Préambule : Ce billet je l'avais écrit en 2008 ! Une pure fiction à l'époque, et voilà qu'aujourd'hui il est d'une brûlante actualité, dans la première version il s'agissait du Président du Kamtchatka, je l'ai remplacé par le bouillant Kim Jong Un ! Pour les voyages dans le passé il faudra attendre encore un peu.

Depuis quinze jours les chaînes de télévision, les stations radios, les journaux, internet, tout ce qui touchait de près ou de loin à l'information, suivaient, minute par minute, l'actualité brûlante en ce début de juillet 2030.

Aurons nous la guerre ? La Corée du nord indépendante depuis 1953 suite aux accords de Panmunjon, reprenait ses hostilités à l'encontre du monde occidental, déjà en 2017 son président Kim Jong Un, plus jeune alors avait défié les Etats Unis, le président Trump avait failli suite aux provocations de ce truglion, déclencher une troisième guerre mondiale. La tension avait baissée, la Chine ayant réussi à calmer ce petit Coréen un peu trop nerveux.

Et puis, fin Août, le président de la Corée du nord, toujours Kim Jong Un, (réélu avec 98,5% des voix) ! Avait fait brusquement volte-face, on murmurait à titre officieux que la Chine aurait menacé le président Kim Jong Un, des pires sévices, si ce dernier ne se calmait pas.

Le calme était revenu, et pour longtemps. Un matin, on avait retrouvé le bouillant et très démocratique président de la Corée du nord, pendue dans sa résidence secondaire, située dans la banlieue de Pyongyang la capitale !

Rodolphe Mézières, planté devant l'affiche en 3D 4x3, lisait la pub de la très sérieuse agence "RETRO-TEMPO" : de la reine Margot à Mao, rien n'est impossible pour RETRO-TEMPO ! Un peu débile, leur slogan qui proposait pour 2000 "Mondos" seulement un voyage dans le passé (le Mondo était devenu la monnaie internationale officielle en 2019, après le crack de Wall Street, tous les pays l'avaient adopté, sauf bien sûr ceux en voie de développement qui avaient été écartés, trop pauvres pour partager le gâteau, comme d'habitude !). Quant aux Suisses : ils n'étaient ni pour ni contre, bien au contraire !

Deux mois plus tôt, Rodolphe avait gagné 2000 Mondos au grand jeu Internet-Bol, l'animateur demandait le nom de la capitale du Kamtchatka et, bizarrement, il venait tout juste de l'écrire à l'ancienne sur une feuille de papier, aussi avait-il été le premier à faire courir ses doigts sur le clavier : Petropavslovsk-Kamcatskij, et avait gagné, devançant de deux centièmes de seconde son plus proche concurrent.

Ayant pris rendez-vous via Internet, Rodolphe se rendit dans l'immeuble cossu de l'avenue d'Iena, qui abritait les luxueux bureaux et laboratoires de Rétro-Tempo. Là, une hôtesse genre "top-modèle", tailleur bleu pétrole, escarpins assortis, décolleté vertigineux, l'accueillit, sourire "Ultra-Brite" sur ses dents carnassières.

- Bonjour Monsieur, vous désirez ?

- Euh...Bonjour Mademoiselle, je suis Monsieur Mézières, j'ai rendez-vous aujourd'hui avec Monsieur Dampierre.

L'hôtesse coiffée de son casque-micro, manipula un minuscule interrupteur placé à son poignet.

- Monsieur Dampierre ? Pouvez-vous venir un instant, votre rendez-vous vient d'arriver, merci.

Un homme d'une quarantaine d'années s'avança, main tendue, sourire éclatant sur un visage légèrement hâlé, poignée de main virile : Monsieur Mézières ?

- Oui

- Si vous voulez bien me suivre...

Après s'être calé dans un profond fauteuil, Rodolphe, un peu gêné, expliqua à son interlocuteur que son fantasme absolu serait de voir Marilyn Monroe, pouvoir respirer son parfum, juste humer le numéro 5 de Chanel laissé dans son sillage !

Dampierre sourit : je vous comprends parfaitement Monsieur Mézières, moi-même, voyez-vous...

