le sujet, pas de chance : vous n'y coupez pas !

Mon île à moi
L'île au bout du vent
Combien de fois
Tel un petit enfant
Je t'ai pleurée,
Serrant les poings ?
Nulle ne m'a consolé
Tu es si loin
Aux alizées...

Mon île à moi
Je te sens souvent
Auprès de moi
Belle navigant
Tes poissons bleus
Tes coquillages
Me lavent le fond des yeux
Dans ton sillage
Si sinueux...

Mon île à moi
Princesse sirène
Je te tutoie
Tu sourcilles à peine
Je salivais
Sur ces trésors
Qu'on ne peut arracher :
Lueurs d'aurore
Sur toi penchées...

Mon île à moi
Tes rivages blancs
La nuit, m'envoient
Tes beaux goélands
Qui, d'un coup d'aile
Par dessus l'onde
Me posent à l'archipel
Quelques secondes
Une étincelle...

Mon île à moi
Tout au bout du quai
Dans quelques mois
Je m'embarquerai
Déjà j'entends,
Incantatoire
Ta brise pianotant
Un air du soir
À quatre vents...

Mon île à moi
Entends cet appel
Tu m'attendras
Sur la passerelle
J'aurai crevé
Toutes les vagues
Et je m'imprégnerai
D'arômes, d'algues
Et de beauté...

Et aujourd'hui aussi, je me suis trouvé une île ! Il faut passer un pont pour venir chez nous. Mon beau-père disait souvent : "Ils sont trop cons. On a qu'à faire sauter le pont et déclarer la "République du .... indépendant" !" Pour la Fête de nos 10 ans de mariage, j'avais repris l'idée et dessiné ceci sur les faire-parts.

On en sort pas...

Que c'était bon d'arracher les broussailles, nos mains faisaient reculer la forêt, quand notre terre nous ouvrait ses entrailles, que c'était bon d'y planter nos pommiers

Nous, c'était des amandiers (c'est quand même plus adapté), mais l'idée est la même. Et la conclusion également.

On avait tant, tant besoin de racines que c'est aussi nos vies qu'on a planté

mercredi 6 décembre 2006

Tant-BourrinUn peu de recueillement

Comment mettre la poésie en musique ? Beaucoup d'artistes s'y sont risqués, peu ont réellement convaincu, tant il est vrai que le poète a déjà mis dans ses vers la musique des mots et qu'il est bien peu évident d'en trouver l'écho dans des notes de musique. D'aucuns pourraient même pertinemment s'interroger de savoir s'il est de bon aloi de mettre la poésie en musique. Bonne question, mais les d'aucuns susnommés sont priés d'aller se faire voir ailleurs, c'est moi qui cause.

Or donc, je me posais cette question quand, l'autre jour, en relisant l'excellent "Au bonheur des mots" de Claude Gagnière, je redécouvrais une anecdote amusante à propos de Georges Fourest.

Pour ceux qui n'auraient jamais entendu parler du bonhomme (inutile de vous planquer, je vous vois), Georges Fourest était un poète déconoclaste qui a vécu à cheval sur les XIXème et XXème siècles (d'où ses jambes légèrement arquées), qui adorait jouer et jouir avec les mots de la façon la plus joyeuse qui soit, auteur, entre autres, de la "Négresse blonde" qui lui valut un certain renom, tout relatif hélas (la postérité n'aime pas les gens pas sérieux). Si vous voulez en savoir plus sur lui, vous pouvez cliquer ou et lire quelques extraits de son oeuvre ici.

Mais revenons-en à cette fameuse anecdote. Elle est bien simple en vérité : Georges Fourest, toujours apte à déconner, avait simplement remarqué que les vers en alexandrins pouvaient aisément se chanter sur l'air de la "Mère Michel", à l'instar de sa propre "Épître falote et testamentaire pour régler l'ordre et la marche de mes funérailles", écrite en alexandrins :

     (...)
     Que mon enterrement soit superbe et farouche,
     Que les bourgeois glaireux bâillent d'étonnement
     Et que Sadi Carnot, ouvrant sa large bouche,
     Se dise : "Nom de Dieu! Le bel enterrement!"
     Sur l'air du tra la la
     Sur l'air du tra la la
     Sur l'air du tra déri déra et tra la la
     (...)

