Jamais je n'ai jeté un seul œil sur un épisode de la série "Urgences". Mes choses étant c'cal'çon, je suis absolument insensible aux charmes du bel orge cloné, mais surtout, j'ai un très mauvais rapport avec la maladie, ou plutôt : un excellent, puisque, je touche Dubois, approche-toi mon chéri, plus près, je suis rarement malade. Quand je le suis, je me transforme en un Hulk pustuleux et purulent pendant quelques minutes, et de me voir en vidéo, ça me dégoûte de recommencer pendant un sacré moment. Je vous donne le truc pour ce qu'il vaut, tout en reconnaissant honnêtement que ça ne marche pas avec tout le monde.

Bon, soyons clairs : je hais les médicastres, les enculistes, les laryngardologues, les gynricalewistes, les osses-qu't'as-aux-pattes, les apothicaires et tous les charlatans, avec leurs serments d'hypocrites et de c'cul-lappe... Si tout le monde mettait les pieds aussi souvent que notre famille dans les pharmacies, l'Institut Pasteurisé UHT et tous les trusts pharmacopiques ramèneraient moins leur grande gueule dans les médias et Thierry Desmarest ferait moins le fier-à-bras dans les bigs boards des conseils d'administrations si on utilisait aussi peu son véhicule que la famille Tant-Bourrin. L'arme économique, ça existe. J'aimerais bien qu'on m'explique pourquoi, quand les dépenses de "santé" augmentent, les politiques se frottent les mains ? Pour moi (mais je suis très con), ça veut juste dire que les français sont de plus en plus malades et malheureux.

Quand je pense qu'on a le droit de passer des spots de pub à la télé pour les médocs, et pas pour le Médoc !?!

Ça me donne soif, d'un coup. J'hésite entre courir m'acheter un réhydrateur de gorge en spray, ou bien me jeter derrière la cravate un ballon de ce superbe mono-cépage de Malbec, une grande idée du Château Roland La Garde, à St Seurin de Cursac. Je me tâte, vraiment : le choix est difficile.

Bon, ça va mieux, il ne faut jamais s'emballer, tout problème a sa solution. Pourquoi je vous parlais de cette série débile, déjà ? Ha oui : j'ai passé ma journée aux urgences, hier. Hier, 14 Août, veille du 15 Août, petit lundi tout seulet entre un Dimanche et un jour férié. Urgences. Le pluriel s'impose puisqu'on en a fait 2.

La 1ère clinique nous a fait le coup de la caissière de supermarché dans la lune qui vous dit en regardant sa montre, alors que vous venez de vous taper 15 mn de queue, et qu'elle est pressée d'aller s'en farcir 15 cm : "Désolée, Monsieur, je ferme...". En l'occurrence, après une heure et demie en salle d'attente, nous avions encore 3 personnes avant nous et nous avons vu sortir une dame qui boitait bas et qui nous dit : "Bon courage, moi je m'en vais, ils sont bien gentils, ils sont venus me chercher ya 2 heures, ils m'ont mis dans une chambre mais la machine a faire les radios a un problème électrique et de toute façon, il n'y a pas de docteur".

L'effet a été immédiat : tout le monde s'est levé et l'a suivi dehors. Tellement efficace que je me suis demandé si ce n'était pas une infirmière de la clinique qui nous avait joué ce sketch pour se débarrasser des derniers "patients" ?

Bon. Trente bornes de plus pour aller à l'hôpital suivant. Ma belle-mère (77 ans aux prochains pissenlits) s'est donc cassé la margoulette et souffre visiblement beaucoup, heureusement en silence, car je ne supporte pas les caprices. Il s'est avéré (le soir, beaucoup plus tard) qu'elle avait la tête humérale cassée et déboîtée, sans nécessité d'opérer. Ce matin, je me suis dévoué pour l'accompagner, et bien m'en a prit, car la voiture a eu AUSSI une panne mécanique que j'ai pu réparer tout seul sinon ça aurait été encore plus compliqué.

