Que je vous explique: Hippo Tayze a germé dans ma caboche à la suite d'une réflexion du doyen sur un blog concurrent mais sans le nez.... heu nez en moins ami. " la mort de Coluche, c'est comme pour Lady Di, ce sont des accidents prouvés et y a pas à y revenir." (Ce n'est pas dans le texte, mais dans l'esprit). Et comme vous connaissez mon esprit frondeur, je me suis bien évidemment dit: "Et s'il pouvait y avoir une autre explication ?" Et pourquoi que je me poserais pas des questions.... Parce qu'un chauffeur professionnel pour millionnaires qui est à la fois dépressif et bourré, ça me gêne aux entournures, voyez-vous...

Alors, j'ai mis les mains d'Hippo dans le cambouis... Comme avec ce préambule, je fais éclater la limite d'assimilation de Célestoche, les lignes de séparations dans le texte lui permettront de faire des pauses... Blutch.

Hippo Tayze et la mécanique.

- Hippo ! Tu viens dans mon burlingue, j’ai un truc spécial pour toi.

- C’est Genveut-toujours-plus ou Fleur de Cactus qui me convoque ?

- C’est la Commissaire et arrête de faire le con !

(Depuis qu’Hippo Tayze bosse dans le BVFH, seul le parlé vrai est admis. Ce qui peut donner parfois quelques hoquets à un visiteur non averti ou trop engoncé dans la notion hiérarchique. Il avait dit à la Commissaire qu’il est impossible de traquer les falsifications de l’Histoire si on vit des rapports humains falsifiés par un vernis de respectabilité. Elle a admis cette vérité première comme une évidence.)

- Ok, je suis toute ouïe.

- J’ai eu une demande un peu spéciale qui émane de Mohamed al Fayed, un type pété de tunes qui était le père de l’amant de Lady Di. Tu vois le tableau et ce qu’il attend de nous…

- A peu près, mais là, il demande l’impossible, pas question de pouvoir faire parler un agent secret,ni d'obtenir un tuyau d'un service de renseignements. Si tant est que les services secrets soient impliqués, bien sûr.

- Il le sait très bien, ce qu’il veut savoir, c’est s’il était possible d’avoir organisé cet accident. Tu as carte blanche, mais fais vite car je suis invitée à lui rendre ton rapport dans sa propriété en Egypte.

- D’accord, mais je serais du voyage ou je n’enquête pas.

- Ca dépendra de ce que tu trouves…. Une chose encore, s’il a raison, tu es sur une poudrière. Tout a été verrouillé, claquemuré pour coller à la version officielle. Si tu trouves un os, tu n’auras pas les félicitations des instances républicaines et royales. Ce sont des susceptibles, alors fais gaffe et consigne tout au fur et à mesure.

- Pas fou le mec, même toi tu ne sais pas exactement comment j’enquête .




Deux semaines plus tard dans une villa super luxe des environs d’Alexandrie.

- J’espère que vous avez fait bon voyage et que vous êtes bien installés. L’Egypte est magnifique en cette saison et vous n’aurez pas trop de touristes. Vous avez été très sibylline chère commissaire. « Etude terminée, résultat positif » pourquoi si peu de détail ? J’ai hâte de savoir ce que vous avez trouvé.

- Cher Monsieur, je vous remercie pour cette invitation. C’est pour nous une façon bien agréable de remettre un rapport d’enquête. L’inspecteur Hippolyte Tayze vous fera part directement de ses investigations.

Pour mon côté « sibyllin », vous savez que les communications téléphoniques ne peuvent plus être secrètes et je ne voulais pas ameuter tout ce qu’il y a d’agents secrets dans le monde autour de ce rapport. Si ce que vous pensez est vrai, c’est une bombe, et je n’aime pas voir sauter les bombes trop près de moi.