Evidemment, cela a fait tilt dans ma tête, tout cela était lumineux : que voilà une méthode élégante et mélodique pour faire chanter plus encore les vers et rendre un vibrant hommage aux grands poètes !

J'ai donc décidé illico de la mettre en pratique en vous interprétant une des plus beaux poèmes d'un de nos plus grands poètes, à savoir "Recueillement" de Charles Baudelaire.

     Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
     Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
     Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
     Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

     Pendant que des mortels la multitude vile,
     Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
     Va cueillir des remords dans la fête servile,
     Ma Douleur, donne-moi la main ; viens par ici,

     Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
     Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
     Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;

     Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
     Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
     Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.


Allez, en avant la zizique !

Ecoutez et savourez !

Alors, convaincus ? C'est beau non ? N'est-ce point le plus magnifique hommage que l'on puisse rendre à un poète que de faire ainsi subliment sonner ses vers ?...

Hein ?... Comment ça, non ?... Quoi ? Pas terrible ? Faux ? Dissonnant ? A gerber ?... Attendez, je pense qu'on ne parle pas de la même chose, là !... Bon, je vais quand même me réécouter, juste histoire de m'assurer que c'est vous qui avez de la fiente dans les oreilles...

..........

Heu... C'est... Comment dire ?... C'est... pourri !... Pardon Charles, je ne voulais pas, je me suis juste laissé emporter...



Tenez, pour me faire pardonner, je vous offre une autre version de "Recueillement", et qui, celle-là, me tient à coeur : c'est celle que le groupe Marc Seberg a faite en 1985 (gosh ! déjà plus de vingt ans ?!). Le groupe fétiche qu'on avait à l'époque, Tant-Bourrine et moi, et qui m'a flanqué une putain de claque à chaque fois que je les ai vus en concert.

Force m'est de reconnaître que c'était quand même légèrement plus harmonieux que ma version ! :~)

Recueillement - Marc Seberg (1985)

vendredi 24 novembre 2006

Tant-BourrinPetit guide de survie pour réunions mortelles

Ce billet s'adresse à vous, frères de souffrance, qui travaillez comme moi en entreprise et avez régulièrement à vous fader de ces réunions bubble-gum, informes, interminables, sans intérêt, gluantes, durant lesquelles quelques-uns s'écoutent dégoiser sans fin une logorrhée byzantine pendant que les autres s'efforcent désespérément de laisser s'écouler des heures filandreuses au possible.

Oui, amis de misère, vous ne savez pas comment occuper votre esprit au mieux pendant cette quasi-éternité que sera votre prochaine réunion - inutile - de service et vous songez même déjà au suicide : tout plutôt qu'une énième réunion purgative !

Heureusement, Blogborygmes est là ! Voici quelques petits trucs utiles qui vous permettront de faire passer le temps plus vite pendant ces réunions...

Merci qui ? Merci Blogborygmes !


Activités culturelles :

Procurez-vous auprès de votre secrétariat un cahier format A1 (84x59,4) en prétextant que ça vous permet de prendre plus de notes, ou que votre vue a baissé, ou cela fait faire des économies au service par effet d'échelle, ou n'importe quelle autre excuse bidon. Il ne vous reste plus qu'à planquer discrètement l'Equipe à l'intérieur du cahier pour prendre tranquillement connaissance des résultats (ou, plus précisément, de l'ampleur de la défaite) du PSG du week-end.

Nb : si vous préférez la lecture de Pif Gadget ou de Gala, un cahier format A3, plus facile à se procurer, est suffisant.


Activités hygiéniques :

Pourquoi ne pas profiter des trois ou quatre longues heures de réunion qui vous attendent pour parfaire votre toilette du matin, expédiée au pas de course par manque de temps ? Parce que là, au moins, vous en avez à revendre devant vous, du temps !

La décongestion des fosses nasales (le curage de nez, quoi) est l'activité la plus facile à pratiquer, car elle ne nécessite qu'un doigt. En revanche, il est préférable de l'éviter si votre position dans la réunion est trop centrale (et donc trop visible), sous peine de passer pour un rustre. Ou alors faites-le avec le petit doigt tendu, c'est plus élégant. Ou alors planquez-vous au préalable derrière votre cahier format A1 (voir "activités culturelles").

