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mercredi 29 juillet 2015

BlutchLa famille Martignier

Je sens qu’il est temps de lever une interrogation lancinante qui vous torture depuis belle lurette :

- Comment un fils de citadins pur sucre peut-il être pareillement pris dans une phobie de cambrousse et aller s’enterrer au fin fond du trou du cul de la France ?

La terre de mes ancêtres, c’est de l’asphalte. Le parcours santé de ma mère, sa tournée des grands Ducs, c’était de faire du lèche-vitrine. Le seul à avoir pétri la terre, l’avoir bêchée et ensemencée, c’était François, mon grand-père maternel. Lui aussi était citadin, mais il avait un lopin de jardin populaire, survivance du plan Wahlen pour l’autosuffisance alimentaire de la Suisse, décrété durant la guerre.

Heuuuuuuuuuu là, il y aurait comme un défaut d'aiguillage que ça ne m’étonnerait pas.

Villandry se visite par le peuple pour se cultiver.

C'est en dessous que ça se cultive par le peuple...

En 45, ces lopins sont restés en main de leurs locataires et existent toujours en 2015. Mais grand-père François n’avait pas eu de chance, par nécessité urbanistique, son jardin populaire s’était trouvé déplacé à Pétaouschnock et il n’a plus pu le garder. Il m’en reste un vague souvenir, gâché par les rouspétances quasi continues de la grand-mère. Ca n’explique donc toujours pas pourquoi j’ai une âme de cul-terreux.

Du temps de mon enfance, il était courant de mettre les mômes à la campagne durant les grandes vacances. Ca cumulait les avantages :

1° Ils se payaient un bon bol d’air lorsque celui des villes sentait un peu trop le goudron fondu.

2° Ils avaient une autre vision de la vie.

3° Ils dégageaient le plancher et permettaient aux parents de se payer des vacances sans les lardons.

4° Pour les hôtes, ça mettait du beurre dans les épinards parce que ce n’est pas nouveau que la petite paysannerie tire le diable par la queue.

Au départ, je n’étais pas franchement enthousiaste. Me retrouver dans un monde inconnu n’était pas fait pour me plaire, mais bon, lorsqu’on n’a pas le choix…. Je ne suis retrouvé à Yens, petit village du côté de Morges. C’est là que j’ai découvert la cambrousse. Un petit train de campagne à l’ancienne. Deux frères se partagent le domaine du père de façon manifestement pas très équitable. Je me retrouve dans la famille qui n’a pas tiré le gros lot. L’autre, le frère, a la plus grosse maison car il s’occupe du père. Il a aussi un tracteur alors que « mon » paysan avait deux chevaux. L’étalon s’appelait Max et il avait la crinière en brosse. Je l’aimais bien le Max, tout doux et délicat, un calme et placide canasson qui tirait plus du côté Percheron que pur-sang arabe.

Nous n’étions pas à la campagne pour être en vacances, on partageait les travaux de la ferme, à la mesure de ce que l’on pouvait faire. Ca se résumait la plupart du temps à accompagner la famille dans les champs. La famille, oui, parce que le couple March…. Heu Martignier avait 4 filles, toutes plus vieilles que moi. Rigole pas, vu depuis mes dix ans c’étaient des vieilles puisqu’elles avaient entre 16 et 11 ans à mon premier passage chez les Martignier. Alors il y avait qu’avec la plus jeune qu’on pouvait partager des jeux. Des jeux innocents môsieur Andiamo, car nous n’avions pas alors l’esprit dépravé. Quoi « ça a bien changé » Peut-être, mais pas avec elle.

Un jour, le Régent avait sonné le rassemblement de tous les enfants du village. Nous étions en pleines vacances d’été, mais il y a des choses qui ne se discutent pas, et l’une de ces choses consistait à monter le bois de chauffage dans les combles de l’école. Il était en tas dans la cour, bûché bien comme il faut et nous avions fait la chaîne à travers la cour, dans les couloirs, les escaliers pour aller le mettre en têches dans les combles. Petits et grands, élèves ou invités, chacun y allait à sa mesure et le bois fut vite remisé.

Martignier était un paysan à l’ancienne, et il l’est resté. Comble du modernisme, il avait une moissonneuse-lieuse attelée. La machine coupait le blé et le liait en gerbes, aussitôt abandonnées à terre.


Les suiveurs avaient pour tâche de reprendre ces gerbes et de les monter en « Moillettes ». 3 gerbes verticales, épis en haut et chapeautées par une 4e, cassée dans sa longueur et placée de telle sorte que les épis ont la tête en bas ainsi que l’extrémité de la paille. Ainsi posées, les gerbes ne craignaient plus la pluie.

Après la moisson, les gerbes étaient chargées sur un char attelé et menées au battoir municipal. Le grain était vendu sur place et la paille, mise en bottes, était aussitôt rechargée.

