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samedi 28 février 2009

AndiamoLa recherche fondamentale.

Je vais commencer par une petite histoire...

Nous sommes en 1196, sur une île située au milieu d’un fleuve qui coule en Amérique du nord, plus tard les colons l’appelleront Hudson. Sur cette île vit une tribu de nobles guerriers : les Algonquins. Leur île s’appelle Manna-Hata, l’île aux multiples collines.

Le chef de cette noble tribu, demande un jour à son plus valeureux guerrier :

- Crois-tu qu’au-delà de la grande rivière salée il y ait d’autres hommes ?

- Je ne sais pas répond le guerrier, mais nous pourrions envoyer des signaux de fumée et attendre une réponse, ainsi nous serions fixés.

- Tu as bien parlé rétorque le chef, demain nous apporterons du bois, puis nous allumerons un grand feu et enverrons des signaux.

Le lendemain, toute la tribu a préparé un immense bûcher. Le chef y met le feu et, lorsque la fumée est bien épaisse, à l’aide de couvertures cousues entre elles, on commence à envoyer des signaux.

On recommence l’opération le lendemain et ainsi de suite durant quatre jours. N’obtenant pas de réponses, le chef se tourne vers son valeureux guerrier et lui déclare :

- Voilà, maintenant, nous sommes certains qu’au-delà de la rivière salée il n’y a personne, HUGH !

Où je voulais en venir ? A ceci :

Le S.E.T.I., Search for Extra Terrestre Intelligence, est un organisme dont Carl Sagan est l’un des initiateurs. Cet organisme est chargé de rechercher des traces de vie extra-terrestres dans l’univers, car, si notre univers compte 200 milliards de galaxies, chacune contenant environ 200 milliards de soleils. C’est bien le diable si on ne trouve pas dans tout ça une ch’tiote planète pouvant accueillir la vie, voire une vie intelligente, non ?

Or les fonds du SETI ne sont plus alimentés, sauf par des dons privés, et, vraisemblablement, tout cela cessera un jour.


Où sont-ils nos Vasco De Gama, nos Christophe Colomb, où sont nos Docteur Livingstone I presume ? Nos conquérants de l’inutile ? Ceux qui, penchés à l’avant des blanches caravelles, voyaient monter des étoiles nouvelles ? Ceux qui comme Ulysse avaient fait un beau voyage ? Les Argonautes qui s’emparèrent de la toison d’or ? Où sont-ils donc ?


Vive l’inutile, ces fous qui inventent des choses qui ne servent à rien. Pensez donc, deux frangins, en Amérique, veulent faire voler un plus lourd que l’air ! I M PO S S I B L E ! Et pourtant, en 1903, ils y parviendront ! Oh, un saut de puce bien sûr, quelques mètres….

Soixante-six ans plus tard, l’homme pose le pied sur la Lune ! Soixante-six ans seulement séparent le saut de puce des frères Wright du pas de Neil Armstrong !

Et depuis, plus rien ou si peu, quelle frilosité ! Ça ne sert à rien, les voyages spatiaux, il faut chercher utile !

Regardez ce Monsieur Cugnot... Nous sommes en 1770. Un hurluberlu, ce Joseph Cugnot : il vient de mettre au point un engin à vapeur, "le fardier", cet engin serait, je dis bien "serait", capable de remplacer les véhicules hippomobiles !

AH ! AH ! Je me marre, "ON" ferait mieux de financer des recherches utiles, par exemple aider les chercheurs qui souhaitent améliorer la race chevaline.

Imaginez : si par le truchement de quelques habiles croisements, on obtenait une nouvelle race de chevaux capables de parcourir une lieue supplémentaire dans la journée, voilà une recherche qui serait bien utile.

Mais un chariot à vapeur… Quelle idée farfelue !

Rouler dans un tunnel à plus de quarante kilomètres / heure ? Impossible, la pression induite sera telle que les corps seront broyés, c’est ce que pensaient des savants forts respectables à la fin du XIXème siècle. Aujourd’hui, nous traversons ces tunnels à plus de 300Kms/h, avec seulement une petite gêne au niveau des tympans !

Et que penser de ce malade mental : un Suisse, François Isaac de Rivaz, nous sommes en 1807 et il vient de déposer un brevet concernant un engin qu’il appelle "moteur à explosion interne" et qui fonctionne au pétrole, ce produit juste bon à brûler dans les lampes, et malodorant avec ça, POUAH !

Si les hommes avaient rondement mené la conquête spatiale, il y a belle lurette que des astronautes auraient posé le pied sur Mars ! Que dis-je le pied, les deux tant qu’à faire ! On nous rétorque :

- Oui, mais le voyage, c’est au bas mot, un an et demi ! Vous vous rendez-compte ? C’est long un an et demi !

