Blogborygmes

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mardi 2 mai 2006

Tant-BourrinLes bons trucs de Tant-Bourrin (4)

Les lecteurs de votre blog sont des cochons affamés qui réclament leur confiture quotidienne, alors même que vous êtes en congé et avez bien autre chose à faire que vous souciez d'eux ?

Qu'à cela ne tienne : voici aujourd'hui un nouveau petit truc pour gratter un billet de longueur adéquate qui fera parfaitement illusion.

Le truc consiste a répéter et répéter encore le même concept mais en employant un vocable et des formulations différentes à chaque fois. Oui, c'est bien là l'astuce : un message banal itéré moult fois, mais en refaisant systématiquement la cosmétique de la phrase. Et changer un mot, changer un adjectif, changer un verbe et recommencer sans fin est ainsi la fondation sur laquelle s'appuie cette chafouinerie machiavélique. Car cette pirouette est bien en effet de paraphraser, d'emprunter des chemins de traverse, de divaguer dans les champs syntaxiques en tenant le lecteur par la main, sans dévier, ne serait-ce qu'un instant, de l'objectif du signifiant, intangible et inébranlable. Oui, car "droit au but", telle est la devise à suivre, même si la filature se fait à distance et dans des rues sémantiquement mal éclairées. Alors il est assez simple de ressasser le même concept, mais avec un décorum stylistique peu à peu altéré. Et la roublardise, en l'occurrence, c'est que, hormis un mot retouché par-ci, une tournure travestie par-là, rien ne change au niveau du discours énoncé. Seul le procédé d'expression est métamorphosé à chaque phrase, et chaque phrase fait écho à la précédente en une vertigineuse mise en abîme, c'est là toute la finesse du manège. Manège d'autant plus cauteleux que, sous des atours sans cesse renouvelés, le message, lui, ne se départit pas de sa mise initiale. Oui, seule la rhétorique est soumise à anamorphose, le ferraillage du sens résiste de son côté à toutes les contraintes : une bien fine combine que celle-là !

Voilà, je m'arrête là, mais je pourrais encore continuer des heures. Logiquement, rendu à ce stade, le lecteur est plongé dans un état de légère hypnose qui annihile tout sens critique.

Il aura ainsi eu sa dose bloguesque, et vous, vous n'aurez pas eu à vous creuser la tête pour trouver quoi raconter dans votre billet.

Car raconter sans fin la même chose mais en faisant évoluer la formulation, telle est le stratagème !

Merci qui ? Merci Blogborygmes !

vendredi 21 avril 2006

Saoul-FifreScatholique orthodoxe

Un billet de Byalpel m'a remémoré une petite guéguerre locale que j'ai subie en 1ère ligne et de plein fouet il y a une dizaine d'années. J'étais à la fois le coupable, l'ennemi et l'interlocuteur officiel de la horde d'attaquants, puisque à l'époque "élu municipal chargé du dossier" !

Tout le monde a compris que j'étais né à la campagne, bouseux bousonnant bousonneur, comme ne se prive jamais de vous le rappeler Tant-Bourrin, ce rond-de-cuir carbono-oxydé. La vie en contact avec la Nature a offert à mes narines une palette olfactive bien plus riche que celle qu'il est obligé de sniffer quotidiennement, à savoir : principalement composée de gaz brûlés de GPL, d'essence et de gas-oil, le pauvre ! Va savoir quel effet ça peut avoir sur le système céphalo-rachidien, tous ces poisons qui puent ? J'ai bien ma petite idée, mais chut...

Mon enfance s'étant déroulée au milieu des fleurs, des papillons et des petits zoziaux, mais aussi de bêtes plus corpulentes et mieux comestibles. Des odeurs puissantes et emboucanantes m'ont sollicité très tôt, et j'ai pu développer un "nez" que j'aurais très bien pu monnayer chez les parfumeurs de Grasse, n'eurent été les relents bourgeois que je subodorais dans ce milieu puant, et que je n'aurais pas supporté 2 jours de rang.

Je vous différencie les yeux fermés et les mains dans les poches, le crottin de la bouse (facile), la crotte de caprin de celle d'ovin (moins évident), la poulaitte du colombin, et même à quelle saison tout ce bren a été excrémé. Je vous reconnais, là, droit dans le nez, des touches de tuber mélanosporum, des arrière-gorges de miellat, des brises de légumineuses en chaleur, des lignes d'ergot de seigle, et bien d'autres fragrances, dans le premier échantillon de fumier venu. J'aime la matière organique en décomposition, et je la connais car je la pratique. Ces odeurs pleines de vie me renvoient à ma liquéfaction à venir, à ma déconfiture future, et au souvenir enjoué d'enterrements de personnes qui m'auront bien fait caguer.

