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lundi 19 octobre 2015

Saoul-FifreFais donc un saut à la droguerie

Allez, je reviens vous raconter des bribes de ma vie passionnante. Ma boite mail étant saturée de commandes pour le produit "La vraie vie", faut peut-être que je les transmette au service "Livraisons". Mais on va lisser les expéditions, hein, trop d'un coup, le service "Production" risque de ne pas suivre, ça va pas fort en ce moment, machines obsolètes, grèves à répétition, départs en retraite massifs, bugs informatiques intempestifs, la rentabilité n'est pas au top, moi je vous le dis et c'est pas la peine de leur mettre la pression, ils s'aplatissent et pis c'est tout.

Hier la belle-doche est revenue de la clinique, ça c'est plutôt une info pour Anne. Anne ? C'est une de nos fidèles commentatrices. Oui bon je vous parle d'un temps que les moins de trente mille ans ne peuvent pas connaitre, on peut pas dire que nos réponses à ses interventions actuelles nous bouffent trop de temps de loisir mais c'est une ancienne et puis elle a un espion, le bon Bof, qui la prévient dès qu'on tape ici le mot "chèvre" et là elle rapplique illico, assimilez cette attitude zarbi à de la formation professionnelle continue, en gros.

Donc Ma'ame Denise se fait ramener au château (en ruine) par le carrosse (l'ambulance) et princesse Margotte m'envoie au burg, muni des derniers parchemins de son mire, pour l'approvisionnement en onguents et décoctions diverses, chez la pote Hicaire. Je dis la pote car un large sourire éclaire son visage à chacune de mes entrées dans son officine, on est dans son trombinoscope des bons clients.

J'aime pas les pharmaciens. Et je déteste aller dans une pharmacie. Margotte le sait très bien et si elle m'y envoie quand même, je suppose que c'est dans un but thérapeutique, pour me faire "travailler" sur cette obsession peu constructive en espérant qu'un jour elle se débloque ? Je n'envisage aucune autre explication. Non ? Vous croyez vraiment qu'elle me demande d'y aller par pur vice, juste pour me faire chier

Rhoooooo laaa ssaaa looo peu ...

Enfin : j'avance et sans besoin de sésame (mais ils doivent en vendre du bio dans leur espèce d'épicerie pour malades) la porte en verre s'ouvre toute seule, il faut dire que ceux qui viennent ici sont tous de grands fragiles à qui il faut éviter tout effort.

Mon nom est "sobriété" quand j'entre chez ces empoisonneurs légaux. Je tends les ordonnances de Denise et sa carte "Indispensable" sans prononcer un seul mot. Mais la commerçante ne l'entend point de cette oreille et m'abreuve de questions auxquelles je ne pige que pouic et me noie sous des précisions dont je n'ai rien à fiche. Elle cherche à me faire compatir à ses petits soucis d'approvisionnement, je la dévalise semble t-il, pourvu qu'elle n'appelle pas les flics, elle me parle de génériques, sans doute une cinéphile, de doses, elle en tient une bonne, c'est certain, de gratuité possible en s'attachant plus à l'esprit qu'à la lettre de l'ordonnance et là je hausse légèrement le sourcil pour l'encourager dans cette direction, conscient d'être le dépositaire momentané des intérêts de ma belle-mère.

Elle disparait longuement dans l'arrière boutique, pour se tripoter la pastille, j'imagine, et revient avec une tripotée de boites de médocs haute comme le Ventoux d'un air de dire "Voilà ce que je branlais, espèce d'obsédé..." et c'est vrai que j'en avais jamais vu autant d'un coup sur son comptoir, de boites, un quart de son stock, à vue de nez.

La belle-doche va vraiment pas bien, j'ai l'impression.

Pendant que j'attendais ma commande, une dame rentre avec un bébé. Le bébé est à califourchon sur un horrible camion en plastique flashy emmanché d'une canne que pousse la mère. Au centre du volant ya un klaxon deux tons et le bébé appuie dessus sans se lasser. Le son est insupportable, vrillant, mais pas un client ni aucun vendeur ne bronche. On est polis, c'est un gosse, on prend sur nous, on n'en pense pas moins, on zieute quand même du côté de la mère qui pourrait s'en occuper, quand même, cette grosse conasse, non mais tu crois que ton gnome va devenir Arthur Rubinstein en lui faisant écouter deux notes en boucle ???

Le gosse s'éclate vraiment à appuyer sur son bouton, nous avons affaire à un authentique sérial pousseur, il est concentré sur son étude de Sor mais une étude à deux notes, vous voyez ? Ce môme joue avec nos nerfs donc avec sa vie, l'ambiance devient crispée, on se supplie des yeux pour savoir qui va intervenir, l'emplafonner, étrangler sa mère enfin il faut absolument que l'un des deux paye pour cette torture que nous subissons.

