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jeudi 9 juillet 2015

Oncle DanUn brin de muguet

Nous étions le 1er mai et, avec ma petite sœur Chloé, j'avais demandé à grand-père où nous pourrions trouver un brin de muguet pour maman.

Ah ! Petits facétieux ! s'exclama-t-il, on ne peut pas en trouver comme ça ! Une fois, j'en ai vu un. Je vais vous raconter. C'était en 1897, ou peut-être 1907, rectifia-t-il après un temps de réflexion, je ne me souviens plus très bien, mais cela n'a pas d'importance.

Nous nous approchâmes de son rocking-chair, car les histoires de grand-père étaient pleines de rebondissements et nous faisaient toujours emmagasiner de l'extase en grande quantité.

Nous étions partis d'Alexandrie, commenta-t-il, bien équipés, avec une dizaine de porteurs. J'étais accompagné de deux vieux briscards de l'exploration et de mon neveu Paul. Après plusieurs semaines d'une marche harassante sur les traces des pharaons, nous luttions à grands coups de machettes contre un inextricable enchevêtrement de lianes pour nous frayer un chemin au cœur de la forêt vierge. Nous étions, une fois encore, à la recherche des sources du Nil. C'est alors que mon neveu me dit : "Mon oncle, savez-vous pourquoi je n'irai jamais en Afrique ?".

"Jamais en Afrique", "jamais en Afrique", ânonna plusieurs fois grand père, pensivement . Et d'ajouter : Je me disais bien qu'il y avait quelque chose qui clochait dans cette histoire. Nous n'étions pas en Afrique et ce n'était pas le Nil. Peut-être le Brésil et l'Amazone, grogna-t-il dans un grincement de rocking-chair. Ah, mais ça, la forêt vierge, j'en suis sûr. La terrifiante et fabuleuse forêt. Ce n'était pas celle d'Afrique puisque mon neveu n'est jamais allé en Afrique.

Bien sûr! Suis-je bête ! Je lui ai même demandé pourquoi il n'irait jamais en Afrique, et il m'a répondu : "parce qu'il y a là-bas des Fermeurs d'Yeux".

- Des Fermeurs d'Yeux ? répétai-je en le regardant comme un chiffre premier qui s'afficherait avec une virgule. Et lui d'insister : "Oui, mon oncle, des Fermeurs d'Yeux".

Nous aurions pu ainsi répéter chacun à notre tour "des Fermeurs d'Yeux" encore une bonne douzaine de fois, lui avec une assurance granitique, et moi en me débattant dans le baquet du vif étonnement, lorsque s'apercevant que je haussais une épaule ou deux, il jugea utile d'expliquer : "certaines tribus africaines, particulièrement cruelles et superstitieuses, n'osent pas fermer les yeux de leurs morts, et font appel à des Fermeurs d'Yeux".

La nouvelle me transforma en grenouille empaillée atteinte de laryngite. Ah ça ! Je connaissais beaucoup de métiers de par le vaste monde que j'avais parcouru en long et en large, mais c'était bien la première fois que j'entendais parler de "Fermeurs d'Yeux".

Et pour accroitre l'écarquillement des miens, Paul ajouta : "un tueur professionnel aux narines incandescentes ferait figure d'enfant de cœur à côté de ces sauvages entièrement nus dont l'unique occupation est de fermer les yeux des autres, au point qu'ils sombrent rapidement dans l'accoutumance et la maniaquerie. Bien sûr ils effraient les femmes et, ne pouvant les approcher, ils sont tous homosexuels".

Paul termina sa phrase, la tête séparée de son corps, car il venait d'être coupé en deux par une antique épée récupérée par le chef d'une de ces communautés sanguinaires, postée là en embuscade.

Grâce à nos armes à feu, nous réussîmes à les faire tous prisonniers. On les enchaina, et on les mis dans un train en partance pour la prison la plus proche.

Ils étaient semblables en tous points aux Fermeurs d'yeux, et prétendaient que cette épée avait appartenu à Alexandre le Grand et avait servi à trancher le nœud gordien.

Pauvre Paul, c'est moi qui lui ai fermé les yeux, conclut grand-père en essuyant une larme.