- Ah bon vous aussi ? Et les voilà partis à se rappeler : 7 ans de réflexion, Bus-Stop, Comment épouser un millionnaire, The misfits, etc, etc.

Monsieur Mézières, rien de plus facile, nous pouvons parfaitement satisfaire votre désir, toutefois, vous devrez nous laisser un petit délai : juste le temps de nous assurer que votre petit séjour dans le passé, ne risque pas, et ce en aucune manière, d'influer sur l'avenir. Le fameux "effet papillon".

L'effet papillon ? interrogea Rodolphe. Dampierre lui sourit, puis calmement lui expliqua : un battement d'aile de papillon au Chili, peut-il provoquer une tornade au Texas ? Cela vous fait sourire Monsieur Mézières, mais écoutez ceci :

A cause d'un embouteillage, une voiture dut s'arrêter.

A cause du passager qui se trouvait à bord, un homme s'approcha.

A cause de sa haine pour l'homme qui se trouvait à bord, l'homme sortit un pistolet de sa poche, et tira.

A cause de la mort du passager, un pays entra en guerre contre un autre pays.

A cause des alliances internationales de ces deux pays, le continent s'embrasa.

A cause de l'importance du continent sur la scène mondiale, la terre entière bascula dans la guerre.

Tout cela au départ, à cause d'un embouteillage !

Comme vous l'avez compris Monsieur Mézières, ça s'est passé le 28 Juin 1914 à Sarajevo, Gravilo Princip venait d'assassiner François-Ferdinand, héritier de l'empire Austro-Hongrois, cet assassinat a déclenché la guerre de 14-18.

Un embouteillage, Monsieur Mézières, un simple embouteillage, vous comprenez maintenant notre prudence, il nous FAUT prendre toutes les précautions possibles et imaginables avant votre "télé-portation".

Deux semaines plus tard, Rodolphe reçut dans sa boîte à mails, un message lui donnant rendez-vous pour le lendemain. Munissez-vous de votre carte de crédit, était-il mentionné à la fin du message !

Même accueil que précédemment, sauf que l'hôtesse avait troqué son tailleur bleu pétrole, pour une tenue hyper sexy : pull jersey beige moulant, ne cachant pas grand-chose de son anatomie, micro-jupe brun de madère, et enfin bottes cuissardes en box-calf, assorties au pull complétaient la tenue de la jeune femme.

Rodolphe, après avoir acquitté la totalité de son "transfert", fut conduit dans la partie laboratoire de l'établissement, cette pièce était située au sixième et dernier sous-sol de l'immeuble. Serré contre l'hôtesse dans l'étroit ascenseur, il louchait sans vergogne sur les courbes généreuses de la bimbo.

L'ascenseur s'immobilisa, la jeune femme sortit la première, large sourire à l'adresse de Rodolphe, puis elle s'engouffra dans l'étroite cabine et disparut.

Dans la grande salle aux murs en inox "brossés", étaient présents : Monsieur Dampierre, portant une blouse blanche, ainsi qu'un assistant habillé de blanc également, le long du mur une rangée d'ordinateurs, au centre de la pièce un grand fauteuil métallique.

L'assistant conduisit Mézières jusqu'à une cabine d'essayage placée dans un des coins de la pièce : "Monsieur Mézières, je vous prie de vous changer, vous trouverez dans cette cabine les vêtements que nous vous avons préparés, quand vous serez prêt, venez nous rejoindre s'il vous plaît".

Voilà un "machino" plus vrai que nature ! s'écria Dampierre en voyant arriver Rodolphe dans sa combinaison grise, avec dans le dos écrit en lettres rouges : 20th Century Fox.

Vous allez être heureux, Monsieur Mézières ! Nous allons vous transporter à Hollywood, dans les studios de la 20th Century Fox, sur le tournage de "Sept ans de réflexion" ! Vous assisterez à la "mise en boîte" de la scène culte sur la bouche de métro !

Alors Monsieur Mézières, heureux ?

- Ah oui alors, plus que ça même, c'est comment dire... WAOUH !

Mais je vous rappelle que vous ne devrez toucher à rien, ne pas vous faire remarquer, on vous a habillé en "machino", vous passerez inaperçu, votre séjour sera bref, cinq minutes à peine, mais de grâce pas d'incidents, l'effet "papillon" n'oubliez pas !

