Blogborygmes

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mardi 31 janvier 2006

Tant-BourrinUn monde pas frais

Peut-être vous souvenez-vous de la parodie que j'ai consacrée, il y a quelque temps, à mon émérite (agricole) co-blogueur ?

Eh bien, figurez-vous que la muse est venue à nouveau me taquiner sur le même sujet.

Bon, je le reconnais, il s'agissait d'une muse bien crottée et, plus que ma créativité, c'est surtout le museau qu'elle m'a taquiné.

Néanmoins (nez en moins ?), je vous vous invite à vous boucher le nez et à ouvrir les oreilles...

Les paroles originales sont ...

Prêts ? Alors, musique !...

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vendredi 27 janvier 2006

Tant-BourrinPretty bouseux

Imaginons la situation suivante : vous, la fine fleur de la bonne société parisienne, avez été convié à une soirée des plus huppées au cours de laquelle, vous n'en doutez pas, l'intelligence, la culture et le bon goût pétilleront tout autant que le champagne dans les flûtes de cristal de Baccarat.

Jusque-là, rien de bien alarmant, me direz-vous : vous ne déparerez en rien, bien au contraire, dans un aréopage de gentlemen tout en élégance et en savoir-vivre.

Hélas, il y a un petit détail fort contrariant : vous apprenez incidemment que votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) a été également, contre toute attente, invité à cette soirée. Et là, vous sentez votre front devenir moite, une froide et sourde angoisse vous envahit : votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) est un bouseux de la pire espèce, un gratteur de glaise mal dégrossi qui va assurément entacher lourdement votre excellente réputation.

Que faire ? Se tordre les mains, se lamenter, se morfondre ? Renoncer définitivement à toute vie sociale ?

Non, il vous faut réagir en adoptant un plan d'urgence ! Il vous reste deux jours avant la soirée fatidique, c'est assez pour tenter une transformation de la dernière chance : prenez votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) avec vous (ainsi que votre carte bleue), et en avant pour la métamorphose de l'extrême !

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mercredi 25 janvier 2006

Tant-BourrinL'enfance à fleur de nerfs

   Tu la voyais pas comme ça ta vie,
   Pas d'attaché-case quand t'étais p'tit...

Il suffit souvent de peu. D'une goutte pour mettre le feu aux poudres. D'une étincelle pour faire déborder le vase. D'une chanson sur l'autoradio, entre deux clients, pour sentir ses vertèbres que l'on croyait robustes craquer sous la pesanteur d'une existence subie. De quelques paroles fredonnées pour déterrer le cadavre d'un enfant tout au fond de soi.

   Ton corps enfermé, costume crétin,
   T'imaginais pas, j'sais bien.

Il fredonna doucement lui aussi, l'humidité d'un mal-être au coin de l'oeil, puis sur la joue. Il fredonna dans les rues traversées de la ville. Il fredonna en roulant vers ce client potentiel, un prospect prometteur qui pouvait se révéler très intéressant en terme d'accroissement du chiffre d'affaires poil au blair et de part de marché de son entreprise poils qui frisent. Il fredonna aux feux rouges qui semblaient lui hurler "arrête-toi, cette route n'est pas la bonne"...

   Moi aussi j'en ai rêvé des rêves. Tant pis.
   Tu la voyais grande et c'est une toute petite vie.

Il fredonnait et ses yeux, retournés dans ses orbites, se perdaient en lui. Vers ses rêves perdus, fossilisés sous la gangue des jours sans envie. Vers ses joies oubliées, écartelées entre les "c'est la vie", les "il faut bien vivre", les "c'est comme ça" et les "il faut être raisonnable". Il fredonnait dans la chaleur des larmes versées.

   Tu la voyais pas comme ça, l'histoire :
   Toi, t'étais tempête et rocher noir.

Il chevrotait d'une voix chantonnante, hoquetait dans les flots d'une digue emportée, au volant d'une voiture grise dans les rues grises d'une grande ville grise, vêtu d'un costume gris, des idées grises plein la tête. Jaugeant les décombres de sa vie. Une vie routière. Une vie routinière. Dévoré par ses non-envies. Chiffre d'affaires. Marges. Prospects. Clients. Ventes. Bénéfices. Intéressement. Déplacements. Placements. Nausée.

   Mais qui t'a cassé ta boule de cristal,
   Cassé tes envies, rendu banal ?

