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lundi 7 mars 2016

Oncle DanBonjour l'ambiance (4)

Je vous ai parlé en décembre d'une rentrée scolaire dans un collège de Jésuites puis, le mois dernier, de l'instruction religieuse qui nous était prodiguée de façon systématique et intensive.

Mais pourquoi un tel acharnement ?

Pour le comprendre, faisons abstraction de vous et de moi. Je sais, c'est difficile, mais essayons un instant... Vous êtes prêts ? Oui ? Nous pouvons alors affirmer, avec un risque d'erreur tout à fait marginal, qu'il existe peu de Saints "vivants". En revanche, les martyrs sont légion. Le Saint, expert dans l'art de l'auto flagellation, n'a de cesse de trouver une mort particulièrement pénible et affreuse, comme s'il n'y avait pas de sainteté sans volupté de la souffrance.

Saint André et sa croix, Saint Sébastien et ses flèches, Sainte Hure et ses jeûnes sont de grands classiques. Naturellement, j'avais un faible pour ce prophète du nom de Daniel, qui n'avait jamais pris un bain de sa vie et dont l'odeur de sainteté coupa l'appétit des lions les plus affamés. Au collège, notre imagination perverse trouvait davantage son compte avec les tortures infligées aux malheureux Jésuites qui sont allés évangéliser le Canada, le Japon ou l'Ethiopie aux XVI° et XVII° siècles.

Plus de deux cents d'entre eux sont morts martyrs pendant cette période. Les indiens du Canada les suspendaient par les poignets à la cime de jeunes arbres, choisis en fonction de leur poids, pour que leurs pieds viennent frôler le sol préalablement recouvert de braises rouges. L'arbre faisait ressort et ramenait toujours le supplicié vers le feu, jusqu'à l'épuisement et l'asphyxie. Combien de membres coupés, d'ongles arrachés, de crânes scalpés, de corps écorchés vifs puis brûlés a t'il fallu offrir à Dieu pour bâtir son Eglise ? Elle s'est édifiée sur la souffrance de ces hommes, massacrés pour avoir voulu imposer une religion qu'ils croyaient être la seule qu'un être humain pût admettre.

Ces hommes hors du commun puisaient leur volonté et leur courage dans leur conviction de posséder la Vérité, et ces lectures nous imprégnaient du postulat à la base de leur apostolat : le Jésuite a raison.

Dès notre retour au collège (après la récollection évoquée le mois dernier), un de ces disciples de la Compagnie de Jésus était chargé de nous rappeler tout au long de l'année cet article premier du règlement de la Maison : Le Jésuite a raison.

Ayant fait vœu de célibat, de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, les Pères jésuites sont prêts à consacrer leur vie à l'exécution de la mission supérieure dont ils sont investis. Nos lectures nous l'avaient fait comprendre, et comme nous n'envisagions pas, à priori, de suspendre nos éducateurs aux arbres du parc, la partie promettait d'être serrée.

Pour mieux cerner la personnalité complexe du Jésuite, il faut savoir que son curriculum vitae comprend nécessairement deux ans de noviciat à l'issue desquels il prononce déjà des vœux perpétuels, deux ans de juvénat pour compléter sa formation intellectuelle, trois ans de scolasticat de philosophie, le temps de préparer une licence de philosophie ou de sciences, deux ans durant lesquels il sera professeur ou surveillant avant de commencer un nouveau scolasticat, de théologie cette fois, qui dure quatre ans et au terme duquel il devra encore subir un an de probation avant d'être admis au sein de la Compagnie.

Ce parcours d'une quinzaine d'années avant d'accéder à l'Ordre convoité, composé uniquement de noviciat et juvénat sans chocolat, et de scolasticat sans radada, donne un avant goût de la profondeur des motivations et de la vocation de ces hommes. L'état d'esprit dans lequel ils en émergent, l'esprit jésuite bien sûr, est celui d'un grand Corps dont ils ont accepté l'influence par une adhésion prolongée et constante. Centralisé et très hiérarchisé, il se compose de "frères" qui, par incapacité ou humilité, n'ont pas accédé aux études supérieures, et de "Pères profès" qui sont entrés dans la "societas professa" et parmi lesquels seront choisis les pères supérieurs reconnus "aptes à gouverner", aptus ad gubernationem. L'un comme l'autre est un jésuite. Le second ne se voit confier sa charge que pour un temps limité, après quoi il rentrera dans le rang et sera soumis, avec obéissance, à l'un de ceux qui lui était naguère soumis.