Amundsen resta absent près de huit mois, pour aller conquérir le pôle nord, laissant son navire hiverner six mois. Pourquoi ? Pour être le premier !

Et puis si l’on désire voyager vers d’autres étoiles, les distances sont si colossales qu’il faudra bien inventer "autre chose" qu’une fusée, si rapide soit-elle ! On aurait dit à Christophe Colomb, voici cinq siècles, "un jour, l’homme mettra trois heures pour traverser l’Atlantique", impossible aurait-il répondu, jamais un navire ne pourra se déplacer à une telle vitesse. C’est toujours vrai, même aujourd’hui, alors les hommes ont inventé l’avion.

Aller sur la lune ? Impossible, aucun avion ne peut atteindre l’espace, et encore moins s’y déplacer, les hommes ont construit des fusées !

Les étoiles sont trop lointaines ? Alpha du Centaure : quatre années lumière ! Quatre ans de voyage à raison de 300.000 km à la seconde ! Sept fois le tour de la terre en une seconde, on ferait mieux de tourner sept fois sa langue dans la bouche d’une jolie femme, oui !

Reste aux hommes à inventer autre chose que des malheureuses fusées se traînant à 11 km/seconde. Allons, Messieurs les savants, penchez vos têtes chenues, afin que vos deux neurones entrent en contact !

Les hommes ont toujours relevés les défis. Ce que l’homme rêve, l’homme le réalise un jour !


Aujourd’hui, on dit : ça coûte cher ! Une guerre en Irak, c’est donné, et puis ça servirait à quoi ? A rien, assurément, aujourd’hui, tout comme l’invention de Nicéphore Niepce, ou celle de Daguerre, ou encore celle des Lyonnais, des grands enfants, ces frères Lumière ! Filmer un train entrant en gare, à La Ciotat en plus ! C’eût été à St Lazare, passe encore, mais en province, a-t-on idée ?

Monsieur Bell et son … téléphone ? Oui, c’est ça, un téléphone, un gadget, voilà c’est ça un gadget ! Tandis qu’un bon vieux sémaphore, çà c’est du solide, du concret !

Je pense très sincèrement que le jour ou l’homme ne rêvera plus, le jour où il n’y aura plus de Cyrano pour s’envoler dans les airs grâce à des ballonnets remplis de rosée que l’ardeur du soleil évapore, eh bien ce jour-là l’homme sera vraiment de trop sur terre !

La recherche fondamentale, ce qui a permis à l’homme d’ avancer, ne pas attendre que tombe la foudre tombe pour avoir du feu, regarder au-delà des mers et des continents, chercher à comprendre, à expliquer, sortir de notre planète, la course aux étoiles, ça coûte cher peut-être, mais le rêve n’a pas de prix, sinon pas de livres, pas de films ni de musique, pas de poèmes non plus.

Il n’y a que le rêve qui vaille, aidons les doux farfelus qui veulent voler, traverser les océans sur des bateaux de plus en plus rapides, envoyer des images à travers l’espace afin que nous puissions nous émerveiller, écrire des musiques sur des supports de plastique, afin que chacun les écoute encore et encore, Construire des vaisseaux gigantesques qui nous ouvriront la porte des étoiles.

Rêvons… Le rêve ? Un peu de miel au fond d’un verre de cyanure.

mercredi 11 février 2009

AndiamoLe cauchemar

- Allons Madame Cauchois, remettez-vous, calmez-vous, ici vous n’avez rien à craindre.

Irène Cauchois, soixante ans, vient de raconter pour la énième fois, son cauchemar récurrent au Docteur Mouchaud.

Elle se couche tous les soirs vers vingt-deux heures trente, vingt-trois heures, selon la durée du film passant à la télé.

Avec son mari Claude, ils se sont abonnés à un bouquet satellite, étant tous deux à la retraite, histoire de combler le temps libre, avaient-ils déclaré en guise de justification.

Cet abonnement leur dispense des films à profusion, ils adorent cela, les films, surtout les productions Américaines. Bruce Willis, Harrison Ford, Julia Roberts ou Richard Gere les comblent d’aise.

Le mot FIN à peine apparu sur l’écran, ils vont se coucher, pipi-room, un baiser du bout des lèvres, le bonn’ nuit rituel, elle s’endort facilement, Madame Cauchois.

Au beau milieu de la nuit commence le cauchemar, toujours de la même façon.

