Décrassage global

Procédez avec méthode : il s'agit, avant toute chose, de débarrasser votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) de sa gangue de glaise et de crasse accumulée depuis 1978, date de son dernier bain (une glissade malencontreuse dans la mare aux canards).

Inutile de songer au gant de toilette et au savon ou même à la brosse de crin : la cuirasse fangeuse en question a eu le temps de cuire et de se fossiliser au soleil. La méthode la plus simple est d'utiliser un nettoyeur sous pression (un Kärcher, comme dirait un certain homme politique populacier). Inutile de vous faire du souci pour votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) : un bouseux, ça a le cuir solide, et Cerutti pourrait sûrement y tailler de superbes chaussures si quelques vagues considérations éthiques ne s'y opposaient.

Si vous n'avez pas de nettoyeur à haute pression sous la main, amenez votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) jusqu'à la station-service la plus poche et soumettez-le à un programme "nettoyage carrosserie + polish", cela devrait suffire à éliminer le plus gros de la fange.

Décrassage approfondi

Inutile de rêver : vous n'aurez pas le temps de parfaire à la paille de fer le nettoyage de votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile). Utilisez des moyens plus efficaces et rapides pour éliminer les traces résiduelles de boue et de bouse séchées : invitez votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) à prendre un bain, si besoin sous la menace d'une arme (option vraisemblablement nécessaire compte tenu de l'aquaphobie de l'individu).

Vous aurez pris soin auparavant d'additionner l'eau du bain d'une dizaine de litres d'acide sulfurique (ou, à défaut, d'acide chlorhydrique, de soude caustique, de Destop, de vinaigre ou de Coca-Cola).

Laissez agir un petit quart d'heure avant d'autoriser votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) à sortir du bain. Ne vous inquiétez pas de l'aspect certainement un peu rougeoyant de la peau de votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) : c'est juste son teint rubicond qui refait surface.

Habillage

Bon, inutile de tergiverser : les haillons innommables que portait votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) sont bons à brûler (en plein air ou dans un local particulièrement bien aéré), un vétérinaire n'en voudrait même pas pour torcher le cul d'une vache, si vous me permettez cette expression osée.

Amenez votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) chez les meilleurs couturiers de la Capitale et faites-lui tailler un costume sur mesure. Achetez-lui une fine chemise de soie, une cravate, un caleçon, des chaussettes de grande marque... Je sais, cela s'apparente à une coupe de confiture aux pétales de rose offerte à un sanglier grognant, mais n'oubliez pas que votre bonne réputation est en jeu.

Cheveux

Inutile de finasser pour la coupe de cheveux de votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) : de toute façon, aucun grand coiffeur digne de ce nom n'acceptera de s'affairer autour l'amas filasseux, mélange de cheveux, de paille et de fiente de corbeau, qu'il arbore sur son crâne. Là encore, faites appel aux grands moyens : un taille-haie devrait permettre de dégrossir le travail. Passez ensuite quelques coups de râteau pour enlever les corps étrangers résiduels. Tant que vous y êtes, passez aussi le taille-haie sur la barbe de votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile), en prenant garde aux projections éventuelles de petits bouts de menton.

Dents

Evidemment, vous ne pouvez pas laisser votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) se rendre à la soirée avec une haleine rappelant un curieux mélange de lisier de porc et de cadavre de putois en décomposition. S'il vous reste un litre acide sulfurique sous la main, faites faire des bains de bouche à votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile). Complétez le détartrage à la meuleuse électrique. Peaufinez en passant du fil dentaire entre les dents. En l'occurrence, vu la dentition de votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile), du fil de fer barbelé fera l'affaire. Pour finir, faites sucer à votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) un bloc détartrant Harpic WC au pin des Landes, histoire de masquer les dernières mauvaises odeurs résiduelles.

Ongles

Utilisez des sécateurs ou une scie sauteuse, je ne vois pas d'autres solutions. Renoncez à enlever la crasse fossilisée sous les ongles : contentez-vous de la masquer en passant un peu de peinture blanche sur le bout des ongles.




Bon, logiquement, à ce stade, votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) est à peu près visuellement et olfactivement présentable (si on n'y regarde pas de trop près). Reste hélas le plus difficile : inculquer à ce rustre un vague vernis de bonnes manières.

N'espérez toutefois pas en faire un gentleman en quelques heures, cela est parfaitement illusoire. Contentez-vous de lui inculquer quelques formules plus policées que l'affreux verbiage qui est usuellement le sien.