Ce sont des vents vrais, épais de symboles, pleins d'éternités, qui virevoltent autour de ma fourche à fumier et de mon épandeur, lors de ces cérémonies païennes qui font grincer les dents et fulminer au bord du pétage de cable les citadins venus "goûter" à la qualité de vie inégalée du paysan.

Vous l'avez compris, je suis un sympathisant bio, mais sans sectarisme en la matière, si j'ose dire, nous allons le voir tout à l'heure. Et adhérent à rien, les réunions professionnelles m'ayant à jamais dégoûté du milieu bio militant. Donc adepte du principe de culture qui dit que lorsqu'on est dans la merde et sur la paille, on mélange les deux, on les laisse en tas suffisamment longtemps, et le Bon Dieu des ploucs transforme ce truc à la réputation mitigée en un humus à l'adorable odeur de sous-bois automnal.

Compost qui est la nourriture naturelle des plantes depuis la nuit des temps, jusqu'à il y a peu, où des commerciaux américains sont venus expliquer à la plèbe glèbeuse que la plante ne se nourrit que des éléments simples N, P et K, et qu'ils n'avaient qu'à essayer, si ils ne les croyaient pas, et qu'ils allaient leur donner des sacs gratuits. Authentique. C'était un peu comme donner à manger aux paysous en question de l'huile, du sucre et du steak, mais comme la récolte suivante a été bonne, ces cons sont tombés dans le piège et maintenant ils sont pieds et mains liés par les grands trusts agropétropharmacobiotechnochimiques.

Chacun sa merde, mais moi, j'ai continué à travailler avec mon caca. J'achetais ou on me donnait du fumier, car on ne savais plus quoi en faire. Je curais les bergeries, je sillonais les routes avec mes chargements d'or brun. Un jour, après un épandage de fumier de mouton, j'ai vu débarquer à la maison 2 voisins salariés de la Shell qui gueulaient, les poings tout faits : "Où elle est, cette putain de porcherie ?" Je leur ai rétorqué : "Juste à 5 km, par vent du Sud, de votre putain de raffinerie qui crache une putain de fumée noire !" Ils sont repartis sans insister. D'où l'intérêt de connaître un peu ses "clients"...

J'ai été le pionnier du recyclage de boues d'épuration, dans le quartier. Un jour, j'ai reçu la visite d'un démarcheur de la société BIOTECHNÉCOLO qui plaçait ses boues de stations d'épuration des villes avoisinantes, chez des agriculteurs. Il avait parlé de 99 % de matières organiques, et j'avais tilté. En fait, une fois les analyses en main, j'ai vu qu'il avait légèrement exagéré. Reste qu'avec les sacs d'engrais, c'est environ 70 % du sac dont je ne connais pas la composition. Avec les boues, j'ai une analyse de terre avant épandage, une analyse du produit épandu, et une analyse après. La transparence est totale. Ce sont les lobbies chimiques qui ont communiqué CONTRE le recyclage agricole des boues. Il est clair qu'après épandage, je n'achète PAS UN GRAMME d'engrais chimique. J'en connais qui font la gueule.

Aujourd'hui, la filière est super au point. Les boues sont demi-sèches, mélangées de suite avec des déchets verts (tontes de gazon, broyats de branches de taille...), compostées dans les règles de l'art, et tamisées avant épandage. Vraiment un beau produit, dont ils vendent une partie comme terre végétale dans les jardineries.

Mais pendant 10 ans, je me sentais l'âme d'un Zorro recycleur de déchets citadins, et j'ai empuanti tout le quartier. Les boues étaient stockées et épandues pures. Des voisins me haïssaient. J'ai perdu des amis nasalement sensibles. Arriva ce qui devait arriver : une pétition coléreuse débarqua en mairie. Il se trouve que j'étais l'élu chargé des questions agricoles et environnementales. J'ai levé le doigt et j'ai dit : "Je m'en occupe !". Et je me suis fait un plaisir de répondre au chef des conjurés la lettre suivante.

Un petit plaisir de la vie comme on aimerait qu'il y en ait plus souvent.

Cher Monsieur Jean Naymard,

Suite à votre missive ainsi qu'à notre rencontre, et bien que le trou de stockage auquel vous faites allusion se trouve sur le territoire de la commune voisine de Saint Cucufa, je suis en mesure de vous fournir quelques éléments de réponse.