Et puis entre deux bla-blas de ma potarde, je baisse à nouveau le regard vers le Mozart en herbe : parti, le virtuose ! Je cherche la mère, on a fini de la servir et elle est sortie elle aussi !

MAIS LE BRUIT CONTINUAIT !!!!

Alors là je peux vous dire que la parole trop longtemps contenue s'est libérée dans la pharmacie !

- Mais où il est le petit ?
- Et la mère ?
- Mais alors d'où vient ce bruit qui nous casse les oreilles depuis dix minutes ??
- Il faut absolument le faire cesser de suite ! Mais c'est dingue, ça !
- Mais je vais craquer, je supporte plus !

Et là, une dame a fouillé calmement son sac, en a sorti son portable en disant : "Oups, c'est le mien, il est nouveau et je ne suis pas encore habituée à la sonnerie..."

Le pauvre gosse appuyait effectivement sur son klaxon, je le voyais bien, il était juste à côté de moi, mais aucun son n'en sortait ...

'tain, c'est la dernière fois que Margotte m'envoie à la droguerie !

mercredi 14 octobre 2015

AndiamoLa rentrée... (selon Anatole France)

Autrefois, il y a longtemps, et c'est si loin, mais je m'en souviens comme si c'était hier.

La rentrée se faisait le 1er octobre, après deux mois et demi de grandes vacances... Point de mixité à l'époque tu penses : d'un côté les filles, de l'autre les garçons !

Dans la cour ceinte des murs de classes tout gris, déjà les feuilles des catalpas jonchaient le sol, et cet arbre nous offrait de jolis "casse-têtes". Mais oui tu sais ces grands trucs durs (là j'en vois qui se marrent) qui ressemblent à des haricots verts ! Et bien c'est le "fruit" du catalpa, un don du ciel, les bagarres à coups de casse-têtes, nous étions les Sioux défendant leur peau contre les Yankees.

Dans cette cour nous retrouvions les copains de l'année précédente, à l'époque à l'école nous nous appelions par notre patronyme, et non par le prénom, les instits aussi nous appelaient par notre nom, lui c'était M'sieur ou M'dame si c'était une Dame bien entendu.

Je n'aimais pas la rentrée, je n'aimais pas l'école d'une façon générale ! Pas plus que le caté ou le patronage, fusse t-il curé ou laïque, je préfèrais la rue et mes copains, ceux avec les genoux cagneux, et des lance pierres dans les poches, ceux avec des billes, et des pauvres colts de cow-boys faits de bric et de broc, des traîneaux avec quatre roulements à billes en guise de roues (pas des Timken, les roulements), enfin la vraie vie, celle de l'immédiat après guerre (la seconde bande de nazes, je vous vois venir).

J'en ai noirci des pages de :"je ne dois pas bavarder en classe", "je ne dois pas apporter de billes en classe" quand par malheur en tirant un tire moelle de ma glaude, je faisais tomber la bille qui me vaudrait la crampe de l'écrivain ! Et les potes qui s'esclaffaient...

Dans la cour on s'inquiétait : "tu crois Martin qu'on aura le père Patard ? C'est une peau d'vache ! Ou la mère Brindille quelle fumelarde ! J'aimerais bien avoir M'sieur Duglot il est gentil...

Le dirlo sifflait la rentrée des classes, silence religieux, t'avais pas intérêt à moufter ! Tous alignés dans la cour il énonçait les noms des élèves, ainsi que l'instit qu'ils auraient à supporter durant une longue, longue année.

Nous rentrions en rang par deux, avant d'entrer on prenait "les distances", un bras tendu nous séparait du pote de devant, un autre bras à gauche pour celui d'à côté ! Ben oui je vous vois écarquiller les gobilles, ça rigolait pas à l'époque.

En entrant, on restait debout, bousculade afin de se placer à côté de son pote, des équipes se formaient,je n'aimais pas trop "le calcul" alors je me collais près d'un costaud en divisions, et je lui permettais de copier ma dictée, OH ! Je n'étais pas un foudre, mais je n'étais pas trop mauvais, il y avait pire !

Enfin l'instit nous demandait de nous asseoir, puis c'était la leçon de morale, suivie d'un commentaire que nous devions écrire juste sous la date du jour.

Immanquablement le premier jour de la rentrée nous avions une dictée... Toujours la même ! Un extrait d'un texte d'Anatole France : "Le livre de mon ami", l'extrait s'appelle LA RENTREE.