Comment en était-il arrivé là ? A rouler dans les larmes de ses rêves évanouis ? A rouler ceinturé de sécurité sur son siège, à se laisser aller au ronronnement d'un moteur bien huilé, à oublier les dessins des nuages pour un horizon de bitume ? Oui, quand était-il passé de l'autre côté, du côté où l'on n'est plus ni indien, ni cow-boy, ni pirate, ni footballeur, ni astronaute, ni poète, ni rock star, ni explorateur ? Du côté où l'on n'est plus rien sinon un adulte qui bâtit sa carrière, gagne sa vie, épargne pour ses vieux jours ?

   T'es moche en moustache, en laides sandales,
   T'es cloche en bancal, p'tit caporal de centre commercial.

Rétroviseur. Tête de con. De con d'adulte. L'oeil morne. Fatigué. Usé. Sans la brillance des rêves au fond de l'iris. Rétroviseur. L'enfant qui sourit. Qui éclate de dents tant il rit. Rétroviseur. L'enfant noyé sous la graisse du confort. Du sens de la pente. L'enfant qui pleurait maintenant sous l'adulte.

   Tu la voyais pas comme ça frérot
   Doucement ta vie t'as mis K.-O.
   T'avais huit ans quand tu t'voyais
   Et ce rêve-là on l'a tous fait

Des jours, des mois, des années de malaise aussi grandissant que sa bedaine. A tout vouloir balancer par-dessus bord sans oser se l'avouer. Dans le déni de la grand voile qu'il voulait hisser avant de mettre cap au large. Des jours, des mois, des années à ne pas avoir ri à s'en décrocher les neurones. Pas chanté. Pas sautillé. Pas oublié.

Contact coupé. Frein à main.

   Tu la voyais pas comme ça ta vie,
   Tapioca, potage et salsifis.
   On va tous pareils, moyen, moyen...
   La grande aventure, Tintin.

Oui, sautiller. Hop ! Hop !... Et paf, shoot dans le caillou... et c'est le buuuuuuuut ! But fabuleux de l'avant-centre Lambert en pleine lucarne à la dernière seconde, c'est fantastiiiiique !

   Moi aussi, j'en ai rêvé des cornemuses.
   Terminé, maintenant. Dis-moi qu'est-c' qui t'amuse ?

- Ah, Monsieur Lambert ! Bonjour... Monsieur Pouchy vous attend. Suivez-moi, je vous prie, je vais vous conduire à son bureau...

Il marcha en canard derrière la secrétaire, lui tirant discrètement la langue par deux fois dans son dos. Puis il se concentra : il s'agissait soudain de progresser en posant le pied au milieu des carreaux, mais surtout pas sur la ligne noire des joints, sinon il tomberait en enfer.

   Tu la voyais pas ici, l'histoire.
   Tu l'aurais bien faite au bout de la Loire
   Mais qui t'a rangé à plat dans ce tiroir,
   Comme un espadon dans une baignoire ?

- Si vous voulez bien vous donnez la peine d'entrer...

Et il se la donna, la peine : il sauta à pieds joints vers avant, le plus loin qu'il put pour passer du couloir au bureau en volant, puis atterrit dans un fracas de chute, attaché-case, fauteuil de cuir, pile de dossiers et lui-même, tout mélangés sur le sol.

- Heu ?... Monsieur Lambert ?... J'espère que...

Mais non, même pas mal !

Il se releva crânement et se mit à chantonner :

"Mon client gentil,
Je vais te fourguer...
Mon client gentil,
Je vais te fourguer...
Te fourguer, à la volette,
Te fourguer, à la volette,
Des machines-outils"

- Monsieur Lambert ??? Il y a un problème ? A quoi jouez-vous là ?
- Je joue... je joue... approchez-vous, je vais vous le dire... je joue à... chat !!! C'est toi le chat, et hop, je suis perché sur le bureau, tu peux pas me faire chat !

   T'es moche en week-end, tes mioches qui traînent,
   Loupé capitaine, bateau de semaine d'une drôle de fête foraine.

Un quart d'heure plus tard, deux infirmiers débarquaient dans le bureau ravagé. L'injection le cueillit au creux du bras. Quand son regard s'ensommeilla, les cornemuses résonnaient toujours dans sa tête.

