Paris, le 30 août 2005

Ma Louise, mon cœur, ma lumière,

Mon sublime amour, je t’aime. Comment pourrais-je t’écrire une lettre sans commencer par ces quelques mots, si maladroits, si dérisoires tant ils peinent à exprimer le feu passionnel qui brûle ma chair et mon âme.

Chaque jour passé loin de toi est un supplice, une absurdité, une non-vie. Seuls mes rêves te ramènent à moi, ô mon onirique Vénus, et le réveil est une mort dans le désespoir du petit jour.

Ô ma Louise, allons-nous enfin bientôt pouvoir nous enlacer tendrement, marcher main dans la main en noyant nos regards des enivrants embruns de nos cœurs ? Que ne suis-je un oiseau pour voler prestement jusqu’à toi ?

Écris-moi, mon amour, pour le salut de ma raison : une lettre de toi pansera la plaie de ton absence et m’aidera à trouver la force d’attendre le jour béni de nos retrouvailles.

Ton Julien qui te chérit



Paris, le 5 septembre 2005

Ma Louise adorée, mon début, ma fin,

Hélas, le temps égrène son chapelet de douloureuses secondes sans m’apporter de réconfort : tu ne m’as pas écrit. Je sais, je suis sûrement trop impatient, mais essaie de comprendre, mon amour, le tourment effroyable de mon âme : la flamme d’amour qui me dévore se fait flamme de l’enfer quand tu n’es pas là.

Je tourne en rond dans ma chambre, ainsi font mes pensées dans mon cerveau et mon pauvre cœur rythme en vain le temps immobile. Je meurs d’une cruelle langueur et cette langueur a pour nom « manque de toi ».

Écris-moi, mon bel amour, pour que je renaisse à la vie.

Ton Julien qui t’adore plus que tout



Paris, le 9 septembre 2005

Ma Louise, ma tendre souffrance, ma languide désespérance,

Ô ma chérie, prends-tu donc tant de plaisir à me laisser ainsi souffrir mille morts ? Ton silence est un glaive qui me transperce la poitrine. Mais du sang qui en coule, j’écrirai ton nom encore et encore, jusqu’en en vider mes veines. J’écrirai ton nom comme on écrit son testament, car tu es ma mort, ma belle mort cotonneuse qui m’étouffe de silence et me laisse agoniser, pantelant d’un amour inassouvi.

Ô ma Louise, il suffirait d’un mot pour que je revive, pour que le souffle me revienne, pour que je me relève enfin et t’emmène vers Cythère.

Réponds-moi, mon amour, je t’en supplie.

Ton Julien qui meurt d’amour pour toi



Paris, le 14 septembre 2005

Monsieur,

S'il faut en croire le nom et l'adresse figurant aux dos des enveloppes, je ne vous connais pas et je suppose que la réciproque est vraie. Je reçois depuis quinze jours des lettres de votre part fort inconvenantes et je vous serais gré de bien vouloir cesser immédiatement ce harcèlement.

Je n’ai pas à ce jour prévenu les services de Police dans la mesure où j’ose espèrer que vous êtes simplement victime d’une erreur d’homonymie. Je me verrai toutefois dans l’obligation de le faire si vous deviez continuer à m’assaillir ainsi de vos lettres.

Pour votre gouverne, sachez que je suis une grand-mère de 71 ans et que je ne suis donc pas une jouvencelle naïve prête à s’enticher du premier godelureau venu.

Je souhaite donc vivement ne plus entendre parler de vous.

Salutations

Signé : Louise Ranboutin



« Connasse ! » grommela Julien en déchirant rageusement la lettre après l’avoir lue, « comprends rien à l’amour, c’te salope ! ». Et il envoya valdinguer la corbeille à papier à l’autre bout de la pièce d’un magistral coup de pied.

Il lui fallut cinq bonnes minutes pour calmer ses nerfs. Après quoi, il s’assit à son bureau, saisit l’annuaire de Paris, l’ouvrit à une page au hasard et parcourut du doigt la liste des noms jusqu’à ce qu’il croise un prénom féminin.

« Jocelyne Frissouf ! Quel joli nom !... Jocelyne, mon amour, ma lumière ! »

Il prit un stylo et une feuille de papier à lettre.

Une nouvelle histoire d’amour commençait.