C'est dans la douce chaleur enveloppante d'entrailles féminines que je suis venu à la conscience. Doucement. Mollement. Dans le tempo d'un battement cardiaque et de vagues échos de voix.

C'est là que, tranquillement, j'ai grandi, cellule par cellule, jusqu'à finir par me sentir à l'étroit, prisonnier de ces parois charnelles, ma gangue de vie.

Et puis, subitement, tout bascula : il y eut les contractions, de plus en plus violentes, accompagnées de gémissements lointains. Je me sentais poussé, oppressé, chassé du paradis originel vers un passage étroit, de plus en plus étroit.

Je vis alors subitement la lumière et je compris que ma vraie vie commençait là.

Mais à peine avais-je quitté ma matrice que je me sentis chuter. Une sensation de froid m'envahit immédiatement : je venais de tomber dans une eau glacée. Etait-ce donc ça, la vie ? Je regrettais déjà amèrement mon cocon douillet.

Je ne comprenais décidément rien de ce qu'il m'arrivait. Je vis des choses étranges me tomber dessus, tout en légèreté et en blancheur, mais souillées de tâches brunâtres.

Aussitôt après, il y eut un grand bruit. Des gerbes d'eau, tout aussi glacée que celle dans laquelle je trempais, jaillirent de nulle part et dévalèrent en trombe sur moi. Un terrible maelström se forma, un tourbillon irrésistible qui m'entraîna, m'entraîna vers de sombres profondeurs...

Et avant de perdre définitivement conscience, j'eus à peine le temps de hurler intérieurement : "c'est quoi cette vie de meeeeeeeeeeeeerde ?"