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jeudi 27 août 2009

AndiamoDécalage

Ce sont les vacances, on se détend, on lit la presse PIPIPEULE, vous n’avez pas envie de vous prendre le chou ?

C’est bien, moi non plus, alors vous connaissez la formule : un peu d’encre de Chine, de l’aquarelle, des écolines…

Avant de tripoter vos claviers : essuyez vos mimines pleines de sable sur le dos du chien ou du chat. Vous n’avez pas d’animaux ? Les cheveux de vot’ bell’ doche feront l’affaire. Elle n’en n’a plus ? J’peux rien pour vous !

On connaît tous TINTIN et son fidèle MILOU, ainsi que les personnages qui les accompagnent. Mais si on mettait ces personnages dans des vignettes différentes ?

Ils sont là bien rangés depuis des décennies, chaque album et ses 62 pages, chaque vignette bien à sa place, certains personnages ne se sont jamais croisés.

Alors j’ai voulu mettre un peu de fantaisie, faire grandir Milou, un peu comme CLIFFORD le gros chien rouge (l’une de mes p’tites fillottes en raffole).

Ou encore envoyer Rascar Capac la momie des sept boules de cristal, sur la Lune.

J’ai aussi imaginé le paquebot AURORE, celui qui emporte TINTIN vers l’arctique à la découverte d’un aérolithe.

Et puis enfin l’improbable rencontre de Ranko le gorille de l’ÎLE NOIRE, avec le Migou de TINTIN au Tibet, le meilleur album de la série à mon sens.

Ch'tiots crobards : Andiamo 2009 pour Blogbo.

C’était juste un p’tit clin d’œil avant la rentrée, comme ça pour vous faire un peu sourire et rendre (peut-être) la pilule de la reprise moins amère.

Et puis je voudrais pousser un p'tit coup d'gueule : je ne fume plus depuis de nombreuses années, la fumée m'incommode, je suis très content que l'on ne fume plus dans les restaurants MAIS...

Qu'on arrête d'être cons, supprimer la sempiternelle pipe de MONSIEUR Jacques TATI, ou bien la clope de Jacques Prévert, Michel Audiard, André Malraux, ou celle de Humphrey Bogart, mais où va-t-on ?

Est-ce que l'on va demander aux studios HERGE de "gommer" la pipe du capitaine Haddock ? Le mettre au Vichy-fraise ? Supprimer Nestor Halambique personnage du "sceptre d'Ottokar" et fumeur invétéré ? Les cigares de Rastapopoulos ? Prohibés ! On a déjà remplacé la clope de Lucky Luke par un brin d'herbe qu'il machouille, mais c'est suspect ça ! Et si c'était du Hach ? Le cornet acoustique du professeur Tournesol : politiquement incorrect ! Il n'est pas sourd, un peu déficient auditif c'est tout, alors on va lui coller un appareil dans les portugaises, et BASTA !

L'obèse dans "l'oreille cassée" qui se fait traiter de grrrrros plein d'soupe, par un perroquet, quelle horreur ! Il est juste affligé d'une petite surcharge pondérale.

Et enfin gommer la phrase dans "Tintin au Congo" :

-Moi plus jamais y en verrai BOULA-MATARI comme Tintin.

Il faut gommer nos petites disgrâces, nos vieilles manies, nos tics et nos tocs, tous égaux, plus de : tiges de freins, de bouboule, de vieux cons, de dégarnis du couvercle, de gros pifs ni de p'tites bites (pourtant y'en a), effacés les : jambes de laine, les employés du gaz (rapport au compteur dans l'dos), les quatre et trois, les ceusses qui en ont un tour sur la meule, une araignée dans l'beffroi, j'en passe et des meilleurs.

Tout ce beau langage imagé, dont je fus victime à cause de mes carreaux qui auraient pu servir de hublots au marin à bonnet rouge.

Perso j'étais miro comme une taupe avant une intervention, et je disais à qui voulait l'entendre :

-Je vois clair comme un tas d'sable, et j'étais le premier à en rire, prenons exemple sur Gilbert Montagné, quelle force !

Enfin pour conclure : ce sera chouette... Enfin des albums aseptisés !

vendredi 7 août 2009

AndiamoWarum ?


Le champagne lui a embué sa jolie tête, elle est nue, allongée sur le lit, les poignets noués aux barreaux du lit, elle rit, la cinquantaine épanouie, magnifiquement conservée : du sport, un régime assez strict, les kilos superflus qu’on laisse de côté, à cet âge, c’est au prix d’efforts démesurés.

Elle est complètement écartelée, impudique, elle sait que l’homme qui la regarde et qui l’a ainsi attachée est gonflé de désir.

Il est un peu plus jeune qu’elle, quarante ans ou à peine plus, ça la flatte de provoquer le désir chez des hommes plus jeunes qu’elle.

Grand, beau, le corps musclé, il n’a conservé que son pantalon de toile blanche. Lentement, l’homme s’approche. Il tient quelque chose dans sa main droite, il se penche vers elle, elle rit, il déroule ce qu’il tient dans sa main : c’est un sac en plastique, dessus est imprimée une pub pour une grande enseigne.