On arrive tous les 2 aux urgences de Salon-de-Provence. Les plantes vertes dans le hall, c'est que de l'ail, ou de la farigoulette... La salle d'attente est pleine. Sympa. Mais nous sommes des pros, endurcis par notre 1ère attente dans la clinique. La belle-doche, les terminaisons nerveuses insensibilisées par la douleur, arrive même à s'assoupir. J'ai juste le café de ce matin dans le ventre. C'est peut-être l'occasion ou jamais d'entamer un jeûne thérapeutique ? Je trépigne en lisant les affiches placardées. Un papier m'intrigue :
L'ordre d'admission n'est pas lié à l'ordre d'arrivée. Il est déterminé par l'équipe médicale, seule juge de l'urgence d'une intervention
Cool, comme principe. Et je comprends tout de suite mieux les va-et-vient entre la salle d'attente et le guichet de l'accueil, de tous ces gens qui se plaignent, qui engueulent la secrétaire, qui s'arrachent les vêtements et les pansements pour lui montrer leur plaie, qui lui posent des jambes poilues sur le comptoir... Quand je finis par comprendre que certains arrivaient à émouvoir la gentille secrétaire avec de simples symptômes de biture carabinée, dans le but de doubler leurs concitoyens, je m'approchai et tentai ma chance : "bientôt centenaire..., douleur abominatroce..., fracture ouverte..., addiction pathologique à l'eau écarlate, à l'éther dénaturé et au rosé de provence, prémisses de complications post-opératoires...", mais sans arriver à remonter dans la file ordinale les 2 menteurs professionnels (politiques potentiels) qui avaient réussi à passer devant la génitrice de Ma Vie, de Mon Âme, de Mes Yeux, la mère à la Margotte, là, quoi ?...

Nous ne sommes pas chez le dentiste : il n'y a aucune revue genre Gala, Jours de France (ça existe encore ?), Challenges, Le Pèlerin (et ça ?), pour me faire prendre mon mal en patience (ma belle-mère ne sait pas lire (je plaisante)). Elles ont dû être volées. Il me reste les affiches et j'ai du bol : le service n'en est pas avare.

Si nous ne vous parlons pas, c'est que nous regardons la télé (avec la photo d'une infirmière qui scrute anxieusement un moniteur d'électrocardiogramme)

Pour vous, nous faisons le maximum. Soyez polis. C'est le minimum. (avec un petit rappel du numéro de la loi sur les agressions de personnel hospitalier)

Mettez la main devant votre bouche pour tousser
Et lavez-vous les mains après...

Mettez vos mouchoirs en papier à la poubelle
Et lavez-vous les mains après...

Masturbez-vous au lieu de draguer les aides-soignantes
Et lavez-vous les mains après... Keep quiet : it's just a joke !

Chacun son histoire. Gardez les distances
Comme cette note est scotchée à l'accueil, je n'ai pas bien compris s'il fallait garder ses distances pour préserver un peu d'intimité à ceux qui exposent leur galère à la secrétaire derrière le guichet, comme à La Poste, où il y a carrément un trait sur le sol à pas dépasser, ou bien si ça voulait dire " Arrêtez de faire chier votre voisin en lui racontant votre vie et vos malheurs, ici, tout le monde souffre..." ?

Il y avait aussi une jolie salle d'attente avec, fixée sur la porte, une feuille disant Réservée pour la pédiatrie. Bien décorée avec des animaux marins, une caisse à jouets, des livres pour enfants, elle avait sans doute été installée pour des raisons sanitaires, pour ne pas exposer des enfants aux bactéries et aux virus de tous ces adultes une main déjà dans l'urne funéraire ? Hé ben, elle était squattée par une bande de "grands", sans doute illettrés, mais surtout bien con-cons car la destination de cette pièce était évidente. De vieux birbes retombant en enfance, peut-être ?

Des heures et des heures, et le nom tant attendu fut appelé, et quelques rognures d'ongles plus tard, ce fut le mien, pour la récupérer, enchantée d'avoir appris qu'une opération n'était pas envisagée. Le temps de passer dans une officine légale d'empoisonneur, de lui vider son stock de Doliprane © et de lui acheter un gilet du Docteur Berrehaille, immobiliseur d'épaules, bienfaiteur de l'humanité souffrante (publicité gratuite, mais ne vous sentez pas empêché de nous faire porter une caisse de bon vin ou deux, en réciprocité de courtoisie ?), nous pûmes regagner le bercail.

Une journée positive et bien remplie comme j'aimerais en vivre plus souvent.