Passez ensuite au nettoyage des ongles, à l'aide d'un trombone légèrement déplié camouflé dans la main. Pour ensuite les polir, évitez l'usage d'une lime, trop voyante : contentez-vous de frotter vigoureusement le bout de vos ongles sur le rebord de la table de réunion. Evitez également de vous passer un coup de vernis à ongles en pleine réunion, à cause de l'odeur trop caractéristique (ou alors, pétez un bon coup juste avant pour la dissimuler).

Le curage des oreilles pourra se faire aisément en camouflant un capuchon de stylo Bic au creux de la main. Le cérumen collecté pourra être discrètement éliminé en le collant sous l'assise de la chaise ou, si vous vous découvrez une mèche rebelle, en l'étalant discrètement sur les cheveux en guise de gomina.

Vérifiez ensuite, du bout des doigts, la qualité de votre rasage (réservé donc uniquement aux hommes et aux Portugaises) jusqu'à découvrir LE poil résiduel au milieu de la joue qui a réussi à passer au travers. Partant de là, deux options s'offrent à vous :

  • vous avez emporté un coupe-papier avec vous. Essayez de couper le poil rebelle sans vous faire remarquer. Prévoyez quand même par avance une excuse bidon pour expliquer pourquoi vous avez subitement la joue en sang.
  • vous n'avez rien sur vous pour couper le poil. Partant de là, vous n'allez plus pouvoir détacher vos pensée de ce poil revêche, vous allez passer et repasser sans fin votre doigt dessus, ce poil va devenir votre obsession. C'est tout bénéfice pour vous : penser à ce poil est beaucoup moins douloureux que de penser à la réunion en cours. Effet secondaire possible : si la réunion dure trop longtemps, risque de névrose obsessionnelle à prévoir.


Activités ludiques :

Les petits jeux, c'est bien connu, aident à faire passer agréablement le temps. Une réunion interminable et chiante est donc un terrain de jeux idéal.

Par exemple, vous pouvez rouler entre vos doigts une crotte de nez (voir "activités hygiéniques") pour en faire une boulette. Et voilà un superbe ballon de foot miniature ! Il ne reste plus qu'à trouver une cible et à se fixer pour objectif de l'atteindre d'une chiquenaude : l'espace entre les coudes de Lambert et de Dutilleuil qui ronflent en face de vous, le gobelet de café de cet empaffé de Sanglochon, ou alors la grille de ventilation du rétro-projecteur, tout est possible ! Attention toutefois aux frappes dévissées qui ratent leur cible. Si votre crotte de nez venait à atterrir sur la joue de votre chef de service, pensez à vous tourner d'un air réprobateur vers votre collègue Poupinard qui ronfle à côté de vous, juste histoire de détourner l'opprobre sur lui.

Autres activités ludiques envisageables pour tuer le temps :

  • essayer de faire tourner un stylo entre vos doigts comme un bâton de majorette. Il est toutefois préférable de ne pas insister au-delà du premier collègue éborgné.
  • comptabiliser le nombre exact de carreaux dans votre cahier 200 pages. Là encore, le choix d'un cahier format A1 permet de prolonger le plaisir.
  • s'amuser à prendre des notes de mille façons : en tenant le stylo entre l'index et le majeur, en le tenant par son extrémité, en écrivant de la main gauche si on est droitier (et vice-versa), etc. Attention de ne pas s'enflammer : écrire en tenant le stylo dans la bouche risque de vous faire remarquer.


Activités de développement personnel :

Puisque le monde extérieur devient subitement sans intérêt pendant ces réunions oiseuses, pourquoi ne pas en profiter pour faire du développement personnel ?

Vous pouvez par exemple vous amuser à faire du calcul mental pour entretenir vos neurones, en extrayant de tête la racine cubique de 23806 ou en calculant le logarithme népérien de 42,774. Attention toutefois à rester discret : ça risque de se voir si vous vous mettez à compter sur vos doigts pour trouver le résultat de 3 + 4.