Dites voir, s'il se produisait une panne de courant interroge le futur "voyageur" ? Aucun risque, cher Monsieur, nous sommes alimentés par deux groupes électrogènes, eux-mêmes fonctionnant grâce à une pile à combustible, autonomie totale, allons détendez-vous, tout ira bien. Et puis une fois le processus enclenché, tout est automatiquement géré par notre batterie de supers ordinateurs, connectés entre eux. Si, par le plus grand des hasards, l'un d'eux tombait en panne, les autres le relairaient, et puis que voulez-vous qui arrive de fâcheux ? Nous sommes bien protégés au sixième sous-sol. Allez, keep cool, comme on dit en Auvergne, ah ah ah !

Rodolphe n'en mène pas large, malgré les efforts de Dampierre pour détendre l'atmosphère. Ce dernier s'affaire sur le clavier, l'assistant, lui, est aux manettes.

Léger bourdonnement, une petite sensation d'apesanteur, l'odeur d'ozone qui lui pique légèrement les narines, sensation de vertige...

Soudain, Rodolphe plisse les yeux, un énorme projecteur l'aveugle, il porte la main à son front, pour en faire une visière. Et là, au milieu du plateau, il aperçoit son idole, elle est debout sur une grille, un énorme ventilo est placé dessous, le courant d'air soulève sa jolie robe blanche. Marilyn a beaucoup de mal à retenir le tissu qui virevolte dans tous les sens, elle rit de bon coeur : "Oh my God" ! lâche-t-elle à tout instant.

Calé dans un fauteuil de toile, Billy Wilder observe la scène. A coté de la belle Marilyn, Tom Ewell sourit, l'air goguenard, les caméras ne tournent pas encore, une répétition en somme. La jolie blonde sort de son décolleté un Kleenex et s'essuie les yeux, le courant d'air lui a fait couler une petite larme.

Action ! hurle Wilder. Marilyn lâche le petit mouchoir, celui-ci, porté par le courant d'air, atterrit aux pieds de Rodolphe, il hésite un instant, puis n'y tenant plus, il se baisse, le ramasse et le glisse rapidement dans sa poche.

Le parfum de Marilyn, porté par l'air brassé grâce au ventilo, vient réjouir l'odorat du faux machino, il s'en gave les fosses nasales, quel spectacle ! La robe blanche se soulevant, découvrant les jambes de Norma Jean, le numéro 5 lui parvenant en pleine face,et puis ce plus qu'il serre dans sa main, le petit mouchoir de papier qui a essuyé une larme de Marilyn, peut-être sera-t-il imprégné de SON parfum ?

Sans transition, l'ôdeur d'ozone remplace le numéro 5, la désagréable sensation d'apesanteur, les légers picotements, puis Rodolphe se retrouve dans le labo, il est vide, personne pour l'accueillir, il descend du fauteuil métallique, appelle : oh ! il y a quelqu'un ? Personne, sa voix résonne contre les murs en inox.

Il se dirige vers le petit ascenseur, appuie sur le bouton d'appel, rien ne se produit. Alors il emprunte l'escalier. Merde, songe-t-il, 2000 Mondos, bonjour la technique !

Il traverse le hall, vide lui aussi, l'hôtesse n'y est plus, pourtant mon "voyage" n'a duré que cinq minutes, songe-t-il, que s'est-il passé ?

Il se retrouve sur l'avenue... Le chaos, des immeubles en ruines, les voitures enchevêtrées, des cadavres jonchent les trottoirs, façades noircies... Rodolphe se dirige vers la place de l'Etoile, même spectacle de désolation.

Puis il commence à descendre les Champs Elysées, un homme hagard surgit du Drugstore Publicis, des boîtes de conserves plein les bras, putain de Kim Jong Un, grommelle-t-il !

Il l'a fait, songe Rodolphe, il l'a fait, comment est-ce-possible ? Pourtant il est mort : PENDU !

Alors, il plonge la main dans la poche de la combinaison grise, sort le petit Kleenex, le porte à son visage, identifie immédiatement la fragance : Numéro 5 de CHANEL.

(ch'tiot crobard Andiamo)