L'huile d'olive se conserve longtemps grâce aux anti-oxydants de ses noyaux broyés, mais faut pas exagérer !

Plusieurs mois déjà que j'ai confié mon bidon d'huile à mon fils, qui habite en Savoie, avec comme consigne de le faire passer à Nathalie, qui n'habite pas loin, en échange de

Mona 3 étoiles

son troisième et dernier roman (pour le moment). Et à chaque fois qu'il rapplique à la maison, c'est "Je n'ai pas eu le temps", "J'ai oublié", "Le gaz-oil est cher", "Je travaille, moi...". Bon, à ce niveau d'excuse, sachant exactement sa situation réelle de chômeur professionnel, j'ai commencé à tiquer et je me suis permis d'élever légèrement la voix :

Mais bordel à cul, je vais le lire quand, le livre à Nathalie ? À la saint Bling-bling ? T'as que ça à foutre de tes journées alors tu vas peut-être y arriver, à aller me le chercher ? Je te préviens : la prochaine fois que tu redescends, tu l'as, sinon ça va chier dans le sèche-cheveux !!

Un bon pédagogue sait trouver les mots qui valorisent l'enfant afin de renforcer sa confiance en lui et lui permettre de passer à l'acte de manière efficiente. Et le voilà sous mes yeux, ce Mona 3 étoiles, que tous nos commentateurs ont lu, sauf moi, par la faute de ce §&X$*% de fils indigne.

Il ne paye pas de mine, il est blanc avec juste la soupière stylisée en rouge et en haut à gauche, cette soupière qui tient le rôle principal ou presque, dans cette saga de banlieue. Le mot de saga est employé à dessein. Même si le fantastique du quotidien, fraternel, inhérent au style de Nathalie, a reçu un bémol dans ce dernier livre, c'est pour laisser le passage au souffle épique du mythe, sur un tempo plus universel. Nathalie, travestie en une petite vieille, Mona, on ne peut plus française moyenne, a néanmoins des choses importantes à nous dire, des réponses à nos angoisses ordinaires.

Entrez sans frapper dans ce bouquin, vous vous y sentirez de suite à l'aise. Rien de moins "héroïques", de moins intimidants que ces personnages de tous les jours que l'on croise à tout bout de champ. Rien de plus banal que leurs petites amours contrariées, que leurs erreurs, que leurs faux pas, ce sont les nôtres. Le suspense est ainsi assuré, de manière naturelle, par la simple humanité qui se dégage comme une vapeur légère de ces scènes sympathiques, émouvantes, tristes, généreuses, crispantes, vraies, à l'image de la vie, notre vie.

Dans notre monde actuel, où les anciennes valeurs obsolètes et paternalistes ont été remplacées par l'égoïsme, la course au pouvoir et la frénésie de consommation, la fraicheur humble de ces petites gens qui réinventent au coup par coup un nouveau "vivre ensemble" fait de respect, d'écoute et de regards, ressemble à une vraie révolution intérieure.

À plusieurs, en s'entraidant, entre individus se choisissant librement, on est plus meilleurs, nous dit Mona. Ce n'est pas en essayant servilement d'imiter son voisin que l'on se réalisera. C'est en plongeant dans ses propres profondeurs, en suivant son instinct, sans prise de tête, que la réponse aura des chances d'être fine. Parodiant Serge Lama, Mona trouve par exemple que l'enfant pour la mère, c'est celui qui est là et qui lui tend les bras. Vivant au jour le jour, n'ayant qu'une vie, considérant qu'un tient vaut mieux que deux tu l'auras, elle se choisira des enfants à portée de main et de cœur.

Mona, c'est le retour à la simplicité rude et à l'évidence.

Le rythme est là, le style est fluide, créatif, on ne s'ennuie pas, on se passionne pour Mona, cette grande dame si modeste et ses amis aidants/aidés, pour sa vision si originale, si positive de notre environnement social, mais bien sûr éminemment critique, voire taquine.

Pour ceux qui connaissent le look d'adolescente attardée de Nathalie, ne vous y trompez plus : Mona 3 étoiles est le roman de sa maturité confirmée.