Ce radier a été creusé à la demande du gestionnaire des boues, la Société Biotechnécolo, afin de servir, après stockage et épandage, à l'enrichissement en matière organique de terres exploitées par des agriculteurs volontaires. Le recyclage par voie agricole est actuellement la filière de prédilection, préconisée par la Préfecture, l'incinération ayant un coût pour la société trois fois plus élevé et posant néanmoins un problème de déchets ultimes et d'émanations pouvant être toxiques à hautes doses, car contenant des dioxines.

La Loi sur l'eau, sous la pression des écologistes et des consommateurs a encore durci les cahiers des charges de ces épandages : elle fixe les distances à respecter avec les points de puisage, les habitations, et oblige à un labour dans les 48 heures suivant le chantier. La Société Biotechnécolo, en l'occurrence, est le garant que tout s'effectue dans le plus strict respect des réglementations actuelles.

Pour ce qui est des nuisances olfactives dont vous vous plaignez, le technicien considère qu'en phase normale de stockage, les boues étant semi-sèches, une croûte se forme et les odeurs restent discrètes. Cette année, une quantité d'eau inexplicable autrement que par un acte malveillant s'est retrouvé dans les boues, peut-être par pompage dans le canal tout proche.

Vous même reconnaissez que les nuisances ont atteint un niveau gênant seulement cette année, alors que les épandages s'effectuent sur votre quartier depuis l'automne 93.

D'autre part, il semblerait que la Société Biotechnécolo s'oriente vers un compostage préalable avec mélange de boues et de déchets verts broyés, ce qui serait une réponse technique tout à fait satisfaisante au problème qui a motivé votre réaction.

En espérant avoir répondu à vos inquiétudes et à celles de vos proches voisins, je vous renouvelle, cher Monsieur Jean Peuplu, l'assurance de ma considération dévouée...

Saoul-Fifre

Ou, plus abruptement :

Je vous emmerde !!!

mercredi 15 mars 2006

Tant-BourrinLes bons trucs de Tant-Bourrin (3)

Aujourd'hui, je vais vous livrer un nouveau petit truc pour pondre des billets facilement, même quand l'inspiration n'est pas là. Mieux que ça : ce truc va même vous permettre de recueillir l'admiration du plus grand nombre en passant à leurs yeux pour un grand poète injustement méconnu.

Le principe ainsi que la mise en oeuvre sont d'une simplicité déroutante : il suffit d'un vrai poème et de quelques outils linguistiques en ligne.

Pour le poème, je vous propose de prendre, à titre d'illustration, le magnifique "Demain, dès l'aube..." de Victor Hugo.


Demain, dès l'aube...

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.


Pour ce qui est de l'outil de traduction, il faut éviter le trop haut de gamme, qui pourrait ne pas introduire suffisamment de glissements textuels progressifs. Je vous propose donc d'utiliser celui de Yahoo!

Et maintenant, composer un nouveau poème à partir de celui-ci est un jeu d'enfant : il suffit de copier/coller le poème, le traduire dans une langue, puis une autre, puis encore une autre avant de revenir au français. Résultat garanti : la poésie, pure, folle, entièrement neuve est au rendez-vous.

Voici le résultats de quelques tirs...


Traduction > espagnol > anglais > allemand > français

Demain du Trowel

Demain du Trowel, à l'heure, dans laquelle il devient blanc la campagne,
Je vais. Elle voit - lui, sait moi qu'elle espère à moi.
Je vais par la forêt, moi vais par la montagne.
Je ne peux pas rester vous un temps très plus long.

Je ne vais pas les yeux qui ne sont attachés voir à mes pensées,
Sans rien, l'extérieur, sans de bruits entendre particulièrement,
Plus étrangement, entouré de retour, les mains croisées,
Tristement, et le jour pour ma volonté est comme la nuit.

Je n'observe pas la nuit loin encore l'or qui tombe,
Encore les bougies au descendant en direction à des Harfleur,
Et si j'arrive, je détache auprès de lui
Vert et brezal un bloc houx dans la fleur.


Traduction > portugais > anglais > néerlandais > français

Demain, de l'aube...

Demain, de l'aube, à l'heure où branqueia la campagne,
Je partirai. Lui voit, weet me cela délai me.
Me pour la forêt aller, j'irai pour Mons.
Me ne pas pouvoir habiter dans le temps beaucoup éloigné de vous plus.

