C'était jour de marché. Depuis plus d'une heure, elle traînait son gosse, un sale mioche accroché à sa jupe, qui pleurait à s'en déshydrater, sans faiblir un seul instant, pour qu'on lui achète une belle balle, celle qu'il avait vue tout à l'heure en passant devant l'étalage coloré d'un marchand de jouets.

- "Wouiiiiiiiiiin ! Wouiiiiiiiiiin ! Je veux la bahahalle ! Wouhouhouhouh !"
- "Assez ! Tu vas me rendre folle ! Ecoute, Albert, si tu ne cesses pas de pleurer tout de suite, je t'envoie une gifle !"

Et joignant le geste à la parole, elle imprima sa main sur la joue du marmot, lequel décida aussi sec de monter à 130 décibels : "BOUHOUHOUHOUH ! WOUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIN ! JE VEUX LA BAHAHAHALLE ! WOUIIIIIIIIIIIIN !"

La pauvre femme en était à avoir des pensées d'infanticide. Elle résista encore durant une longue heure, noyée dans un flot sonore qui devenait apocalyptique.

Malheureusement pour elle, le chemin du retour l'amenait obligatoirement à repasser à proximité du marchand de jouets. Epuisée, elle sut que son petit monstre avait gagné. Elle capitula, ce fut la reddition sans condition. Elle lui dit d'une voix usée par le combat qu'elle venait de mener : "Vas-y ! Tu as gagné... Choisis la balle qui te plaît"

Comme c'était un garçon intelligent, il choisit une balle qui rentrait bien dans le barillet de son pistolet, et d'un coup en plein cœur, il tua tranquillement sa mère.