Amie lectrice, ami lecteur,

je le sens bien : le boeuf placide du temps a brouté les herbes folles de ton impatience depuis que je t'ai dispensé le substantifique foin de mes quatre précédentes leçons de vie. Ô, comme je devine aisément que la frêle marguerite de ta soif de savoir a dû devenir un puissant baobab sous la pluie lancinante des secondes écoulées depuis que j'ai moulé à la louche pour la dernière fois le fromage de mon vécu dans la faisselle de ton inexpérience !

Las, amie lectrice, ami lecteur, le faix de ton immaturité indécrottable me pèse autant que les lourdes valises de ta désinvolte irresponsabilité. Oui, insignifiant scarabée pusillanime, tu es mon sparadrap haddockien, mon phtirus pubis gonovore, la déjection canine à ma semelle collée. Car, pour ma plus grande affliction, je me suis donné pour sacerdoce d'être le grand frère rassurant dans la cité délabrée de ton existence, la tondeuse à gazon électrique qui coupe à ras la pelouse de tes névroses, le GPS intime de la Twingo de ta destinée, qui t'indique à chaque instant le chemin le plus direct vers la félicité et te prévient à l'approche des radars automatiques des vicissitudes humaines. Et crois-moi, ce n'est vraiment pas de la tarte !

Il m'eût paru souhaitable, jeune sarcophaga stercoraria inconséquent, de laisser la bride de la liberté sur le cou de ta propre expérience, tant il est vrai que c'est en goûtant soi-même à la merde du vécu que l'on affine les papilles gustatives de son épanouissement pour mieux la distinguer plus tard du chocolat de l'ataraxie.

Malheureusement, la serpillière de ma clairvoyance nettoie le linoleum de l'évidence : tu n'es pas encore prêt, petit cancrelat hésitant, et la main de ma responsabilité déroule le papier-toilette du devoir et tire la chasse d'eau de mes réticences. Je reviens donc ici te dispenser une nouvelle leçon de vie dont tu sauras, j'en suis convaincu, tirer le meilleur parti pour faire un pas de plus sur le chemin vicinal de la condition humaine qui sentira pour toi la noisette de la plénitude.

Tu n'es pas encore prêt, disais-je donc comme tu l'auras remarqué si tu as bien suivi, ami lecteur, amie lectrice, car, à l'instar de la coquette découvrant une tâche de vin sur sa belle robe blanche, je perçois encore en toi la souillure de la tentation de la violence la plus bestiale. Ne le nie pas, petite cicadelle pruineuse, j'ai passé l'aspirateur de ma curiosité dans les recoins poussiéreux du net et j'y ai débusqué, de-ci de-là et ailleurs, l'araignée de la fureur impétueuse.

Or, tu commences à connaître le grand timonier de ta pensée que je suis, je file toujours, tel le chat affamé se précipitant vers sa gamelle de Ron-Ron au poisson, à l'essentiel. "L'essentiel, toujours l'essentiel, droit à l'essentiel", telle est la devise à laquelle, tel un pou pubien intraitable, je me tiens fermement. Je laisse aux autres, aux beaux parleurs à la petite semaine, aux rhéteurs de bas étages, aux laïusseurs verbeux, le soin de continuer à mouliner ad nauseam leurs creuses paroles en de vaines volutes de mots ampoulés, en un sirupeux dégueulis de phraséologie boursouflée, en une écume excrémentielle de prosaïques insipidités. Car hors le message, point de salut, petit myriapode boiteux, et je ne vais certainement pas couper le fil de mon raisonnement limpide avec les ciseaux de la logorrhée la plus stérile qui soit. Concision, rigueur, sobriété, voilà qui caractérise mon discours tout autant que le doigt plongé dans la narine caractérise l'automobiliste arrêté au feu rouge. Alors que l'outrecuidante lalomanie de certains pipelets danse un fade slow au son de l'orchestre poussiéreux de leur fatuité, mes phrases claires et directes exécutent une époustouflante chorégraphie au rythme endiablé du boys band de ma dialectique. En effet, peut-être l'ignorez-vous, ma devise est "l'essentiel, toujours l'essentiel, droit à l'ess..."

Hein ? Plaît-il ? Qu'il y a-t-il, jeune longicorne cérambyx ? Je l'ai déjà dit ?... Tu en es vraiment sûr ?... Oui ? Ah bon !... Tu auras sûrement mal saisi une subtile nuance entre mes deux formulations, j'imagine !... Bon, voyons, où en étais-je ?... Ah oui, l'essentiel ! Je fais foin des circonvolutions verb...

Pardon ? Pourquoi m'interromps-tu encore, petit machaon impétueux ?... Quoi ? L'essentiel ?... Eh bien, justement, je suis précisément en train de t'en parler, de l'ess... Quoi ?... Je m'égare ? Mon message ?... Evidemment que j'allais y venir à mon message, le rail de ma parole ne connais que la ligne droite de l'efficacité... Oui, donc, mon message... heu... de quoi voulais-je te parler, en fait ?... Ah oui ! Ta violence larvée, c'est ça !