Me les yeux qui sur mes pensées,
Sans rien n'est réglés la partie voir, marcheront, sans il n'est pas à comprendre
Unique, raquette inconnue, les côtes inclinantes, les mains tristes croisées,
Et à la veille de moi comme nuit sera.

Me ni l'or de la nuit n'examine loin ces baisses,
Ni les bougies au nakomeling pour Harfleur,
Et quand pour arriver, sur votre tombe
Une branche verte dans la fleur de houx et urze mettre.


Traduction > italien > anglais > allemand > français

Demain depuis l'aube...

Demain depuis l'aube, je vais actuellement le moment, dans lequel la campagne tourne un blanc.
Ils voient savoir, moi que vous vous assurez lui.
Je vais avec la forêt, moi vais avec la montagne.
Je ne peux pas plus rester trop loin de vous.

Je vais les yeux spécifiques localement sur mes pensées
Sans voir dehors signifier invalide, à l'extérieur, que, que la partie arrière tordue,
Les mains n'exproprie pas de bruits, le Solo, est intercrossed,
Tristement et le jour pour moi comme la nuit.

J'en n'observe pas loin l'or du soir qui tombe,
Voiles au descendant en direction à des Harfleur,
Et si j'arrive, j'utilise dessus ta tomba
Un paquet houx vert et brughiera dans la fleur.


Et pour finir, j'ai fait une dernière tentative destinée à dynamiter tous les résidus de ressemblance avec l'original. J'ai donc fait un très grand nombre d'allers-retours vers diverses langues en gardant l'anglais comme point de passage (l'anglais, langue peu précise et donc idéale pour cet exercice) et je n'ai pas été déçu : le poème final est d'une beauté à couper le souffle, il réinvente de surréalisme, il déstructure à plaisir le langage, bref c'est bô !


Traduction > anglais > italien > anglais > néerlandais > anglais > allemand > anglais > portugais > anglais > français

Demain à la pelle...

Demain à la pelle, à l'heure, comme le campagnecandeggia,
Je vais. Ils voient, le sapete de I que vous l'inquiétez vous vous-même.
I du paquet disparaît, je va du bord.
Éloigné en date de vous alors on il reste plus beaucoup d'heure.

J'examine des repairings les mains, cela sont croisés à lui dans mes idées
Et voient que qualche cosa avec la partie externe il fonctionne et il croit déjà l'avortement,
La terre, exproprient un, plié,
Tristement et le jour, avant que je les commande placer comme nuit.

Les nenhuns I d'eux à l'or de la nuit n'en paye aucune d'elles,
L'arrivée avec les voiles du descendant, qui est allé très le Harfleur
Et alors I concernant vous renverse
Un vert de houx du paquet et de l'herbe de la bruyère en fleur commencée à l'attention, qui tombe.


Voilà, vous n'avez plus qu'à publier mécaniquement à la chaîne vos poèmes translinguistiques sur votre blog. Plus de souci à se faire pour l'alimenter.

Merci qui ? Merci Blogborygmes !

jeudi 2 mars 2006

Saoul-FifreTintin-à-bulles

Bakemono a pondu un billet sur la BD, il y a peu. Je la suis pas mal sur sa sélection sympathique. À part que, âge canonique oblige, je peux y ajouter quelques patronymes de vieillards.

Après Riquiqui et Roudoudou, mes rapports à la BD pour jeunes ont été distants. Fripounet, Le journal de Mickey, Record, Tintin, Spirou... Impossible de se raccrocher à rien qui dépasse, dans ces dessins inconsistants. Ha, on ne se moquait pas de la religion et de la morale, en ces temps anciens. La commission de censure des publications destinées à la jeunesse prenait son rôle à cœur. Mais Pompon, Natacha, la mère de Boule, la copine d'Olivier Rameau, celle de Broussaille, étaient quand même bien mignonnes.

Les génies, les phares de la future BD adulte étaient déjà là, Franquin chez Spirou, Mandrika chez Pif, mais c'est vraiment avec l'arrivée de Pilote, puis de Hara-kiri, de Charlie Mensuel, et du mythique Echo des Savanes (1ère version, toujours préciser : 1ère version), que je suis devenu un BD addict.

Gotlib. Tout le monde dit : "Gotlib", avec la langue pendante d'admiration. D'accord, ça a été un démolisseur d'icônes de 1ère bourre mais je trouve son dessin un peu rigide. Et il n'a jamais su dessiner correctement une femme, même dans l'Echo, où il se lâchait. Pas vrai, Tant-Bourrin, toi qui est resté bloqué au stade scato, avec son "Wolfgang Amadeus Quincampoix" ?

