En ces temps de débats permanents autour de la monogamie, le polyamour et les extrémistes de tout poils et de toutes plumes remplacées hélas par les touches d'un clavier qui, si on n'y prend garde, vous occasionne non plus la crampe de l'écrivain mais le trouble musculo-squelettique nettement moins romantique et sexy, il me semble indispensable de revenir aux origines, c'est-à-dire au Créateur et à son inépuisable imagination, Créateur écolo de surcroît- je suis en pleine actualité- puisqu'il répugnait au gaspillage et recyclait en animal ses déchets créatifs.

L'histoire commence ainsi:

Le bon Dieu s’énervait dans son atelier… Après avoir fait le ciel, les étoiles et les planètes, les animaux de la création puis l’Homme, puis la Femme, il regarda son soleil et se dit « il est temps de faire la sieste, juste un coup de balai dans l’atelier et je vais piquer un de ces roupillons… » Parole sage du dimanche, jour de repos et non des centres commerciaux…

Une fois le coup de balai donné, se penchant pour voir ce qu’il restait dans sa pelle, Le Créateur, qui n’aimait pas gâcher, se dit que c’était trop bête de ne pas inventer un nouvel animal avec tous ces détritus : un bec, une poignée de poils, des griffes, des palmes, c’était rien que du bazar, mais ça a tout de même donné L’ORNITHORYNQUE, bestiole amphibie que tout joueur de scrabble rêve de placer dans sa grille! Elle nage à toute vitesse mais sait aussi courir- avec des pattes griffues à l’avant, palmées à l’arrière, un corps de belette (ça devait être un reste de belette, à la réflexion), une queue de castor lui servant de gouvernail (encore un qui se laisse diriger par sa queue…) et, bien que pondant des œufs, mammifère allaitant ses petits.

Les scientifiques anglais qui reçurent d’Australie un exemplaire de l’animal empaillé crurent à une blague de leurs collègues. Il y avait de quoi y perdre son latin, faut dire ! Car l'ornithorynque allaite ses petits, c'est donc un mammifère. Mais pour tout savant naturaliste, le mammifère est doté de mamelles. Pas l’ornithorynque, y en avait pas dans la pelle (du 18 joint, fallait être total défoncé pour inventer une bestiole pareille, je suis allée en Australie rien que pour en voir en vrai, ainsi que des koalas). Alors y font comment les petits nornithorynques ? Ils lèchent les poils humides du ventre de leur maman, d’où dégouline du lait. Ça s’appelle « les champs mammaires » qui comme chacun sait sont les chants les plus beaux… Pas très ragoûtant si la maman transpire, mais bon…

L’ornithorynque possède aussi un aiguillon venimeux capable de tuer des petits animaux et de faire très mal aux gros, c’est un des rares mammifères venimeux, mais quand on fait une bête avec des restes, faut pas s’étonner. Sauf qu’une fois la pelle vide, on est bien ennuyé au moment de lui fabriquer un appareil génital, urinaire et excrétoire. C’est prosaïque, certes, mais bigrement important dans l’existence, ces fonctions là! Que croyez-vous que fit le Créateur ? Ne s’est pas cassé la tête. Il a mis au pauvre ornithorynque le même trou pour tout, appelé « cloaque »- ça excite le désir et la copulation, n’est-ce pas? - dans lequel le mâle ornithorynque range son pénis au repos. Cela dénote un tempérament certes ordonné mais donne à réfléchir sur ce qui se passe lorsqu’il a envie de faire pipi ou caca…

Et dans le grand débat « mono » ou « poly » qui agite si souvent la blogbofacebooksphère (le Monopoly n’ayant rien à voir et n’étant aucunement un compromis entre les deux options), avantage une fois de plus au « poly ». Car monotrème (ça veut dire un seul trou) comme elle l’est, au commissaire qui l’interroge: « Mademoiselle, votre agresseur vous a-t-il juste violée, ou également sodomisée? », la femelle ornithorynque ne peut que répondre « Les deux,

Monsieur le commissaire ». Ce qui est, convenons-en, doublement traumatisant.

Et c’est ainsi qu’Allah est grand, concluerait Vialatte l’Auvergnat dont je vais rejoindre de ce pas le pays, la cathédrale de pierre andésite non pas noire mais sombre violet améthyste, le parc des Volcans qui élève l'âme autant que les deltaplanes dans un silence ô combien reposant, et le Gour de Tazenat, lac de début du monde, où l’on s’attend à voir s’ébattre des dinosaures et où l’ornithorynque trouverait, j’en suis sûre, refuge dans ce monotrème volcano-aquatique… (=lac de cratère).