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dimanche 24 décembre 2006

Tant-BourrinNoël gluant

En cette journée de réveillon et d'ultime rush dans les magasins exceptionnellement ouverts le dimanche, j'ai trouvé pertinent de vous écrire un petit pastiche fort à propos, histoire de vous faire patienter jusqu'à ce soir.

C'est une légère altération des paroles de "Noël blanc", une gentille petite chanson de Noël, dont les paroles originales sont ici.

Allez, en avant pour le grand soir ! Musique !



Oh ! quand j'entends chanter Noël
Je trouve ça tell'ment puant
Tous ces beaux sentiments ne sont que du vent
Noël, cauchemar gluant

Oh ! quand j'entends sonner au ciel
Le tiroir-caisse des marchands,
De Carr'four, de Leclerc, d'Auchan
Ça me gonfle ces Noëls gluants

La nuit est pleine de cris de boeufs
Pleine de rôts de mousseux
Les panses sont déjà garnies
Tout est prêt pour le vomi
Et j'attends l'heure où ils vont dormir
Pour enfin pousser un soupir

Oh ! quand j'entends chanter Noël
Je trouve ça tell'ment puant
Tous ces beaux sentiments ne sont que du vent
Noël, cauchemar gluant

Oh ! quand j'entends sonner au ciel
Le tiroir-caisse des marchands,
De Carr'four, de Leclerc, d'Auchan
Ça me gonfle ces Noëls gluants

samedi 23 décembre 2006

Saoul-FifreBonjour je suis ravie d'être nouvelle ici

..., nous dit gentiment Ophise , la cheftaine de gare.

Mais nous aussi, nous aussi, Ophise, on est ravis de t'avoir comme lectrice ! En tout cas moi. Je suis un fan des gares, surtout si les girls de Trafalgar ont des regards à mon égard, mais je m'égare... Et un fasciné des trains. Surtout des arrières-trains. Ce n'est sûrement pas moi qui me plaindrais d'un retard où d'une manifestation encombrant une voie. Mais c'est l'aventure ! Les clients, on ne peut pas les appeler des "patients", n'est-ce pas, se mettent à hurler, à insulter les premiers porteurs d'uniformes SNCF qui passent à leur portée, mais c'est inespéré ? Alors que d'habitude, vous payez pour aller au cinéma, vous avez sous les yeux, gratuitement, des acteurs de premier ordre qui vous simulent une colère allant de la simple acrimonie à la furie la plus totale, avec un talent digne des plus grandes stars. Pour pas un rond. Moi je dis bravo la Seuneusseufeu pour ces animations improvisées destinées à nous faire prendre patience.

Ha moi dans les gares, tout m'est jouissance intense. Tous ces voyageurs plutôt bien pomponnés, on est dans la façade, dans la représentation, ils savent qu'ils vont devoir passer quelques heures en promiscuité avec de parfaits inconnus, bon ben on y va pas en bleu de travail. Ya la fiancée, les parents, les amis pas vus depuis longtemps qui attendent au bout des rails, on se met un peu en frais de toilettes, non ? Le train, c'est le voyage, la rupture tranquille d'avec le train-train quotidien, le changement de référentiel, c'est la magie. Transfert dans l'Espace-Temps, Transformation, vous ne serez pas le même à l'arrivée, vous aurez laissé derrière vous les scories de votre ancien Moi dans les tunnels transgressifs. Le train c'est le hasard de la rencontre, c'est le sourire volé, c'est l'Odyssée à la portée de tous.

Tout y est possible. Mais si ! Allez, un p'tit pouème en illustration (mais yen a d'autres ici et ):

Sur les quais d'une gare
Je marchais au hasard
Tu sortais de l'Enfer
Avec de grands yeux noirs
Dans le froid de l'hiver
On s'est couché par terre.

On regardait passer
Les voyageurs pressés
Qui montaient dans les trains
Et les trains s'en allaient
Et l'on ne faisait rien
Qu'attendre le destin.