J'ai tout de suite préféré les "coups de crayons". Les personnages déstructurés, mais si expressifs, dont Reiser est le Maître inégalé. À sa mort, Vuillemin a pris sa place, mais il y a Lefred-Thouron, Pétillon, Pratt, Blutch aussi, qui ont ce coup de patte qui déchire sa race. Autheman l'arlésien croque également avec appétit ses personnages. Comme Brétécher, mais avec l'humour et la finesse puissance 10, pour cette dernière

Il y a les anciens, les bons dessinateurs, les bosseurs que les débutants imitent : Giraud/Mœbius, qui aura exploré plein de styles, Buzzelli dont j'ai adoré les histoires noires, baroques, Bilal, qui a bien mérité de la science fiction, Rosinski, sans doute le meilleur, Comès, qui a tutoyé le génie avec son "Silence", mais qui n'a jamais réussi à faire mieux, Hugo Pratt et son Corto Maltese, Jacques Ferrandez et la sublime série qu'il a faite sur ses origines algériennes, Gibrat, Yslaire, qui m'ont ébloui par leur capacité à transcender leur trait, à force de travail...

Allez, continuez à buller comme ça q:^) !!

vendredi 24 février 2006

Saoul-FifreDivine tragédie

Je l'ai déjà dit, mais un bon slogan publicitaire doit être rabâché pour pénétrer dans les cervelles malléables : "Ma foi, connais pas...". J'ai l'esprit beaucoup trop pinailleur, critiquard, coupeur de poils de cul en quatre, pour aller croire en un barbu au sujet de l'existence duquel les témoignages manquent cruellement, sont le fait de personnes peu fiables et de mauvaise foi, ou bien décédées de si longue date que leur existence même s'en trouve controversée.

Ceci dit, le fait religieux est une constante chez l'être humain. Dans la plus petite île, la jungle la plus profonde, les Hommes, loin de toute influence missionnaire, se sont inventés des Dieux, des cultes autour de la Mort, des prières au ciel, aux astres.

La science a reculé les limites de la connaissance, la civilisation s'est affinée (?), les techniques nous ouvrent des portes sur l'onirisme le plus fou, et les religions sont toujours là. Plus que jamais. Les esprits forts parlent de forme primitive de l'intelligence, d'étape juvénile dans toute civilisation, de la pensée magique nécessaire dans la formation de l'enfant, et qu'il convient d'abandonner à l'âge adulte. Mais le rationnel et l'irrationnel ont toujours coexisté à l'intérieur d'un même cerveau. Mais ce n'est pas un enfant qui a inventé le Père Noël. Mais les grandes gueules donneurs de leçons de liberté de penser sont eux aussi capables de comportements irresponsables et illogiques.

Tant-Bourrin a raison quand il souligne que la Science n'a pas pour but de calmer nos angoisses métaphysiques. En bon Dupon D, je dirais même plus qu'elle les exacerbe en repoussant et en complexifiant de plus en plus les questions. Mais certains esprits simples se contentent de ces explications mécaniques à la "six-quatre-deux". La Science leur devient un objet consolant et sécurisant. La Science leur remplace Dieu.

Dans ces référentiels de compensation de la peur face au divin, règne bien sûr en maître, à c'tt' heure, le Veau d'Or, qui a bien du boulot sur la planche (à billets). Le Pouvoir, le Pèze, la Possession, le "toujours Plus", dont parlait finement François de Closets, peut effectivement donner une idée de l'Infini. "L'Homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais de toute parole divine", tentait d'aphorismer un optimiste. Mais pour arriver à rassasier Bill Gates et ses dents longues, il faut pas lui en promettre ! Quand lui et ses semblables boivent, c'est au tonneau des Danaïdes...

Les gens qui se réclament de Dieu ne lui font pas forcément de la réclame. Ces sous-fifres (tout lien de parenté entre eux et mézigue est à exclure sans pitié) peuvent aussi avoir, par la mauvaise image qu'ils en donnent, une responsabilité dans la désaffection de certains spectateurs face à l'Idole Absolue. Le résumé de cette histoire qui fait beaucoup de bruit en ce moment, c'est un peu celui-là : Dieu est innocent. Moi, je te l'acquitte d'entrée, en première instance, sans prendre la peine de consulter les experts psychiatriques. Par contre je me méfie salement de ses missi dominici, qui lui font dire un peu ce qu'ils ont envie qu'Il dise. Dans la même religion, ils sont pas d'accord entre eux. Dieu leur a pas dit la même chose à chacun, dis donc ! C'est dingue, non ? Moi je crois surtout que quand tu les vois les yeux fermés et les mains jointes, ils disent qu'ils prient, qu'ils sont en liaison satellite simultanée avec le créateur de toutes choses, mais ils réfléchissent surtout à ce qu'ils vont dire aux crédules, pour renforcer leur influence sur eux.

