Tiens je m'aperçois que je vous ai souvent parlé de Marc mais que je n'ai jamais fait de billet spécifique sur lui. Nous avons été dans la même classe depuis la seconde, en 72, nous passions tout notre temps libre ensemble, tous nos WE... Après le bac, je travaillais en Normandie, je l'avais fait embaucher dans la même boite et, de retour sur Bordeaux, nous avons été en concurrence autour de la même fille, enfin, jusqu'à sa mort en 82, on ne s'est pas beaucoup quitté.

Pourquoi deux âmes se rencontrent-elles ? Je ne sais pas si c'est très constructif d'essayer de disséquer le processus, mais on peut essayer : je n'avais plus mon père et lui ne l'avait pas sous la main puisque son paternel avait installé femme et enfants puis les avait abandonnés. Son père était un espèce d'aventurier qui commerçait au Vietnam et qui s'était marié avec une métis de là-bas. Marc était donc quarteron, comme notre Françoise , mais moins compliqué qu'elle quand même comme origines ! Ce côté "issu des colonies" le rapprochait de mes ascendances "pied-noires", aussi.

À part ces deux points, il faut bien reconnaitre que nous étions fort dissemblables : son corps était un outil bien huilé dont il faisait ce qu'il voulait , ses nombreuses années de judo lui ayant donné des muscles, une souplesse et des réflexes impressionnants. Alors bien sûr, il m'a tiré dans ce sens et nous avons fait plein de sports ensemble, mais dès qu'il fallait un peu de ressort, ou dès que la vitesse s'accélérait, ou qu'il prenait de l'altitude, je l'abandonnais à son destin de risque-tout.

Si l'on excepte sa superbe pipe en forme de dragon que sa "veuve" m'a gentiment léguée, Marc m'a également laissé en héritage sa manière très particulière (ancestrale ?) de faire le riz.

Vous mesurez autant d'eau en volume que de riz. Vous la mettez à bouillir puis vous versez le riz dedans. Un tour de cuillère pour mélanger et vous posez la casserole sur le plus petit feu de votre cuisinière, réglé au minimum, sans oublier le couvercle. Marc utilisait pour ce faire une mauvaise casserole en aluminium fin. Quand il n'y a plus d'eau, mais vraiment plus, éteindre et laisser couvert.

En principe, si tout le fond de la casserole a attrapé, vous avez réussi "le riz à la Marc". Le meilleur, c'était bien sûr la partie grillée. Bon, ça se déguste avec "la sauce à la Marc" : vous prenez un Tupperware (c'était la mode) et vous melangez dedans moitié Nuoc-Mam, moitié jus de citron, et là j'aimerais pousser une grosse gueulante : le Nuoc-Mam des années soixante-dix avait du caractère, lui ! Rien à voir avec le liquide insipide banalisé pour plaire à vos palais d'occidentaux-chochottes que l'on trouve actuellement sous le même vocable !

Comme nous étions de voraces adolescents, nous rajoutions beurre et rapé.

Mais bonjour après, le boulot pour rattraper la casserole !