On a vécu vingt jours
De poussière et d'Amour
Sous les reflets blafards
Tu me disais : "Le jour,
C'est l'attente du soir
Et le noir, c'est l'espoir."

Tu me disais : "La vie,
C'est quand me vient l'Envie
L'envie de Lui, de Toi
De faire des folies
Et dans ces instants là
Je ne m'appartiens pas."

Alors, sans peur, sans peine
Tu as eu faim de haine
T'as sorti ton couteau
Comme on brise une chaîne
Et tu m'as, sans un mot
Amputé d'un morceau.

Et depuis, je t'attends
Entre morts et vivants
Viens, reviens t'abreuver
Pour nos soifs maintenant
Je les raviverai
Nos plaies ensanglantées...

jeudi 21 décembre 2006

Tant-BourrinSmashed potatoes

Si j'avais pu deviner qu'une pépée de ce calibre pénètrerait dans mon agence miteuse ce matin-là, sûr que j'aurais pris une autre posture pour l'accueillir. Mais voilà, mes talents de devin sont à peu près égaux à ma renommée de détective privé : proches de zéro. Et donc je n'avais aucune raison de me conduire différemment des autres jours de la semaine : j'étais à moitié affalé dans mon vieux fauteuil râpé, les pieds sur le bureau, mettant bien en évidence la misère de mes semelles, et je lisais les résultats du base-ball dans le canard en sirotant un peu de gnôle, juste histoire de mettre du carburant dans le moteur pour la journée.

Evidemment, la pose n'était pas flatteuse et aurait eu de quoi faire rebrousser chemin à n'importe quel client pénétrant dans mon agence, qui se résumait à un misérable local de dix mètres carrés poussiéreux et mal éclairé. Mais cela faisait bien trois mois que pas un client n'en avait poussé la porte d'entrée et que je vivais d'expédients : j'avais donc quelques excuses à ne pas être sur mes gardes.

Ah, au fait, je ne me suis pas présenté : mon nom est Rain. Tamboo Rain. Oui, je sais, j'ai un prénom ridicule. Que voulez-vous, à ma naissance, ma mère avait le choix entre me donner beaucoup d'amour ou un prénom grotesque. Que croyez-vous qu'elle a choisi ? Mais bon, je fais avec. Si je n'avais que ça comme blème dans la vie, c'est pas moi qui irais au bureau des réclamations. Mais je n'ai connu que les galères, les rades minables, les cuites, le désespoir et les chaussettes trouées. Et la dernière de mes galères, c'était cette foutue agence de détective privé, Tamboo Rain & Co, que j'avais voulu monter. Le "& Co", entre parenthèses, n'était là que pour donner une illusion d'un gros machin : la seule compagnie que j'avais était celle d'un poster de Marylin Monroe punaisé au mur.

Voilà pourquoi je sursautai quand j'entendis ce matin-là une voix demander : "Monsieur Tamboo Rain ?"

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samedi 9 décembre 2006

Tant-BourrinLe jour où tout bascula

Le regard de Ron Bruttain transperçait la fenêtre de son bureau, survolait les buildings, traversait les quartiers surpeuplés de New York, traversait les Etats-Unis et allait se perdre loin, si loin de là, dans les forêt de son Montana natal.

Car plus rien n'allait dans la tête de Ron depuis quelques mois. Alors qu'il avait fait montre pendant plus de quinze ans d'une énergie et d'un carriérisme forcené, prêt à tuer son prochain pour réussir dans la vie, voilà qu'il n'avait plus goût à rien. Rien du tout. Sa femme l'avait plaqué quelques semaines auparavant, définitivement lassée d'être mariée à un étranger qui passait l'essentiel de sa vie au bureau. Pas d'enfant. "Les enfants, ça bouffe trop d'énergie, on verra plus tard", avait-il coutume de dire. Finalement, il n'y aura pas de plus tard.