- Certes, j’ai pu me rendre compte qu’il y a un black out officiel total sur cet événement. Tous les gens contactés ont eu le même discours qui se résume ainsi : « Un attentat est rigoureusement impossible dans le déroulé de cet accident. Il ne peut pas y avoir de mains criminelles dans la mort de votre fils. » Je vous confie la mission délicate d’émettre votre propre opinion et en deux semaines vous me dites avoir trouvé. C’est surprenant. Qu’avez-vous trouvé inspecteur ?

- Dans une enquête, on ne trouve que ce que l’on cherche, et pour savoir quoi et où chercher, il faut d’abord analyser le contexte général. Or ce contexte est fait de plusieurs choses. Je précise que je n’ai recherché que la faisabilité d’un attentat et non s’il y a et quelle est la main criminelle.

a) Il était évident que Lady Di exaspérait la maison royale au plus haut point, mais ça ne devrait tout de même pas être suffisant pour la tuer.

b) Il semble que sa relation avec votre fils a été prise beaucoup plus au sérieux que ses passades précédentes. Lady Di était encore en âge de procréer et l’idée d’envisager un demi-frère du futur roi de confession musulmane semblait être assez insupportable à toute une partie de l’Angleterre. Là encore ça me semblerait un motif de meurtre assez léger, mais on a vu pire.

c) Le jour de l’accident, votre fils et son amie ont été traqués à journée faite par les paparazzi. On peut supposer que leur faculté de tolérance était émoussée au moment du déplacement fatal.

d) Je n’ai obtenu aucune information crédible quant aux raisons de la présence à Paris des deux agents secrets britanniques. Ces gens-là voyagent beaucoup. Le lien est possible avec votre affaire, mais pas certain.

e) Concernant le chauffeur, on a dit tellement tout et n’importe quoi sur son compte que c’en est suspect. Je suppose toutes fois que le Ritz ne confie pas la vie de ses clients à n’importe qui et qu’un chauffeur de Palace doit faire preuve de qualités morales et professionnelles certaines.

f) Le garde du corps survivant a perdu la mémoire…. Peut-être bien que oui, mais il peut aussi avoir peur et simuler.

Venons en aux faits :

La Mercedes a percuté un piler du tunnel de l’Alma en roulant à très vive allure. Pourquoi le chauffeur n’a-t-il pas levé le pied à temps ? Avec un léger ralentissement avant le virage, puis une reprise de l’accélération dans le virage, il pouvait maîtriser la trajectoire. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? J’ai imaginé qu’il ne pouvait peut-être plus ralentir la voiture et je suis parti sur cette hypothèse.



Reprenons au départ du Ritz :

A peine dans la rue la Mercedes est prise en chasse par des motards de la presse, plus une moto que les journalistes ne pourront pas situer dans leur giron. Appelons là la moto X. Les journalistes suivent la voiture. Il leur importe de savoir où vont votre fils et son amie. Par contre, la moto X accélère pour se porter à la hauteur de la voiture, comme pour faire une photo. Mais peut-être n’était-ce pas un appareil de photos que le passager a fait voir aux occupants de la voiture. Ont-ils eus des raisons d’avoir peur, nous ne le saurons jamais.



C’est probablement sur ordre de ses passagers, que le chauffeur a accéléré à fond et c’est à partir de là qu’il ne maîtrise plus rien. Il rentre à trop vive allure dans le tunnel, et il est gêné par une petite voiture blanche. Il perd la maîtrise du véhicule est s’écrase contre le pilier. La moto X passe près de l’épave mais ne s’arrête pas. On ne retrouvera ni la petite voiture blanche, ni la moto X. Peut-être faute d’avoir vraiment cherché. Et personne ne pourra expliquer le retard exceptionnel, en pleine ville de Paris et de nuit, de l’arrivée du SAMU. Il y a dans le déroulé du drame des incohérences, ou tout au moins des bizarreries.

J’ai étudié un modèle de ce type de Mercedes. Un sabotage de la voiture est réalisable en 5 à 10 minutes chrono. Sur ce genre de voiture, il n’y a plus le traditionnel câble des gaz qui relie la pédale de l’accélérateur au papillon d’ouverture du carburateur, loin s’en faut. La commande est semi électrifiée.