Il était dur de la feuille et avait confondu "brin de muguet" avec "train de nus gays", mais il avait, en toutes circonstances, de belles histoires à nous raconter.

mercredi 1 juillet 2015

AndiamoLa Morgan

Avant propos :

Il y a deux jours, Petit Sucre m'a lancé un défi : sur son blog elle a posté la photo d'une "Morgan" en me demandant d'écrire un texte. Je me suis exécuté (je sais mon altruisme me perdra), elle a publié ce texte sur son blog.
Les BOSS bullent à donf, alors je me suis dit : tiens, tiens, ça ferait un p'tit billet... Pourquoi pas ?


Ah, la Morgan ! Elle en rêvait, la petite dactylo, modeste employée de chez GRATT'PLANCHES à La Courneuve !

Elle qui, au cours de ses soirées dans les p'tits guinches populaires de la banlieue parisienne, les sept îles à Montfermeil, ou chez Gègène à Nogent-sur-Marne, n'avait levé que des demi-sels, des marlous à la p'tite semaine, voire des Julots casse-croûtes !

Des michtons qui roulaient leurs caisses dans des similis Gordinis, ou des D.S rafistolées à la ficelle et au fil de fer.

Et puis, ce soir-là, avec sa copine Gigi, elles avaient décidé d'aller au "Royal Lieu", un dancing à rombières et à cousettes, situé sur le boulevard des Italiens.

Ambiance feutrée, roucoulade et patchouli, gomina à trois balles, fausses blondes et vrais maquereaux.

Une fausse brune, la bouche collée au micro qui en avait vu d'autres, sirupait (pas français ? M'en fous !) "ciao, ciao bambino" en tentant vainement d'imiter Dalida.

Nina (de son vrai blase Gilberte, personne n'est parfait) le vit arriver : grand, brun, la banane à la "Elvis Presley", la démarche chaloupée, une Marlboro, la clope des vrais cow-boys, collée à la lèvre supérieure. Au gargouillis qu'elle ressentit au plus profond de son ventre, elle sût qu'elle n'attendrait pas le deuxième soir pour lui dire "oui". Il y a des instants comme ça ou l'on voit en un éclair son avenir immédiat, et l'avenir immédiat de Nina, c'était une position à l'horizontale, dans le meilleur des cas !

Le beau ténébreux s'approcha, un sourire bref fit étinceler ses incisives comme dans les mauvaises pubs pour dentifrices bon marché, genre le mec qui s'éclate après un plongeon de trente mètres dans uns bassine, afin de plaire à une gonzesse qui porte une rose à la con entre ses quenottes.

- V'dansez ? murmura t-il en se penchant légèrement, ce qui lui permis d'admirer le panorama que son décolleté lui offrait.

Nina se leva d'un bond, elle qui d'habitude minaudait toujours un peu, afin de faire languir les mecs un peu trop pressés de vérifier si son décolleté était bidon ou pas !

La fausse brune avaleuse de micros attaqua "pour la dernière fois embrasse-moi", et le mec lui plaqua sa bouche sur la sienne...

Un "car wash", l'éléphant bleu, Karcher, patinage artistique, du grand art, un détartrage académique, les superlatifs s'entrechoquaient dans la pauvre tête de Nina, qui en moins de trente secondes avait ravagé sa petite culotte !

Sans un mot, le mec l'entraîna dehors, elle eût juste le temps de ramasser son manteau en vraie fausse fourrure, puis ils se retrouvèrent dehors dans les lumières vives du boulevard bondé comme tous les samedis soirs, à droite dans l'ombre, la vénérable façade de l'immeuble qui abritait à l'époque le journal "Le MONDE".

Elvis bis faisait tournoyer un petit porte-clés à l'effigie du symbole de l'Irlande : un trèfle à quatre feuilles.

Il s'approcha d'une petite voiture grise très basse, capot démesurément long, sièges en cuir rouges...

Nina ne pût s'empêcher de battre des mains : "une Morgan", s'écria t-elle !

Au sourire satisfait du mec, elle comprit que le "piège" avait fonctionné.

Alors, galant, il lui ouvrit la portière passager, puis s'installa au volant, petit sourire satisfait, premier tour de clé, la vaillant petit quatre cylindres hoquète, second tour de clé, le pot d'échappement émet un claquement sec.

Le faux Elvis se tourne vers Nina, sourire "Ulta Brite" signifiant : "t'inquiète, ça va le faire" !

Troisième tour de clé... TEUF, TEUF, TEUF, BANG !... suivi d'un bruit de métal tombant sur le sol, le mec sort précipitamment de la voiture se penche, se relève, livide...

- Putain le moteur est par terre !

- Et ta soirée aussi, lui murmure Nina, redevenue subitement Gilberte !


La Morgan (photo prise sur le web)