Vous pouvez également profiter de la réunion pour dresser un mur mental entre vous et l'extérieur et vous livrer à une séance d'introspection en plongeant profondément en vous. Qui suis-je ? Où vais-je ? Quel est le sens de la vie ? Pourquoi ?... Garder les yeux mi-clos peut vous aider à dresser cette barrière mentale. Attention toutefois : vos ronflements sont susceptibles de trahir votre activité introspective.


Activités utilitaires :

Au final, si, comme moi, vous avez un lectorat insatiable et exigeant, vous finirez vite par comprendre que la meilleure activité à avoir pendant une réunion spongieuse est tout simplement de vous avancer dans la rédaction de billets pour votre blog. C'est facile, c'est extrêmement discret, et ça vous libère du temps pour vos soirées. Bref, c'est tout bénef' !

Seul petit danger, vous risquez, comme moi récemment, de vous entendre dire par votre chef de service en fin de réunion : "Ah, Tant-Bourrin, puisque j'ai vu que tu as pris pas mal de notes, tu nous rédiges le compte-rendu de la réunion ?"

vendredi 17 novembre 2006

Saoul-FifreTant qu'c'est poilu et qu'ça pue...

À Louis

26 Février. 6 Juin. 22 Septembre. Et puis cette questionnante et bizarre veille du 11 Novembre. Cette année 2006 n'aura pas été bonne pour les derniers poilus de 14 / 18. Ils étaient 8 au début de l'année et ils ne sont plus que 4. Et l'année n'est pas finie.

Faut dire qu'on les emmerde, depuis qu'ils ne sont plus nombreux. Les journalistes viennent les voir, les filmer, les associations d'anciens combattants les démarchent, les politiques se font photographier à côté d'eux, ça coûte pas cher et ça peut rapporter gros.

Mais il semble qu'ils rechignent. Ils se font prier pour aller aux commémorations. 2 mois avant "l'armistice", rien n'était décidé, les décideurs et les communiquants étaient superinquiets. Ça y va la brosse à reluire dans le sens du poil. On leur envoie du lourd, des préfets, des ministres, et Jacques Chirac lui même y va de son célèbre serrage de louche. Il a affirmé que le dernier poilu aura droit "à des funérailles gigantesques, pas nationales, non, mais presque", comme le souhaitait Brassens pour la femme d'Hector. Certains pensent au Panthéon.

Le hic, c'est que beaucoup de poilus ont la dent dure et qu'ils crachent un peu dans le rata, quand on leur pose des questions. C'est pas le genre à dire aux jeunes "allez vous faire tuer la fleur au fusil". Les témoignages que j'ai lus sont plutôt dans la tonalité du film "Joyeux Noël". Européens, pro-allemands, passe, mais ils sont carrément pacifistes, ces icônes mythiques de la Grande Guerre, et ça, ça fait tache.

Louis, le nouveau doyen, fait très fort dans ses déclarations. Ça fait 2 ans que le Maire et le préfet essayent de l'amadouer en venant fêter l'armistice chez lui, en amenant champagne et gâteaux secs. Faut dire qu'il a toujours boycotté les commémorations. L'écouter est un bonheur :

En 1916, nous étions jeunes, patriotes et enthousiastes pour le combat, les peuples français et allemands avaient été montés l’un contre l’autre. On partait, on ne savait pas pourquoi, mais on y allait. Il faut avoir entendu les blessés entre les lignes. Ils appelaient leur mère, suppliaient qu’on les achève. C’était une chose horrible. Les Allemands, on les retrouvait quand on allait chercher de l’eau au puit. On discutait. Ils étaient comme nous, ils en avaient assez. Quand l’Etat major l’a su il a ordonné une attaque. La guerre ? Hay, hay, hay ! Un truc absurde, inutile ! A quoi ça sert de massacrer des gens ? Rien ne peut le justifier, rien ! C'est de la boucherie. La gloire, l’héroïsme ? De la fumisterie ! Le patriotisme ? Un moyen de vous faire gober n’importe quoi ! Les médailles ? Certains de mes camarades n’ont même pas eu le droit à une croix de bois ! Les décorations, c'est de la poudre aux yeux, ça rime à rien...