Je vais vous dire ce que me rappellent, tous les ans, le ciel agité de l'automne et les feuilles qui jaunissent dans les arbres qui frissonnent, je vais vous dire ce que je vois quand je traverse le Luxembourg dans les premiers jours d'octobre, alors qu'il est un peu triste et plus beau que jamais, car c'est le temps où les feuilles tombent une à une sur les blanches épaules des statues. Ce que je vois dans ce jardin, c'est un petit bonhomme qui, les mains dans ses poches et sa gibecière au dos, s'en va au collège en sautillant comme un oiseau. Ma pensée seule le voit, car ce petit bonhomme est une ombre : c'est l'ombre du moi que j'étais il y a vingt cinq ans.

Voyez vous Anatole France était né en 1844, vraisemblablement il traversait le jardin du Luxembourg étant enfant vers 1854 soit 95 ans avant moi ! Et bien nos rentrées des classes n'étaient sans doute pas très différentes à près d'un siècle d'écart ! Aujourd'hui entre mes enfants et leur rentrée, et les minots d'aujourd'hui, il y a un monde ! Et pourtant seulement 34 ans les séparent.

Cherchez bien je suis sur le Daguerréotype !

Petite remarque : sur cette photo nous sommes 41, et il y avait des absents !

vendredi 9 octobre 2015

FrançoisePetites scènes d'un monde très con...necté

Déjeuner avec une amie. Son bureau m'envoie un mail de confirmation : date, heure, lieu du rendez-vous. Fabuleuse organisation ! Le jour dit, j'attends au resto, patiente vingt minutes, puis lui envoie un SMS.

Son téléphone est sur messagerie. Une demi-heure plus tard, texto navré : « Je suis atterrée, je t'ai complètement zappée, mon smartphone ne m'a pas envoyé le rappel de RV et je suis à l'autre bout de Paris !»

Finalement, les trous de mémoire dont se plaignent tant de gens en redoutant la maladie d'Alzheimer viennent peut-être seulement de cette habitude de confier leur agenda à des machines, en oubliant d'exercer leur propre mémoire, qui mollit faute de servir. Comme les muscles...

Arrêt dans une supérette à la recherche d'un en-cas rapide. J'opte pour le plus basique, a priori sans surprise : « mini-sandwich jambon/emmental pour enfant ». Je m'attends à y découvrir malgré tout de l'amidon, des exhausteurs de goût, du sucre inutile, quelques E... quelque chose, mais suis tout de même restée rêveuse devant l'avertissement : « Peut contenir des traces de poisson, crustacés, céleri et sésame. Ils les préparent sur des couvercles de poubelle, les sandwiches ?

File d'attente au cinéma. Devant moi, un homme donne à une amie des nouvelles de ses enfants : « Mon fils aîné est designer, le second graphiste et le dernier fait des études de photographie ». L'amie révèle que sa fille est elle-même infographiste et son fils apprenti-comédien. Allons-nous vers un monde exclusivement artistique et culturel ? Joli rêve- make art, not war- qui se heurtera au mur du réel s'il n'y a plus d'ouvriers pour fabriquer les ordinateurs, appareils photos ou pigments pour la peinture nécessaires aux artistes, ni de médecins pour soigner leur dépression existentielle, ou de paysans pour leur permettre de se remonter le moral devant une bonne bouffe arrosée de bon vin, vu que ces choses là ne poussent pas spontanément.

Guichet de banque : « Je viens chercher mon chéquier, j'ai reçu un mail disant qu'il est à l'agence. » La préposée scrute son écran : « Ah non, il n'est pas arrivé » -Pourriez-vous regarder tout de même ? - Ben non, puisqu'il n'est pas arrivé... -Ben si, puisque on m'a annoncé sa mise à disposition. » De mauvaise grâce, elle ouvre un tiroir, et y trouve le chéquier. La confiance aveugle dans l'informatique « plus fiable que l'esprit des hommes » a eu des conséquences autrement plus graves dans les années 1990, provoquant trois crashs aériens... là où l'avionneur promettait facilité et fiabilité.

Une Fbookeuse, comblée sur sa page de « like », «t'es sublime », « je t'M », « Superbe ! » « bisous ma chérie » et autres louanges dithyrambiques, et qui distribue elle-même des mots doux en pagaille, se demande dans la vraie vie si ses a-mis/mants/moureux l'aiment vraiment tant ils lui accordent peu de tendresse. J'ai alors pensé à cette jolie phrase du dessinateur Gébé : « Les femmes débordent de tendresse, alors les hommes oublient souvent de leur en donner. Penserais-tu à donner à boire à une source ? » et je me suis demandé si FB, en débordant de superlatifs positifs et « likeux » ne crée pas l'illusion d'un monde aimant, qui débouche au réel sur de vraies solitudes...

(Ch'tiot crobard Andiamo)