Une horrible sensation de froid intense au niveau du cou, puis elle ressent la glaciale reptation d’un serpent glissant lentement d’une oreille à l’autre. Malgré le froid du reptile, elle transpire abondamment, son pouls s’accélère, le cœur s’affole, bat la chamade, une douleur atroce lui cloue la poitrine.

Cette douleur est due à son angine de poitrine, laquelle est traitée par son médecin, le bon Docteur Mouchaud.

Puis la reptation reprend, cette fois dans l’autre sens. Elle se débat, suffoque, hoquète, jusqu’au moment où, harassée, tremblante, clouée au matelas par l’horrible douleur, elle se réveille. Claude est là, heureusement, il lui tient affectueusement la main, la rassure :  

- Réveille-toi, Irène, c’est encore ton horrible cauchemar ! Voilà, c’est fini, ma chérie, apaise-toi !

- Alors, Docteur, je me calme, la douleur s’apaise lentement, quel soulagement ! Heureusement, mon Claude est là !

Affectueusement, Monsieur Cauchois a pris la main de son épouse.

Claude Cauchois, soixante et un ans, bel homme, grand, bien conservé, les tempes argentées, l’œil vif, sportif, ses quatre-vingts kilomètres hebdomadaires à vélo ne lui font pas peur, sans compter ses mille mètres crawl, quarante bassins tout de même, en moins d’une demi-heure, accomplis chaque vendredi à la piscine municipale.

Irène est plus mémère : après ses deux enfants, elle a conservé tout l’excédent de poids pris au cours de ses grossesses, ensuite, le quotidien, un travail sédentaire, peu de goût pour l’effort, préférant la tapisserie au vélo ou à la natation.

Et puis cet infarctus, survenu trois ans plus tôt, les urgences à Bichat, depuis un régime strict.

- Bien contrariants, ces cauchemars, déclare le Docteur Mouchaud. Vous savez, Madame Cauchois, votre cœur est bien fatigué et ces  crises qui font augmenter de manière alarmante votre rythme cardiaque au point de provoquer des malaises vous menant au bord de l’infarctus m’inquiètent beaucoup… Vraiment beaucoup, je vais vous prescrire un petit tranquillisant. Oh !  Pas quelque chose de violent, dans votre état, avec votre angor, plus votre arythmie chronique, il est évident que ce serait absolument contraire, par contre un petit décontractant pris une heure avant le coucher, devrait vous aider à vous débarrasser de cet horrible cauchemar.

Rassérénés, Madame et Monsieur Cauchois regagnent leur petit pavillon de banlieue situé dans une rue tranquille de Chaville.

La journée s’écoule, quiète et monotone.

Le soir, quel bonheur ! Le quatrième volet des aventures d’Indiana Jones : le royaume du crâne de cristal ! Tout un programme…

Après le générique de fin, Irène et Claude vont se coucher, Madame s’endort quasiment instantanément, sans doute le  décontractant pris une heure auparavant, Claude ne tarde pas à la rejoindre.

Deux heures dix-sept, Claude a ouvert un œil, toutes les nuits aux environs de deux heures, il se réveille, et cela depuis de nombreuses années.

Précautionneusement, il écarte la couverture, se lève, remet la couverture en place, s’éloigne sur la pointe des pieds, ramasse au passage sa robe de chambre, posée sur le pied du lit.

Il n’allume pas : sa maison, il la connaît par cœur. Capable de la parcourir en pleine nuit sans rien heurter, il se dirige vers la cuisine.

Une légère odeur de nourriture flotte encore dans la pièce. Il se dirige, toujours dans le noir, vers le grand réfrigérateur-congélateur, ouvre la porte de ce dernier, fait glisser la ceinture de sa robe de chambre, la roule en  spirale , puis la pose sur l’une des étagères du congélo, il referme doucement la porte.

Avec d’infinies précautions, Claude tire l’un des tabourets rangés sous la table, allume le petit néon situé au-dessus du plan de travail, puis il ouvre tranquillement la pochette contenant son portefeuille.

Il a sorti une photographie : elle représente une jeune femme, mince, jolie, un sourire angélique découvre ses dents magnifiques, elle semble lui dire "je t'attends".

Claude caresse amoureusement la photographie, un sourire sur les lèvres, puis la remet en place.

Une vingtaine de minutes plus tard, il se lève, remise le tabouret sous la table, ouvre le congélateur, saisi sa ceinture, et se dirige vers la chambre, tel un chat.

Le voici debout, près de sa femme. Lentement, il déroule la ceinture glacée, applique l’une des extrémités près de l’oreille d’Irène, puis lentement, très lentement, il déplace le ruban de tissu gelé sur le cou de Madame qui commence à s’agiter.


Dessin Andiamo 2009