Certes personne ne les attendaient… Surtout pas là !

Les Américains avaient posé les premiers le pied sur la Lune : un petit pas pour moi, un grand… Gna, gna, gna, gna !

Puis, en 2011, sans rien dire, ni effet d’annonce, ni quoi que ce soit, les Russes s’étaient posés sur Mars ! Et rebelote : un petit pas pour nous, un grand… Gna, gna, gna, gna !

Cinq ans plus tard, les Chinois explorent Vénus ! 450° à la surface tout de même, bel exploit technique.

Mais pas de : gna, gna, gna, gna... A la place : un grand pas pour nous, et rien que pour nous ! Et devant les écrans du monde entier… Un magnifique bras d’honneur !

Il n’y avait rien à glaner sur cette bouillante planète, seulement de l’esbroufe, du vent : montrer au monde entier de quoi ils étaient capables.

Seulement un petit hic… Tout petit hic : la firme chargée de fabriquer les plots d’atterrissage en matière à haute résistance aux températures élevées, pour d’obscures et mercantiles raisons de prix de revient, avait honteusement merdé sur la qualité du matériau !

Quelques secondes après avoir posé le module sur le sol vénusien, les plots se mirent à fondre !

Ils se liquéfièrent littéralement, se fondant en une osmose parfaite avec la roche. Si bien que lorsque l’équipage voulut repartir afin de rejoindre l’étage resté en orbite et dont la mission était de les ramener sur la Terre, le module fut incapable de décoller !

Le pauvre équipage périt sur le sol surchauffé. Quant au rescapé resté en orbite d’attente, il tenta de revenir sur terre, mais à la suite de manœuvres aussi hasardeuses que douteuses, il rata complètement son entrée dans l’atmosphère terrestre et fut propulsé quelque part entre Saturne et Neptune !

Quant au directeur de la firme auquel avait été confié la fabrication du train d’atterrissage, il fut livré à la vindicte populaire place Tian’ Anmen !

Et enfin, trois ans après les Chinois, les Français et leurs amis Belges posèrent le pied sur EUROPE, l’énoooorme satellite de Jupiter ! Personne ne les attendaient, surtout pas là !

Putain la gueule des Ricains, Russkofs et autres Tongs, même les Rosbifs, évincés. Toujours là pour prendre le meilleur, mais ne pas participer, indépendance oblige !

Ce 29 Juillet 2019, Gaston Bouchard, Maurice Beulmans, Philémon Chagneul et Gustave Heindrycx se posent sur Europe, après six mois, trois jours et sept heures d’un long mais pas trop chiant voyage. Ils avaient eu la sage précaution d’emporter des jeux de cartes. Dingues de belote, ils ont tout de même ruiné douze jeux de trente deux brèmes !

Gaston Bouchard, le capitaine, est le premier à ouvrir la porte du sas. CRRRR, fait-elle en pivotant sur ses gonds. Six mois dans le froid, ça mine un peu la mécanique tout de même.

Devant ses yeux incrédules s’ouvre un paysage paradisiaque, des arbres, une rivière, un ciel un peu chargé de nuages. Une douce température baigne ce petit Eden. Il lui faut prononcer une phrase, quelque chose qui restera dans les manuels d’histoire (remplacés depuis belle « burette » par des clés U.S.B.).

- Euh… Ben… J’pisserais bien un coup moi ! (surtout après le blanc de Graves que nous venons de boire afin d’immortaliser l’événement) se dit-il in petto.

Nos trois mousquetaires (qui étaient quatre comme nous le savons tous) descendent les barreaux de l’échelle de coupée et se retrouvent sur le sol Européen.

Le plus jeune de l’équipe, le Belge Maurice Beulmans, déroule le double drapeau Franco-Belge (comme les entremets d’autrefois, vous n’avez pas connu bien sûr !) dont l’emblème central représente un coq dressé fièrement sur une chope de bière. On avait pensé à mettre une grosse frite dans le bock mais ça n’aurait pas été sérieux.

- Au nom une fois, allez, allez, de nos deux grands pays, je déclare une fois, que ce stallelite… euh.. sallelite, ça est vexant une fois, ce satellite… ouf !... est annexé à compter d’aujourd’hui une fois, à nos deux pays, conjointement et réciproquement, dans un but d’équité par consentement mutuel, et en toute connaissance de cause ! Nous sommes là pour conquérir une fois, et nous le ferons, sais-tu ?

Une légère brise fait gracieusement onduler la bannière.

Nos quatre hommes s’avancent précautionneusement, quand soudain, écartant les hautes herbes, surgissent des êtres à l’apparence humaine. Pour toute parure, ils portent sur leurs bides un gland tressé, ils sont superbes, jeunes et beaux, les hommes comme les femmes sont parfaitement glabres, pas un poil ni un cheveu. Ils avancent les mains tendues en avant, en signe d’accueil.

Un peu interloqués, nos conquérants restent stoïques, ils tendent également leurs mains, le contact a lieu. Et là une foule de renseignements et de questions affluent dans leurs cerveaux, depuis l’étrange histoire des Klongs (c’est le nom qu’ils se donnent) à la demande de la recette des moules frites.