La femme cesse de rire, un regard interrogateur scrute les yeux bleus qui la fixent.

Alors le beau brun extirpe un objet de sa poche et lui colle sous les yeux.

Puis, brusquement, le sac est venu coiffer le visage aux cheveux blonds décolorés, les anses ont été nouées sous le menton.

Sans regarder, l’homme a remis sa chemise, blanche la chemise, a calmement ouvert la porte et s’en est allé tandis que, sur le lit, le corps d’une femme, la cinquantaine épanouie, s’agite en vains soubresauts.

Juillet 1960, Michel sur sa Vespa, a déjà la tête en vacances, trois semaines aux frais "de la princesse", une aubaine, quand il songe à son père qui au même âge n’avait que dalle !

Ils ont eu bien fait les anciens de se bagarrer, afin que eux puissent profiter un peu.

Si tout va bien, ce soir il aura passé Lyon. Depuis trois heures du mat’, il a le cul sur son scooter, et neuf heures plus tard, ses noix commencent à le chauffer sévère !

Mais bon, à la clef, seize jours de vacances sur la côte. Se dégoter un petit camping près de La Napoule, il en avait repéré les années précédentes alors qu’il était en vacances chez une tante qui habitait Cannes.

C’était bien les vacances à Cannes, mais la tantine est décédée, alors il a décidé d’y retourner sur cette Côte d’Azur, mais, à scooter, deux jours de route, c’est un minimum.

Après cet harassant voyage, il a planté sa canadienne au bord de la Siagne, au camping "les Mimosas", près de La Napoule. La tente à peine montée, il s’est écroulé à même le tapis de sol, épuisé.

Point de sortie ce soir-là, trop vanné !

Le lendemain, après un rapide passage aux douches, des courses pour célibataire : saucisson, sardines à l’huile, melon, tomates, fruits, et bien sûr du Nescafé, ainsi que l’indispensable baguette qui a fait notre réputation mondiale.

Un déjeuner vite expédié, et la plage, le sable, la grande bleue, le rêve…

Le soir, Michel est allé au p’tit guinche près du camping. Point d’orchestre, des disques, le grand tube de cette année soixante : SAG WARUM par Camillo Felgen, un slow d'enfer propre à faire chanstiquer les minettes.




Nachts geh ich dahin, ich bin allein, und frag : Warum ?

Dans un coin, près du bar, Michel a repéré une jolie brunette, c’est la fille des patrons du camping, il l’a vue en allant s’inscrire à l’accueil, mignonne, jolie même. Il s’approche, l’invite, un slow pareil, tu penses !

La jeune fille le suit jusqu’à la piste, ils commencent plus à se trémousser qu’à danser…

Die Tage gehen mir nicht aus dem Sinn.

La musique coule, ils se serrent davantage, leurs joues se rejoignent, cela va très vite…

Und Ich frag mich : Warum ?

A la fin du slow, ils s’embrassent, l’éclair, le coup de foudre ! Sylvette l’avait déjà remarqué lorsqu’il était passé à l’accueil, elle l’avait trouvé mignon, maintenant elle le trouve franchement beau, même si il est un peu pâlot à son goût, mais ça devrait s’arranger dans les jours à venir !

Ils sont restés un bon moment à s’embrasser, avant que Sylvette à regrets lui dise : tu me raccompagnes ?

Un dernier bisou, puis : à demain.

Michel est rentré seul sous sa canadienne, les bras en croix sur son matelas pneumatique, il a la tête pleine de la jolie brune.

- Merde ! C’est pas vrai, me v’là amoureux, murmure-t-il.

Lui, d’ordinaire assez dragueur, s’est fait accrocher le premier soir, c’est quoi ce truc ? songe-t-il.

De son coté, Sylvette est dans le même état. Pourtant, des types, elle en voit défiler au camping, l’été sur la Côte, c’est plutôt gavé !

Bien sûr, elle a déjà flirté, mais jamais elle n’a été "accrochée" comme ce soir.

Le lendemain, après son "Nès", Michel est allé à l’accueil. Sylvette est là, sa mère aussi, le père vaque dans le camp, ça n’est pas le boulot qui manque l’été : lavabos bouchés… ou pire ! Porte de douche dégondée, les poubelles à collecter, etc.

- Tu peux sortir ? demande-t-il.
- Non, je dois aider mes parents, j’ai fait une année pas terrible, l’an prochain c’est le bac, alors ils me serrent un peu. On se verra ce soir, promis !

De temps en temps, la Maman observe le manège, mi-sourire, mi-gros yeux.

Un bisou à la dérobée, et Michel s’en va à contre-cœur.

Une journée coeur de plomb pour nos deux tourtereaux, puis le p’tit guinche au bord de la Siagne, la soirée est douce, Michel est allé chercher Sylvette, la Maman a dit avant de partir :

- Ne rentre pas tard !
- Non M’man, promis.

La belle Sylvette en amazone sur le scooter, c’est défendu, mais froisser la jolie robe blanche, avec tous ses jupons qui la gonflent si joliment… Ah non !