Le Jésuite dépend étroitement de son supérieur immédiat et se doit d'exercer une autorité sans faiblesse sur ses subordonnés, mais le moment venu il devra consentir à l'holocauste de sa volonté propre et exécuter de nouvelles tâches dans un esprit de disponibilité totale et de docilité aux directives reçues. "Unir à l'initiative, sans laquelle on ne fait rien, la dépendance qui humilie et aide à purifier les intentions de l'apôtre", voila son objectif, et rien ne l'en détourne. Pour l'atteindre, il fait en sorte que son obéissance chasse ses scrupules et lui apporte l'indifférence. Ce détachement est la vertu majeure du jésuite. Il lui faut taire sa propre volonté qui doit se confondre avec celle de son Ordre. Cette nécessité l'exerce quotidiennement à la dissimulation. Ignace de Loyola n'a t'il pas écrit dans ses "Constitutions": "Toutes les forces doivent s'appliquer à cette vertu qu'est l'obéissance... Chacun doit être convaincu que quiconque vit dans l'obéissance, doit se laisser guider et diriger...comme s'il était un cadavre qu'on peut transporter n'importe où et traiter n'importe comment, tel encore le bâton du vieillard qui sert partout et à tout usage..." Résumons-nous. Le jésuite est obéissant mais autoritaire, indifférent et dissimulateur. Il est volontaire mais exigeant, sans scrupules et rusé, la fin justifiant les moyens.

Cela explique pourquoi la vie du collège jésuite repose sur une discipline très stricte ...

J'avais besoin d'être "suivi" et je fus mis dans une école où les enfants étaient "suivis".

Après les Sœurs, puis les Frères, voilà que j'étais suivi par les Pères. La filature était serrée. Je me retourne encore en courant.

(à suivre)

jeudi 3 mars 2016

AndiamoBoris Vian

Les chansons de Prévert me reviennent

De tous les souffleurs de vers...laine

Du vieux Ferré les cris la tempête

Boris Vian s'écrit à la trompette

Cette chanson de la Souche m'est revenue alors que sur Paris à l'heure où j'écris il tombe de gros flocons : les giboulées de Mars, les bien nommées.... Il est des êtres comme ça, qui meurent très jeunes, mais qui ont vécu en peu de temps, ce que d'autres n'auront jamais vécu en une vie deux fois plus longue...

J'ai connu un homme qui est décédé à 32 ans, toubib de son état, il ne venait pas d'un milieu très "favorisé" payait ses études en déchargeant les camions à Lille, s'offrait à des prix dérisoires les costumes d'occase de ses copains de fac, plus, beaucoup plus favorisés que lui !

Comme on dit "il brûlait la chandelle par les deux bouts" ! Sa propre mère disait de lui : "on a l'impression qu'il veut vivre vite, tout connaître rapidement, il me fait peur" !

Peur justifiée, à 32 ans accident de la route, mort sur le coup !

Ceci pour vous parler de Boris Vian, lui aussi a vécu en 39 ans seulement, ce que beaucoup aurait voulu vivre en trois vies !

Touche à tout de génie : ingénieur de Centrale, musicien, écrivain, scénariste, peintre, dessinateur, humoriste, il avait même préparé 48 émissions de radio destinées à une radio New Yorkaise, ces émissions traitaient du jazz. En 1937 il avait intégré le Hot club de France. Inventeur de génie ! Il avait imaginé, pensez donc : un piano cocktails, instrument avant gardiste s'il en fut, on aurait composé des cocktails tout en jouant du piano ! Ah la belle invention ...

Né en 1920, je ne vous apprends rien en vous disant qu'il avait 25 ans à la libération, il a hanté les nuits de Saint Germain des prés en compagnie de Juliette Gréco au "Tabou", j'y suis allé parfois Ô c'était il y a fort longtemps.

Il a même écrit à la façon des auteurs Américains sous le pseudo de Vernon Sullivan, le fameux roman "j'irai cracher sur vos tombes ". Je l'ai lu j'étais tout minot, ce bouquin était au milieu de tant d'autres dans la bibliothèque paternelle, chez moi point de tabous, tous les bouquins étaient accessibles, et ça ne nous perturbait pas, je vous avoue que je préférais et de loin les aventures de Tintin et Milou, à celles du Roi Pausole (Pierre Louys) , ou de Nora la guenon devenue femme (Félicien Champsaur), ou encore d'Aphrodite du même Pierre Louys ! Comme quoi il est bon de laisser les mômes faire leur choix.

Dans cette bibliothèque véritable caverne d'Ali Baba, il y avait même un carnet rempli de chansons de corps de garde, compilées par les soins paternels, et illustrées par lui même ! Il avait un sacré coup de crayon mon paternel !

Quant aux autres ouvrages de Monsieur VIAN, je ne vous ferai pas l'affront de vous les citer !!

Alors j'ai voulu lui faire un petit tout petit clin d'œil, et dire : "merci Monsieur VIAN" !

(ch'tiot crobard Andiamo)