Chère lectrice, cher lecteur,

pardonne-moi par avance le ton solennel que je souhaite donner à ce billet, qui se trouve constituer ma toute première contribution à la pensée blogosphérique.

Bien sûr, je mesure - et avec quelle humilité ! - la fate vanité qu'il y a à vouloir délivrer un message essentiel au monde avec pour tout porte-voix un dérisoire blog - que dis-je : un demi-blog dans le cas présent, partagé avec Saoul-Fifre - noyé parmi des millions d'autres blogs.

Mais je mesure tout autant la force indomptable de la pensée, l'irrésistible courant de la parole, l'attraction quasi magnétique du clavier sur mes doigts. Le temps a d'ores et déjà fait choir la neige de la maturité sur mes cheveux et raviné mon front des rides de la sapience. L'expérience a modelé le frêle bambin que je fus pour en faire un homme. Et je me dois de partager le lourd bagage qui est aujourd'hui le mien comme l'ont partagé hier les anciens avec moi.

Aussi, amie lectrice, ami lecteur, comprendras-tu que ce premier billet soit empreint d'urgence. Le compteur de ma vie a beaucoup tourné et je n'ai plus de temps à perdre en de stériles digressions : aller à l'essentiel, toujours à l'essentiel, droit à l'essentiel, telle pourrait être la devise ornant le fronton de ma vie.

Je ne ferai donc pas ici un énième billet pour ne rien dire : quoi de plus consternant que ces blogueurs polissant des phrases sans fin, privées de sens profond, tournoyant sur elles-mêmes à l'instar de maelströms mous et ineptes, ces blogueurs lançant des mots à l'emporte-pièce, en état d'hypnose extatique devant leur propre prose et emportés par elle dans un néant cotonneux, ces blogueurs à la pensée SMS et à l'écriture du même acabit ? En d'autres termes : quoi de plus vide que le vide ?

Point de vide ici : je veux que ce premier billet soit lourd de sens, porteur d'un message universel, charpente d'une philosophie qui - je n'ai pas d'autre ambition que celle-ci - sous-tendra la ligne éditoriale de ce blog. Fi donc des circonvolutions verbeuses, je ne suis pas de ceux qui tournent, tels de médiocres satellites, autour du pot. L'essentiel, vous dis-je, toujours l'essentiel !

Permets-moi toutefois, amie lectrice, ami lecteur, de pouffer sans chercher en aucune façon à masquer mon hilarité inextinguible en songeant à ces pisse-encre, ces diarrhéiques de l'écriture si imbus de leurs propres déjections textuelles (je te prie de bien vouloir excuser cette image passablement audacieuse) qu'ils en oublient jusqu'à l'objectif initial, le piètre message qu'ils souhaitaient délivrer, tout empêtrés qu'ils sont dans les épais cordages d'un style précieux et pompier.

Je rejette tout cela en bloc : je fais simple, direct, efficace, mon message n'en sera que plus percutant. Un premier billet est trop important : le message délivré donne le pouls, le rythme fondamental d'un blog. Clarté, concision, logique, tout doit concourir à rendre évident le message que je vais te délivrer dans ce premier billet.

Car vois-tu, amie lectrice, ami lecteur, je suis un coureur de fond, pas un coureur de forme. Le verbiage creux, les redondances, les discours qui tournent en boucle sans jamais délivrer de message, tout cela m'est inconnu : mes lignes d'écriture sont des lignes droites, je garde l'essentiel en ligne de mire, et mon esprit acéré appuie sur la détente, en laissant aux autres les fariboles.

Voilà, je mets là le point final à cette bien trop synthétique introduction, cette première leçon de vie partagée avec toi. J'ai le sentiment d'avoir été, par souci pédagogique, bien trop simpliste dans mon discours et dans la délivrance de mon message. Je nourris même étrangement le désagréable et obscur sentiment d'avoir oublié quelque chose. Mais baste, point de temps à perdre : l'essentiel, toujours à l'essentiel, droit à l'essentiel.

Je laisse les creuses tergiversations aux autres.