J'ai rencontré de vrais croyants. On les reconnaît à leurs fruits, dit-on... Et c'est vrai que les fruits étaient beaux. Un en particulier, qui était très attaché au sens étymologique du mot religion, qui vient de religere, relier. Relier les hommes. Dit comme ça, cela ressemble à un gag. Il n'échappe à personne que la différence de religion est un facteur aggravant, pour ne pas dire suffisant, à une bonne guerre de derrière les fagots ? En tout cas, les dirigeants, les chefs, les rois, se sont très souvent servis de cet argument, souvent soufflé sur les braises de cette différence, pour galvaniser le moral de la chair à canon éternelle : le peuple. Sus à l'infidèle.

Lanza del Vasto, catholique "critique", dirais-je, est allé prendre des leçons de non-violence auprès d'un hindouiste, Gandhi. Il a considéré qu'un hindou était le plus à même de lui enseigner à approfondir le message de paix et de pauvreté du Christ. Ce en quoi il n'avait pas tout à fait tort, les cardinaux aux dorures chamarrées du Vatican étant assez nuls en la matière. Quand il a fondé sa, puis ses communautés de vie, il a écrit de très beaux textes : "Les prières pour ceux qui prient autrement". Chacun des jours de la semaine est consacré à une religion, et la prière correspondante est dite par tous les présents. Comme ils reçoivent des visiteurs de toutes confessions, cet œcuménisme vécu quotidiennement est la meilleure carte de visite de leurs convictions de paix.

Le lundi, prière pour les hindous.
Le mardi, pour les musulmans.
Le mercredi, pour les hermétiques.
Le jeudi, pour les boudhiques.
Le vendredi, pour les églises séparées.
Le samedi, pour Israël.
et le dimanche, jour du Seigneur, on mange des patates au beurre q:^) !

L'introduction a été un peu longuette, mais je voulais juste partager avec vous le plus beau poème que je connaisse, c'est de Lanza, bien sûr, Gilles, un ami, nous l'a lu dans l'église, le jour de notre mariage. Je sais pas si c'est ce texte qui lui a fait de l'effet, mais quelques années plus tard, il a trouvé la Foi. Plus calotin que lui, tu meurs ! Et depuis, il nous emmerde avec ses histoires de la Sainte Vierge et de ses saints...

LE VITRAIL

Nous verrons brûler l'être et l'apparence tels
Que leur étreinte brûle en cette rose ronde,
Quand morts et revêtus de nos corps immortels
Nous remonterons blancs comme un prêtre à l'autel
Les degrés de ce monde,

Quand nos corps décantés, nos corps de verre
Frappés de ciel et de splendeur sévère
Trahiront la couleur dont notre âme est chargée,
Quand nous verrons la vie en un cercle figée,
Et la matière hors d'elle-même sortie,
Et la terre allégée
Comme le pain transparent d'une hostie,

Quand le vide se peuplera de ponts et d'ailes,
Quand nous déchiffrerons le vol de l'hirondelle,
Quand nous saurons par cœur la mer, verbe de marbre,
Et quels longs souvenirs persuadent les arbres
De mener, par d'ambigus rameaux, jusqu'au bout,
Vers l'impassible ciel leurs fleurs fidèles,
Quand nous saurons pourquoi les saints poussent debout
Selon la loi des blés et la ligne des lis,
Et ce qui lie
Les vierges folles aux filets de leur folie,
Quand s'illuminera toute similitude
Comme lumière prise aux rayons de la pluie,
Comme l'étoile à la nuit se dénude,

Quand nous saurons le chat, le serpent et l'ibis,
Comment les rocs profonds méditent leurs rubis,
Ce que cherche le porc dans l'entonnoir du groin,
Et le jour que la limace crée avec sa bave,
Quand se détacheront, colombes dans le loin,
Du bord du dernier ciel des spirales, des cônes,
Trois triangles, un cube et deux dodécagones,
Pour choir et se résoudre en musiques suaves,