Ainsi, apprenez-lui à dire :

  • "Mes hommages, Madame" et non pas "Salut poulette, ça boume ?"
  • "Vous êtes particulièrement en beauté ce soir" et non pas "Acré vingt dieux eud'fumelle, belle croupe que t'as là !"
  • "Ces petits canapés sont tout simplement divins" et non pas "Oh, les amuse-gueule, ça va cinq minutes, quand est-ce qu'on graille pour de vrai, fatche de con ?"
  • "Je gère une petite affaire dans l'industrie agroalimentaire" et non pas "Eh con, j'ai dix hectares de betteraves, trois hectares de luzerne, et puis je fais aussi la chèvre et le cochon."
  • "Chère Madame, me ferez-vous l'insigne honneur de m'accorder cette valse ?" et non pas "Tu danses, ma poule ? Eh Coco, tu peux pas nous mettre plutôt la danse des canards ?"
  • "Je vous remercie du fond du coeur, j'ai passé une exquise soirée" et non pas "Salut, c'est un peu cul-coincé chez toi, poulette, mais le pinard est correct."

Toutes ces phrases devront bien sûr être prononcées en gardant les lèvres pincées et sans le moindre accent. Il vous faudra donc sûrement de longues heures de répétition pour arriver à débarrasser votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) des terminaisons en "euuuuh" pas du tout muets, des "con" et des "putain" qui lui tiennent lieu respectivement de virgules et de points dans ses discours ("putain con" étant l'équivalent d'un point-virgule).



L'heure du verdict

Voilà. Après 48 heures d'efforts intensifs, l'heure de vérité approche. Vous avez tout fait pour que votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) fasse vaguement illusion et pour que votre bonne réputation soit préservée de toute souillure. Grâce à mes conseils, vous pouvez vous rendre à votre soirée l'esprit presque tranquille. Oh, bien sûr, vous savez bien que l'on ne fait pas un pur-sang d'une bourrique miteuse, mais votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) a quand même bien plus fière allure qu'il n'avait deux jours plus tôt.

Je parle en connaissance de cause : ces bons conseils sont issus d'une expérience personnelle récente, puisque j'ai moi-même été confronté à un cas similaire avec un co-blogueur (j'ai rayé la mention inutile) que j'appellerai ici SF pour respecter son anonymat.

Invité, ainsi que SF, à une de ces prestigieuses soirées où se presse le Tout-Paris, j'ai mis en oeuvre tout ce que je viens de vous décrire dans l'espoir - bien maigre - de faire passer SF pour un être à peu près humain, à défaut d'être fréquentable.

Eh bien, croyez-moi si vous le voulez, aucun mouvement de recul ne se produisit dans l'assemblée au moment de l'entrée de SF, malgré sa démarche et ses manières qui transpiraient, en dépit de mon coaching effréné, une frustre rusticité.

Bien au contraire, au fur et à mesure que la soirée avançait, je remarquais que le nombre de jeunes filles de bonne famille agglutinées autour de SF se faisait de plus en plus impressionnant.

A un moment avancé de la soirée, je vis même SF sortir dans le jardin bras dessus bras dessous avec Mademoiselle Glwadys de Saint-Rebondy, une jeune personne, parfaite sous tous rapports, issue d'une des plus fameuses familles de la noblesse française, et sur laquelle j'avais, je le confesse, des vues depuis quelques mois, sans oser toutefois l'inviter audacieusement à danser une valse.

Or donc je les vis tous deux traverser le jardin en direction de la serre exotique.

Quand Mademoiselle de Saint-Rebondy revint une heure plus tard, son teint d'albâtre avait viré au rose et sa mise semblait quelque peu défaite : une bretelle de sa robe du soir pendait misérablement dans le vide, des plis étaient apparus un peu partout sur sa tenue, son chignon laissait percer des mèches folles en tous sens, et quelques feuilles de bambous émergeaient de son corsage. Elle arborait en outre un sourire béat et un regard comme perdu dans le vide.

Elle s'approcha de moi...

- Votre ami, là, pfouuu !... Quel homme charrrrmant ! Quel tempérament !... Il est très... nature ! Il faut absôôôôlument que vous me donniez ses coordonnées !



Conclusion : si d'aventure, donc, votre cousin éloigné / co-blogueur (rayez la mention inutile) bouseux est invité en même temps que vous à une soirée huppée, réfléchissez bien et rayez la mention VRAIMENT inutile ! Par précaution, je vous conseille même de rayer les deux mentions et d'invoquer une crise de béribéri pour décliner l'invitation !