Matthieu nous a évoqué les humiliations de l'enfance qu'avait soi-disant subi Sarkozy et ça m'a fait gamberger sur l'ambition. Je me souviens de la nouvelle "l'enfance d'un chef", de Jean-Paul Sartre, qui aborde le sujet, du "Rouge et le noir", aussi, bien sûr... Mais qu'est-ce qu'on a bien pu faire endurer à tous ces mecs qui ont les dents qui rayent le parquet, pour qu'ils aient en eux cette haine, cette hargne, ce plaisir jouissif d'enfoncer les autres, de les sentir à sa botte, à sa queue, s'il le fallait ...?

Perso je pense que l'éducation, les expériences vécues, les traumatismes, la génétique, ne suffisent pas à expliquer toute la personnalité d'un individu. Le petit Nico avait à la naissance un caractère qui ne supportait pas la contradiction, il réagissait sans doute fortement à tout challenge, et il était sans doute hyper actif. Tout le monde ne développe pas une paranoïa sociabilisée après avoir eu un grand frère grand et fort... Mais je ne veux pas discuter ici de l'innéité du caractère ou de son émergence circum-natale, de peur de me faire tambouriner sur la tête par mon associé q8^ )

Je voulais juste dire que j'étais fasciné par ces comportements de malades.

À qui veulent-ils prouver qu'ils valent quelque chose ? Quelle flamme de chalumeau ont-ils au cul pour qu'ils s'enfuient en écrasant tout devant eux, sans regarder ni à droite, ni à gauche ? Après quoi courent-ils ? Après rien puisque leur soif est insatiable. Ils sont "La Soif", ils sont "La Faim", ils en veulent toujours plus. Il ne peuvent pas dire "une fois président, je m'arrêterai", non, il leur faut un mandat, deux, trois, dix... C'est l'adrénaline, le goût du Pouvoir qui les mène par le bout du nez. Ça ne correspond plus à rien, ça ne veut plus rien dire, ce n'est plus que leur propre usine chimique organique qui leur prépare leurs petites giclées d'adrénaline ou d'autres drogues spécifiques à leur cas.

C'est quelque chose qui m'est complètement étranger. Je veux dire cette frénésie d'arriver socialement, financièrement. Cette manie de ne fréquenter que des gens susceptibles de servir tes intérêts, et, dès que tu montes en grade, couper les ponts avec ceux qui sont restés en dessous, les minables. Toujours regarder vers le haut, vers les futurs "égaux", considérer la vie comme un ascenseur qui t'es réservé personnellement de toute éternité. Pour obtenir cette mentalité, il a fallu concentrer son énergie sur les valeurs matérielles et le fric. Le reste devient le décor de cette obsession. La culture, oui, il faut qu'elle reflète la classe sociale souhaitée : à un certain niveau, il n'y a pas de salut sans de l'opéra, de la peinture cotée, des bronzes monumentaux, à la hauteur de sa mégalomanie. Les grandes idées, les valeurs éternelles, oui, elles permettent d'enjoliver un discours, de lui donner de la profondeur. L'humanité, très important, ça, la solidarité, l'attention à l'autre, les envolées lyriques pour le petit personnel doivent être chargées d'affect, ça marche depuis des siècles et la ficelle ne s'amenuise pas. Nous avons tous besoin d'amour.

Eux aussi. Eux, les ambitieux, les obsédés de l'épate, les accros au fric, à la réussite, et c'est là que le bât les blesse. Ils sont jaloux de ceux du dessus, ils sont prêts à les tuer pour avoir leur place, ils ont peur de ceux du dessous, ils entendent leurs grincements de dents de convoitise, ils vivent dans un monde de rapports de forces, où voulez-vous que l'amour trouve une place, même riquiqui, dans cette sorte de vie ? Ils sont en manque d'amour, alors ils compensent en se contentant de respect, d'admiration, de bravos, mais le manque est toujours là, prégnant, envahissant, et ils sont désespérément seuls.

Et loin de toutes ces grimaces, car les gens qui souffrent font aussi souffrir les autres, mes pôtes et moi, on écoute mûrir le vin et on regarde pousser les arbres.