Je ne veux pas parler des blondes roulées comme un paquet de pétards, et dont le bas du dos se termine en queue de poisson ! Je veux parler des sirènes d'usines, celles qui de leurs mugissements appelaient les salopards en casquette, au turbin, au chagrin, à la mine, au charbon...

Ça commençait à six heures du matin et même cinq minutes avant, appelant les ouvriers qui bossaient en équipe, tu n'avais pas intérêt à te pointer à la bourre, car si tu pointais une ou deux minutes après l'heure, on te faisait sauter un quart d'heure ! Mais oui mon seigneur.

Ensuite, c'était sept heures pour "la normale" puis douze heures la pause déjeuner... Et ainsi de suite, parfois il me prend à imaginer cela aujourd'hui ! Car même le samedi les sirènes hurlaient ! Putain, on était loin des trente-cinq heures, on les faisait en trois jours les trente cinq heures !

Alors le dimanche pas de vélo ! Déjà pour aller au boulot tu prenais ton clou, un vieux tarare sans âge, un trajet d'une demi-heure en moyenne, autant le soir, dix heures ou dix heures et demi debout, le sport, le fitness, la muscu, c'était toute la semaine que tu les pratiquais !

Alors le dimanche, les laborieux faisaient un peu la grasse mat', ou bien bricolaient leur petit jardin pour ceux qui avaient la chance d'en posséder un. Mais je vous assure que je n'ai jamais au grand jamais vu un "ancien" pratiquer un sport après le régiment, ou très rarement, ils étaient nazes la semaine terminée, et un dimanche ça n'était pas de trop pour se retaper.

Les "Nenesse" les "Julot" les "Bèbert" et autres "Cécels", le dimanche, c'était le carton qu'ils allaient taper avec des "pue la sueur" comme eux ! Sous mon clavier, "pue la sueur" ou "salopard en casquette", ça n'est pas péjoratif : j'étais des leurs. Remuer la ferraille, tourner les manivelles des bécanes dans la poussière et le cambouis, je connais.

Les belles parties de rigolade aussi, le taf était dur, mais l'ambiance était bonne. Les gigales, qui étaient d'anciens ouvriers, comprenaient ce besoin de se défouler, nécessaire quand le boulot est dur.

Qui aujourd'hui supporterait d'entendre hurler des sirènes dix ou douze fois par jour ? Dans les années cinquante, ça ne gênait pas trop, les gens étaient levés de bonne heure, l'embauche dans les usines se faisait entre six heures et sept heures, une heure plus tard pour la misère en faux col ! (c'est ainsi que l'on nommait les bureaucrates) Par contre ils finissaient plus tard, tout le monde se tapant ses dix heures de travail journalier.

Ça ne gênait personne, nous étions habitués dès le plus jeune âge à nous lever tôt, l'apprentissage à quatorze ans, personnellement à cet âge-là j'allais à l'école à Paris, et je prenais l'autobus à Drancy à sept heures dix ! Une navette ponctuelle comme un métronome, ça me faisait lever vers six heures trente, c'est tôt à quatorze ans quand j'y pense.

Dure cette vie ? Je ne le pense pas, lorsque les mines ont fermées, les mineurs avaient déclaré avoir perdu leur dignité ! Mineur de fond, un métier très dur, pénible, mais qui leur conférait un statut, une fierté : gagner son pain.