(crédits : extraits paroles & musique d'Alain Souchon/Laurent Voulzy - Le Bagad de Lann-Bihoué)

jeudi 19 janvier 2006

Tant-BourrinL'homme au tracteur

Cela fait un certain temps que je ne vous ai pas infligé une parodie, hein ? deux ? trois ?

Alors, remédions bien vite à cela... Mais je voudrais en profiter pour faire d'une pierre deux coup : je voudrais rendre en même temps ici un petit hommage à mon agreste co-blogueur avec qui je n'ai pas toujours été très tendre...

J'ai donc concocté des paroles spécialement à lui consacrées sur l'air de "l'homme à la moto", chanté par l'immortelle Edith Piaf.

Pour les incultes qui auraient quelques trous de mémoire, les paroles originales sont .

And now, music ! :~D

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mercredi 18 janvier 2006

Saoul-FifreBlond joke

Houlà, ça va pas du tout en ce moment, moi ! Je sais pas ce qui se passe, une distorsion dans l'espace-temps, ou quoi, mais c'est sûr qu'il y a du bug dans le continuum. Bon, si je sors de chez moi et que je marche du pied gauche dans la merde, je vais pas interpréter ça comme un signe de chance, ni accuser d'improbables ennemis de vouloir me faire casser une jambe ? Je vis à la cambrousse et ce genre d'événements fait partie du déroulement normal de mes journées. C'est plutôt si ça ne m'arrive pas que je me pose des questions.

Mais quand je surfe sur Internet ? C'est du virtuel, certes, mais du virtuel répondant à des normes établies par des gens sérieux. Je clique par exemple sur un lien. Ça se passe chez Matthieu pour ne pas le nommer. Avec Matthieu, on travaille en confiance : si il nous promet une blague de blonde inénarrable à se taper le cul par terre, on fonce. Si on se retrouve face au vide, avec la mer 150 m plus bas, on saute, comme Johny Weismuller qui ne veut pas perdre la face devant la jolie sauvageonne qu'il espère bien voir toute mouillée autrement que par le lagon... Enfin, je clique, quoi...? Et je me retrouve chez Elisabeth. Ça, c'est la magie d'Internet. Les tapis volants. La lampe qu'on frotte pour la faire briller. Le génie sans mollir. Et Elisabeth qui tient à toute force à nous raconter son histoire de blonde, hilarante au point que son seul souvenir la relance dans des fous-rires irrépressibles. La même ? Une autre ? Le suspense est trop dense, le ressort du moteur romanesque trop tendu, je re-clique comme un zombie pour vérifier et je me retrouve, non là, je deviens fou : les écossais ont décidé de venger Marie Stuart et ont mis des extas dans leurs whiskies d'exportation ?? Je me retrouve chez Matthieu, au point de départ ! Bon, pourquoi pas, la séquence informatique va peut-être se calmer d'elle-même après quelques tours d'accélérateur de particules ? Je re-re-clique précautionneusement là où ils disent que la ? les ? blond jokes sont stockées, et là, nouveau saut dans l'inconnu, j'avais pourtant appuyé avec beaucoup de douceur sur ma souris : je me retrouve chez... Audalie ! Une blonde foncée qui se moque des blondes claires. Le monde n'est pas complètement à l'envers, mais penche fortement ! La solidarnosc sombre dans l'océano nosc... Et, du coup, les bribes de rationalité qui habillaient de haillons ma nudité scientifique avouée, titaniquèrent également.

Je cliquais dorénavant telle une grenouille dont on a sectionné le rachis, en mouvements déconnectés des centres décisionnels. Les sites défilaient, s'enfilaient, se refilaient des blagues épatantes, inouïes. Des blogueurs se pissaient dessus, sans pouvoir se retenir. Les Dieux buvaient les pleurs, la bave, la sueur des rieurs, dans les crânes vides, léchés, raclés, parfaitement récurés des blondes Walkyries. Des milliards de sarcasmes, en anciens francs, combien cela pouvait-il faire ? s'accumulaient, se renvoyaient des échos, les boules de sourires s'obèsifiaient, déclenchant des avalanches de rires...

Une éternité plus tard, ma main engourdie clique mécaniquement encore une fois. La mâchoire crispée sur un rictus moqueur, les yeux délavés d'avoir pleuré de rire à jet continu, je reconnus le bandeau de couleur "bleu UMP" des analectes.

