Ils ont fait l’amour une première fois en disant que ça serait la dernière, qu’ils seraient perdus. Il firent l’amour une deuxième fois en se jurant qu’ils cesseraient ce jeu fou.

Ils arrêtèrent de vouloir compter dès la troisième.

Vers la fin du mois, comme ils s’étaient vus à chaque jour, ils avaient perdu le sens de l’interdit et retrouvé celui du jeu.

C’est ce qui les perdit. Il riait, elle aussi. Dans leur petit village, personne ne riait comme ça, sauf les jours où l’alcool pouvait couler, comme au yum kipour, aux noces, mais , entre deux sabbats, le troisième jour de la semaine, dans l’après-midi, des bruits de rire …….. de quoi alarmer le bon peuple.

On les découvrit, elle et lui, dans les bras l’un de l’autre. Elle la femme de Joachim, lui, le frère de Jonas, deux adultères.

Le bon peuple la tira hors de la maison par les cheveux sur la place publique. Justement celui qui se donnait des airs de connaître la loi mieux que le grand sanhédrin était là. Alors, jubila le bon peuple besogneux, celui qui parlait d’amour et de pardon, de quoi parlerait-il enfin devant le flagrant délit ?

Elle attendait, prostrée, le jugement. Elle connaissait la loi. Elle connaissait son époux, elle savait son devoir.

Fille d’hébreux, fille obéissante, fille qui avait fermé les yeux sur le prochain, fille qui avait ouvert son cœur plutôt que la loi.

La voici femme publiquement pécheresse, femme qui avait menti à sa famille sur ses allées et venues, femme qui mentait à son mari le soir en se fermant les yeux pour l’accouplement, femme qui mentait à ses enfants en leur disant sa croyance en la loi.

Femme adultère. Femme à qui jeter la pierre, femme à tuer pour ne pas que vive la déviance aux dictats millénaires.

Le christ répondit : « Que celui qui n’a jamais péché lui lance la première pierre. »

Puis ils se trouvèrent seuls, elle et lui.

Elle n’osait pas bouger. Elle était encore sous l’emprise de la loi.

Lui, il lui demanda : « Où sont ceux qui te persécutaient ? »

Elle répondit : « Ils sont partis. »

Et lui de dire : « Va et ne pèche plus. »

Elle de se lever et de marcher jusqu’à sa maison. « Ne pèche plus , pourquoi aimer est-il péché, Monseigneur ? »

De l’habitude qu’elle avait depuis son enfance de se taire, elle n’avait pas osé poser la question. « Pourquoi permet–on aux prostituées et empêche-t-on une femme de donner son corps à celui que son âme aime ? Où est le péché ? »

Son mari l’attendait, outré. « Tu m’as menti ! »

Indéniablement, elle ne pouvait pas nier. C’était mal, elle le reconnaissait sans un mot, en reprenant la besogne.

Elle revit Jésus de Nazareth, elle revit le visage du frère de Jonas…

« Je ne mentirai plus, je ne pécherai plus » dit-elle.

Mais elle partirait demain avec celui que son cœur aime.

Non, elle ne mentirait plus.