De la pédale, une tige rigide gainée passe sous le capot. Cette tige est couplée à un dispositif électrique qui va commander l’ordinateur du moteur pour le faire accélérer (ou décélérer). Il est parfaitement réalisable de fausser cette commande.

a) soit en tordant la tige rigide en un endroit précis qui viendra se coincer dans la gaine lorsque le conducteur écrase la pédale au plancher. Tant et aussi longtemps qu’il roule feutré (disons à moins que ¾ des gaz), il ne se passe rien, la partie tordue restant en dehors de la gaine rigide.

b) Le contact électrique actionné par cette commande peut avoir été remplacé par un autre, trafiqué pour qu’il se bloque lorsqu’il a été mis à fond de course.

Dans les deux cas, le résultat est que les gaz restent bloqués à fond et que le chauffeur ne peut plus maitriser la trajectoire en jouant avec les gaz. La voiture devient un bolide fou. Ce cas de figure n’est pas intégré dans la formation des conducteurs ni des chauffeurs professionnels et qu’en tout état de cause, dans un tel cas, l’attention du conducteur est figée sur la trajectoire, il n’y a plus de place pour réfléchir comment s’en sortir. Ou dans tous les cas la réflexion se fait trop lentement et sans les connaissances techniques permettant d’éliminer tout de suite les fausses solution, comme de vouloir glisser le pied sous la pédale afin de forcer le mécanisme à revenir à zéro. Impossible, car la pédale n’est pas solidaire du reste de la commande, elle est posée sur l’extrémité de la tige rigide qui, elle, est équipée du ressort de rappel à zéro. Pendant les deux ou trois secondes où le chauffeur tente ce genre de manœuvre, il laisse la voiture prendre de la vitesse, sans tenter de la limiter en freinant énergiquement.

On a déjà vu ce genre de problème avec des régulateurs automatiques de vitesses qui se bloquaient. Dans aucun cas recensé le conducteur avait pensé à sortir la vitesse engagée et freiner le véhicule, laissant le moteur hurler pour son seul compte. Pas plus que de tourner la clef de contact d’un cran pour couper le moteur sans verrouiller la direction. Ce dernier point est d’ailleurs impossible sur cette Mercedes dont la clef de contact est une carte à puce.

Ce cas de figure a pu arriver à votre chauffeur si son accélérateur a été trafiqué. Après l’accident, le sabotage est indétectable. Il n’en serait pas de même si l’accélération avait été radiocommandée de l’extérieur. On aurait retrouvé le système de réception (si tant est qu’il ait été cherché…)

Je précise encore que combien même il avait tenté de freiner, sortir la vitesse engagée ou coupé le contact, la voiture était déstabilisée pour amorcer le virage avant le tunnel et il y a de fortes chances qu’elle serait sortie de la route. Mais il y aurait certainement eu un moindre choc tout de même.

Un peu trop d’énervement par une journée pourrie par les paparazzi, il est tard, la fatigue fausse le jugement et les réflexes, un motard qui s’approche trop fait monter l’adrénaline des occupants de la voiture d’un cran supplémentaire. Un coup de gaz à fond, c’est l’accélération de trop, la commande se bloque et le bolide devient fou. Trop de stress pour agir vite et sainement et c’est le crash pratiquement garanti. J’évalue à 90-95% le niveau de réussite d’un tel sabotage, si ce sabotage a réellement eu lieu, ce que je ne pourrais jamais prouver.



- Mais personne ne pouvait prévoir l’impact. Je veux bien admettre qu’au moment où l’accélération a été provoquée, le passage dans le tunnel était prévisible, mais la voiture aurait pu percuter un car de touristes, faire des victimes supplémentaires, je ne sais pas….