Un jour que nous étions tous aux champs, on voit un panache de fumée noire s’élever du village situé en contre bas. Martignier devient nerveux et pressé. « Ca flambe à Villard, faut y aller. Vous, vous rentrez à la maison. » Ben oui, pour un citadin, ça semble tout simple de faire le 18, de prendre une chaise une canette et de s’installer confortablement pour regarder en commentant toutes les erreurs que font les pompiers, parce que c’est comme au foot, les spectateurs savent toujours mieux que ceux qui agissent. A la campagne, ce n’est pas exactement ce scénario. Les hommes valides ont un casque et un uniforme de pompier à la maison, ils font régulièrement des exercices pour savoir lequel de tous tient le mieux l’alcool, et le jour où ça crame, il faut prier le bon dieu pour que ce ne soit pas une nuit qui fait suite à l’exercice annuel des pompiers parce que ceux qu’on arrive à trouver se transforment en lance-flammes à chaque respiration trop près du brasier… Que ça se passe dans un autre village n’avait aucune importance et la solidarité se passait bien de communauté de communes, la communauté humaine était alors supra-administrative… A la nuit tombée, les enfants sont retourné sur le chemin qui domine Villard et on regardait fasciné ces flammes très hautes qui éclairaient tout le village, avec la crainte que cet incendie se propage dans les fermes voisines. Martignier était rentré tard dans la nuit en disant que le feu est sous contrôle et qu’il n’y a plus de risques. Des pompiers étaient restés toute la nuit à arroser les restes de la ferme. Le lendemain nous sommes descendu à Villard pour voir. Pour voir au centre du village, 4 murs calcinés et un tas de paille et foin qui fumait encore dans le panache blanc de l’eau qui s’évaporait aussitôt arrivée sur le foyer qui couvait encore. Les maisons voisines n’avaient pas souffert du feu. C’était le foin, avait-il dit, qui avait fermenté et s’était enflammé parce qu’il n’était pas assez sec au moment de le rentrer. Du haut de mes 10 ans, j’avais eu la désagréable impression de me sentir inutile. D’autant plus qu’un pompier nous tenait à distance respectueuse… C’était mon premier incendie. Ce ne fut pas le dernier que j’ai eu l’occasion de croiser… A suivre. Blutch

mardi 14 juillet 2015

Saoul-FifreLes boss ont calanché, vive le boss !

Andiamo, tu n'as pas encore compris que c'est toi le boss, dorénavant.

Tu nous fais force appel du pied pour nous remettre au boulot mais le bureau dictatorial t'ouvre grandes ses portes. T'as plus qu'à signer au bas de l'ECC, Échange Conventionnel de Contrat, nous ya belle lurette que nos paraphes y sont apposés et attendent le tien.

Mais tu insistes, mauvais bougre, alors ça c'est typique du gars qui a passé sa carrière comme salarié, salarié de haut niveau sans doute mais tu n'arrives pas à te visualiser comme nouveau patron de presse. Mais puisqu' on te dit qu'on te refile toutes les actions contre une drachme symbolique ? Un peu d'ambition, que diable !

Bon maintenant, tu te débrouilles, tu fais passer les entretiens d'embauche aux apprentis billetistes, aux photographes de chatons et de plantes en pot, enfin je dis ça mais si ton inclination naturelle te porte plus vers le style Françoise Hard-X Fillipachi ou Cloclo, te gêne pas. Tu leur donnes le moins possible en leur faisant miroiter une formation bidon et une possible évolution indexée sur le nombre de clics, tu inondes d'encarts publicitaires toute cette fucking place disponible inutile sur la gauche et aussi en bas à droite et t'es le roi du monde.

Et tu arrêtes les allusions lourdes comme quoi on serait des fainéants.

Mais on n'est pas encore à la retraite, nous ! La vraie vie à ses exigences et ses raisons ! Tu vois, sincèrement, je peux te parler sincèrement ? Je préfère passer un week-end à écouter Célestine imiter le rossignol, à discuter et rigoler avec des copains autour de plats faits maisons voire d'une omelette aux truffes blanches (oui je vous nargue tous) plutôt qu'à aller vérifier sur les blogs si tous les internautes sont pas en vacances !

Bon mais en plein cagnard, vas-tu me dire ? Oui, là je reste à l'ombre si possible mais je préfère lire, à tout prendre... Tiens : "Les mouchoirs rouges de Cholet", de Michel Ragon. Du souffle épique, du sang mouillé de poésie car oui le peuple rêve, espère, raconte, se bat pour ce à quoi il croit...

Allez, pleure pas... Tu l'as eu, ton billet ?

Et puis profite que personne nous regarde et fais-moi un bisou baveux, grand fou !