Les Klongs, d’aussi loin que l’histoire leur a été racontée, ont surgi comme ça, spontanément, sur ce monde où la technologie était à son comble, l’énergie à profusion sans que nul ne s’en occupât, des mégapoles, les voyages intersidéraux leur était communs, nul ne travaillait, la nourriture était présente dans leurs assiettes sans que l’on su comment elle y était parvenue.

Et puis, à l’inverse des humains, petit à petit, ils s’étaient débarrassés de toute cette technologie, patiemment, pas à pas, pour en arriver au dépouillement actuel. Exactement la démarche inverse de celle des humains.

Ils étaient végétariens, à une toute petite exception près toutefois, bah ! Il faut tout de même se faire plaisir de temps en temps, leur avaient-ils avoué.

Quelle bande de larves, songent nos pieds nickelés, voilà une conquête qui aura été bien facile !

Entourés par la tribu joyeuse et exubérante, nos astronautes sont entraînés vers le village fait de branches et de feuilles.

Tout n’est qu’harmonie : des enfants complètement rasés eux aussi jouent à même le sol, avec des petits cailloux ou des branchettes, d’autres jouent avec des piles de boîtes.

Au beau milieu du village trône une construction complètement anachronique : une sorte de pièce voûtée en matériau très dur, fermée par une lourde porte vitrée !

Étonnés, nos quatre hommes s’approchent, tâtent, hument, promènent leurs doigts sur la construction, un peu comme les singes dans "2001 odyssée de l’espace". Étonnant, étonnant, ne cessent-ils de répéter.

L’un des autochtones s’approche, prend la main de Gaston Bouchard. Ce dernier a aussitôt l’explication : voilà, cette salle sert pour nos petits plaisirs, seule construction que nous ayons conservée de notre ancienne technologie. Vous voyez nous sommes très proches, nous avons également nos faiblesses !

La nuit tombe, ça n’est pas la nuit noire, mais plutôt un clair obscur, l’immense disque de Jupiter, toujours visible, envahit tout l’horizon, la tache orangée en forme de ballon de rugby est bien visible.

Quatre femmes se sont approchées, superbes, minces, des hanches parfaites, une poitrine haut perchée…

- Si j’me penche un peu trop près, déclare Philémon Chagneul, j’vais m’crever un œil !

Gentiment, elles les conduisent vers l’étrange construction, en ouvrent la porte de verre. Malgré son poids, elle ne présente aucune résistance.

Plusieurs tables sont alignées. Les gracieuses sylphides invitent l’équipage à s’allonger, puis elles entreprennent de les déshabiller. Je passe sur les plaisanteries plus ou moins graveleuses de nos compères restés plusieurs mois sans présence féminine.

Ces gracieuses créatures sont allées chercher de grands rasoirs type coupe-choux. Peu rassurés, les hommes se sont assis. Un grand sourire, une douce pression de la main, les voilà à nouveau allongés. Avec une grande dextérité, nos quatre grâces commencent à raser les hommes, ceux-ci rient de bon cœur surtout lorsqu’elles attaquent les parties intimes, ce qui a pour effet de les mettre dans tous leurs états, petits gloussements des raseuses !

Le rasage terminé, les quatre jeunes femmes s’absentent un petit moment, puis reviennent chacune portant une petite calebasse. Dans ces récipients une sorte d’huile ou d’onguent. Soigneusement, langoureusement, elles oignent le corps des hommes, qui semblent apprécier hautement le traitement, au vu de la modification importante qu’une partie de leur individu a prise…

Elles se reculent, admirent leur travail. D’un sac en raphia tressé, elles extirpent des petites feuilles séchées, puis les disposent sur les corps nus, ce qui fait rire les hommes qui semblent beaucoup apprécier ces petits attouchements.

Elles se baissent et extirpent du dessous des tables des sortes de sangles faites d’un métal très souple, et commencent à ceinturer nos compères.

- Je sens que ça devient HARD, lâche Gaston Bouchard, une tite séance bondage ça va pas être dégueu.

Les autres se marrent, l’œil lubrique, la lippe gourmande.

Un petit baiser furtif sur les lèvres et les masseuses se retirent à reculons avec de grands sourires prometteurs.

La lourde porte se referme, les mains menottées sous la tête, Gaston, Maurice, Philémon et Gustave, observent la grande agitation qui tout à coup se déroule sous leurs yeux : de toutes parts des hommes et des femmes sont arrivés, ils ont dressé ce qui semble être des grandes tables, apporté des bancs en osier, alignés des écuelles taillées dans le bois, et surtout des grands couteaux en os.

Sur la porte, l’une des femmes, qui tout à l’heure s’était occupée d’eux, pose ses mains. Gaston la fixe intensément.

- Vous avez dit CONQUÊTE ? hurle la voix dans sa tête.

Le regard égrillard fait place à la panique, la sueur commence à ruisseler sur le torse des conquérants. Il est vrai que depuis le départ des jolies Dames, la température a augmenté… Fortement augmenté.