Cette eau, ces fauteuils de plage,
Si bleus, si calmes...
On croirait que le maître nage,
Masque et palmes...

Je me mis à lire le billet du jour. Enfin, du jour ? Le billet, quoi, le billet si souvent attendu, espéré, quelquefois de longs jours, de trop longs jours... Il n'était plus question de blagues de blondes. Combien de temps avais-je erré dans cette toile onirique inextricable ? Rejetant de mon esprit embrouillé cette question idiote à laquelle je n'aurai sans doute jamais de réponse, je continuai ma lecture. Regard interrogatif vers le bandeau. Regard dubitatif vers le billet. Bandeau. Billet. Bandeau. Putain de billet : il y était question de journal télévisé. Elisabeth qui parle de télé, et en plus, des infos ! Mon peu de lucidité résiduelle me permit d'appréhender au vol une explication réaliste : des extra-terrestres étaient en train de prendre possession de ce qu'il restait de mon cerveau par télépathie. Ils envisageaient d'envahir la Terre et m'avaient choisi comme Bêta-testeur de l'efficacité de leur technique de propagande absolue, par inversion sémantique subliminale, dans les blogs mythiques, ceux lus par la quasi-totalité de la blogosphère.

Je secouai vigoureusement la tête, et par là-même, l'emprise hypnotique de ce peuple que je subodorais laid et dépourvu d'humour. Je venais de repousser l'attaque la plus dangereuse du siècle, qui, sans moi, aurait bien failli finir juste après avoir commencé.

Les deux pieds à nouveau fermement ancrés dans le réel, je réexaminai attentivement mon écran. Euréka-bon-sang-mais-c'est-bien-sûr ! Le sujet, le style, ce billet était dû à la plume de Matthieu.

Mais avec le bandeau des Analectes.

Pfou, je suis crevé, moi. Je sens que je vais pas tarder à aller faire dormir les yeux.

samedi 14 janvier 2006

Tant-BourrinLe bonheur

Voici bientôt deux mois (le temps, à l'instar de bas de mauvaise qualité, file très vite), Twig avait lancé sur son blog un concours de poésie. Mais pas de n'importe quel genre de poésie : il s'agissait de donner dans le genre débilos, et sur le thème du bonheur.

Bon, vous commencez à me connaître : dès qu'un jeu pathétiquement navrant est organisé, même avec un enjeu inexistant, je suis le premier à me précipiter ! Je pris donc ma plus belle plume d'oie et la trempai dans l'encre de l'inspiration la plus débridée pour en tirer le plus beau, le plus émouvant, le plus éclatant des poèmes consacrés au bonheur.

Las, peu après, le verdict tombait : je n'avais pas gagné, mais je me consolais vite en me disant que l'important est de participer (j'ai l'esprit sportif et fair-play), et que l'encore plus important est que le Saoul-Fifre non plus n'avait pas gagné, car là, sinon, j'aurais été vraiment vert !

Et puis je n'ai pas tout perdu : j'ai gardé précieusement par-devers moi mon petit poème débilos sur le bonheur, car je sentais confusément qu'il pourrait me servir à quelque chose un de ces jours.

Et ce jour est arrivé : je n'ai aucune idée de billet digne de ce nom en tête, alors en avant pour...


   LE BONHEUR

   Connaissez-vous un truc meilleur que le bonheur ?
   Moi pas, parce qu'avec le bonheur, on est heureux !
   Je savoure la vie autant que les choux-fleurs
   Qui pourtant, je l'admets, me ballonnent un peu.

   Je me joue des ennuis, des troubles digestifs
   Comme un chaton qui fait mumuse avec sa balle
   (C'est mignon, les petits chatons, moi je les kiffe)
   Et je dis : le bonheur, ouais, c'est trop de la balle !

   D’ailleurs longtemps je me suis levé de bonheur
   Pour tremper goulûment deux ou trois croissants beurre
   Dans mon café au lait : putain, que c'est chouette !