Revenu à la vie civile, quand ses enfants parlaient des "boches", il leur disait :

Vous devez les appeler "les Allemands". Les soldats français et allemands ont été manipulés. Des tas de gens ont été envoyés à la mort à cause de la bêtise de hauts gradés. C’était une boucherie qui n’a servi à rien et la guerre a, à nouveau, éclaté en 1940. Elles ont surtout permis aux industries de l’armement de faire de l’argent, en Allemagne comme en France.

C'est un gars qui a vécu l'offensive Nivelle, le célèbre "Chemin des Dames", 150 000 morts, qui dit ça. Qui est revenu vivant pour nous dire ça.

Bon. Mais on va quand même pas enterrer un anarchiste au Panthéon ??

mercredi 8 novembre 2006

Saoul-FifreNotre dard de pas mis

Je pense être tombé dans la M.H.U.B. en cours moyen 1ère année. Comment, vous ne connaissez pas la M.H.U.B. La Marmite Hugolienne Universelle Bouillonnante ? Pffff... Enfin, vous aurez appris quelque chose aujourd'hui, c'est déjà ça ?

Je revois ces poèmes éparpillés un peu au hasard dans notre livre de "Lectures", au milieu de dictées potentielles, extraites de romans de Grands Auteurs. La censure régnait. Ça sentait la purge à pleins naseaux, le texte tailladé, réécrit par de hauts fonctionnaires certains d'être les caryatides nationales de la morale, protecteurs des jeunes oreilles et des jeunes yeux innocents.

Ô, que je hais ces versions raccourcies, guillotinées, expurgées, intelligibilisées à la mesure des cerveaux enfantins réputés perméables et dénués d'esprit critique ! Que je hais le Reader Digest, ces petites saynètes sorties de leur contexte, et le mépris sous-jacent pour l'auteur libre et sa pensée fine, riche, complexe, que l'on retrouve déchiquetée et amoindrie. Aïe, lire des textes de la bibliothèque verte et se retrouver ensuite confronté à la flamboyance géniale des versions intégrales ? J'ai eu ce choc avec l'Île mystérieuse, de Verne, Le comte de Monte-Cristo, de Dumas et Les Misérables, de Hugo. Ça secoue.

Même les poèmes. Evidemment, ils ne les réécrivaient pas, ces résidus de l'Ecole Normale en auraient été incapables, mais ils passaient à la trappe des strophes entières.

Mon livre de "Lectures", je le lisais en entier dans le mois qui suivait la rentrée, en commençant par les poésies. Et là, y avait pas photo : c'était le Grand Victor le meilleur. Hin hin, les autres, les Verhaeren, les Ronsard, les Delafontaine, on voyait bien qu'ils s'essoufflaient derrière la comète, en ramant avec leurs petits bras, les lourdauds... Cette année, on avait eu droit à Océano Nox . La claque ! À l'époque, on apprenait par cœur, avec le cœur, et c'était facile car c'était beau. Ça avait traversé les siècles, ce n'était pas des vers à la mapipoune tonton larimette, imposés par la copine du ministre...

"Puis votre souvenir même est enseveli.
Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire.
Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli."

"Seules, durant ces nuits où l'orage est vainqueur,
Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,
Parlent encor de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur coeur!"

"O flots! Que vous savez de lugubres histoires!
Flots profonds redoutés des mères à genoux!
Vous vous les racontez en montant les marées,
Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir quand vous venez vers nous!"

Chapeau. Et tout ça en signant des autographes génétiques aux bonnes. Avoir un enfant du Grand Homme ? Ça devait se bousculer au portillon... Ha, vous appelez ça un portillon, vous ?

Pour les cadeaux d'anniversaire, de Noël, ce n'était pas compliqué de me faire plaisir : un livre, et j'étais le plus joyeux des bambins. Mon frère aîné m'offrit un jour "La Légende des Siècles", une belle édition sur papier bible avec des encres du maîtres. Waw ! Je continuai à explorer le Grand Œuvre et Notre Dame de Paris eut une influence énorme sur moi. Esmeralda, qui d'ailleurs aurait préféré s'appeler Goton et s'appelait en réalité Agnès, n'est pas trop maligne : elle est émue par l'apparence avantageuse du beau Phœbus qui est l'archétype du gros con. Mais elle est charismatique et permet à Hugo de faire une analyse fascinante des motivations des hommes qui gravitent autour de sa beauté fatale.

