Voilà c'est dit : le titre m'a de suite paru zarbi car il crée une incertitude ; on ne sait pas si c'est Dieu qui signe un CDI ou lui qui embauche, et pour un gars maniaco-répressif comme moi qui aime bien titiller les petites bêtes avec une plume, et ben c'est déstabilisant, surtout qu'on ne connait la réponse à cette question qu'à la toute fin du bouquin.

Et qu'il n'est pas dans mes habitudes (contrairement à Margotte) de lire la chute en premier.

Donc, comme ce n'est pas vraiment une chute, enfin, ce n'est pas vraiment comme si je révélais le nom de l'assassin ou un truc du genre, j'ai pas peur, je balance, je révèle, ben moi, pour que ça soit bien clair, j'aurais appelé le roman "Un CDI chez Dieu . Je sais, je suis un gros emmerdeur compliqué.

Au commencement était le Verbe
Et le Verbe était auprès de Dieu
Et le Verbe était Dieu

Jean-Louis Bertoni, l'auteur, connait certainement ce célèbre début de l'Évangile selon Jean. La jouissance d'utiliser le Verbe transpire de chacune de ses pages. La métaphore d'attaque du début est particulièrement expressive, avec ses lettres-graines qui ont leur vie et leur folie propres. Les valeurs importantes et les grandes philosophies sont hélas dépendantes des lettres et même Dieu s'y perd les pédales et peut connaitre un coup de déprime.

C'est pas le mauvais bougre, Dieu, mais la tache est si énorme, les prières si nombreuses à exaucer ? Le monde pète un câble, les fusibles ne sont plus assez costauds, la galère prend l'eau de toute part et ça tombe mal : Dieu a comme qui dirait un méchant coup de mou dans la corde à nœuds, là, juste au moment où il faudrait pourtant qu'il assure.

Hein, les enfants, que ce fainéant de Dieu se la coule douce ? Hou hou, criez avec moi contre lui, faites-lui honte, les petits nenfants !

Jean-Louis nous pose, et il y répond, l'éternelle question pleine d'incompréhension :

Mais s'il y a un Dieu, pourquoi laisse-t-il se perpétrer toutes ces horreurs, toutes ces guerres, pourquoi n'empêche-t-il pas les humains de se diriger tout droit vers un suicide collectif ?

Le cinquième Evangile apocryphe selon Jean-Louis est d'avis que Dieu est un peu dépassé par les évènements, qu'il voit les choses de trop haut. Que la Création, bon, c'était rigolo au début mais que sa nomination au service Gestion l'a mené à son niveau d'incompétence, comme l'explique le principe de Peter. Il aurait grand besoin d'un peu d'aide.

C'est là qu'apparait notre Héros qui d'ailleurs se nomme Harro, ça ne s'invente pas ! Je le vois comme une espèce de messie. C'est le gars tout à fait normal mais justement il a cette humanité qui manque à Dieu, qui est trop divin, trop trop, quoi ? Il a quand même une qualité hyper rare et qui manque à 99,99 % de la population terrestre : si tu lui donnes le pouvoir absolu, il ne prend pas la grosse tête mais les bonnes décisions. Il faut dire qu'il est pleinement heureux, qu'il aime la vie, la bouffe, la baise, qu'il est amoureux et que c'est réciproque.

Un vrai homme, je vous dis, bien au fait de ce que demande le peuple. Le bonheur. Et un navigateur, en plus. La mer, avec ses sacs plastiques, ses bidons, sa mousse chimique, ses poissons morts intoxiqués, ses futs radioactifs, est devenue la poubelle du monde soi-disant civilisé et l'on retrouve la pollution, dispersée par les courants, dans les endroits les plus reculés du Monde, que l'on croit protégés. Les marins ont été les premiers à prendre conscience de l'état catastrophique de la planète. Harro reprend d'ailleurs une idée de Bernard Moitessier : pour humaniser les villes, il y fait pousser des arbres aux fruits délicieux. Les habitants n'ont qu'à se baisser pour se régaler. Vous avez essayé de bouffer le fruit du platane ? Ça donne envie de tuer son prochain ? Ben c'est des platanes que nos politiques font planter le long de nos avenues !

Et on s'étonne ?

Les aventures de Harro et de sa copine bandante au possible sont passionnantes, ils sillonnent le monde, fuient la notoriété... On ne s'ennuie pas avec eux, le livre déborde d'imagination, de lucidité, de formules-chocs, d'idées pleines de finesse et surtout, et là je pense que l'on arrive à la raison première pour laquelle Françoise l'a édité, ce roman est d'un optimisme échevelé et on y respire la vie la liberté et la bonne humeur.

Une perle rare en notre époque de veilleurs de morts.

L'espérance, c'est les jambes de la tête !, comme dit Dieu.

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Éditions Autres Mondes

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