   Bref, vous l'aurez compris : le bonheur, ça me plait,
   Alors que le malheur, ah mon dieu, quelle plaie !
   Conclusion : les tristus, moi je vous dis "pouet, pouet" !

dimanche 1 janvier 2006

Tant-BourrinLeçon de vie n°4

Amie lectrice, ami lecteur,

l'urine du Temps a bien coulé dans les toilettes de l'oubli depuis que je t'ai dispensé mes trois leçons de vie pour t'aider à agrémenter de maturité et de sapience le rôti de ton esprit avant de le mettre à cuire dans le four préchauffé de ton existence. Oui, tu le sais, petit hanneton candide, je me suis attelé à cette immense tâche que d'être celui qui te précède dans la nuit délétère d'une humanité en furie, d'être celui qui porte haut la torche d'un vécu dense et intense pour éclairer ta route, d'être celui qui marche dans la crotte de chien et t'invite à faire attention et à passer un chouia plus à gauche ou à droite.

Bref, le poids de ce tutorat moral fait tilter le cadran du pèse-personne de ma responsabilité, mais je garde fermement le cap, car l'âge a répandu le sel de la plénitude sur le poivre de ma chevelure et me confère ce devoir moral : doter ta perception d'un grand angle, faire jaillir le zoom de son sens moral et éthique et dépasser le cadre de ta petite vie matérialiste et étriquée pour que la photo de ton existence soit digne de figurer en première page de Paris Match.

Quoi ? Qu'il y a-t-il, frêle scolopendre timoré ? Tu souhaites savoir pourquoi je t'ai laissé si longtemps sans venir te dispenser une nouvelle leçon de vie ? C'est bien, je vois que tu as progressé et que le pitbull de la curiosité a mordu les couilles de ton goût du savoir. Et d'ailleurs, je ne vais point tarder à imiter ledit pitbull si tu m'interromps ainsi à tout bout de champ sous d'aussi futiles prétextes.

Eh bien, pour répondre néanmoins à ta question grotesque, petite mouche à merde mordorée, c'est parce que, vois-tu, primo, j'ai estimé qu'il relevait de ma responsabilité de guide spirituel de te laisser cogiter sur mes premières leçons de vie et faire, chaussé des charentaises de mes préceptes vitaux, tes premiers pas d'homme (ou, dans le pire des cas, de femme) libéré des pesanteurs d'un obscurantisme rance, et, secundo, j'ai d'autres chats à fouetter que de materner en permanence des neuneus qui ont besoin qu'on les tienne par la main.

Mais, les rondins de l'emportement font dérailler le TGV de mon raisonnement. Heureusement, tel le judoka rouleboulant sur le tatami, la souplesse de mon esprit n'a d'égale que sa combativité : je me ressaisis donc illico. "L'essentiel, toujours l'essentiel, droit à l'essentiel", telle est ma devise !

Or donc, voici venue la fin d'une année et son long convoi amer de questionnements sur cette période écoulée, son bilan comptable des pas en avant et des pas en arrière sur le tortueux chemin menant vers l'efflorescence personnelle, ses résolutions naïves pour l'année suivante que l'on devine par avance ne pas pouvoir tenir, tout handicapé que l'on est par les casseroles de l'habitude et de la lassitude que l'on traîne derrière soi. Bref, nous voilà dans les premières heures d'une nouvelle année, et toute l'atmosphère terrestre s'emplit d'ondes sonores d'une platitude que seule la limande est à même d'imiter. "Bonne année, bonne santé" : triste cérémonial quasi-automatique pour ne pas dire pavlovien, dénué de toute profondeur de sentiment ou d'analyse, que je me propose de dépasser - et avec éclat - ici...

Car quoi de plus ridicule que ces milliards de gens hurlant ces voeux dénués de tout signifiant réel, que ces trilliards de SMS quasi mongoloïdes - bOnanÉ bOnn 100T - témoignant d'un abrutissement massif et généralisé, que ces quintilliards d'huîtres gobées - horreur des horreurs - vivantes et réduites, pour échapper à la mort, à faire de la varappe le long d'oesophages hépathiquement graisseux et dégoulinant de Sauternes ?

Non, la tentation pourrait être grande, en ce premier jour de 2006, de laisser son flux neuronal rouler dans le sens de la pente de la facilité, mais vous me connaissez : je ne suis qu'exigence, autodiscipline et rigueur. Alors je laisse les "kikoo, bonané lol !" aux préadolescents mièvres et niais, les "bonne année" aux esclaves conformistes formatés et conditionnés, les "tous mes voeux de bonheur" aux fourbes cauteleux ou aux benêts irraisonnés. Point de propensions laxistes dans mon discours : chacune de mes leçons de vie est porteuse d'un message universel et éternel, dont le moindre mot, le moindre phonème ont été polis par les flots tumultueux d'une vie déjà bien remplie.