Ils se sont enlacés, Camillo et sa voix profonde.

Du gingst fort, wohin ? Ich rief dich oft, doch du bliebst stumm.

Comment résister ?

Du fühlst es nicht, wie einsam Ich bin
Und Ich frag mich : Warum ?

Alors ils ont quitté la piste, Sylvette s’est de nouveau juchée sur la selle de la Vespa, en route pour un endroit plus tranquille, longer la plage en direction de Cannes, le phare et son long faisceau, le Suquet éclairé, au loin les feux des bateaux de la flotte Américaine, comme des lampions au quatorze juillet.

Le scooter s’est arrêté. Ils se sont tenus la main, ont roulés sur le sable en riant, sont devenus graves.

Pour elle c’était la première fois, pour lui guère plus.

- Je t’aime, a-t-elle dit la première.
- Moi aussi, a-t-il murmuré.

Sag : Warum ?

Le chemin du retour, heureux. Elle a Michel dans son corps, c’est ce qu’elle pense au moment où, à la sortie d’un virage, une décapotable surgit, pleins phares, elle empiète largement sur la partie gauche de la chaussée. Michel veut l’éviter. Trop tard : le pare-chocs accroche le tablier du scooter, et c’est la chute.

Roulé-boulé pour Michel, sa ceinture marron de judo lui a laissé des bons réflexes. Un peu sonné, il se relève, une grande tache blanche au milieu de la route, la robe de Sylvette, il s’approche, la jeune fille ne bouge pas.

Alors il lève les yeux, la décapotable est arrêtée, moteur tournant.

- Hep ! a hurlé Michel tout en se dirigeant vers la voiture rouge.

Au moment où il s’approche, il distingue une femme au volant. Dans le hurlement des pneus, le cabriolet redémarre et disparait.

Michel a couru pour le rattraper, en vain.

Son pied a heurté quelque chose, il se baisse, c’est un logo il le met dans la poche de son blouson sans le regarder, se préoccuper de Sylvette d’abord.

ENFIN un automobiliste s’arrêtera et conduira la jeune fille à l’hôpital, elle sera transférée à Marseille où elle décèdera trois jours plus tard.

Bien sûr les gendarmes ont enquêté, mais cela n’a pas abouti.

Michel est rentré à Paris, dans sa valise, le blouson déchiré qu’il portait le soir….

Avant de le jeter il a "fait" ses poches, il en a sorti un logo, celui qu’il avait ramassé le soir de l’accident, il l’avait oublié, un truc en métal nickelé : OCEANE écrit en lettres découpées.

Près de vingt ans ont passés, Michel ne s’est jamais marié. Il a connu des aventures, bien sûr, mais rien qui ne le retînt.

Chaque année : direction la Côte d’Azur, chercher, parler, interroger l’air de rien, le vide, le bide, le néant, au début les gens se souvenaient un peu de l’accident, tu penses, Sylvette la fille Escouffier, voui, la pitchoune du campinge, qué malheur ! Oh fan !

Et puis les souvenirs se sont fait plus rares, et plus rien jusqu’à ce soir.

Michel entre dans un bistro de Pégomas, un petit village situé dans l’arrière-pays, au dessus d’Auribeau sur Siagne, se pose le fion sur un haut tabouret, et commande un demi.

La patronne la cinquantaine alerte, je dirais même bandante, le sert et engage la conversation, ses yeux se sont allumés à la vue du beau quadra.

Michel sourit, il est assez fier d’être dragué, ça le flatte !

Tandis qu’il discute avec la patronne, son regard se promène sur le grand miroir placé derrière les bouteilles, des cartes postales et des photos en délimitent le périmètre.

Soudain, une photo attire son regard, elle représente une jeune femme, négligemment assise sur le capot d’une voiture rouge décapotable. Michel reconnait la patronne, elle a guère changée songe-t-il, il avance un peu la tête afin de mieux voir.

- Qu’est-ce que vous regardez ? demande la femme.
- Cette photo-là, c’est vous ?
- Oui, oui, mais il y a bien longtemps, j’ai changé n’est-ce pas ?
- En mieux, oui !
- Flatteur !
- Je pourrais la voir d’un peu plus près ?

La femme s’est retournée a saisi la photo, puis l’a tendue à Michel.

- C’est quoi cette voiture ?
- Une Océane, une Simca Océane, je l’ai eue en avril 1960.

Puis elle ajoute dans un murmure :

- Je m’en suis séparée, je ne l’aimais plus.

Michel a regardé la photo de plus près, elle est suffisamment grande pour qu’il distingue nettement sur l’aile gauche de la voiture, une éraflure et deux petits trous, là où aurait dû se trouver le logo.

Alors Michel retourne la photo, derrière une date : septembre 1960, mon Océane et moi.

Quand les policiers arriveront dans la triste chambre où gisait Mariette la patronne du bar l’oustaou, ligotée aux barreaux du lit, un sac plastique sur son visage bleui, ils ne trouveront comme indice qu’un logo de Simca Océane, posé entre les seins de la morte.

SAG WARUM ?