Quand tous nos pas portés çà et là, et leur route
Soudée derrière nous par le plomb de l'oubli
Se dresseront soudain dans nos yeux avec toutes
Nos tristesses, tous nos désirs et tous nos doutes
Perdus, et l'entrelac des actes accomplis,
Quand nous saurons pourquoi notre destin
Fut coupé par un autre, ou le coupe,
D'où vint le vin qui réjouit nos coupes,
Miracle inaperçu dans le bruit du festin,

Que le joug qui nous courbe le cou,
Que l'erreur qui nous roula si loin,
Que les deuils endurés coup sur coup
Ouvraient un trèfle et le bouclaient à point,

Quand s'épanouira notre passé
Lumineux de douleur et brodé de désastres,
Quoiqu'un rire distrait, au centre, l'ait cassé,

Quand notre esprit saura, comme ce vitrail sait,
Pourquoi l'éternité tourne en usant les astres,
Pourquoi Dieu, débordant de sa forme parfaite,
A fait ce monde et voulu nos défaites.

vendredi 17 février 2006

Tant-BourrinLes bons trucs de Tant-Bourrin (2)

Il vous arrive sûrement parfois, malgré votre imagination débordante, de manquer d'idée et de matière pour pondre un billet sur votre blog. Que faire dans ce cas-là ?

Eh bien, aujourd'hui, je vais vous livrer un petit truc qui vous permettra de chiader un billet proustien composé d'une seule phrase, basé sur une méthode oulipienne, la littérature définitionnelle, conçue par Raymond Queneau, Marcel Bénabou et Georges Perec en 1966.

Le principe est, partant d'une phrase d'une extrême banalité, de remplacer tous les substantifs, adjectifs, verbes et adverbes par leur définition piochée dans n'importe quel dictionnaire, puis de recommencer la même manoeuvre sur la phrase obtenue, et ainsi de suite.

Par exemple, partons de cette phrase tellement plate et anodine que même Bernard Werber n'en voudrait pas pour ses bouquins :

Le bouseux écrit dans son journal.

Prenons un dictionnaire et cherchons les définitions de tous les mots...

  • Bouseux : fam. péjor. paysan
  • Ecrire : tracer les signes d'un système d'écriture
  • Journal : relation jour par jour de ce qui se passe

Je remplace les mots par leur définition, et j'obtiens la phrase suivante :

Le paysan trace les signes d'un système d'écriture dans sa relation jour par jour de ce qui se passe.

Reconnaissez que la phrase a déjà beaucoup plus de gueule ! Et ensuite, il suffit d'appliquer le même traitement à cette nouvelle phrase. Cela nous donne :

La personne qui vit à la campagne de ses activités agricoles représente par des lignes et des points les marques d'un ensemble ordonné d'idées scientifiques ou philosophiques de représentation de la parole et de la pensée par des signes graphiques conventionnels dans son lien existant entre des choses, clarté par clarté, de ce qui a lieu.

Pas mal, non ? Mais encore un peu court pour balancer cette phrase en guise de billet. Allons-y pour une itération supplémentaire...

L'être humain qui se procure les moyens de subsister dans l'étendue de pays plat et découvert par sa vivacité et son énergie dans l'action qui concerne l'agriculture rend perceptible par des traits continus dont l'étendue se réduit pratiquement à la longueur et des signes de ponctuation les traces de contact d'une réunion d'éléments formant un tout, que l'on considère en lui-même, qui a de l'ordre et de la méthode, de représentations abstraites d'un être, d'un rapport entre des choses relatives à la science ou relatives à la philosophie, d'action de rendre sensible quelque chose au moyen d'une figure de la faculté de parler propre à l'être humain et de la faculté de penser par des marques matérielles distinctives qui représentent par des dessins qui résultent d'une convention dans son rapport logique ou de dépendance actuel entre des êtres, des objets inanimés, éclairage répandu par quelque chose de lumineux par éclairage répandu par quelque chose de lumineux, de ce qui se produit.

Voilà, c'est parfait ! Il n'y plus qu'à balancer cette phrase magistrale en guise de billet. Votre piètre lectorat passera des heures à essayer vainement de saisir le sens profond de votre prose, n'osant pas dire qu'il n'y comprend rien par crainte de paraître ignare et limité intellectuellement (ce qu'il est de toute façon).

Et vous, vous avez alimenté votre blog sans aucun effort intellectuel, par un procédé purement mécanique, tout en renforçant votre prestige de grand penseur...