Quasimodo est le pur de la bande. Son Amour pour Esmeralda le transcende et le transforme en héros généreux. Il en oublie ses intérêts, son obéissance à son maître, il est l'Amour absolu et quand sa bohémienne finit torturée, pendue par la faute de Frollo, il tue celui-ci, qu'il vénérait pourtant. Quasimodo, c'est la locomotive de l'Amour, rien ne l'arrête, ni sa laideur, ni le fait qu'elle en soit dégoûtée, ni aucune contingence, ni la Mort. Il retrouvera le corps de sa dulcinée dans les caves de Montfaucon, l'enlacera et se laissera dépérir ainsi...

Claude Frollo est le méchant. Son Amour, peut-être encore plus passionné que celui de Quasimodo, est égoïste. Pour lui, l'affaire est claire : si il n'arrive pas à la sauter, personne d'autre ne l'aura. Et comme la petite sait ce qu'elle veut (son beau Phœbus), c'est ce qui se passe. Le prêtre poignarde Phœbus juste avant que Phœbus ne fasse revenir Esmeralda à la casserole avec un peu de beurre (ne vous inquiétez pas : Phœbus n'en meurt pas, se mariera avec une autre conne et aura beaucoup d'enfants. Cet Hugo, quand même, quel conteur !) et puis il dénonce la sorcière à l'Inquisition. Tout du putain de moine, quoi. Bon, Quasimodo le jette du haut des tours de Notre Dame. Ça c'est fait. Il ne l'emportera pas en Enfer. Guerre à son âme.

Il y a aussi Pierre Gringoire. Comme Quasimodo, dont Esmeralda a eu pitié en lui donnant à boire sur le pilori, elle sauve Gringoire de la mort en acceptant de se marier avec lui selon la Loi de la Cour des Miracles. Mariage blanc, bien entendu. Elle fait ça car elle est bonne fille et qu'elle a bon cœur. Gringoire ne cracherait pas sur une petite concrétisation vite fait sur le coin de la paillasse, mais l'altruisme d'Esmeralda ne va pas jusque là, elle a des idées précises sur le mari idéal : un homme a le casque en tête, l'épée au poing et des éperons d'or aux talons ! (je vous l'ai dit, elle est gentille mais un peu concon). Gringoire aussi. Tout poète, tragédien, intellectuel qu'il est, c'est un homme-enfant épris de gloire, qui livrera sa fausse femme à Frollo, sans rien comprendre à la situation...

Et puis il y a un autre personnage féminin dans le livre, omniprésent, c'est Notre Dame de Paris elle-même, masse imposante et impressionnante autour de qui tout tourne. Elle donne asile, elle recueille, mais elle abrite aussi des donneurs de question pas vraiment tendres. Les siècles passent et elle contemple toutes les turpitudes et les atrocités commises dans la capitale, avec son sourire contraint de mater dolorosa pas vraiment concernée.

Victor Hugo est un créateur de mythes éternels, à l'instar d'Homère ou de Shakespeare, alors évidemment, il est repris, pillé et quelquefois réduit en charpie, massacré. Il n'aurait pas fallu que je croise un américain à la sortie du "Bossu de Notre Dame", le dessin animé de Walt Disney S.A., le célèbre gang de cambrioleurs. Hugo même pas cité au générique, Phœbus le flic priapique et ripoux, qui devient le héros, et le curé qui se transforme en juge pour ne pas choquer les puissants lobbies religieux américains !!! Ha les fuckings salauds !

Quasimodo del Paris, de Patrick Timsit, tout dérisionneux qu'il était, respectait à la perfection la thématique hugolienne.

Et la comédie musicale, mon dieu, je ne l'ai pas vue, mais la chanson Belle me parait cadrer assez bien les personnages. Et si vous trouvez que je suis trop gentil, vous pouvez aller savourer une satire ici

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