Mais où est Evelyne ?

Dès qu'elle s'éloigne un peu de lui, il répète cette question "Mais où est passée Evelyne ?". C'est un évelino-dépendant. Quand elle se rapproche, il est rassuré. Elle a une importance énorme dans sa vie. Il s'approprie son travail. Il a besoin de son écoute. Que ferait-il sans aide, sans elle, sans cette femme qu'il veut là, à son côté, disponible, heureuse même, au besoin ?

C'est un nombril énorme, bourré de neurones très intelligents et de compétences raffinées. Mais c'est un enfant, perdu sans sa présence féminine. Sa colonne vertébrale, c'est elle. Sa stature debout, c'est grâce à elle. S'en désincarcerait-elle qu'il se répandrait, liquide, sur le sol.

C'est une responsabilité.

Elle se tracasse du bruit que produirait son envol. Elle a peur d'être désignée comme seule coupable par l'enfant commun. Elle est peut-être émue, aussi, par toute cette fragilité ? Ou solidaire, consœur d'inquiétude ?

Mais qui est Evelyne, hors de ce rôle qu'on lui a tendu ?

Elle est Elle, pleine d'espérance et de génialogies qui n'appartiennent qu'à Elle. Elle est celle, en tout cas, qui a su aligner sur du papier les beaux vers libres qui suivent :

Je remplirai ma vie mon amour étoilé
De cieux qui n'auront pas la couleur de tes yeux
Et de gestes parfaits où tu n'entreras point

J'inventerai pour moi des pays inconnus
Des hommes à me donner de nouvelles images
Des hommes à me rêver un monde sans mémoire

Je ferai de ma vie une belle moisson
Et je partirai seule dans le blé et les fleurs
Et je partirai seule et sans t'imaginer

Les gares porteront d'autres noms que le tien
Les rues ignoreront le bruit même de tes pas
La fontaine jamais n'aura vu ton visage

Je ferai de ma vie un grand jardin sonore
Les oiseaux oublieront ta voix dans leur chanson
Les roses brûleront sans connaître ton rire

L'herbe sera douce sans caresser tes mains
Et l'eau murmurera sans savoir tes paroles
Les allées partiront en voyage loin de toi

Une aurore de mai où le ciel sera vert
Je chanterai pour moi un refrain d'étrangère
Je me reconnaîtrai au miroir des regards

Et j'oublierai ton nom en voyant le soleil