Oh, pour ce qui est de la réussite, pas de problème en revanche : il avait dégommé tous les obstacles qui auraient pu ralentir sa brillante ascension hiérarchique dans l'entreprise. Il avait le pouvoir, il avait l'argent. Mais depuis quelque temps, cela ne lui suffisait plus. Il lui manquait le bonheur.

Le bonheur. La plénitude. Juste se sentir bien. Cela faisait si longtemps. A 38 ans, voilà qu'il sentait comme un flot léger couler en lui, un flot dont la source, profonde et jusque-là enfouie, remontait loin, si loin en arrière. Lui qui avait toujours fait fi du passé retrouvait dans sa mémoire lasse des bribes d'une enfance perdue. Une enfance heureuse, avec le recul. Dans les forêts du Montana. Une enfance modeste, sans argent, sans pouvoir, mais heureuse.

Ron Bruttain réalisait peu à peu la vacuité de son existence, dont il emplissait pourtant chaque seconde d'une agitation intense et féroce. Une agitation, oui, mais pourquoi ? Pour faire gagner 0,1% de chiffre d'affaires à sa boîte ? Pour gagner plus d'argent qu'il ne pourrait jamais en dépenser avant sa mort ? Pour être encore plus admiré et haï à la fois par ses subordonnés ? Finalement, qu'avait-il fait dans sa vie ? Qu'avait-il fait de sa vie ?

Son esprit vola encore une fois jusqu'aux forêts du Montana. Il n'arrivait plus à se décrocher de la fenêtre et à se mettre au boulot. Il était pourtant arrivé tôt car son agenda du jour était bien chargé. Il regarda sa montre : 8h47. Déjà. Mais il restait là, le nez collé à la fenêtre de son bureau qui surplombait la grosse Pomme, New York la fourmillante. Et du haut du 83ème étage du World Trade Center, il regardait la douce lumière estivale de ce 11 septembre, qui lui rappelait un peu celle, caressante, du Montana, trente ans plus tôt.

Tout à coup, il se raidit. Là, devant lui, un avion. Son souffle se figea. Un avion qui traversait l'espace, un avion qui venait droit vers lui, droit vers la fenêtre devant laquelle il se tenait, qui allait la heurter dans une fraction de seconde. Il compris subitement que ç'en était fini.

Oui, ç'en était fini de cette vie stupide de work aholic, de drogué du boulot. Le petit avion en papier, en cognant sur la fenêtre, avait sonné le glas de toutes ces années d'aveuglement. Car Ron Bruttain avait vu un signe du destin dans la présence incongrue de ce frêle avion au 83ème étage. Comment avait-il pu atteindre une telle altitude ? Etait-ce une rafale de vent qui l'avait arraché de l'attraction terrestre ? Etait-ce un enfant qui l'avait jeté d'un étage supérieur (Ron pensait pourtant que les fenêtres, dans ces immeubles gigantesques, étaient toutes verrouillées) ? Peu importe ! Ron voyait dans cet avion de papier le symbole de l'innocence, de la légèreté, de l'insouciance. Il y lisait un message céleste qui lui disait qu'il était temps de décoller lui aussi des pesanteurs d'une vie de forcené.

Ron Bruttain laissa tout en plan. Sans prévenir qui que ce soit, il quitta son bureau, prit l'ascenseur et marcha tranquillement au hasard des rues, emplissant pleinement d'air ses poumons, enfin libre. Dans les jours qui suivraient, il allait tout liquider pour retourner vivre paisiblement au Montana. Mais pour l'heure, il prenait simplement un plaisir fou à sentir sur sa peau la douce chaleur du soleil de ce 11 septembre 2000.

Ce n'est qu'un an plus tard qu'un Boeing se fracassa dans la fenêtre de ce qui avait été son bureau, comme il l'apprit au fin fond du Montana où il avait retrouvé le goût du bonheur.

Comme quoi, il faut savoir écouter ses envies profondes de temps en temps.