- Si c’est un attentat, il était dirigé exclusivement contre Lady Di et il était gouvernemental. Avez-vous déjà vu un gouvernement reculer parce que des gens innocents risquaient de mourir ? Il n’y aurait jamais de guerre dans un tel cas… Je veux bien qu’elle ne risquait pas de percuter un camion-citerne d’essence à cette heure de la nuit, mais combien même, cela n’aurait pas été un détail de ce genre qui aurait pu modifier la détermination des éventuels tueurs ou le scénario de l'exécution.

Vous nous avez demandé s’il était possible de saboter la voiture pour provoquer cet accident mortel. Je vous réponds que si la voiture de votre fils a été sabotée de cette façon, c’est un crime parfait. D’autant plus parfait qu’il intègre les réactions des victimes dans son développement.

Exaspérer ses victimes pour réduire leurs capacités de réaction et les pousser à la faute, c’est fort. Après, il ne reste plus qu’à transformer un coup d’accélérateur rageur en une voiture devenue folle… C’est techniquement un jeu d’enfant.

- Hippo, s’il y a eu attentat comment les auteurs pouvaient-ils savoir que le couple partirait avec cette Mercedes ?

- Je vous rappelle, Commissaire, qu’il n’y avait ce soir là dans le garage du Ritz, qu’une voiture de disponible. Il est facile de faire louer les véhicules excédentaires dans l’après-midi.

- Mais comment savoir que ce serait celle-là qui resterait ?

- Si je ne m’abuse, elle était moins prisée que les autres car c’était la plus ancienne ou plus modeste de la flotte. C’était forcément elle qui allait rester et que le Ritz ne louerait pas pour pouvoir la mettre à disposition du couple. D'autre part, c'est un sabotage effectuable très rapidement et le garage du Ritz n'est pas surveillé en continu.

Un des mécaniciens que j’ai interrogé m’a montré comment tordre cette tige d’accélérateur, il l’a fait devant moi en 10 minutes, puis il m’a montré le résultat, moteur en marche. En imaginant que ça arrive alors qu’on roule déjà à près de 100 km/h, ça fait vraiment peur. Après sa démonstration, il a remplacé la commande qu’il a trafiquée par une neuve. Voilà celle qu’il a tordue. Il existe d’autres possibilités tout à fait accidentelles. Je ne les ai pas prises en compte puisqu’elles ne correspondaient pas à votre demande.

- Je vous remercie pour vos recherches objectives. Vous savez ce que je pense de cet « accident » mais vous avez voulu rester en dehors de mes passions, c’est très professionnel.

- J’ai enquêté sans mettre de barrage « moraux ». Les « ça ne se fait pas » et autres « mais ce serait horrible » n’étaient pas de mise dans ce cas parce que ni les professionnels du meurtre, ni les gouvernements n’ont ces interdits. Toute fois, je n’ai pas pu rester dans la stricte neutralité. J’ai juste voulu rester objectif et réaliste.

Les motifs de vouloir tuer Lady Di étaient futiles, mais où se situe la limite….. Pour vous dire, dans une enquête que je viens de terminer, un ministre a été assassiné pour la seule raison qu’il était pressenti pour devenir premier ministre à la place du ténor de son parti. Vu ainsi, les motifs d’assassiner Lady Di étaient beaucoup plus « sérieux » que pour ce pauvre ministre.



- Mon secrétaire est à votre disposition pour vous proposer quelques excursions dans l’Egypte ancienne. Prenez votre temps dans le monde enchanté de l’Histoire, avant de retourner dans ce monde violent et hypocrite.



Merci commissaire Genveut, Merci inspecteur Tayze. Je sais que je n’obtiendrai jamais la vérité, mais je sais maintenant que la forfaiture était possible, malgré les garanties sur l’honneur des Ministres français et anglais qu’un acte criminel était totalement impossible. Merci de tout cœur, je peux commencer à faire mon deuil.



- Les déclarations sur l’honneur sont comme les promesses, elles n’engagent que ceux qui les croient. L’inspecteur et moi sommes ravis d’avoir pu vous être utiles.