Merci qui ? Merci Blogborygmes !

mardi 14 février 2006

Saoul-FifreLes yeux humides

Au commencement était l'atome primordial, le bâtisseur d'étoiles, le tourneur de planètes, le faiseur d'eau. Avec son proton solitaire et son électron si peu matériel, l'Hydrogène est l'élément simple à la base de tous les autres. Par perte ou acquisition d'électrons, par liaisons plus ou moins recommandables, sans doute sous fusion thermonucléaire, il a donné tous les atomes et les molécules qui forment notre environnement. C'est la brique Légo inaugurale d'une collection impressionnante de décors, d'objets et de personnages.

Par combinaison avec l'oxygène, il nous donne l'eau, c'est à dire la Vie. Avec le même, il forme un explosif de grande puissance, et sème la Mort. L'hydrogène n'a pas de morale intrinsèque. Il sera ce que nous en ferons, la source d'énergie illimitée et égalitairement partagée, dont nous rêvons, ou bien l'arme de destruction totale qui règlera définitivement le problème de nos caries douloureuses.

S'il y a un Dieu, je crois fermement qu'il est de cet ordre : à la fois Diable et Dieu, Janus bifide, Hermès souriant et grimaçant, tragi-comique. Capable du meilleur comme du pire, d'une chose et de son contraire, génie du bien et du mal. À notre image, en fait.

Oui, Dieu a été créé à l'image de l'Homme. Tel est mon crédo, mais la situation est déjà assez compliquée comme ça, et le lancement d'une nouvelle secte n'est pas vraiment de saison. Ce que je ressens, c'est qu'à l'échelle de l'Histoire, les idéologies et les religions n'évoluent pas mécaniquement et régulièrement comme le décrit Alarc'h dans son article . Il y a des éruptions. Il y a des périodes de paix et des périodes de guerre. Il y a des régressions, ou des évolutions progressistes, plus ou moins rapides selon les leaders au pouvoir. Rome a atteint son apex, puis connut la dégringolade. L'Islam fut la locomotive culturelle et scientifique de notre vieux monde étriqué et puis, la roue tourne... Là, notre mondialisme agressif qui s'engraisse en se foutant du tiers comme du quart-monde, ça sent très mauvais sa "fin de cycle", et je rêve d'autres exemples.

À l'échelle de l'Hydrogène, la légèreté est absolue, et sous sa forme stockable, l'eau, son cycle est créatif, nourrissant, poétique, stable, émouvant...

"Les pieds dans le ruisseau,
moi je regarde couler la vie...",

psalmodiait le grand Jacques, et cette invitation à la contemplation de l'évidence de l'eau m'a toujours parlé. À mes tout débuts, un liquide, trouvant son chenal, remontant le courant à travers d'autres mouillures, parvint à atteindre et à ensemencer la Source, et le Réceptacle, et la Génèse de toute Vie. Le têtard que j'étais remuait de contentement sa queue résiduelle, en pataugeant dans son petit bain personnel, avec les pulsations de son ombilic en fond sonore. Et les bruits aquatiques. Le silence assourdissant de la mère, puis son cri, quand elle perd les eaux.

Né au pays de la sécheresse, on m'a appris à la respecter. Elle n'en a acquis à mes yeux que plus de richesse, et les rencontres avec de l'eau en liberté, en apparence inépuisable, me fascinaient. Les cascades de Tlemcen, le grand canal d'arrosage qui dessoifait les arbres et remplissait le château d'eau, une fois par semaine, les flots semblant illimités de la Méditerranée. Semblant seulement, puisque nous avons découvert en la traversant, d'autres canaux, d'autres cascades, un autre, ou bien le même rivage ?

Je ne perds jamais une occasion de me replonger dans cette eau primitive. Dans les étangs, les torrents, l'océan... Quelle que soit la saison, je pique une tête. Au Nouvel An au Cap-Ferret, à Pâques dans un lac pyrénéen, en Aout, dans le lac de Viam... Quand je suis malade, je recherche la compagnie des ruisseaux, ces filets d'eau que j'imagine couler comme un goutte à goutte salvateur dans mes veines. La guérison par la mémoire de l'eau. Et aujourd'hui, on nous raconte que nous allons en manquer, et qu'elle est polluée. J'en ai des vapeurs et cette idée me glace.

L'eau a cette force de s'adapter aux contenants. Celle de le briser s'il y gèle. Celle de s'en échapper en s'évaporant, si l'envie lui en prend et si les oreilles lui chauffent.

"Dans le brouillard de sa myopie
l'aridité du monde s'atténuait.
Elle pouvait de la sorte rêver
à d'autres horizons, à une autre vie..."

...m'écrivait une amie, il y a presque trente ans. J'en pleure encore, tellement c'est beau.

< 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 >