Or donc, disais-je il y a une seconde à peine, les abeilles de la clairvoyance ont déversé le miel de l'évidence dans la ruche de mon cerveau : je le sens bien, la vessie de ta réserve déborde de l'urine de la fulmination et tu as besoin, ami lecteur, amie lectrice, de faire une petite pause pipi dans les wawas de la violence.

Et c'est là que j'interviens pour dire halte-là, malheureux ! Ignorerais-tu donc, jeune anthrène naïf, qu'une fois percée la canalisation de tes pulsions tempétueuses, le plombier de la civilité est bien ardu à trouver ? Ne mesures-tu pas que le ridicule dont tu t'enduis est si épais que tu ressembles alors à un pâté en croûte ? As-tu donc tout oublié de la dialectique du Zizou et du Materazzi ?

En vérité je te le dis, ami lecteur, amie lectrice, il ne faut point ouvrir la cocotte-minute de tes humeurs les plus noires, le ragoût de ta colère est meilleur cuit à la vapeur, cela conserve mieux les vitamines de tes emportements. Le temps sauvageon a tagué ma chevelure à la peinture blanche de l'expérience, aussi tu peux me croire, jeune pois sauteur du Mexique, quand je t'affirme haut et fort qu'il vaut mieux laisser le 38 tonnes de l'imperturbabilité rouler sur le hérisson de ton ressentiment. En d'autres termes, si un léger échauffement ébranle quelque peu ton flegme habituel, néglige donc les écoulement urétaux ! Je traduis pour les quelques préadolescents en grande difficulté sociale qui auraient pu se glisser parmi mon lectorat : si t'es véner, laisse pisser !

Mais que vois-je, jeune orthétrum réticulé, pourquoi lèves-tu encore le doigt ? Je conçois que tu puisses être empressé de me remercier pour la limpidité de mon précieux message, mais tu pourrais attendre que j'en aie totalement fini ! C'est d'ailleurs presque le cas, je souhaitais juste vous remercier de votre att...

Pardon ? Que dis-tu encore ? Pas clair, mon message ?... Comment ça, pas clair ?... Quoi ? Je n'ai pas dit pourquoi ce n'est pas bien de céder à la violence ?... Ah, je te reconnais bien là, petit fourmilion flavicorne irréfléchi ! Pense bien à la chose, appuie sur le démarreur de tes neurones pour faire pétarader la mobylette de ta réflexion, et tu trouveras la réponse en toi ! Voilà, je vous remercie donc de vot...

Quoi encore ?... Comment ça, tu ne trouves pas ?... Mais c'est incroyable, ça ! Il faut tout leur dire à ces petits jeunes !... Eh bien, voilà, heu, tu ne dois pas céder à la tentation de la violence parce que... heu... bin... heu... parce que c'est pas beau de se mettre en colère, quoi ! Voilà, cette fois, je vous remerc...

Mais qu'est-ce que tu me veux encore, jeune pou teigneux ?... Quoi ? C'est un peu court comme réponse ?... Non, mais dis donc, petit morveux, tu te prends pour qui pour te permettre de juger ainsi de ce qui est bon ou mauvais, hein ? C'est encore couvert d'acné juvénile et ça voudrait en remontrer aux anciens pleins de sapience ! Mais ce n'est pas aux vieux sages qu'on apprend à faire la grimace, frêle lombric impudent !... Bon, l'incident est clos, je vous remercie de...

Quoi ??? Qu'est-ce que t'as dit, là ? Je suis un vieux nul, moi ? C'est ça que t'as dit ? Allez, allez, répète, couille molle ! Espèce fumier à lapin méphitique ! Troufignard chiasseux ! Fistule purulente ! Résidu de vidange ! Allez, viens te battre, qu'on voit un peu si t'en as, cloporte à purin !... Que de la gueule, hein ? Allez, ferme-là, ta grande bouche, y'a des colombins qui dépassent ! Sale marmouset empoicré de merde ! Petit Jean-Foutre de mes gonades ! Oui, c'est ça, casse-toi avant que je t'explose la gueule à coups de barre à mine, espèce de cloporte décérébré ! Béjaune à andouillers ! Castrat merdouilleux ! Sac à liqueur séminale ! Je t'urine à la rainure anale ! Je copule avec Madame ta mère ! C'est ça dégage, tu feras remonter le QI moyen de l'assemblée !... Non mais !... Heu... Bon, que disais-je ?... Heu... Oui, voilà, j'en ai fini avec cette leçon de vie, je suis sûr que vous saurez en sucer la tige pour en tirer la sève de la sérénité.

Je vous remercie de votre attention. Sortez en ordre et sans faire de bruit.