Point donc de frelaté ici, amie lectrice, ami lecteur, je nourrirai les asticots grouillants de ton innocence au livarot puissant de ma pensée.

Quoi encore ? Que dis-tu, petit charançon insatiable ? Mon message ? Ah la la, folle et impatiente jeunesse ! Ne piaffe point ainsi, jeune blatte impétueuse, laisse le fil de mon discours dérouler la pelote de mon raisonnement, et le message t'apparaîtra bientôt dans sa lumineuse évidence.

Or donc, j'exècre toutes ces manifestations empreintes de conservatisme et de traditionalisme. L'homme est ainsi fait qu'il se repaît, à l'instar du cochon, des déchets coutumiers des générations antérieures, mais c'est là que je surgis, armé de mes couteaux pour la saignée : fuyez, fuyez, petits porcelets, fuyez l'auge de la facilité si ne voulez finir en boudin !

Car il me plait d'être ainsi le poil à gratter des habitudes, le fluide glacial des accoutumances, le camembert péteur de l'encroûtement. Je suis celui qui met en branle et fait bouger les choses, l'accélérateur de particules, le bit qui plante les programmes trop bien huilés.

Et une fois sortie de tes rails, petit anophèle ignare, la locomotive de ta vie sera à nouveau libre de ses mouvements et pourra se diriger dans moult directions qui lui étaient jusque là interdites. Certes il y aura des cahots, certes une locomotive roule moins bien sur des chemins de terre que sur des rails, certes il y a des précipices et des ravins, certes il y a des arbres, certes il y a des villes à traverser et cela risque de causer quelques dégâts, certes une locomotive sans rails risque de verser à tout moment, certes il risque d'y avoir des morts, certes tu risques de t'enliser, de t'envaser, de t'écraser, de te fracasser, mais que pèsent ces petits détails au regard d'une liberté recouvrée ?

Voilà pourquoi, je reprends sans fin le bâton de berger de ma philosophie de vie et en martèle vos crânes ovins pour mieux y faire pénétrer mes messages essentiels. Non, ne me remerciez pas, vous guider vers l'accomplissement est le chemin de croix que je me suis imposé, vous êtes les boulets que j'ai choisi de traîner, les corniauds à qui j'ai décidé d'apprendre à faire le beau, les star-académiciens de la vie que je mènerai au vedettariat de l'épanouissement personnel.

Très bien, j'en ai assez dit pour aujourd'hui, je suppose. Méditez bien mon message et sortez en silen...

Hein ? Pardon ? Que dis-tu, petite punaise fouinarde ? Quel est mon message ? Eh bien, amie lectrice, ami lecteur, il faut croire que tu n'auras pas suivi avec l'attention nécess... Quoi ? Je n'ai pas délivré mon message universel, tout en puissance et en profondeur ? Ah bon ?... Si tu le dis... Tu es sûr ?

Bon, alors, je vais te transmettre le message que tu attends, petit morpion gonophage... Laisse-moi juste me concentrer un peu........... [temps réel : 3 minutes].......... heu... écoute, il me semblait bien pourtant l'avoir glissé quelque part dans mon discours, non ?... T'es sûr ?... Bon, bon, si tu le dis, je n'insiste pas, je vais rattraper ça vite fait... éh bien... voilà... comment dire...

Quoi ? Tu n'as pas que ça à faire ? Oui, oui, attends, on n'est pas aux pièces non plus... alors... bon... heu... hem... je... non, il... heu... enfin... hem... heu... que... heu... enfin... well...

Quoi encore ?... Non, petit bousier couilloclaste, je n'hésite pas ! Non, mon discours n'est pas creux ! Non, je vais te délivrer un message d'une puissance qui va te faire pleurer les yeux de ta mère, non mais !

Que disais-je donc ?... Heu... ah oui, le message... eh bien... heu... Ouiiiiiiiiii, ça vient, calme-toi !.... hem... heu... il faut... heu, non... la vie est... heu, comment dire... non... heu... voilà, c'est... heu, non plus... heuuuuu... bonne année et bonne santé à tous !

Et maintenant vous sortez tous immédiatement sans un mot, le premier qui rigole se prend mon pied au cul !