Drancy... Ma banlieue, là où j'ai grandit, une ville ? Pas encore, la cambrousse ? Déjà plus ! Un entre deux, comme l'entre deux guerres, l'entre deux mers aussi, les années d'insouciance pour moi, les années où l'on apprend tout, lire, écrire, compter, et... Les filles !

Les fillettes des années quarante portaient des nattes, une jupe plissée le plus souvent, un pull, des chaussettes bien tire bouchonnées sur leurs jambes genre "tige de frein" les rondeurs arriveraient plus tard ! Des sandalettes l'été avec des socquettes blanches... Pas longtemps la blancheur ! Les écoles n'étaient pas mixtes, on se regardait un peu en chien de faïence, il faudrait attendre quelques années avant qu'on les regarde tout autrement.

Ah les filles ! Gamins c'étaient "les quilles" va savoir pourquoi ? Bien mystérieuses les quilles, mes potes et moi on avait tous des frangines, guères plus âgées, ou plus jeunes, pas de beaucoup non plus.

Mais une sœur ça ne compte pas, on ne la regarde pas vraiment comme une fille, c'est la frangine, point. La casse couilles, souvent elle moucharde auprès de Môman, enfin la mienne pas trop, nous n'avions que 15 mois d'écart, nous étions très proches.

Mais ce qui me surprenait, c'était leurs jeux... Ah les jeux des filles, dans notre quartier, on ne jouait pas avec les filles, tu penses, ça aurait été la honte !

Nan mais tu vois un "mec" jouer à la baballe sur un mur, en chantant des contines ?

- Partie simple... Sans bouger... Sans rire.. D'une main... D'un pied...

Et là à ce moment précis, quand elles étaient tel un héron, une guibolle levée, en équilibre sur l'autre, lançant la baballe d'une seule main, on arrivait d'un coup, les bousculant, alors pour ne pas s'étaler, elles perdaient la balle !

Je me souviens d'une fille grande, les muscles en long comme les araignées, musclée comme un corbeau de course, mais une détente ! Elle nous faisait la courette et nous rattrapait à chaque fois, elle nous filait des beignes dans les côtes ! Bien sûr on ne ripostait pas, les filles on ne les tape pas, un peu arsouilles sans doute, mais il y a des principes tout de même !

Face à l'entrée de l'épicerie buvette, devant notre maison, le trottoir était cimenté, c'est là que munis de galoches cloutées, les garçons s'élançaient, finissant en glissade, les clous faisant des étincelles sous les pompes ! Les filles traçaient des marelles, un demi cercle : Terre, 1, 2, 3, une croix, 4 à gauche, 5 à droite, puis 6, et enfin une autre croix 7 à gauche, 8 à droite, et tout en haut : un autre demi cercle, le ciel !

Un caillou plat en guise de palet ou une boîte de cirage ( le cirage était vendu dans des boîtes en fer circulaires) vide,, lestée avec des cailloux ou de la terre.

Alors bien sûr on passait le nez au vent, et brusquement un coup de pompe dans la boîte, et cavalcade !

Par les belles journées d'été, elles s'installaient à l'ombre et jouaient "à la dinette", bien sûr on venait les emmerder, un p'tit coup de sorlot dans le beau service en fer peint de jolies couleurs

- Pardon j'l'ai pô fait essssprès !

- Salaud j't'ai vu, si tu l'as fait exprès, MANMAN !...

Alors on détalait craignant les foudres de la tigresse soucieuse du bien être de sa progéniture.

Le seul jeu que nous partagions était la corde à sauter, tu penses les boxeurs eux même la pratiquaient ! Et là aussi une contine accompagnait la course de la corde, pour donner le rythme sans aucun doute.

- Le Palais Royal est un beau quartier,

- Toutes les jeunes filles sont à marier..

- Mademoiselle Claudine est la préférée...

- De Monsieur Jean Pierre qui veut l'épouser...

Et là le dénommé Jean-Pierre, flatté certes mais un peu nunuche, affichait sous le rose de ses joues un sourire crétin du plus bel effet.

Les années ont passées, Claudine, Marie-Claire, Françoise, ont grandies, les muscles se sont arrondis, les bustes et les bas du dos aussi, on se disait toujours bonjour, l'air un peu gêné, et nous sommes tous et toutes aller chercher bien loin ce qui était à notre porte !

(ch'tiot crobard Andiamo)