Je tiens à m’excuser platement envers Tant-Bourrin et Saoul Fifre pour leur avoir sucré, une fois de plus leur tour de publication. J’espère et j’irai jusqu’à dire que je crois qu’ils comprendront qu’il était impératif de pouvoir ajuster la traduction directement après le texte.

Alors un grand merci à ces deux êtres d’exception qui, pour l’un retarde sa publication d’un billet intitulé « le scato-logique dans la chanson française », et pour l’autre « Avant j’avais un cul-noir, mais depuis j’en ai fait des saucisses ».

Je vois que par la même occasion, je brûle la priorité d'aînesse à Andiamo, mais quelque chose me dit qu'il est normal de se faire doubler un jour de 24 heures du Mans... Scusi cugino ma il rimorchio deve seguire il camion.

Salut c’t’’ami, (bonjour mon cher)

tu viens de dégoter* une modà* (de trouver une dame de bonne présentation). Congratulations t’as tiré un bon numéro. Pour pas t’empêtrer avec ta Louise*(ta femme, utilisé aussi si elle s’appelle Arlette) et qu’elle fasse de l’usage, faut respecter les consignes, comme dans un cours de répèt*. (cours de répétition : période annuelle de 1 à 3 semaines où le citoyen-soldat suisse doit réviser ses acquis militaires)

Ta modà, c’est du chtoff* (du solide), mais y a quand même des trucs qui ont des susceptibilités* (des fragilités), rapport à Jean Rosset* (le Soleil) ou les frimas, alors vas-y molo pour l’espédier au plantage* (mais non Andiamo, c’est pas ça du tout. Le plantage est le lieu de culture pour les besoins de la ferme), quand ça tape trop fort sur la tchoupe* (la tête), tu lui offres un chapeau de paille, et une pèlerine quand ça roille* (pleut) comme vache qui pisse.

Parfois une modà ça dégouline à répétition sous les mirettes. T’y fais pas trop gaffe, parce que ça revient comme le mildiou sur les vignes pas sulfatées, mais en plus souvent. Recta, t’y essuies tout en douceur les quinquets* (les châsses… heu les yeux) avec un moqueux* (mouchoir). NB: la poésie rurale n'est pas, non plus, du Lamartine .

Quand ça dégouline comme la Pissevache*(célèbre cascade à l’entrée du Valais, visible de toute la largeur de la vallée du Rhône), tu prends la panosse* (la ouassingue, la serpillère) et tu lui racontes des gentillesses avant de guinguenatsser* (courtiser avec tellement d’insistance qu’il n’y a qu’une issue possible) pour la consoler. T’as une liste de gentillesses dans la partie interdite pour les bouèbes*. (les enfants)

Dans la modà, t’as des trucs importants à savoir. Ca t’a une mémoire d’éléphant que t’as pas idée. La modà standard n’oubliera jamais le bouquet de chrysanthèmes acheté par mégarde pour sa fête.

Pour pas qu’elle fasse la meule* (seriner, user à longueur de reproches), à la paie du lait, te faut l’inviter à aller manger le bout-de-fat* (spécialité de sauciflard de fort diamètre typiquement payernoise) à Payerne, mais sans ramener une machurée... (là, on entre dans des explications pour expliquer le crescendo d’une ivresse : stade 1 : être pompette. Stade 2 : avoir pris une gonflée. Stade 3 : la machurée. Stade 4 en ramener une fédérale. Il y a encore des sous-groupes, mais ce serait trop long…)

Dans les cas graves, faut-y aller d’un vincande à Moillemargot ou carrément à Villeneuve.

Tu peux aussi faire tout ça sans attendre qu’il y ait du pétard parce qu’elle risque bien de te faire la potte* (faire la gueule, bouder) pendant que tu t’esquintes à lui faire plaisir.

Les modàs, t’en a pas deux pareilles, mais t’as un truc où elles se ressemblent toutes : deux trois fois par an, faudra lui changer son costume du dimanche, parce que pour elle, elle ne veux pas du rapietcé* (réparé, reprisé). Avant de te décider, regarde-voir à la Placette*, c’est moins cher que l’Inno* (2 magasins lausannois du genre « Galeries La Fayette ») et y z’ont aussi les éclaffe-beuzes (les souliers) qui vont avec.

Elle t'a vite poussé des siclées*(des rouspétances dont le niveau sonore est sans concurrences) qui peuvent ridiculiser les cloches de la cathé si y a du chnabre* (du pétard) Et y a vite des bringues* (disputes) si une bedoume* (Paris Hilton, en version rurale) bien foutue s’approche de toi. Le dernier avertissement avant la crêpée de chignons, c'est toujours pareil:

- Dis-voir la gueïupe* (femme aux mœurs douteuses), t’arrête de faire les yeux doux à mon mari ou je te file une grulée* (une raclée).

Là, y a plus à pétasser* (discuter), une des deux doit déhotter*(partir).

Ta modà est multifonction, comme le couteau suisse : Moutre* (de l’allemand Mutter. le Pays de Vaud était une possession bernoise, il est resté quelques traces de l’idiome des envahisseurs.) , infirmière, femme de ménage, pasteure, régente* (institutrice), meneuse à la promenade dominicale, couturière, masseuse, organisatrice des fêtes des grillots*(les mômes), et une raquaquée* (quantité) d’autres trucs.

Mais elle a aussi des fonctions délicates dont y faut pas trop abuser, comme « cuisinière » ou « femme de ménage », parce que ça peut tout faire péter dans le ménage, surtout si tu ramènes une fédérale* (stade ultime de la gonflée). Evite alors de dégobiller*(faire une restitution par voie orale) sur la moquette, parce qu’elle aurait raison de bouéler*(de pousser une siclée… de gueuler).

Si tu la prends pas avec des pincettes, ta modà fera bien de l’usage parce que la qualité suisse, c’est pas de la gnognotte* (mauvaise qualité) et tu regretteras pas d’avoir été chez le pétabosson*.(l’officier d’état civil chargé de célébrer les mariages).

NB : Il existe le modèle bourbine* (suisse-allemande), blonde aux yeux bleus, version spécial K3. Ce qui ne veut pas dire qu’elle rupe* (mange) 3 fois des céréales le matin (quoi-que…), mais qu’elle a 3 occupations exclusives: Kinder*, Küche*, Kirche* (enfant, cuisine église), mais certaines ont parfois été bercées trop près du mur, alors ça fait forcément du tort pour causer philosophie.

Alors voilà c’t’ami, à la revoyure*(Alors voilà , au revoir mon cher) et salutations au gouvernement*(à l’épouse).

Blutch.